[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1790.] peuple voisin, que la langue» les mœurs, une prédilection marquée semblent encore davantage rapprocher de vous? Souffririez-vous qu’on le sacrifiât à la terreur que vous-mêmes avez inspirée? Laisseriez-vous sitôt et si près de vous donner l’exemple funeste d’un peuple puni pour avoir reconquis sa liberté ? Et s’il m’est permis, Messieurs, de joindre à des vues de magnanimité, si dignes de vous, des considérations de votre propre intérêt, le sort futur des Liégeois serait-il sans importance pour la France? Dans l’ancien ordre de choses, sous le régime d’une politique destructive, le pays de Liège sans doute était mort pour vous; mais sous l’empire vivifiant de la liberté, serait-il encore le même? Dédaignerait-on encore un pays peuplé de cinq cent mille citoyens régénérés par la conquête de leurs droits et le sentiment de leur force? comblé des richesses de la nature, favorisé par une position heureuse, arrosé par une belle rivière, ce pays, éclairé désormais sur les vraies sources de la prospérité, ne vous offrirait-il pas des rapports intéressants de bienveillance etde commerce?Pourriez-vous, d’ailleurs, vous dissimuler le danger de laisser le despotisme tranquillement s’établir sur une terre qui avoisine la vôtre, et de là gêner vos frontières, surveiller vos démarches, épier vos mouvements?... Je me tais, Messieurs ; ce n’est point à nous qu’il appartient de sonder les profondeurs de la politique ; nous ne pouvons qu’abandonner et soumettre ces réflexions à vos lumières, à votre sagesse. Mais à l’époque importante où nous sommes, au moment d’une paix que l’on dit consolidée entre deux monarques puissants, et qui va décider peut-être de la destinée des Liégeois, ce qu’il nous est permis du moins d’attendre avec une noble confiance d’une nation généreuse et grande, ce que nous pouvons sans crainte réclamer de vous,' c’est l’approbation qu’on doit à une cause juste, c’est l’autorité suprême d’une raison éclairée. Oui, à la voix de l’Assemblée auguste qui a donné au monde un si sublime exemple, qui exerce sur l'Europe étonnée l’empire irrésistible des lumières, le roi bienfaiteur des Liégeois, fier de l’ouvrage qu’il a commencé, ne sera que plus sensible à la gloire de le soutenir, de l’achever ; les princes même, qu’une politique mal entendue égare, peut-être reconnaîtront leur erreur ; ils sentiront que le règne du despotisme est passé ; ils se convaincront que leur intérêt désormais sera d’être justes et de respecter les droits des peuples. Jusqu’ici, Messieurs, nous n’avons sollicité que votre bienveillance et votre magnanimité, nous allons réclamer votre justice. La pétition que nous avons l’honneur de vous soumettre* est énoncée dans la note(l) ci-jointe que nous vous supplions au nom du peuple liégeois, de daigner prendre, le plus tôt possible, en considération. L’objet est important pour lui ; ses dangers sont pressants; les moments sont précieux. Il s’agit d’une ancienne créance du pays de Liège sur la France, créance dont la légitimité a été reconnue solennellement. Elle était de deux millions sept cent quatre-vingt-deux mille sixjj cent quarante-six livres. Elle fut réduite à deux millions, que le roi, par un arrêt du conseil d’Etat du 16 octobre 1785, ordonna de payer aux Liégeois dans le (1) Cette note expose la situation actuelle desLiégeoi?, les titres de leur créance sur la France, et les motifs eur lesquels ils fondent l’espoir d’en obtenir le prompt payement. terme de quatre années î ils n’ont eiiCofe reçu que cinq cent mille francs; ils réclament le payement des quinze autres cent mille livrés. Nous ne’n appelons, Messieurs, sur cet objet qu’à l’équité sévère de l’Assemblée nationale, qu’à cette loyauté qui fut toujours le caractère distinctif d’une nation noble et généreuse. S’il fallait d’autres motifs pour vous intéresser, . . le peuple liégeois est persécuté ; on veut le rendre esclave: c’est en dire assez aux représentants des Français ! M. le Président répoiid î Messieurs, l'Assemblée nationale voit avec satisfaction dans son sein les députés du peuple liégeois; vous l’augmentez