84 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1790.] COMITÉ DES RECHERCHES DE LA MUNICIPALITÉ DE PARIS. Arrêté du 9 juillet 1790. Vu les déclarations aites au comité les 24, 27, 31 mars et 18 juin 1790, les avis reçus de Turin et de Nice, en date des 12, 23, 27 du même mois de mars et 19 avril, communiqués au comité des recherches de l'Assemblée nationale ; le procès-verbal d’arrestation de M. Bonne-Savardin, fait le 31 avril par la municipalité du Pont-Beau-voisin, contenant visite et examen de ses papiers et effets; l’information sommaire faite le lendemain par la même municipalité ; la lettre par elle adressée, tant au comité des recherches de l’Assemblée nationale, qu’au présent comité et à M. le commandant général de la garde nationale parisienne, pour leur faire part de ces diverses opérations ; les interrogatoires subis devant le comité par M. Bonne-Savardin, les 21, 22, 23, 24 mai et 4 juin; la lettre par lui écrite de La Novalèse, le 24 mars; son livre de raison; une lettre à lui écrite d’Anvers, par M. de Maille-bois, le jeudi 18 avril; plusieurs lettres à lui adressées par différentes personnes, ou dont il s’est trouvé porteur ; et généralement toutes les pièces trouvées sur lui, ou déposées au comité : vu enfin le récit d’une conversation de M. Bonne-Savardin , écrit par lui-même et envoyé à M. Maillebois décembre dernier. Le comité instruit, par ces pièces et déclarations, qu’un projet qui tendait à attirer sur la France des armées étrangères pour renverser l’ordre public que la Constitution établit, avait été conçu par des personnes d’aulant plus coupables, qu’elles ont obtenu des grades et des honneurs au nom de FEtat pour le mieux servir, par M. Des-marets de Maillebois, lieutenant général des armées françaises et chevalier de l’ordre du Saint-Esprit et M. Bonne-Savardin, officier de cavalerie, chevalier de Saint-Louis ; Que l’un et l’autre ont offert leur projet et leurs services à M. d’Artois et à la Cour de Turin ; qu’à cet effet M. Bonne-Sàvardin a été envoyé et s’est rendu à cette Cour, aux frais de M. Desmarest-Maillebois, pour y négocier l’exécution de ce projet ; ce qu’il a fait autant que cela lui a été possible; QueM. Bonne-Savardin a également offert les services de M. Desmarest-Maillebois contre la patrie à une personne désignée entre eux par le nom de Farcy et que les pièces annoncent être M. Guignard de Saint-Priest, ministre et secrétaire d’Etat; que celui-ci, loin de repousser ou de dénoncer aux tribunaux des offres aussi criminelles a favorablement accueilli M. Bonne-Savardin par des témoignages de bienveillance et par la com-municaiion d’autres projets non moins contraires à la Constitution ; Que M. Guignard de Saint-Priest n’a cessé de témoigner sa liaine et son mépris pour l’Assemblée nationale, et les lois décrétées par elle, acceptées par le roi, tandis que le premier devoir d’un ministre est de les faire exécuter et respecter. Le comité, après en avoir plusieurs fois conféré avec les membres du comité des recherches de l’Assemblée nationale, estime que M. le procureur-syndic de la municipalité de Paris, doit, en vertu des crimes ci-dessus mentionnés, circonstances et dépendances, dénoncer aussi comme prévenus desdits crimes, M. Yves-Marie Desmarest de Maillebois, lieutenant général des armées françaises et chevalier de Tordre du Saint-Esprit ; M.* Bertrand Bonne-Savardin, officier de cavalerie et chevalier de Saint-Louis ; et M. François-Emmanuel Guignard de Saint-Priest, ministre et secrétaire d’Etat, leurs fauteurs, complices et adhérents. Signé : Agier, Perron, Oudart, J.-Ph. Garran, J.-P. Brissot. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. C.