[9 décembre 1790.1 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. sera-ce sur la cote d’habitation ou sur les revenus mobiliers ? Je suis du dernier avis, parce que le produit n’étant trop faible que parce qu’on les aménagés, c’est à eux d’y suppléer, de même qu’ils profiteraient de l’excédant s’il y en avait. 11 faut donc ajouter ces mots: « sauf à augmenter sur les revenus mobiliers. » M. Defermon. Cet amendement est inadmissible, car vous avez décrété précédemment qu’en cas d’insuffisance, ce serait la cote d’habitation qui serait augmentée la première. M. d’André. Puisqu’il y a un décret contraire, je retire mon amendement ; mais j’ajoute que celui de M. de Folleviile devient alors indispensable, pour éviter une injustice : ou bien il faut rapporter un décret qui n’est que réglementaire et qui n’est pas encore sanctionne, et il faut déclarer que l’imposition qui se trouvera trop faible sera répétée sur la même cote. M. ©efernson. Cela n’est pas possible. En effet, je suppose qu’une municipalité ait à répartir 200 livres sur ses revenus mobiliers et qu’elle n’ait que deux ou trois de ses habitants qui soient susceptibles de cette imposition, les autres étant tous propriétaires ; il faudra donc qu’elle taxe nécessairement à 100 livres chacun de ces deux imposables, sans pouvoir les soulager en se rejetant sur une autre cote. Plusieurs membres demandent l’ajournement. L’ajournement est mis aux voix et prononcé. M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 9 DÉCEMBRE 1790. OBSERVATIONS DES DÉPUTÉS DE LA VILLE DE PARIS sur la contribution personnelle et sur la manière de repartir et d'asseoir cette contribution. Le comité d’imposition a présenté à l’Assemblée nationale deux espèces d’impositions directes ; une contribution foncière et une contribution personnelle. Cette vue est la conséquence du principe que toutes les facultés du citoyen doivent contribuer aux dépenses de l’Etat :'on ne peut donc qu’upprouYer le plan générai de cette disposition. Mais eu même temps qu’on reconnait la nécessité d’une contribution personnelle, comme celle d’une contribution foncière, il est impossible de ne pas apercevoir la difficulté qu’il y a d’asseoir la contribution personnelle d’une manière juste, égale, éloignée de tout arbitraire. On se dissimulerait en vain cette difficulté, elle ne subsisterait pas moins: il faut la connaître, l’envisager et la vaincre; c’est le seul moyeu de rendre l’imposition juste et il n’y a qu’une imposition juste dont le recouvrement soit assuré. Le comité des impositions avait présenté un plau d’imposition et de répartition; quelques articles forment la base de l’imposition; des tarifs donnaient l’état 349 de la répartition : l’Assemblée a décrété une partie des articles qui composaient la base de l’imposition ; elle ne s’est pas encore expliquée sur les auires. A l’égard des tarifs, le comité a reconnu leur imperfection ; il les a abandonnés. Le plan du comité des impositions a fait naître des inquiétudes dans la capitale sur l’excès des sommes que la plupart des citoyens auraient eu à payer, et sur l’inégalité effective des contributions qu’on annonçait néanmoins vouloir répartir avec l’égalité la plus parfaite. Les déclarations réitérées par les membres du comité de l’imposition, qu’il ne faut point attaquer leurs tarifs, parce qu’ils ne subsistent plus, doivent être un premier motif d’assurance pour les habitants de Paris contre une forme désastreuse de répartition, présentée par des personnes dont les intentions sont extrêmement pures, mais qui, malheureusement, n’étaient pas à portée de connaître le mécanisme et la pratique, si l’on peut employer ces expressions, des luyers de Paris; ellest s’étaient attachées à une théorie abstraite dans une matière ou toute théorie, qui n’est pas calculée d’après l’expérience et les faits, est fausse. Les citoyens de Paris rendront d’ailleurs assez de justice à ceux qu’ils ont honorés de leur confiance, en les députant à l’Assemblée nationale, pour être persuadés qu'ils ne cesseront d'éclairer l’Assemblée sur les faits dont la connaissance doit régler les décisions relatives R Paris. Ils ont