encore par l’exposition de vos sentiments pour un roi qu'elle ebérit; c’est lui rappeler tous les siens que de lui parler du monarque que la nature, la Constitution et son heureux sort lui ont donné. Le double hommage que vous rendez au roi des Français et à l’Assemblée nationale, celte louange d’un peuple digne d’être loué est une récompense des travaux qu’ils ont entrepris pour bien mériter des hommes. Vous réclamez des sommes prêtées au gouvernement dans des temps difficiles ; vous connaissez la justice de l’Assemblée; je viens de vous instruire de ses sentiments : elle prendra votre demande en considération, et vous invite à sa séance. M. Merlin. Je demande que le discours de la députation ainsi que la réponse du président soient imprimés. Cette proposition est adoptée. La pétition est renvoyée aux deux comités des finances et de liquidation. M. Boutteville-Dumetz. Au nom des amis du bien public, je demande que la séance soit prolongée jusqu’à onze heures, afin que ces longues et tumultueuses oppositions ne remplissent pas leur objet en ralentissant nos travaux. (Cette proposition est adoptée.) M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution, propose un décret pour la nouvelle division du département de V Ardèche en trois districts. Ce décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, considérant que la nouvelle division du département de l’Ardèche en trois districts, au lieu de sept, qui avaient été provisoirement formés, nécessite une nouvelle élection des membres qui composent leur administration ; « Décrète : 1° que les électeurs de ce département qui doivent se réunir pour l’élection des juges, dans les lieux, sièges des tribunaux de leurs districts respectifs, tels qu’ils ont été indiqués par le décret du 18 août dernier, procéderont aussi, et préalablement dans la forme prescrite par la loi, à l’élection des administrateurs de chacun de ces districts; « 2° Que les membres des corps administratifs supprimés cesseront leurs fonctions immédiatement après la formation des nouvelles administrations; « 3° Que la convocation des électeurs pour lesdites élections sera faite par le procureur général syndic du département, et dans fa forme prescrite par l’article 3 du décret du 18 août dernier, sur l’ordre judiciaire. » M.Trcillmrd, rapporteur du comité ecclésiastique, présente la suite des articles du projet de [19 septembre 1790.] 67 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. règlement pour les religieux et les chanoinesses séculières. Après une très courte discussion les articles suivants sont adoptés. « Art. 28. Ne sont compris dans les dispositions des décrets concernant les ordres religieux, ceux qui étaient dans les ordres supprimés, en vertu de lettres patentes enregistrées sans réclamation, avant l’époque de la publication du dé* cret du 13 février dernier, et sera leur sort réglé par les décrets concernant le clergé séculier, sans néanmoins aucune dérogation à l’article 2 du décret des 19 et 20 février, en ce qui concerne les jésuites. « Art. 29. Les religieux pourront être employés comme vicaires, et même devenir éligibles aux cures; dans le cas où ils occuperaient un emploi dont le traitement serait inférieur à leur pension, ils jouiront pour tout traitement du montant de ladite pension ; dans le cas où le traitement de leur emploi serait supérieur, ils ne jouiront que dudit traitement. « Art. 30. Les successions des curés réguliers, et celles des religieux sortis de leurs maisons, qui sont décédés depuis le 13 février dernier, seront réglées conformément à l’article 3 du décret des 19 et 20 mai dernier, et seront, en conséquence, recueillies par leurs parents les plus proches, conformément auxdits articles. « Art. 31. Il sera dressé sur les tableaux des religieux qui seront envoyés par les directoires des départements, un état général de tous les religieux, dans lequel seront distingués ceux qui auront préféré la vie commune, et ceux qui l’auront quittée : sera ledit état rendu public par la voie de l’impression. « Art. 32. Les municipalités seront tenues de donner avis aux directoires du district, du décès