-F. DE BONNAY . Procès-verbal de la cérémonie de la Fédération (1), du mercredi 14 juillet 1790. L’Assemblée nationale s’est réunie au lieu ordinaire de ses séances à neuf heures : tous les membres ayant pris leurs places, M. le président a annoncé que M. le maire de Paris avait fait prévenir que la colonne de l’armée fédérative était en marche pour se rendre au Ghamp-de-Mars, et que les officiers municipaux viendraient chercher l’Assemblée nationale, quand les troupes et le cortège seraient vis-à-vis du Pont-tournant, à la partie de cette colonne, au milieu de laquelle les représentants de la nation devaient se placer. Il a proposé à l’Assemblée, au lieu d’attendre la municipalité de Paris dans la salle do ses séances, de se rendre dans la grande allée des Tuileries, pour suspendre moins longtemps la marche de l’armée. L'Assemblée ayant agréé cette mesure, elle a arrêté que ses membres marcheraient quatre de front et sur deux lignes, ayant à leur tête le Président, suivi des secrétaires, et précédés des huissiers de l’Assemblée nationale. M. le Président a annoncé Tordre du jour pour demain, et fixé l’ouverture de la séance une heure plus tard que les autres jours. A dix heures, un aide-de-camp du commandant général de la Fédération, sous les ordres du roi, est venu avertir l’Assemblée nationale que la colonne passait devant les Feuillants, et serait bientôt au Pont-tournant. Alors l’Assemblée s’est mise en marche et s’est rendue, dans l’ordre convenu, par la grande allée des Tuileries, près du grand bassin. Un aide-de-camp du commandant, sous les ordres du roi, s’est rendu auprès de M. le Président, et lui a dit qu’il était envoyé pour rester près de lui, recevoir et faire exécuter ses ordres. Peu après le commandant lui-même est venu avertir M. le Président de l’arrivée de la colonne de l’armée, et enfin la municipalité, ayant M. le maire de Paris à sa tête, est venue inviter l’Assemblée nationale à se rendre à la place qui lui était destinée. Elle s’est mise en marche, précédée de la municipalité, et s’est placée au milieu de deux rangs des drapeaux des soixante districts de Paris, et des détachements qui en avaient la garde. La colonne alors a repris sa marche pour se rendre au Champ-de-Mars. (1) Ce procès-verbal n’a pas été inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1S juillet 1790.] Des salves d’artillerie répétées ont annoncé l’arrivée de l’armée et de l'Assemblée nationale au pont sur bateaux, construit en face du Champ-de-Mars. Au bruit de ces salves et aux acclamations d’un peuple immense, l’Assemblée nationale a traversé le Champ-de-Mars pour aller occuper les places qui lui étaient destinées. Un escalier, construit en face de l’Autel de la patrie, a conduit à ces places. Elles étaient. en amphithéâtre sous une galerie adossée aux bâtiments de l’Ecole militaire. Au milieu de cette galerie, on avait établi une plate-forme sur laquelle était placé au milieu, pour le roi, le fauteuil du trône, couvert de velours violet, semé de fleurs de lis d’or, avec un carreau pareil. Pour M. le Président de l’Assemblée nationale à la même hauteur, sur la même ligne et à trois pieds à la droite du roi, un autre fauteuil couvert de velours bleu azur, semé aussi de fleurs de lis d’or, avec un carreau semblable. A la gauche de Sa Majesté, à pareille distance, sur la même hauteur, et sur la même ligne, étaient des tabourets qui joignaient les banquettes dressées pour les députés. Ces tabourets ont été occupés par les secrétaires et autres membres de l’Assemblée nationale, de manière que le roi était placé au milieu d’eux tous , sans aucun intermédiaire, et sous le même pavillon. Derrière le Président étaient quatre huissiers de l’Assemblée nationale, revêtus de leurs décorations, et les quatre autres étaient en avant sur les premières marches. Le roi avait seulement avec lui deux huissiers de sa chambre avec leurs masses, placés devant avec les huissiers de l’Assemblée, et quelques autres officiers de sa maison, debout sur les premières marches, ou derrière Sa Majesté. Un balcon, placé en arrière du roi et de l’Assemblée nationale, était occupé par la reine, M. le dauphin et la famille royale. Les troupes des fédérés des départements et les troupes de ligne se sont rangées sous les bannières qui leur avaient été données par la municipalité de Paris. A trois