dû être instruits que les articles présentés comme base de la contribution personnelle avaient été modifiés en plusieurs parties singulièrement, eu ce qui regarde la manière de taxer les commerçants et les ouvriers; et, saus doute, ils apprendront avec satisfaction, que les observations présentées en ce moment à l’Assemblée nationale, sont le résultat d’uu très grand nombre de conférences que les députés de Paris ont eues, tant entre eux qu’avec le comité des impositions, les commissaires de la municipalité, le directeur et quelques receveurs des impositions de la ville. Mais ce qui doit, par-dessus tout, rassurer nos concitoyens, c’est la volonté connue et constante de l’Assemblée nationale de rendre justice à tous ceux du sort desquels le vœu commun de la nation l’a rendue l’arbitre. Les habitants de Paris sont chaque jour témoins de l’attention avec laquelle l’Assemblée discute les grandes questions qui lui sont présentées; ils ont fréquemment admiré la sagacité de ce grand corps, la délicatesse du tact avec lequel il discerne le point précis des questions, la franchise avec laquelle il revieut, dès qu’on l’éclaire, sur les premières idées qu’un aperçu trompeur lui avait fait concevoir, enfin l’impartialité constante de ses décisions. Mettons donc avec confiance, sous les yeux de l’Assemblée nationale les détails qu’il est indispensable qu’elle connaisse sur l’état de Pans quant à la masse de la contribution personnelle possible à percevoir, et quant au mode d’en assurer ia perception. La nécessité d’une contribution personnelle est reconnu -, cette contribution doit être de tout ce que les besoins publics exigent; mais elle ne saurait être de ce que les citoyens n’ont pas; il faut donc en fixer la masse possible avant de s’occuper de la répartir, et quant à la répar-tion, ii faut étudier sa forme afin de la faire porter sur ceux qui peuvent la payer, et non sur ceux qui ne seraient pas en état d’y satisfaire : Les dangers d’une erreur et d’un faux calcul en cette matière ne frapperaient pas seulement sur 350 .[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les particuliers; les iudividus seraient exposés à des poursuites; mais après tout, que peut-on redouter des poursuites, lorsqu’on n’est pas plus en état de payer les frais que le capital ? Les conséquences seraient funestes à la nation entière parce qu’elle aurait compté sur des rentrées absolument nulles, faute de fonds pour les produire. Une grande ville dans le sein de laquelle toutes les sommes recueillies par des taxes arbitraires et par des déprédations immenses venaient se répandre pour être aussitôt dissipées dans un tourbillon d’affaires, de fêtes, de plaisirs, devait présenter au royaume le spectacle de l’opulence, comme elle lui présentait celui du faste et d’un luxe immodéré. Paris avait alors de grandes richesses dans le prix de ses maisons, de ses appartements, de ses loyers de tout genre, que les étrangers et que les citoyens même, par l’effet de la concurrence des étrangers, payaient chèrement. Il en avait encore dans le produit des taxes établies sur une grande masse de consommations. La rapidité de la circulation du numéraire, le passage continuel des fonds d’une main dans une autre lui donnaient d’ailleurs des richesses apparentes parce qu’un grand mouvement de l’argent le multiplie en quelque sorte aux yeux des spectateurs : Paris était riche, et l’on devait porter ses richesses au delà de la réalité. La capitale de la France aura toujours une grandeur réelle : mais cette bouffissure, cet excès d’embonpoint, provenant du mauvais régime qui existait alors, est déjà tombé. Les citoyens de Paris ne regrettent pas des abus qu’ils ont été ardents à dénoncer, sévères à proscrire; mais ils n’ignoraient pas, lorsqu’ils développaient l’étendard de la liberté, lorsqu’ils réclamaient l’égalité entre tous les membres de la nation, que chez un peuple libre la frugalité est une vertu nécessaire; qu’entre égaux le luxe est difficile et rare. Paris, constamment plus peuplé que les autres villes du royaume, Paris qui jouira, en sa qualité même de capitale, d’une part plus abondante des fruits de la