32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ayant eu des rapports avec plusieurs présidents de districts, je puis assurer que le nombre des malheureux est grand, et que dans deux districts particulièrement il se porte à dix mille. Je rappelle à l’Assemblée un décret par lequel elle a chargé les trésoriers des dons patriotiques de lui rendre compte de l’état des sommes effectives qu’ils ont reçues; quand il n’y aurait dans la caisse patriotique que de quoi payer les petites rentes, il faudrait se hâter d’avoir recours à ce moyen, pour calmer en partie les maux qui affligent la capitale. Je demande que les trésoriers des dons patriotiques rendent compte de l’état de leur caisse et que les fonds provenant des dons patriotiques soient employés au paiement des petites rentes dues sur le trésor royal. M. Bouche. Je réclame l’exécution du décret que vous avez rendu et qui prescrit que les directeurs des monnaies rendront compte du produit des dons patriotiques convertis en monnaie. M. le comte de Virieu, l’un des trésoriers des dons patriotiques. Je déclare avoir remis l’état de la caisse au comité des finances, ainsi que le prescrivait le décret, dont les préopinants réclament l’exécution. (La discussion de la motion de M. Fréteau est renvoyée à une séance indiquée pour dimanche prochain.) L’Assemblée reprend la suite de la discussion du projet de décret sur V abolition des droits féodaux. M. Merlin, rapporteur, propose un article additionnel relatif au droit de tiers-denier qui a lieu en Lorraine et dans d’autres provinces. L’article mis aux voix est décrété ainsi qu’il suit : Le droit de tiers-denier est aboli dans les provinces de Lorraine, du Barrois, du Glermontois et autres où il pourrait avoir lieu, à l’égard des bois et autres biens qui sont possédés en "propriété par les communautés; mais il continuera d’être perçu sur le prix des ventes des bois et autres biens dont les communautés ne seront qu’usa-gères. « Les arrêts du conseil et lettres-patentes qui, depuis trente ans, ont distrait, au profit de certains seigneurs desdites provinces, des portions des bois et autres biens dont les communautés jouissent à titre de propriété ou d’usage, sont révoqués, et les communautés pourront, dans le temps et par les voies indiqués par l’article précédent, rentrer dans la jouissance desdites portions, sans aucune répétition des fruits perçus, sauf aux seigneurs à percevoir le droit de tiers-denier dans les cas ci-dessus exprimés. » M. Merlin. Vous venez d’adopter, sauf deux dispositions que nous vous soumettrons tout à l’heure, les divers articles qui composent le titre 11. Votre comité a pensé qu’avant de passer au titre 111 de son projet de décret sur L’abolition des droits féodaux, il était convenable que vous entendissiez le rapport qui doit vous être fait au nom des comités domanial, d'agriculture et de commerce, sur les droits de minage, péage, etc. ; il vous invite à entendre ce rapport à présent. (Cette proposition est adoptée.) M. Gillet «le Hua Jfacqneuiiu!� monte à lu [5 mars 1790.] tribune et, au nom des comités de féodalité, domaine, agriculture et commerce, fait à l’ Assemblée le rapport suivant , sur les droits de péage , minage, hallage, étalonnage et autres semblables (1) : Messieurs, vous avez ordonné à vos comités de féodalité, agriculture et commerce, de vous présenter de concert un rapport et des projets de décrets sur les moyens de supprimer sans injustice le droit de minage, hallage, leydes, étalles, péages et autres droits semblables. Vous n’ignorez pas, Messieurs, que quelques-uns de ces droits sont au nombre de ceux qui font une partie du domaine, et votre comité des domaines, persuadé qu’il était de son devoir d’envisager les biens domaniaux dans toutes leurs différentes espèces, a de son côté fixé son attention sur les péages. Instruits du travail auquel ce comité s’était livré sur un objet aussi essentiel, les comités de féodalité, agriculture et commerce se sont empressés de puiser dans des conférences communes avec celui des domaines, des connaissances que les lumières de ce comité et l’importance du sujet qu’ils avaient à traiter devaient leur rendre infiniment précieuses. Ainsi, Messieurs, c’est au nom de ces trois comités que. je viens essayer de remplir le devoir que vous avez imposé à deux d’entre eux, et vous soumettre un travail auquel l’amour du bien public a engagé le troisième à s’associer. Ce rapport nous a paru, Messieurs, devoir être, V dans l’ordre des choses, la suite immédiate de celui que M. Merlin vous a fait sur les droits féodaux au nom du comité de féodalité; établi sur les mêmes bases, puisse-t-il obtenir le même succès! Il est inutile de vous parler ici, Messieurs, des réclamations qui se sont perpétuellement élevées et contre les droits de péages et minages en eux-mêmes, et surtout contre les extensions données à leur perception; nous ne nous reporterons pas à l’époque peu reculée où la faculté de s’affranchir avec les plus grands sacrifices pécuniaires de servitudes même injustes, était inutilement sollicitée. Vous avez