heures, lorsqu’elles ont été placées, le roi est arrivé par l’intérieur de l’Ecole militaire, et s’est placé au bruit des salves d’artillerie, des cris répétés de Vive le roi ! et des plus touchants témoignages d’amour. Les bannières des départements et celles des troupes de ligne ont été portées autour de l’Autel de la patrie, où M. l’évêque d’Autun, officiant, les a bénitës, après avoir célébré la messe. Elles ont été rapportées ensuite au centre de chaque division des fédérés et des troupes de ligne, à qui elles étaient destinées. Alors M. de La Fayette étant venu prendre les ordres du roi, et Sa Majesté lui ayant remis la formule du serment décrété par l’Xssemblée nationale pour les troupes de la fédération, il s’est rendu à l’Autel de la patrie, et a prononcé, au nom de tous les fédérés qui ont joint leurs voix à la sienne, leurs promesses à ses promesses, le serment qui unit les Français entre eux et les Français à leur roi pour défendre la liberté, la Constitution et les lois, en ces termes : « Nous jurons d’être à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi ; « De maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi; « De protéger, conformément aux lois, la sûreté des personnes et des propriétés ; « La circulation des grains et subsistances dans l’intérieur du royaume; « La perception des contributions publiques sous quelques formes qu’elles existent; « De demeurer unis à tous les Français, par les liens indissolubles déjà fraternité. » Des salves nouvelles d’artillerie et les cris répétés de Vive le roi! Vive la nation! le cliquetis des armes, les fanfares de la musique guerrière ont annoncé ce moment ; et le peuple nombreux, témoin de l’engagement pris par les fédérés, s’est uni à eux par ses acclamations. M. de La Fayette est remonté auprès du roi et de M. le Président; et il a été convenu qu’on ferait indiquer par un signal parti de l’Autel de la patrie, et qui pût être vu également des batteries de canon et de l’Assemblée nationale, le moment du serment qu’elle devait prononcer. A l’instant du signal, M. le Président de l’Assemblée nationale debout, ainsi que tous les représentants de la nation, a prononcé le serment décrété, le 4 février dernier, en ces termes : « Je jure d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et*de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi. » Le bruit du canon et les mêmes acclamations ont accompagné ce second serment. Enfin, le roi s’est levé et a prononcé, debout et à très haute voix, le serment décrété par l’Assemblée nationale et accepté par lui, en ces termes : « Moi, roi des Français, je jure d’employer tout le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’Etat, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi, et à faire exécuter les lois. » C’est au milieu d’un silence profond et religieux que l’Assemblée nationale et le peuple français ont reçu le serment de leur roi. Quand Sa Majesté en a eu prononcé les derniers mots, des acclamations universelles ont éclaté ; les cris de Vive le roi! répétés d’un bout du Champ-de-Mars à l’autre, par l’Assemblée nationale, par les fédérés et par le peuple, ont ratifié l’auguste et sainte alliance qui venait de se former. On a chanté ensuite le Te Deum au bruit de la musique et de l’artillerie ; et lorsqu’il a été fini, le roi s’est retiré au milieu des mêmes acclamations qui avaient accompagné son entrée. L’Assemblée nationale, dans le même ordre et au milieu du même cortège qui l’avait accompagnée en venant, est retournée au lieu ordinaire de ses séances où elle s’est séparée. Signé : G. F. de Bonnay, président ; Pierre de Delley, Popülus, Robespierre, Dupont (de Nemours), Garai aîné, Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély), secrétaires. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. c.-f. de bonnay. Séance du jeudi 15 juillet 1790, au matin (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M . le Président, en ouvrant cette séance, se (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.