liberté, aura toujours des secours considérables à donner à la nation : Les richesses seront plus stables qu’elles n’étaient; mais elles seront moins abondantes. Nous connaissons l’état ancien de Paris, nous sommes assurés de son état à venir, mais le moment du passage de l’un de ces états à l’autre doit fixer l’attention quelques instants. C’est de l’imposition de l’année 1791 qu’il s’agit particulièrement. C’est donc l’état de Paris en 1791, qu’on doit particulièrement considérer. Les ennemis de la Révolution doivent abhorrer une ville qui l’a soutenue constamment de tout son pouvoir : ils l’ont fuit. De vaines terreurs ont éloigné de ses murs des personnes pusillanimes. La réforme des abus a tari les sources qui apportaient dans Paris l’or de tout le royaume : Paris subsistera grand et florissant; mais en ce moment il souffre par l’effet des pertes subites et grandes que les fruits de la liberté ne remplacent pas encore. La ville de Paris payait sa part des charges publiques en trois articles principaux : vingtièmes, capitulions, droits sur les consommations, lesquels s’aquittaient aux entrées de la ville. On y payait, en outre, sa part de la gabelle, des droits sur les fers, les cuirs, les huiles, etc. La contribution pour les vingtièmes, y compris les 4 sols pour livre, du premier vingtième, montait au plus à cinq millions; la capitation, environ trois millions ; les droits d’entrée à vingt-[9 décembre 1790.] huit millions, la part dans la gabelle et autres droits qui viennent d’être nommés sera forcée si on l’évalue à deux millions. Le total de ce produit est de trente-huit millions. Mais le total de ce produit doit aujourd’hui souffrir, en le considérant en lui-méme, plusieurs réductions. 1° Le Trésor public payait alors à la décharge de la ville de Paris, pour les boues, lanternes et pompiers, 1 ,180,000 livres; pourdiversesdépenses connues sous le nom de dépenses de la police, 1,554,000 livres; pour le pavé, 827,420 livres; pour le travail des carrières, 400,000 livres; pour les travaux de charité, 600,000 livres ; pour les approvisionnements des grains, 3,000,000 livres; pour la garde de Paris, 750,000 livres; et encore accordait-on fréquemment à la ville de Paris des secours importants pour toutes les dépenses extraordinaires que ses besoins ou ses embellissements sollicitaient. Ces différents articles forment un total de 8,250,000 livres. Il ne faut donc pas calculer sur un versement de trente-huit millions au Trésor royal, puisque ce même Trésor fournissant 8,250,000 livres aux dépenses de la ville, le produit réel de la taxe qui profitait à tout le royaume était de 29,750,000 livres seulement. 2° Les entrées de Paris étaient portées à une somme excessive: on sait qu’une bouteille du vin le plus médiocre paye près de 5 sous d’entrée. Les motifs d’une imposition aussi forcée étaient que la ville de Paris ne payait pas les mêmes impositions que les campagnes; taille, industrie, ustensiles de guerre, remplacement de corvées, etc. Mais aujourd’hui, toute différence cessant à cet égard, il serait injuste de faire payer à la ville de Paris des entrées calculées sur un pied plus fort que celles des autres villes. La masse des entrées de Paris sera plus forte que celie des autres villes, parce qu’il y sera importé une plus grande quantité d’objets assujettis aux droits d’entrée; mais le droit d’entrée que chaque objet, pris individuellement, doit acquitter au Trésor public, ne saurait être fixé à Paris sur un pied différent de celui des autres villes du royaume: ce serait contrevenir aux décrets constitutionnels qui établissent l’égalité entre les contribuables. De ces réflexions, il résulte une première conséquence, savoir, que la ville de Paris payerait effectivement plus au Trésor public qu’elle n’y payait précédemment, si on l’obligeait à continuer d’y verser les mêmes sommes. Elle ne les y versait alors que sous la condition d’une sorte de retour, à raison de ce que des dépenses considérables de fa ville étaient acquittées par le Trésor public, dépenses laissées aujourd'hui à la charge de la municipalité. Mais cette conséquence n’est pas la seule à déduire de ce qui a été dit : Il faut aller plus loin; c’est une nécessité indispensable de diminuer considérablement les impositions de Paris : La masse imposable n’est plus la môme parce que ses facultés ont éprouvé des retranchements de tout genre. L’imposition foncière de Paris ou les deux vingtièmes avec les 4 sols pour livre qu’on y payait, annonçait une masse imposable, ou un montant de loyers de 48,000,000 livres, y compris le quinzième qu’on déduisait sur les maisons pour les réparations, auxquelles elles sont sujettes. Il est à remarquer que, d’après les articles décrétés [9 décembre 1790. