10 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |9 juillet 1790.] Le secret des postes nous a paru tenir d’une manière trop essentielle à la liberté publique et particulière pour ne pas proposer d’ôter jusqu’aux moyens de la violer. Nous avons pensé que le serment des chefs de l’administration des postes ne pouvait pas même rassurer contre les efforts du pouvoir exécutif, s’il pouvait destituer à volonté ceux qui refuseraient de le servir. C’est pour rendre libres de toute crainte les chefs de l’administration des postes que, si nous avons proposé d’en laisser le choix au roi, nous avons dû demander qu’ils soient institués à vie et qu’ils ne puissent être destitués que pour forfaiture jugée. C’est pour les fortifier contre toutes les atteintes de la séduction, que nous avons demandé qu’ils fussent punis comme coupables de lèse-nation s’ils violaient leur serment , aucune de ces précautions ne peut ni ne doit être proposée pour aucune autre partie de finances. Ces considérations, ces motifs et ces raisons ont déterminé votre comité à penser que les postes doivent rester séparées. Réduire au plus petit nombre les ordonnateurs, leur laisser assez d’autorité pour qu’ils puissent agir d’une façon expéditive, leur ôter tous les moyens de nuire ; lever les entraves que l’intérêt particulier peut mettre aux besoins du gouvernement, de la politique et du commerce; assurer l’inviolabilité des dépêches ; faire les économies possibles sur les dépenses existantes, et prévenir les dépenses inutiles; assurer à l’Etat tous les produits de la poste aux lettres; concilier enfin, autant qu’il se pourra, les droits de la liberté et les besoins du Trésor public : telles ont été les vues qui nous ont dirigés dans la rédaction du projet de décret ci-après, que nous avons l’honneur de vous proposer : PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. Le traitement de cent mille livres attaché à l’intendance générale des postes, à cause de la distribution des dépenses secrètes des postes, précédemment existantes, est supprimé, ainsi que les trois cent mille livres de dépense formant le salaire des personnes attachées au secret des postes. Art. 2. L’Assembléenationale supprime, à partir du 1er août 1790, tous titres et traitements des intendants des postes et des messageries. Ceux de l’inspecteur général des postes; Les gages dos maîtres des courriers ; Ceux des offices des maîtres de postes, créés par édit de 1715, qui ne sont pas appliqués au payement des service de malle, ainsi que les frais de comptes. Supprime également les titres et traitements de la commission des postes et des messageries, ceux des officiers du conseil des postes, les dépenses relatives aux employés et bureaux de l’intendance, celle des indemnités, et celles dites de la surintendance; lesdites dépenses formant ensemble la somme de deux cent six mille livres ; renvoie au comité des pensions les parties de cette dépense qui y sont relatives, ainsi que les réclamations à l’occasion des suppressions résultant du décret. Art. 3. Les postes aux lettres, les postes aux chevaux et les entreprises delà ferme des messageries continueront à être séparées quant à leur exploitation ; mais, pour maintenir l’équilibre entre les intérêts opposés et concurrents de ces trois parties, elles seront réunies, à dater du premier août prochain, sous Eautorité et la direction en chef de trois directeurs généraux des postes. Ces directeurs généraux résideront à l’hôtel des postes, à Paris, et ils rempliront, jusqu’au 31 décembre 1791, les seules fonctions des quatre intendants des postes et de l’intendant des finances chargé des messageries. Ils feront les dispositions nécessaires pour donner aux services de ces trois parties toute la sûreté et la célérité dont ils sont susceptibles ; pour former les établissements que demandent les besoins du gouvernement, d’après la nouvelle division du royaume, et ceux qui peuvent être utiles au commerce ; pour mettre l’Assemblée nationale en état de prononcer sur le changement du tarif des lettres, sur les règlements à conserver, à rectifier ou à faire; pour obtenir tout' s les économies et les augmentations de produit dont ces parties d’administration sont susceptibles. Enfin, pour que ce qui sera décrété en conséquence, puisse avoir son exécution au premier janvier 1792, au plus tard, et en totalité. Art. 4. Le bail des postes passé à Joseph-Basile Poinsignon, par le résultat du conseil du 2 avril 1786, pour