[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1790.] 4 97 les embarras des finances, et d’éviter un danger qui compromettrait la liberté. Nous partageons tous cet intérêt; il n’est aucun de nous qui veuille retarder les ventes qui ont été décrétées; mais beaucoup de membres ne connaissent pas le projet de M. Bailly; mais ce décret est lié à une grande question qui perdra ou sauvera le rovaume, celle de la création d’un papier-monnaie. 11 est étonnant qu’il se soit élevé une voix pour demander qu’on prenne un parti dans cette séance; c’est le comble de la folie humaine. Je persiste à ce qu’on ajourne la question. M. Gros, curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 11 s’agit d’un contrat entre la ville de Paris et l’Etat : la municipalité propose des conditions qui pourraient devenir onéreuses à la ville; la , ville doit donc être consultée. M. le maire l'a si bien senti, qu’il a demandé que l’Assemblée honorât sa proposition de son vœu, et non d’un décret, afin qu’il pût retourner vers ses commettants, et obtenir leur consentement. Il faut donc consulter les districts pour avoir leur autorisation. Je propose d’ajourner à samedi. M. Fréteau. Il y a près de trois mois que vous avez décrétée ne vente en valeur de 400,000,000. Vous avez suffisamment indiqué que les municipalités, dans la forme dans laquelle elles existaient alors, vous remettraient le travail nécessaire pour l’exécution de votre décret. Il ne faut pas vous écarter de la route que vous avez tracée. Je propose de décréter à l’instant la vente des objets qui vous sont indiqués dans le mémoire de la municipalité, et d’ajourner à après-demain la question du mode et des conditions du papier que vous autoriserez à jeter sur la place. Voici mon projet de décret : « Décréter sur-le-champ la vente des objets indiqués dans le mémoire du bureau de la ville de Paris, autoriser les particuliers à faire dés à présent leur soumission, ajourner à jeudi la question desavoir si l’on vendra à la municipalité de Paris lesdits fonds, pour être revendus par elle, et celle de savoir si les papiers qu’elle serait autorisée à jeter dans le commerce seraient ou ne seraient pas conformes aux vues indiquées dans le rapport du comité des finances. » M. deCazalès. Je relire ma motion et j’adopte celle de M. Fréteau. M. Treïlhard. Vous avez ordonné k la municipalité de Paris de vous présenter dans huit jours le détail des biens ecclésiastiques qu’on pourrait mettre en vente. C’était bien alors une municipalité telle qu’elle existe à présent. Je réclame l’exécution du décret, et je demande la question préalable sur la proposition de M. Fré-teau. (La question préalable est mise aux voix.) M. le Président prononce que l’Assemblée a décidé qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. On réclame l’appel nominal. — On fait une seconde épreuve. M. le président prononce le même décret. — Les réclamations recommencent et finissent d’elles-mêmes. La discussion est ouverte sur le projet de décret du comité des finances. M. Aubry dn Bochet se présente à la tribune et veut parler sur le fond de la question. (Voij. son discours, annexé à la séance de ce jour.) M. le Président. Votre tour d’inscription n’est pas arrivé. La parole appartient à M. Duport. (M. Aubry du Bochet quitte la tribune.) M. Duport. Vous diriez dans l’article 1er du décret, que les biens du domaine et les biens ecclésiastiques seront vendus. Dès que la municipalité offre d’acquérir, ne serez-vous point engagés à vendre? la vente ne sera-t-elle pas, pour ainsi dire, consommée? Mais que vendez-vous? Des maisons : le seront-elles tout de suite? Vous ne le pensez pas. La municipalité administrera donc? Cette administration sera très vicieuse, comme toutes les administrations collectives; les administrateurs, fussent-ils vertueux et délicats, ils seront soupçonnés, et vous livrerez ainsi les administrations municipales, dès leur naissance, à l’intrigue et à la calomnie. Comment paiera-t-on les papiers circulants? Ils ne seront autre chose que des papiers-monnaie; ils ne rapprocheront pas beaucoup l’hypothèque. Le crédit sera lié à la bonne administration : une administration nouvelle