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 351 par l’Assemblée pour base des impositions, savoir que les loyers servent par leur évaluation à déterminer les diverses parties de la contribution personnelle, les loyers de Paris forment sous leurs divers rapports, la masse imposable pour la contribution foncière, et la base de la masse imposable pour la contribution personnelle : d’où il suit que l’augmentation ou la diminution de ces loyers produit nécessairement le même effet tant sur la contribution foncière que sur la contribution personnelle. Dans l’état actuel des choses, les loyers de Paris ont considérablement diminué. Il suffit de parcourir les rues de la ville pour se convaincre qu’il y a du sixième au huitième des maisons et appartements de la capitale à louer. Les offres pour ces maisons et appartements sont inférieures de beaucoup au prix ancien de leur location; et à l’égard des appartements qui étaient loués, de ceux même qui l’étaient par bail, beaucoup de propriétaires ont été forcés de consentir à une diminution au profit de leurs locataires. Plusieurs y ontété déterminés par des vues de justice et d’humanité, d’autres, y ont été contraints par i’appréliension trop fondée que l’impossibilité absolue de payer un loyer devenu trop cher, ne fit déserter les maisons ou les appartements. Beaucoupdedemandes en diminution de loyers ont été rapportées parla municipalité de Paris, aux comités ecclésiastique et d’aliénation, pour les biens qu’elle administre. On se plaignait notamment de l’excès des loyers dans les lieux ci-devant privilégiés, qui dispensaient les ouvriers de la maîtrise; et les deux comités ont été d’avis d’autoriser une diminutiou du quart. Les loyers évalués à 48,000,000 livres sont donc calculés sur le pied où ils étaient en 1787 et 1788. Dès 1789 ils avaient éprouvé une diminution; ellea d’abord été moins sensible par l’effet de l’imposition établie dans cette année même sur plusieurs bâtiments possédés ou occupés par des ci-devant privilégiés. D’ailleurs, la diminution était moins considérable à cette époque, parce que les engagements contractés entre locataires et les propriétaires ne pouvant pas être anéantis subitement, les maisons n’ont pas été abandonnées sur-le-champ ; et l’eussent-elles été, le vingtième n’en aurait pas moins été dû, puisqu’il existait des locations. C’est en 1790 que l’état des locations a commencé d’éprouver de grands changements; c’est actuellement qu’un grand nombre de maisons sont vides et non louees. La diminution doit être évaluée du sixième au huitième et il eu résultera que les loyers formeront une masse de 40 à 42 millions, sur laquelle il faudra déduire le quart, aux termes des décrets, pour obtenir le revenu net susceptible de la contribution foncière, revenu qui se trouve alors de 30 à 31 millions; et telle est la masse impossable pour la contribution foncière. La masse entière de 40 à 42 millions peut-elle être regardée comme la base de la masse imposable de la contribution personnelle, quant aux parties qui s’évaluent d’après les loyers ; de manière qu’en prenant par exemple, et par une règle commune, le décuple des loyers, les facultés mobihaires susceptibles d’imposition dans Paris monteraient à 420,000,000 livres? Cette supposition est absolument inadmisible d’abord, parce que dans les grandes villes en général, dans Paris en particulier, les loyers ne sont pas dans une exacte proportion avec les fortunes. On peut distinguer relativement à l’habitation, trois espèces de lieux différents: les campagnes, dans