484 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1789.] ques articles deM. Sieyès. Cette proposition n’est pas acceptée. M. deLaborde. Tout citoyenale droit de constater par lui ou ses représentants la nécessité des contributions destinées à la chose publique, d’en déterminer la quotité, l’assiette, la durée, et d’en vérifier l’emploi. M. le comte de VIrieu insiste sur le projet de M. le baron de Marguerites. La discussion en était à la fin, tous les derniers articles allaient être réunis en un seul, lorsque M. Chapelier dit qu’il faut distinguer les articles ; que le vingtième article établit l’emploi des impôts, et les autres la forme de les accorder. Cette opinion prévaut. Après bien des agitations, on revient enfin au vingtième article du projet du sixième bureau. M. Biauzat propose la rédaction suivante : « Tout citoyen a une garantie sociale supérieure à tous les citoyens. Il faut une forme qui la maintienne; elle appartient à la nation, et les fonctions qu’elle donne ne peuvent jamais devenir la propriété de ceux qui les exercent. M. Pison du Galand en présente un où il ualilie les agents de l'administration deserviteurs e la nation. -Cette expression excite quelques murmures. L’orateur appuie sur ce mot en disant: « l’on s’honore d’être serviteur du roi : doit-on rougir dans cette Assemblée d’être serviteur delà nation ? » M. le marquis de Gouy d’Arcy propose un article pour remplacer les arlicles 20, 21, 22, et 23, relatifs à la propriété et l’entretien de la force publique, sans laquelle la loi est sans vigueur et la propriété sans appui. MM. Malouet, Robespierre, le prince de Broglie, Target, de Marguerites, Rhédon, Bouche, de La-borde, de Virieu, Vernier, Pison du Galand, De-fermont , Mounier et Duport, proposent divers projets de rédaction qui comprennent plus ou moins d’articles. D’autres en désirent qui soient pris dans la déclaration de M. l’abbé Sieyès. M. Chapelier attaque quelques-unes de ces rédactions, en ce qu’on n’y établit pas avec assez de précision la responsabilité des agents publics, et l’impossibilité d’abuser de la force publique contre les citoyens. M. de Boisgelin, archevêque d’Aix. Je demande qu’on s’occupe dans la déclaration des droits de la puissance respective des citoyens, du droit d’intluer sur Iç gouvernement, droit qui fait une partie essentielle de ceux du citoyen. Il faut que tous les citoyens participent également à l’établissement et au maintien de Ja puissance publique. G’ est sur ces principes que furent établis les Etats généraux, composés des représentants de tous les citoyens ; et ce principe ne peut être contesté dans une monarchie fondée sur les lois. Un homme ne commande aux autres que par l’emprunt et l’emploi de leur puissance. C’est la puissance réunie des citoyens qui rend un citoyen plus puissant que les autres. Ainsi les droits politiques communs à tous les citoyens sont indestructibles comme leurs droits naturels et civils. Un citoyen ne peut pas plus perdre la puissance qui lui appartient que la liberté. Cette multitude de rédactions embarrasse l’Assemblée dans le choix qu’elle veut faire. MM. Madter et de Lally mettent un terme à cette indécision, en observant que le seul défaut de l’article 20 était d’avoir été rédigé par le sixième bureau. Cette remarque inattendue ramène aux opinions, et l’Assemblée adopte unanimement l’article 20. C’est le premier des vingt-quatre articles du projet de déclaration qui ait été conservé; le voici : « Art. 12. La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » L’article 21 a été décrété en ces termes : « Art. 13. Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Uup députation de la garde bourgeoise de Versailles, composée de MM. de l’état-major et capitaines de cette garde est introduite et présente à l’Assemblée une délibération qu’elle vient de prendre à l’effet d’ouvrir une souscription patriotique pour contribuer au payement des dettes de l’Etat. On lit cette délibération. M. le Président. L’Assemblée nationale voit avec sensibilité l’acte de patriotisme de la milice nationale de Versailles. Elle fait en sa faveur une exception honorable en recevant sa députation. M. le Président propose de nommer une députation pour porter an Roi les félicitations de l’Assemblée à l’occasion du jour de sa fête. Il est arrêté que cette députation sera nommée par la voie du sort, et que le comité de rédaction présentera ce soir un projet d'adresse au Roi. M. le Président continue la séance à ce soir six heures et demie. Séance du soir. M. le Président a dit que MM. les électeurs des trois ordres du bailliage de Château-Thierry avaient envoyé à l’Assemblée nationale une députation, qui serait consolée de ne pouvoir être admise, si l’Assemblée voulait du moins permettre que lecture lui fût donnée, à l’instant, de l’adresse que cette députation était chargée de présenter. L’Assemblée l’ayant permis, un de MM. les secrétaires alu la délibération prise le 18 de ce mois, par les électeurs unis de Ja ville et du bailliage de Château-Thierry, portant nomination de quatre d’entre eux pour présenter à l’Assemblée nationale l’hommage de leur respect, de leurs félicitations et de leur reconnaissance, singulièrement excitée par le décret qui a pour objet d’assurer la tranquillité publique. Il a été présenté un acte passé par-devant notaires à Béziers, le 14 de ce mois, par M. le marquis de Villeneuve, portant qu’il adhère, pour ce ui le concerne, à la renonciation que les barons es Etats de Languedoc, présents à la séance de l’Assemblée nationale du 4 de ce mois, ont faite jAsscmblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1789.] 485 entre les mains de la nation, aux privilèges de leurs baronnies, notamment à leurs droits d’assistance, en qualité de barons, aux Etats de Languedoc; supplie très-humblement la nation d’agréer son adhésion, comme le témoignage de sou profond respect et de son entier dévouement. La lecture de cet acte a excité de vifs applaudissements dans toute l’Assemblée. M. l’abbé d’Eymar, un des membres du comité de rapport , a rendu compte d’un mémoire adressé à l’Assemblée nationale par le régiment de Royal Hesse-d’Armslad, explicatif des circonstances dans lesquelles il a reçu l’ordre de M. de Rochambeau de camper dans la plaine des Boucliers, près de Strasbourg. L’Assemblée nationale, sur l’avis du comité de rapport, a au-orisé son président à répondre au régiment de Royal Hesse-d’Armstad que cette affaire étant de la compétence du pouvoir exécutif, le mémoire etles pièces justilicatives seront renvoyés au ministre de la guerre. Un membre annonce que depuis plusieurs jours M. de Rochambeau a levé l’ordre, et rappelé le régiment dans Strasbourg, où il a pris son quartier d’hiver. Les négociants de Laval se plaignent du mauvais état du commerce. Ils représentent que le commerce des toiles est presque anéanti ; iis attachent le mal à la cessation des payements royaux, qui peut entraîner la chute entière des fortunes et de l’industrie. En conséquence, ils sollicitent l’Assemblée de renouveler l’arrêté du 17 juin, qui ordonne que tous les impôts continueront d’être perçus à l’ordinaire. On propose de faire passer aux diverses municipalités l’arrêté de la ville de Milhau en Rouer-gue, qui déclare infâmes et incapables de posséder des emplois municipaux tous ceux qui refuseront de payer, pour le bien de l’Etat, les impôts établis. On ordonne l’impression de cet arrêté , pour être incessamment adressé aux différentes municipalités. On donne lecture d’une lettre qui annonce les excès auxquels se livrent les paysans dans la Lorraine et le Barrois ; que plusieurs seigneurs ont été incendiés et leurs archives brûlées, etc. M. le comte de Sérent fait un rapport sur une affaire assez singulière. Un auteur, M. de