finir au 31 décembre 1791; ensemble les soumissions des fermiers, postérieures au bail, notamment celle du 29 septembre 1789, portant abandon, à titre de don patriotique, de la totalité des trois quarls des bénéfices du bail des postes, auront leur pleine et entière exécution. A cette époque, demeurera la forme d’administration actuelle totalement supprimée, afin qu’à dater du 1er janvier 1792, l’administration des postes aux lettres, la direction des postes aux chevaux, et celle des entreprises de la ferme des messageries, soient uniquement faites sous la direction des trois directeurs généraux des postes, résidant à l’hôtel des postes. Art. 5. Avant le 1er août prochain, les directeurs généraux des postes prêteront serment, entre les mains du roi, de garder et observer fidèlement la foi due au secret des lettres de toute la correspondance du royaume, et de dénoncer au tribunal, qui jugera les crimes de lèse-nation, toutes les contrareixtions qui pourraient y être faites et qui parviendraient à leur connaissance, le tout sous peine d’être poursuivis comme criminels de lèse-nation. Le même serment sera prêté par tous les préposés des postes, entre les mains des municipalités des lieux où ils seront employés. Art. 6. Les trois directeurs généraux des postes seront au choix du roi. Art. 7. Les trois directeurs généraux des postes seront institués à vie, et ne pourront être destitués que pour forfaiture jugée. Art. 8. Sera supprimé au profit du Trésor public l’intérêt que l’intendant des postes a dans le bail des postes, sous le nom de fermiers, de même que celui des fermiers actuels, qui seront choisis pour remplir les places de directeurs généraux : les bénéfices résultant desdits intérêts seront versés au Trésor public: ne seront néanmoins remboursables les fonds de cautionnement faits par les-dits intéressés, pour sûreté du prix du bail, que comme ceux des autres fermiers, s’il n’est pas auparavant pourvu à leur remboursement. Art. 9. A dater du premier août prochain, le traitement de chacun des trois directeurs généraux sera fixé et demeurera réduit à la somme de vingt mille livres ; il ne leur sera accordé collectivement qu’une somme de quarante-cinq mille livres, pour fournir à la dépense de leur secrétariat, chauffage, éclairage et à tous les frais [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juillet 1790.] de leurs bureaux particuliers, généralement 1 quelconques. Seront, les dits traitements et frais de bureaux acquittés par la caisse des postes, comme dépenses d’exploitation. Art. 10. A dater du 1er janvier 1792, toutes les dépenses et recettes de postes aux lettres et des postes aux chevaux, ainsi que la recette du prix du bail des messageries, seront faites par un trésorier choisi par le roi ; il versera les produits nets au Trésor public et comptera ainsi qu’il sera ordonné par l’Assemblée. Ce trésorier sera sous les ordres du minisire des finances, et sous l’inspection des trois directeurs généraux ; il sera logé et aura pour traitement personnel et fixe, une somme de seize mille livres. Art. 11. Après l’expiration du bail actuel des postes, l’état des dépenses fixes et l’aperçu des dépenses variables, seront faits tous les deux ans par les directeurs généraux des postes; et après avoir été soumis à l’examen du ministre des finances, ils seront présentés aux législatures, pour en être les dépenses autorisées et ordonnées ; ne pourront les dépenses desdits états être excédées par les directeurs généraux des postes, sans l’autorisation expresse du ministre des finances, qui en justifiera aux législatures. Art. i2. Tous les ordres et règlements relatifs au régime intérieur, à la police, discipline, exploitation et administration des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries, seront faits par les directeurs généraux des postes, suivant l’exigence des cas et les besoins de service ; mais les règlements de police extérieure, et qui pourraient entraîner des perceptions ou une action contre des citoyens non-préposés, ou agents de ces services, seront seulement proposés par les directeurs généraux des postes, et après avoir été soumis à l’examen du Comité de l’Assemblée qui devra en connaître, seront lesdits projets et règlements rappoités à l’Assemblée nationale ou aux législatures, pour qu’il y soit statué. Art. 13. Les directeurs généraux des postes suivront l’exécution de tous les décrets et règlements qui seront rendus sur les postes aux lettres, les postes