|AssembJée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 février 1791. J 750 M. Kegnaud {de Saint-Jean-d' Angély). Il est impossible que vous adoptiez la proposition qui vous est faite : pour statuer en dernier ressort. Vous avez voulu qu’il y eût deux degrés de juridiction : de quelque source que dérive l’action d’un individu, c’est une action simple, une action civile, qui doit être portée devant les tribunaux civils. Je demande que, pour statuer sur l’amendement qui est proposé, on renvoie l’article au comité. (Cette motion n’est pas adoptée.) (L’article 28 est décrété avec l’amendement de M. Garat.) M. le Président. J’ai reçu de M. le maire de Paris la lettre suivante : « Paris, le 4 février 1791. « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous prévenir que la municipalité a fait hier l’adjudication de six maisons nationales, situées, la première, rue des Fontaines, louée 6,218 livres, estimée 75,425 livres, adjugée 106,100 livres; la seconde, rue Saint-Martin, louée 900 livres, estimée 29,250 livres, adjugée 52,500 livres; la troisième, rue Baillif, louée 2,500 livres, estimée 22,700 livres, adjugée 42,000 livres; la quatrième, enclos Saint-Martin, louée 1,054 livres, estimée 7,750 livres, adjugée 20,000 livres ; la cinquième, rue Croix-des*Petits-Champs, louée 2,800 livres, estimée 45,000 livres, adjugée 79,000 livres; la sixième, enclos Saint-Martin, louée 1,200 livres, estimée 8,800 livres, adjugée 25,100 livres, « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : BaILLV. » M. Chevalier. Messieurs, on est effrayé de tous côtés des progrès que fait l’usage atroce du duel : il déshonore nos mœurs et notre liberté ; il peut produire les plus funestes effets chez un peuple entièrement armé, {Murmures.) Que m'importent les murmures quand je soutiens une demande conforme à la raison et favorable à l’humanité ! On répand le bruit que des spadassins ont formé le projet de provoquer en duel quantité de bons citoyens {Rires à droite) ; une grande inquiétude règne à ce sujet dans les campagnes. Je crois en conséquence qu’il est de mon devoir de demander que l’Assemblée ordonne à son comité de Constitution de présenter incessamment un projet de décret sur le duel dans le plus court délai. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. J’invite les membres de l’Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procéder à l’élection de six adjoints au comité du commerce et d’agriculture» L’ordre du jour de la séance de demain sera la suite de la discussion sur les jurés. (La séance est levée à deux heures trois quarts.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 FÉVRIER 1791. Développement de l’opinion de M. de .Mirabeau l’alné, concernant le revenu public à établir sur la consommation du tabac (1). J’ai avancé, dans mon opinion sur le projet du comité, que le droit de 2 1. 10 s. par quintal, qu’il propose d’établir sur l’importation libre du tabac, en Framce, ne rendrait pas plus de 300 à 400,000 livres ; Que les taxes, d’ailleurs évidemment impraticables sur les fabricants et les débitants, ne donneraient qu’un revenu d’environ 2,400,000 1.; Qu’il était donc impossible de supposer, avec le comité, que ce double produit pût s’élever à 8 millions; Enfin, qu’il serait facile de concilier avec le véritable intérêt de l’agriculture et du commerce la conservation d’un impôt d’environ 30 millions sur la consommation du tabac. On a paru désirer que je tisse connaître les bases de mes calculs; je vais donner ce développement à mon opinion. M. Rœderer, rapporteur du comité dés impositions, m’a proposé, en ces termes, lesquesiions auxquelles je dois répondre ; Que M. de Mirabeau veuille bien joindre à son décret deux calculs pour établir, l'un , quel produit il espère, pour la présente année et pour la prochaine , du régime qu’il