lesquelles nous comprenons les petites villes, où il n’est pas possible d’établir de prix de location, parce qu’il est excessivement rare d'y habiter ailleurs que dans sa propriété; les villes de second ordre où l'on ne peut se retirer dans des maisons qu’on prend à loyer; on les prend à raison de sa fortune, parce qu’on n’y est pas attiré pas des affaires qui exigent absolument qu’on y demeure, qu’on y ait de grands appartements; et les loyers n’y sont pas fort chers, parce qu’il n’y a pas une grande concurrence de personnes pour les occuper. Enfin, il y a les villes du premier ordre où plusieurs personnes viennent habiter dans l’intention d’y jouir des commodités que leur fortune les met en état de se procurer, mais où un très grand nombre des habitants se loge à raison de ses affaires, à raison de ce que son travail lui fera gagner, plutôt à raison de ce qu’il a déjà gagné; à l’égard de ces personnes, le prix de logement est une partie des avances qu’on sacrifie pour les faire fructifier, plutôt qu’une dépense sur ce que l’on a épargné. Ce serait une règle extrêmement fautive de calculer, dans de telles villes, les revenus des habitants sur une règle commune qui les arbitrerait à dix fois la valeur du loyer; ce serait encore beaucoup de les supposer, l’un portant l’autre, à six fois la valeur du loyer, et, dans cette supposition, la masse entière des revenus des habitants de Paris se porterait à 246,000,000 livres. Et le point important sur lequel on ne doit pas se faire illusion, est que cette somme de revenus ne représente pas uniquement des revenus [nobiliaires. Lorsqu’on dit qu’une masse de loyers de 41 millions suppose 246,000,000 de revenus, cela doit s’entendre de revenus quelconques, mobiliers et fonciers. L’observation est d’autant plus importante, d’après les décrets de l’Assemblée et les déductions qu’elle a ordonnées, le possesseur d’un reveau quelconque, qui a payé pour ce revenu dans la contribution foncière ne doit pas contribuer, pour raison du même revenu, dans la contribution personnelle. On voit donc que si l’on se permettait de prendre pour masse imposable de la contribution personnelle dans Paris, un revenu de 246,000,000 livres, présumé d’après les loyers, on tomberait dans une erreur grave, en ce que l’on comprendrait, dans la masse imposable à la contribution personnelle, des revenus qui n’y fourniront rien, parce qu’ils ont payé tout ce qu’ils devaient à la contribution foncière. Il s’agit maintenant de savoir de quelle quantité l’on devra diminuer la masse de 246,000,000 livres pour en soustraire les revenus qui se trouvent taxés à la contribution foncière. On ne peut présenter sur ce point que des aperçus jusqu’à ce que l'expérience ait fait connaître les réductions effectives qu’il faudra consentir pour le reversement de la contribution foncière sur la contribution personnelle. Mais il paraît, d’après beaucoup de calculs, qu’on ne saurait estimer beaucoup au-dessous de 150 millions la somme des revenus des habitants de Pans, qui consistent en produit de fonds. La presque totalité du revenu foncier que produisent les maisons de Paris appartient a des habitants de la ville; la plupart de ceux qui occupent les grandes maisons qu’ou nomme hôtels sont propriétaires de terres et de domaines; beaucoup de créanciers de l’Etat habi- 352 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1790.] laient Paris, et les acquisitions qu’ils vont faire des biens nationaux augmenteront les revenus fonciers des habitants de la ville ; il ne reste par conséquent une masse imposable en revenus de facultés mobiliaires que de la somme de96,000,00ü de livres. Mais, il reste à examiner encore, si, dans la situation actuelle, on peut imposer la ville de Paris sur le pied de cette masse imposable entière. Nous ne dissimulerons pas que la ville de Paris partage avec une grande partie du royaume l’affranchissement de la gabelle, des droits sur les cuirs et autres semblables; mais la ville de Paris n’a plus cette abondance de numéraire que lui apportaient de tomes les provinces les abbés commandataires, les bénéficiers non résidants, les gouverneurs de provinces