rétabli les Français dans tous les droits que l’homme libre, vivant en société, aura toujours la certitude d’obtenir quand il aura l’énergie de les réclamer, et vous avez brisé en une nuit des chaînes que la féodalité rivait depuis huit siècles. Vos comités n’ont donc point pensé, Messieurs, qu’il fallut juger les droits dont il s’agit par des lois anéanties avec le système qu’elles étayaient, ni rechercher au milieu des décombres de la féodalité, les principes d’après lesquels vous devez vous déterminer, pour en conserver ou en détruire les vestiges, ils ont laissé de côté les réclamations de ceux qui étaient assujétis à ces droits, les défenses de ceux qui les faisaient percevoir, ' et sans s’arrêter à débattre les principes qui ont servi constamment de règle aux commissions chargées, depuis près d’un siècle, des travaux relatifs à la suppression ou modération de ces droits, et particulièrement à celle connue sous le nom de commission des péages, à démontrer combien la jurisprudence qu’elle s’était faite, d’après les décisions particulières du conseil, était en contradiction avec les anciennes lois et ordonnances (1) Le Moniteur insère seulement le projet de décret qui termine ce rapport. 33 [Assemblée nationale..] ARCHIVES PAI du royaume sur cette matière, vos comités ont I pen�é qu’ils devaient mvisagvr les différents droits counus suus le nom général de péages, minages, hallages et étalonnages, d’après les décrets que vous avez rendus, et les principes qui vous ont guidés jusqu’à présent. Ceux-ci une fois posés, les conséquences s’en appliqueront naturellement aux questions dont vous nous avez ordonné de nous occuper. En interprétant, Messieurs, dans votre séance du 6 août, les décrets du 4 du mî < e moi-, vous avez décrété que le régime téodal était entièrement aboli, que dans les droits et devoirs tant féodaux que ceusuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle et à la servitude personnel le, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité; tous les autres sont déclarés rachetables au prix et suivant le mode que vous vous étiez réservé de fixer. Voyous maintenant quelle est l’origine des droits qui sont l’objet de ce rapport. Il est incontestable que les péages, minages, hallages et étalonnages dérivent pour la plupart, les uns du droit de justice, les autres de l’abus qu’on a fait de la féodalité. Or, l’Assemblée nationale a supprimé sans indemnité les droits de justice, et elle a aussi, quant à la féodalité, supprimé sans indemnité ceux de ces droits qui tenaient à la servitude personnelle. Ici, Messieurs, nous croyons devoir définir exactement la nature et l’espèce des droits et devoirs personnels ou réels résultant de la féodalité. Je pense que la définition s’en trouve dans la dénomination même. Et d’abord, un droit est ce qu’on prétend; un devoir, ce qu’on acquitte. Un devoir est personnel, quand il est dû uniquement et directement par les personnes. Un devoir est réel, quand il dérive de la concession d’un fonds ou droit réel dont il a été le prix : je trouve dans celui-ci la condition qui légitime tous les contrats, celle d’un échange libre et volontaire; je ne vois dans l’autre que l’exercice du droit du plus fort sur le plus faible, à moins qu’on ne prouve qu’il résulte d’un contrat où les deux parties aient trouvé un avantage réciproque et proportionné. L’un est donc, aux termes de votre décret, remboursable, à raison de la nature même du contrat dont il dérive; l’autre est évidemment dans le cas d’être supprimé sans aucune indemnité, s’il n’est qu’une obligation sans cause, et vous concevez, Messieurs, que c’est toujours à celui qui réclame le droit à en prouver là légitimité. Examinons maintenant dans laquelle de ces deux classes peuvent et doivent être rangés les différents droits connus sous la dénomination générale de droits de péages ; c’est par eux que nous allons commencer. Il nous a semblé qu’on pouvait les distribuer en trois classes. Nous prenons dans la première ceux qui ne sont grevés d’aucunes charges ou entretiens. Dans la seconde, ceux qui sont restés grevés de quelques charges ou entretiens. Dans la troisième enfin, ceux qui ont été accordés pour dédommagement de frais de construction et entretien d’ouvrages d’art, ou pour dédommagement de moulins, usines, bâtiments ou établissements détruits pour l’avantage public. J’ai dit que les péages avaient, pour la plus raude partie, leur source dans l’abus de la féo-alité, et j’ai entendu parler de ceux de la première et seconde classe. 4” Série , T. XII. ÆMENTAIRES. [5 mars 1790.] En effet, peut-on se dissimuler qu’ils ne doivent les uns et les autres leur origine qu’aux malheurs des anciens temps, que tous ont pris naissance à des époques où la raison et la justice étaient sans force, et où la force était elle-même sans raison et sans justice? Je me trompe : en nous arrêtant tà cette époque, nous trouverions peut-être que ces droits ont pû avoir un degré d’utilité et de justice dans ces temps de confusion, de troubles et d’anarchie, oiidivi éeen plusieurs royaumes, subdivisés