donnera-t-elle lieu à de plus grands motifs de confiance? Nous n’en pouvons connaître ni les principes, ni les moyens. Si les billets ne sont pas circulants, s’ils sont destinés à l’acquittement des capitaux, pourquoi ne pas lier la question aux grandes questions de l’état de nos finances? Pourquoi ne pas chercher à découvrir d’abord quelles sont nos dépenses, quels sont nos revenus fixes? Si vous voulez cependant délibérer tout de suite, je demande qu’on rejette une vente fictive dont les inconvénients sont très nombreux. Mettons en vente, sans aucune opération ultérieure, les objets qui vous sont désignés; décidez que la municipalité recevra les offres des acquéreurs, afin que vous puissiez savoir par la suite sur quoi compter. M. le marquis de Montesquiou demande la parole. M. Garat Vaine. L’heure est très avancée : la discussion sera nécessairement longue ; vous ne pourriez jamais décider aujourd’hui la question, et vous avez quinze membres à nommer pour le comité des rapports; je demande que la séance soit levée. M. le Président. L’ordre du jour de la séance de ce soir, qui s’ouvrira à 6 heures, sera la suite de la discussion du projet de décret relatif aux lettres de cachet. (La séance est levée à 4 heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du mardi 16 mars 1790, au soir (1). M. le Président ouvre la séance à sept heures. M. Guillaume, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses suivantes : Adresse du conseil général de la commune de Béziers qui s’exprime en ces termes : «, Heureux de n’avoir qu’à vous peindre nos propres sentiments, pour vous exprimer aussi ceux dont le choix libre de nos concitoyens (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 498 [Assemblée naiionale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1790.] vient de nous rendre les interprètes légitimes, nous ne vous répéterons pas que nous adhérons à vos sages décrets ; nous savons tFop à quoi nous engage notre serment civique pour vous parler encore le langage de l’adhésion, quand depuis ce serment, comme depuis nos mandats, nous ne devons plus vous entretenir que de notre religieuse obéissance. « Et ne pensez pas, Nosseigneurs, que nous aspirions à nous faire un mérite d’une telle soumission. Elles sont si sages et si libérales, les lois que vous avez décrétées; elles ont si évidemment amélioré le sort de tous et de chacun; elles doivent nous conduire au bonheur par des routes si sûres et si faciles que l’intérêt qu’on a de s’y soumettre ne laisse presque aucuu prix à leur observation. ........... « Qu’on apprécie encore beaucoup plus qu’elles ne valent, toutes ces prérogatives soit honorables, soit pécuniaires, que votre sagesse a frappées de proscription ; qu’on y ajoute, si l’on veut, la réduction des-pensions immodérées, la suppression des bénéfices inutiles; qu’on y additionne la contribution du quart des revenus; qu’on ne néglige même pas d’évaluer et de faire entrer dans celte somme le prix imaginaire de toutes les jouissances que vous avez ôtées à l’amour-propre et à l’orgueil ; que pèserait tout cela mis en balance avec les chaînes de la servitude brisées; la dignité de l’homme et du citoyen rétablie dans toute son intégrité; l’admissibilité à tous les emplois prononcée en faveur de tous, en raison seule des talents et des vertus; les récompenses assurées au mérite ; la vénalité de la justice abolie; les magistratures rendues électives; les tribunaux et l’administration rapprochés des justiciables et des administrés; les droits recouvrés défaire les lois et de consentir les impôts; les ordres arbitraires anéantis; tous les pouvoirs enfin circonscrits pour jamais dans leurs justes limites. « Que ne nous promettent pas encore l’heureux plan de la constitution militaire que vous discutez, le système d’imposition que vous nous avez annoncé, la prochaine organisation du clergé que vous avez dessinée, les réformes que vous méditez sur les lois civiles et criminelles et surtout ce superbe code d'éducation nationale qui doit enfin couronner vos grands travaux ! « Non, tout ce qu’offrent séparément de plus sage et de plus beau les lois de Crète et de Sparte, d’Athènes et de Rome, d’Egypte et de la