et de places qui ne résidaient pas non plus, les attachés à la cour, les pens'onnaires, les tinanciers de tous ordres, le nombre infini de personnes qu’entretenaient des tribunaux de toute espèce, et le lessort d’un parlement qui embrassait à peu près la moitié du royaume. Ces dépenses alimentaient le commerce, donnaient l’activité à l’industrie; elles donnaient lieu à une grande circulaiion d’espèces, qui, dans leur cours rapide et pour ainsi dire, par la déperdition insensible de leur frottement, remplissait les coffres publics. Un fait bien important cunlirme les calculs qui viennent d’être présentés. L’imposition personnelle de l’année 1790, pour la ville de Paris, a eu pour base le prix des loyers. Le taux commun, combiné sur l’ancienne matièrennposabiede quarante-huit millions, avait paru présenter un résultat de trois millions, toute déduction faite des décharges et modérations ; mais la diminution considérable de l’industrie et des revenus mobiliers de Paris réduit le montant net de deux millions. Or, le taux commun étant du quinzième au seizième, l’un portant l’autre, du prix des loyers, il en résulte une nouvelle preuve que la matière imposable actuelle pour la contribution foncière, ne pourra guère excéder trente à trente-et-un millions. Les dépenses nécessaires de Paris se sont accrues dans le même temps où ses revenus diminuaient, et où les facilités de payer s’anéantissaient. Milleévénements, inséparables delà Révolution, ont occasionne des dépenses subites inopinées dont les traces subsisteront peudant un long temps. Des causes de dépenses nouvelles ont existé: Pans n’avait pas une garde nationale nombreuse à solder en partie, à armer presque en totalité. La police de Paris méfait pas coûteuse alors, la vuedes châteaux de Vincennes, de la Bastille et de Bicètre, et, la petite armée d’inspecteurs et d espions, toujours prêts à y conduire les citoyens à l’aide de lettres de cachet, suppléaient à des gardes nombreuses. Les états, quiout été fournis par la municipalité, portent sa dépense, dans l’avenir, bien au-dessus de ce qu’elle était dans Je passé, et il faudra des fonds pour ces dépenses, eu même temps qu’il en faudra pour les contributions publiques. Les citoyens de Paris seraient accables, si l’Assemblée nationale lie prenait pas leur position actuelle, leur position de 1791 en considération. Ce n’est passurdes richesses passées, sur une antique opulence qu’on peut asseuir des contributions. Pans en a fourni de uès tories; il pourra eu lournir de semblables à l’avenir, mais le moment actuel est pour lui un temps d’espérance, plutôt que de jouissance. Dès l’année 1791, les campagnes vont jouir de l'abolition de la dîme : le cultivateur n’est plus sujet à la corvée; l’habitant des grandes terres est exempt de toutes les servitudes personnelles qui gênaient ses travaux : le parisien a perdu l’aisance que lui donnaient les abus d’un mauvais régime. Il ne regrette pas cette aisance, dès que les abus sont proscrits: il en demanderait encore la proscription, dût-elle entraîner pour lui de plus grands sacrifices; mais il lui est permis sans doute de rendre compte de sa position à ses frères réunis de toutes les parties de la France, pour connaître l’état de chacune des parties du royaume : il expose ses pertes, il n'eu est pas attristé. La décision que l’Assemblée nationale prononcera sur la somme de la contribution personnelle qu’elle exigera de Paris, est un préliminaire indispensable pour arrêter un plan de tarif capable de fournir celte contribution. Messieurs du comité de l'imposition l’ont sans doute reconnu eux-mémes, lorsqu’ils ont annoncé, qu’ils ne s’occuperont plus du tarif qu’ils avaient présenté pour la ville de Paris. En effet, les fortunes sont si mobiles dans cette grande ville; les quartiers diffèrent tellement les uns des autres, pour la valeur des loyers, pour la classe des personnes qui les occupent, pour les professions auxquelles elles se livrent, pour la nature des gains qu’elles se promettent, qu’il est très difficile d’établir un tarif sur une base commune, et physiquement impossible de présenter un tarif équitable, si l’on n’a aucune