aux chevaux et les messageries, et donneront tous les ordres y relatifs. Ces ordres, et tous ceux qu’ils seront dans le cas de donner seront signés au moins de deux d’entre eux. Art. 14. L’Assemblée nationale ajourne l’examen du tarif de 1759, et celui de tous les règlements d’après lesquels sont administrées les postes aux chevaux et les messageries; ordonne qu’ils continueront à avoir leur pleine et entière exécution, en ce qui n’y est pas dérogé par le présent, et jusqu’à ce qu’elle en ait fixé les dispositions par de nouveaux décrets. Art. 15. Les maîtres de postes aux chevaux continueront d’être pourvus de brevets du roi pour faire le service qui leur a été attribué jusqu’à ce jour aux charges et conditions décrétées. Art. 16. L’Assemblée nationale ayant décrété, le 25 avril dernier, que pour raison des charges auxquelles sont tenus les maîtres de postes, il leur serait accordé, à dater du jour de la suppression de leurs privilèges, une gratification de trente livres par cheval entretenu à leurs relais, que le nombre en serait fixé par chaque législature et constaté par les municipalités des lieux; elle leur enjoint de faire cette véritication chaque quartier et d’en délivrer un certificat aux maîtres de postes. Art. 17. Sur le vu des certificats des municipalités, et d’après l’état arrêté par l’Assemblée nationale, les directeurs généraux feront payer, 11 chaque quartier, sur la caisse des postes, ce qui reviendra au maître de chaque relais, soit pour ladite gratification, soit pour le prix du service des malles. Art. 18. Seront attribuées aux contrôleurs des postes résidant dans les provinces, les fonctions des ci-devant inspecteurs et visiteurs des postes, et sous la surveillance, pour cette partie du service, seulement, de deux contrôleurs généraux des postes dont le traitement sera de six mille livres pour chacun, et dont les fonctions seront réglées par les directeurs généraux des postes. Les maîtres de postes continueront d’être obligés à fournir gratuitement les chevaux nécessaires auxdits contrôleurs généraux et contrôleurs des provinces, pour faire les tournées et commissions relatives au service dont ils sont chargés. Art. 19. A dater du 1er août prochain, et jusqu’au 31 décembre 1791 , sera réduite à deux mille cinq cents livres par mois, la dépense pour le payement des frais de bureaux et des commis actuellement employés à l’intendance des postes, et de ceux de la surintendance, qui, dans les dépenses supprimées, s’élevaient à soixante-neuf mille livres par mois, seront payées par la caisse des postes; et, par la suite, cette dépense sera portée dans l’état à faire arrêter par chaque législature. Art. 20. Les vérifications renvoyées par les règlements des postes et des messageries, aux intendants des provinces, seront faites à la réquisition des directeurs généraux des postes par les municipalités des lieux. Art. 21. Les contestations, dont les jugements sont aussi renvoyés parles règlements des postes et des messageries aux intendants des provinces et au lieutenant de police de Paris, seront portées devant les juges ordinaires des lieux. Art. 22. Les assemblées et directoires de départements, de districts et les municipalités accorderont toute protection pour l’exécution des décrets relatifs aux services des postes aux lettres, des postes aux chevaux et di s messageries. Les tribunaux ordinaires jugeront toutes les contestations qui s’élèveront â l’occasion de l’exécution desdits décrets, des tarifs de perception et des recouvrements desdites parties; mais ne pourront les départements, les districts, les municipalités, ni les tribunaux, ordonner aucun changeaient dans le travail, la marche et l’organisation des services des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries. Art. 23. Les demandes et les plaintes relatives au service des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries, seront adressées aux directeurs généraux des postes, pour y être fait droit. Les directoires de départements jugeront de la validité des motifs de leurs décisions, s’ils en sont requis par les parties, et le pouvoir exécutif prononcera définitivement, s’il y a lieu. M. le Président demande si l’Assemblée entend passer immédiatement à la discussion du projet de décret dont elle vient d’entendre la lecture. L’Assemblée décide cjuele projet de décret sera immédiatement discuté. M. de Diron, rapporteur , relit les articles 1 et 2. Personne ne demandan la parole, ces deux ar-