[1er mai 1790.] 357 [Assemblée nationale.] ARCHIVES ARLEMENTAIRES. en assurer vos concitoyens. L’Assemblée nationale vous invite à assister à la séance. (La députation entre de la barre dans l’Assemblée.) M. de Montlosicr, Je demande à M. le président si c’est par son ordre que ces Messieurs sont entrés dans l’Assemblée? Des voix à gauche : Oui! Oui! ( Bruit et mouvements en sens divers.) M. le Président. Il m’est impossible de me faire entendre au milieu d’un pareil bruit; ou ne m’écoute pas; on m’insulte même ! Les mêmes voix : Qui ? M. le Président ne donne point de réponse. Une députation de l'académie des sciences et belles-le tir es de Châlons-sur-Marne est introduite à la barre ; un membre de cette députation prononce un discours qu’il dépose sur le bureau, avec un exemplaire d’un ouvrage sur l’éducation nationale, dont cette académie fait hommage à l’Assemblée. Le discours est ainsi conçu : « Messieurs, l’académie des sciences et belles-lettres de Châlons-sur-Marne, encouragée par l’accueil favorable que l’Assemblée nationale a bien voulu faire au premier ouvrage qu’elle lui a présenté sur les moyens d'améliorer en France la condition des journaliers., nous charge de lui offrir aujourd’hui un nouvel ouvrage sur {'éducation nationale. C’est aux pieds de l’auguste Assemblée, toujours occupée du bonheur public, que doivent être déposés les travaux qui tendent à le fixer. L’académie de Châlons, pénétrée de cette vérité, et constamment animée du même esprit, demande à votre honorable Assemblée la permission de lui soumettre les résultats de ses efforts; ils seront les témoignages de son respect et le tribut de son admiration. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale est trop éclairée sur ses vrais intérêts pour ne pas sentir que si elle veut assurer la Constitution, elle doit lui donner de bons fondements, et que le meilleur et le plus solide de tous ceux qu’elle peut établir, c’est celui d’une bonne éducation. Elle approuve le zèle de l’académie de Châlons, et l’exhorte à continuer des travaux si utiles à la patrie, et elle vous permet d’assister à sa séance. » L’ordre du jour appelle ensuite la discussion du rapport du comité d’agriculture sur le dessèchement des marais ( Voyez le premier rapport de M. Heurtault de Lamerville, du 7 février 1790, Archives parlementaires, t. XI, p. 489, et le second rapport du 22 avril 1790, t. XII, p. 312). M. Ifcurtanlt de Eamerville , rapporteur . Messieurs, les rapports que j’ai eu l’honneur de vous faire sur le dessèchement des marais ont été imprimés et distribués; vous en avez, dans votre sagesse, pesé tous les détails, et il est inutile de les remettre sous vos yeux. Je propose donc de passer à la discussion, et je me bornerai à lire les articles. L’article 1er est ainsi conçu : « Art. 1er. Chaque assemblée de département s’occupera des moyens de faire dessécher les marais, les lacs et les terres inondées de son territoire, en commençant, autant qu’il sera possible, ces améliorations parles marais les plus nuisibles ' à la santé, et qui pourraient devenir les plus propres à l’accroissement des subsistances; et chaque assemblée de département indiquera le meilleur plan, et emploiera les moyens les plus avantageux aux communautés , pour parvenir au dessèchement de leurs marais. » M-Vieillard, député de Cou tances. Le comité paraît supposer que la propriété des marais n’est pas contestée; il ignore sans doute les vexations inouïes qu’on a exercées à ce sujet dans plusieurs provinces, et notamment dans celle de Normandie. Il faut donc statuer préalablement sur les usurpations faites depuis quelques années, et décider si les arrêts du conseil, rendus depuis trente ans, au détriment des communes et des particuliers, doivent être mis à exécution. Pour vous prouver que mes observations ne sont pas sans fondement, je vais vous citer un exemple particulier à ma province, mais qui n’en mérite pas moins d’être entendu. M. Moranger, Turc amené à la religion chrétienne par le zèle de quelques missionnaires, reçut du gouvernement, pour prix de sa conversion, 24,000 arpents de marais ; il a rétrocédé par la suite sa concession à M. et Mme de Polignac. En 1784, un arrêt du conseil du roi a révoqué cette concession; mais, au mépris de cet arrêt, sous le ministère de M. de Breteuil, mademoiselle de Marignon, sa fille, en redevint concessionnaire. La justice promise par le roi fut ainsi outragée. Arrêts du parlement sont intervenus contre cette violation des propriétés... M. Duval d’Eprémesaîll. Répétez, on n’a pas entendu. M. Vieillard. Je répéterai avec plaisir. Il y a assez d’autres circonstances où les parlements se sont mal comportés, pour que je leur rende justice quand ils ont fait leur devoir. D’après ces observations, Messieurs, je vous propose de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète : « Que tous les arrêts du conseil, rendus depuis trente ans, tant à l’égard de la province en Normandie, qu’à l’égard des autres provinces du royaume qui ont autorisé la concession des marais, landes, terrains vagues et autres objets dont les communautés d’habitants ou autres particuliers étaient en propriété ou possession avant cette époque, demeurent comme non-avenus, et que tous les jugements rendus et actes faits en exécution sont révoqués. « En conséquence, les habitants ou particuliers qui ont coutume de jouir desdits objets, nonobstant lesdits arrêts où jugements, ne pourront être troublés ni inquiétés par les concessionnaires. • « Quant à celles des communautés ou à ceux des particuliers qui, par l’effet desdits arrêts, auraient été évincés, ils pourront réclamer la possession desdits objets en se pourvoyant à cet effet dans l’espace de cinq ans pardevant les tribunaux, sans pouvoir prétendre aucune restitution de fruits perçus, sauf à les faire entrer en compensation dans le cas où il y aurait lieu à des indemnités. « Les assemblées de districts et de département décideront de quelle manière lesdits marais, landes et terrains communaux devront être admi nistrés, soit que le partage soit ordonné ou non, et veilleront dans tous les cas à ce que les droits des pauvres soient équitablement et convenablement déterminés. » Divers membres demandent que le projet de dé-