connaissance de la somme à laquelle il faudra arriver. Nous ne pouvons donc présenter, en ce moment, que quelques vues générales sur les bases du tarif qui sera nécessaire. Le tarif proposé par Messieurs du comité d’imposition portait sur deux objets : ce qu’ils ont appelé la taxe d’habitation qui était une quote-part de loyer, et ce qu’ils ont appelé la contribution des facultés mobiliaires, présumées d’après le logis ; coutribution qu’ils établissaient en multipliant un certain nombre de fois la taxe d’habitation. Il paraît d’abord sujet à beaucoup d’inconvénients d’établir la contribution desfacullés rnobi-liaires absolument sur le pied de la taxe d'habitation. Toute personne qui paye un loyer, a certainement une faculté quelconque, celle qui Je met en état de payer son loyer; ce principe était la base de la capitation qu’on payait à Paris. La somme payée pour le loyer peut se graduer par une échelle suivie depuis la taxe la plus modique jusqu’à la taxe la plus forte, parce qu’il est évident, lorsqu’on ne considère que la taxe relative au loyer doit prélever sur cette dépense plus forte une somme plus forte pour les dépenses de l’Etat. Cette base uniforme disparaît et la régularité des calculs s’évanouit lorsque, ne procédant plus d après un fait reconnu ou prouvé, le fait du paiement actuel de tant pour le loyer, on veut lever une imposition sur les facultés présumées d’après le loyer. Toute présomption a nécessairement beaucoup de vogue et d’incertitude; mais elle en a bien plus encore, lorsqu’elle porte sur une chose aussi mobile que la valeur des loyers. Il serait donc convenable de séparer entièrement le tarif de la taxe d’habitation, du tarif de la contribution foncière : il est impossible que tous deux soient gradues sur la même échelle. Le comité des impositions a proposé et l'Assemblée nationale a ordonné qu’il serait fait un reversement de ia contribution foncière sur la contribution personnelle, de manière que Je ci- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1790.] 353 toyen qui, à raison de son loyer, serait présumé avoir, par exemple, 10,000 livres de revenu et qui serait imposé à la somme de 1,000 livres de contribution personnelle à cause de ce revenu, mais qui justifierait que son revenu présumé de 10,000 livres consiste en terres pour lesquelles il a déjà payé plus de 1,000 livres de contribution foncière, ne payerait rien à titre de contribution personnelle. Ce reversement porte sur un principe de justice, le principe qui ne permet pas de taxer deux fois la même personne pour le revenu. Cependant, le résultat de l’opération proposée a été une des principales causes de l’inquiétude des habitants de Paris. Il y en a eu trois raisons: 1° La proportion proposée par le comité entre la taxe d’habitation et la cote de l’imposition sur les revenus mobiliers étant telle, que la première se trouvait très faible el la seconde très forte, il en résultait que l’habitant de Paris, propriétaire foncier, paraissait ne payer presque rien pour son habitation à Paris , tandis qu’il semble que toute personne à qui il reste, après la déduction de ses impositions payées sur les lieux, un revenu assez considérable encore pour venir habiter la capitale, jouit d’une aisance qui permet de le taxer même pour cette habitation; 2° La taxe principale à laquelle le riche, qui est propriétaire, mais propriétaire foncier, se trouve imposé sur les rôles de la ville de Paris, étant effacée, souvent en tout, par l’effet du revirement de la contribution foncière, tandis que celle de l’habitant qui n’a pas de revenu foncier, mais seulement ses bras et son industrie, subsiste eu son entier. On était porté à croire, en comparant ces deux classes de citoyens, que l’une des deux ne payait rien, tandis que l’autre payait tout; et l’on ne croyait pas pouvoir s’accoutumer à voir le riche porté sur le rôle par une sorte de fiction seulement, tandis que le pauvre acquitterait bien réellement la somme pour laquelle 11 y serait inscrit; 3° IL résultait effectivement , de la radiation totale ou partielle de la cote de tous les propriétaires riches en fonds de terre, que ces articles