de chaque religieux, soit qu’il ait quitté, soit qu’il ait continué la vie commune, et ce, dans la quinzaine dudit décès ; le district instruira tous les trois mois le directoire du département, des religieux qui pourraient être décédés dans son arrondissement; le directoire du département enverra tous les ans au Corps législatif les noms desdits religieux, pour en être dressé une liste qui sera rendue publique. <■ Art. 33. Tous les religieux sans distinction, avant de toucher leurs peusions, seront tenus de déclarer s’ils ont pris ou reçu quelque somme, ou partagé quelques effets appartenant à leur maison ou à leur ordre, autres que ceux mentionnés en l’article 8 ci-dessus, et d’en imputer le montant sur le quartier ou sur les quartiers à échoir de leur pension; ne pourront les receveurs des districts payer aucune pension religieuse, que sur le vu de ladite déclaration, laquelle sera et demeurera annexée à la quittance de chaque religieux ; et seront ceux qui auront fait une fausse déclaration, privés pour toujours de leur pension. « Art. 34. Les religieux sortis de leur maison depuis le 29 octobre dernier, ou qui désireront en sortir avant le 1er janvier 1791, recevront provisoirement, jusqu’à cette époque, un secours qui sera fixé par le directoire des départements sur l’avis du directoire des districts, et d’après la demande des municipalités, sans néanmoins que ledit secours puisse, dans aucun cas, excéder la proportion des traitements fixés par le décret des 19 et 20 février dernier, sauf à compter ainsi qu’il a été réglé par l’article 1er du présent titre. « Art. 35. Ne pourront néanmoins les religieux actuellement occupés à l’éducation publique et au soulagement des malades, quitter leurs maisons, sans au préalable avoir prévenu les municipalités six mois d’avance, ou sans un consen-sentement par écrit desdites municipalités. « Art. 36. Il sera pareillement accordé pour la fin de la présente année, par les directoires de département, sur l’avis des directoires de district et d’après la demande des municipalités, des secours aux maisons qui ne jouissent d’aucun revenu, ou dont les revenus sont notoirement insuffisants pour l’entretien des membres qui les composent, et sauf à compter conformément à l’article 1er ci-dessus. » (La séance est levée à onze heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX. Séance du dimanche 19 septembre 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures et demie du matin. M. l’abbé ©udot, député de Chalon-sur-Saône , demande à s’absenter pour quinze jours. M. Oarnaudat demande un congé pour affaires pressantes. M. de Chambrai, député d’Évreux , demande également la permission de se rendre dans son département pour ses affaires. Ces congés sont accordés. M. de Ufoailles, membre du comité militaire, député de Nemours. Il s’est présenté aux casernes de Courbevoie et de Ruel un particulier se disant député d’unesociété helvétique, porteur de papiers et d’imprimés à distribuer aux soldats, avec défense d’en donner connaissance aux officiers et sous-officiers. Cette démarche peu conforme aux lois militaires, et notamment à celles que vous avez décrétées, a excité des soupçons parmi les braves soldats suisses; ils ont requis les municipalités, et leur ont dénoncé cette démarche insidieuse. Les municipalités ont fait des informations; et après avoir eu communication des pièces dont le député était porteur, elles ont pris des arrêtés dont je vais vous faire lecture. Extrait des registres des délibérations de la municipalité de Courbevoie. « M. Gillet, procureur-syndic de la commune, a demandé la parole et a dit, etc., etc., etc. L’Assemblée, prenant en considération les conclusions de son procureur de la commune, a arrêté et délibéré à l’unanimité : 1° que quiconque se présentera à la caserne du régiment des gardes-suisses, pour y lire ou faire signer des adresses ou pétitions, sans être porteur des ordres du roi, d’un décret de l’Assemblée nationale, des pouvoirs des souverains des cantons suisses, ou d’un ordre signé d’un officier de l’état-major du régiment (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.