Boncerf, a fait un livre, il y a quinze à seize ans, contre les fiefs. Le parlement de Paris a informé, décrété et assigné pour être ouï; converti le décret d’assigné pour être ouï en décret d’ajournement personnel. Ce décret subsiste encore depuis douze ans. Le livre a été brûlé, et l’auteur est toujours resté dans les liens du décret. M. le marquis de Sérent observe que le régime féodal étant aboli, le livre n’est plus dangereux. Après ce rapport, quelques membres se plaignent qu’on jette du ridicule sur le décret d’une cour souveraine. On veut que M. le président confère avec M. le garde des sceaux pour faire lever le decret; mais M. de Lally ramène l’Assemblée à un autre sentiment. Les malheurs particuliers, dit-il, doivent s’évanouir devant les malheurs publics qu’il faut réparer. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette affaire. M. Régnault de Saint-Jean d’Angely, M. François de Neufchâleau, poète connu par des ouvrages agréables, suppléant des députés de Lorraine, étant à 'foui, avait rassemblé quelques syndics de communautés pour conférer avec eux sur des nouvelles relatives aux résolutions de l’Assemblée nationale. M. de Taffin, lieutenant du Roi, a fait appréhender M. de Neufchâteau et quatre électeurs par la maréchaussée, sous prétexte qu’ils tenaient une assemblée illicite. Après les avoir mis au secret dans les prisons de Toul, il les a fait conduire à Metz le lendemain, à une heure après minuit. M. le marquis de Bouillé, commandant de la province, a envoyé sur-le-champ à leur rencontre pour rendre ces messieurs à la liberté. M. de Bouillé, pour faire oublier à M. de Neufchâteau la disgrâce et l’indignité de son emprisonnement, l’a comblé d’honnêtetés. Le vrai héros aime toujours l’homme de lettres. Je demande que l’Assemblée prenne une détermination sur cette affaire. M. de Oouy-d’Arcy, après avoir fait l’éloge des talents et des vertus de M. François de Neufchâteau, opine pour que l’Assemblée ne se départe pas des principes rigoureux de justice qui doivent la diriger. M. Maillot, député de Toul , lit à l’Assemblée un mémoire justificatif qui lui a été envoyé par le lieutenant du Roi, de cette ville. Un membre de l'Assemblée fait observer qu’il est extraordinaire que M. Maillot se soit chargé de justifier l’oppresseur de son suppléant. M. Emniery, député de Metz. Il est temps que l’Assemblée réprime avec la plus grande sévérité de pareils attentats. Ce n’est pas seulement pour venger M. François de Neufchâteau que je demande la punition des coupables, je la demande au nom et pour la sûreté des malheureux habitants des frontières qui, plus que les autres, gémissent sous la tyrannie du pouvoir militaire. Cette affaire est renvoyée au comité des recherches, qui est chargé d’en faire incessamment le rapport. M. le Président communique une lettre de M. le duc de Caylus, député de Saint-Flour, en date du 17 de ce mois, par laquelle M. le duc de Caylus annonce que sa santé l’ayant mis dans le cas d’offrir sa démission à ses commettants, ils n’ont point voulu la recevoir; qu’ils viennent au contraire de lui donner de nouveaux pouvoirs, et qu’il attend avec empressement le moment où son état lui permettra de se rendre à son devoir, et où il pourra prouver à l’Assemblée nationale et à ses commeltants, que son dévouement est sans bornes lorsqu’il s’agit de concourir au bien de la patrie. M. le Pelletier de Saint-Eargeau, au nom du comité de rédaction , apporte le projet d’adresse à présenter demain au Roi: ce projet a été adopté; il est de la teneur suivante: a Sire, le monarque dont votre Majesté porte le nom vénéré, dont la religion célèbre aujourd’hui les vertus, était, comme vous, l’ami de son peuple. « Comme vous, Sire, il voulait la liberté française. Il la protégea par des lois qui honorent nos annales ; mais il ne put en être le restaurateur. « Celte gloire, réservée à Votre Majesté, lui