devant être reportés sur les propriétaires non fonciers, la taxe de ceux-ci, quelque faible qu’elle parût dans le principe, devenait exorbitante par la nécessité de remplir les taxes non payées. ün exemple rend cette vérité sensible : Vous avez plusieurs propriétaires qui possèdent entre eux un revenu de 100,000 livres, et, sur cette somme, vous voulez lever une contribution de 5,000 livres; la taxe, dans ce premier aperçu, est modérée; chacun doit payer le vingtième : celui qui n'a que 100 livres de revenu pave 5 livres, et U lui reste 95 livres; mais si les quatre cinquièmes de ces propriétaires 11e fournissent pas leur contribution sur votre rôle, parce qu’ils l’ont payé sur un autre , et si vous voulez cependant toujours avoir vos 5,000 livres, il faut tirer le quart de la somme de 20,000 livres, possédée par ces seuls propriétaires qui doivent remplir votre rôle; et le citoyen qui paraissait conserver 95 livres sur son petit revenu de 100 livres est réduit à 75 livres. Tel est l’effet du reversement de la contribution foncière sur la contribution personnelle. Les épreuves qui ont été tâtées sur la répartition d’une contribution personnelle de 5 millions de livres dans Paris, ont démontré que pour obtenir cette somme, il faudrait imposer 30 millions delivres, parce que le reversement de la contribution foncière ferait tomber en non-valeur les ire Série. T. XXI. quatre cinquièmes de la contribution personnelle. Nous croyons avoir aperçu un moyen d’éviter les trois inconvénients dont nous venons de parler, ou au moins d’en diminuer considérablement l’influence, en établissant la masse du résultat de la taxe d’habitation plus forte que la taxe des facultés mobiliaires.il faut que la taxe d’habitation soit telle que l’homme aisé qui vient habiter Paris, contribue réellement à raison de son aisance. Cette taxe n’étant pas sujette à être anéantie par le reversement de la contribution foncière, quiconque la payera, verra que son voisin, aussi riche ou plus riche que lui, paye comme lui, en proportion de ses richesses, et paye effectivement. Enfin, la contribution pour les" facultés mobiliaires se trouvant réduite dans toute sa masse, l’effet du reversement dont on a vu les inconvénients et les dangers, sera moins sensible. Les inconvénients ne cesseront pas en totalité, mais ils ne seront plus assez graves pour donner sujet à des plaintes. Telles sont les observations que les députés de Paris se proposent de présenter à l’Assemblée nationale, et qu’ils demanderont la permission de lui développer. La conséquence qu’ils en tireront, est qu’avant tout, et dans le moment actuel, il est nécessaire d’indiquer à la ville de Paris la somme de la contribution personnelle qu’on exige qu’elle paye; qu’ensuite, et lorsqu'il s’agira de répartir cette somme, il est juste de lui laisser dresser elle-même ses tarifs, d’après les règles qui auront été proposées à l’Assemblée, et que l’Assemblée aura jugé devoir décréter. Signé : Levis de Mirepoix, Martineau, Vignon, Hutteau, D. Chevreux, Dionis, Leclerc, Chevreuil, Anson, Bonnevai, Gros, curé de Saint-Nicolas du Chardonnet \ Bevière, Debourge, Germain, Poignot, Bailly, Camus, Treilhard, Dosfant, Garnier, Cayla, Rochechouart, Bé-rardier, Lemoine, F. de Beauharnais, Lusi-goem, Montesquiou-Fezensac, Berthereau, Tronchet, Duport. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du jeudi 9 décembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie. Un de MM. les secrétaires fait l’annonce des adresses suivantes : Adresse du tribunal du district de Gonesse, installé ce matin à Montmorency. 11 consacre les premiers instants de son existence politique à exprimer son attachement et celui de ses juridicia-bles à la nouvelle Constitution, et leur profond respect pour les auteurs de notre heureuse régénération. Adresse des nouveaux officiers municipaux de la ville de Chinoo, département d’Indre-et-Loire, contenant des protestations de la plus parfaite soumission aux décrets de l’Assemblée nationale. Ils annoncent que quelques divisions qui s’étaient élevées lors de l’organisation des municipalités (1) Cette séance est ncomplète au Moniteur. 23