Perse, de l’Angleterre et des Etats-Unis, n’aura rien de comparable à ce qu’offriront, elles seules, ces lois que vous destinez au peuple français. » « Poursuivez, Nosseigneurs, bâtez-vous de consommer une si noble entreprise ; achevez ce rare ouvrage qui doit durer autant que notre monarchie, puisque notre bon roi s’en est déclaré le protecteur, et qu’il a promis d’en transmettre la garde à ses augustes héritiers en leur transmettant sa couronne. Fermez l’oreille aux murmures des insensés, qui prêts à entrer dans la terre promise, et savourant déjà la manne, regrettent pourtant et ce qu’il a leur a fallu abandonner pour sortir des Etats de Pharaon et les ognons dont ils y étaient nourris. » Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Laon ; elle renouvelle le serment d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi. Adresse de la ville de Toulouse ; elle fait passer | l’Assemblée des dons patriotiques votés par les élèves de ses deux collèges, et fait elle-même l’offrande de deux contrats sur le Trésor public, l’un de 100,000 livres, l’autre de 150,000 livres, avec les arrérages qui en sont éehus jusqu’à ce jour. L’Assemblée charge son président d’écrire à' la ville de Toulouse pour la féliciter sur le don patriotique qu’elle fait à la nation. Adressede félicitations des juges-consuls anciens et en exercice, et des commerçants de la ville de Langres, qui joignent, disent-ils, le tribut de leur admiration et de leur reconnaissance aux concerts de louanges et de bénédictions que tous les Français s’empressent de faire parvenir à leurs augustes représentants. Ils annoncent l’intime conviction où ils sont que l’Assemblée nationale remplira les vœux du commerce. Autre du même genre des officiers municipaux de Vire. Réclamation de plusieurs négociants de la province de Normandie et de la ville de Paris, contre un impôt établi par un simple arrêt du conseil sur les eaux-de-vie ; cette pétition a été renvoyée au comité de commerce. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la garde nationale de Tonnai-Boutonne. - Adresse des habitants de la communauté de Loueuse ; leur contribution patriotique monte à 3,500 livres; ils sollicitent un chef-lieu de canton , Adresse de la communauté de Neuville-sur-Orne; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse de la ville de Belley, concernant la prestation du serment civique par la garde nationale et tous les autres citoyens. Adresse du même genre de la ville d’Aurillac en Auvergne. Par délibération prise le 21 février dernier, les habitants de la paroisse de Vineennes ont arrêté d’offrir, en don patriotique, à l’Assemblée, le montant du rôle de supplément d’imposition sur les biens des ci-devant priviliégés pour les six derniers mois de 1789; ils annoncent, en outre, que leur contribution patriotique monte à la somme de 16,683 livres; que la fabrique fait don d’une somme de 400 livres et de deux marcs deux onces d’argenterie en un ornement d’église. Délibération, en’ date du 5 janvier 1790, des habitants de Romanche, Villette et Perroyer, villages situés dans la province de Bresse, contenant : 1° Qu’ils sont tous prêts à répandre jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour soutenir les décrets de l’Assemblée nationale; 2° Que, ne pouvant point individuellement coopérer à la contribution patriotique, attendu que le plus riche d’entre eux ne jouit pas d’un revenu de 100 livres et voulant cependant contribuer autant qii’il est en eux aux besoins de l’Etat, ils offrent volontairement en corps de communauté, savoir : Les habitants de Romanche, la somme de 640 li - vres sur une somme 7,540 livres provenant du prix de la vente du quart de réserve de leurs bois communaux, dont les trois quarts du prix sont entre les mains du sieur Gampen, directeur des domaines et bois, à Dijon, et les habitants de Villette et Perroyer une pareille somme de 640 livres sur celle de 5,225 livres formant le prix de la vente du quart de réserve de leurs bois communaux, étant également entre les mains du sieur Gampen. Us supplient l’Assemblée nationale de leur procurer la rentrée du surplus du prix de ces deux ventes, pour être employé à l’acquittement dp