propose. L’autre, quel produit il espère de ce régime pour les années suivantes. Je distingue les deux temps, le présent et l'avenir, parce qu'il y a des obstacles actuels et des obstacles perpétuels. Actuels : ce sont, 1° lu contrebande déjà versée dans le royaume ; 2° Le tabac qui y a été cultivé. Perpétuels : Ce sont, 1° la\suppression des rigueurs pénales; 2° La suppression des visites domiciliaires; 3° La suppression des barrières intérieures ; Ces trois suppressions font perdre toute la garantie que Von avait dans l’ancien système pour la Conservation des produits. Avant de répondre à ces questions, je dois établir par des calculs que l’impôt tel que le propose le comité, au lieu de fournir 8 millions, ne produirait qu’environ 2,800,000 livres. 1° Le droit de 2 Z. 10 s. par quintal, sur le tabac importé, ne produira pas plus de 3 à 400,000 livres. Je le prouve de cette manière. 11 est possible d’abord, et ce serait un très grand mal, que la manie de cultiver du tabac prît au point que nous n’eussions besoin d’ aucuh tabac étranger; et dès lors, il n’y aurait ni Importation de cette denrée, ni commerce avec l’Amérique, ni perception de droit. Cette supposition est d’autant plus facilé à admettre que, selon le comité, 40.000 arpents de terres à tabac suffiraient à toute la consommation du royaume. Dans cette première hypothèse, le droit de 2 1. 10 s. par quintal ne serait donc d’aucun produit. Je suppose maintenant qu’ou importât du tabac, en France, pour le tiers de notre consommation, ce qui ne pourrait avoir lieu qu’avec un droit (1) Voyez ci-dessus la discussion sur le tabac, séance du 29 janvier 1791, p. 567 et suivantes. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 février 1794.] très modique. Quel serait alors le produit de cette branche de revenu? Le rapporteur du comité reconnaît que 20 millions de livres de tabac fabriqué suffisent à toute la consommation du royaume; et j’ajoute un tiers à cette quantité pour compenser le décret de la fabrication. D’après cette base, l’importation du tabac en feuilles serait de 10 millions de livres, ou de 100,000 quintaux. Or, 100,000 quintaux à 2 1. 10 s. font ............................ 250,000 liv. J’ai porté cette somme plus haut, parce que j’ai supposé que notre consommation pourrait s’élever à 24 millions de livres; et j’admettrai, si l’on veut, cet excédent pour. . . . 100,000 Total .......... 350,000 liv. Mes calculs sont donc exacts, lorsque j’évalue le produit du droit d’importation à 300 ou 400,000 livres. On m'a fait observer , depuis que fai prononcé monopinion, quelecomitéproposaitundroitdehO livres par quintal, et non de 50 sols; et en effet, M. Rœderer a parlé de 50 livres. Mais j'ai pris cela pour une erreur, ne pouvant pas supposer qu'il pût entrer dans sa pensée d'exiger un droit de 50 livres par quintal, sur une denrée qui ne vaudrait, chez nous, que 10 livres. S’il n'avait eu, en cela, pour objet, que d'empêcher entièrement l'introduction du tabac étranger, autant et mieux valait-il la prohiber. A 2 l. 10 s. par quintal, le droit pourrait rendre quelque chose : à 50 livres il ne rendrait rien du tout; et dès lors, mes calculs sont bien plus vrais. Le produit des taxes est donc le véritable impôt que propose le comité. Or, je soutiens qu'en admettant la liberté de la culture du tabac, le produit des taxes auxquelles on voudrait assujettir le droit exclusif de fabriquer et de vendre cette denrée ne produirait qu' environ 2,800,000 livres. Pour arriver à ce résultat, j’ai supposé qu’un pareil privilège serait impossible à maintenir, au milieu des facilités que la liberté de la culture donnerait aux fraudeurs, s’il y avait plus de 20 0/0 à gagner pour ceux qui vendraient le tabac, sans s’assujettir aux taxes. Voyons maintenant ce que produirait le 20 0/0. Le tabac en feuilles, acheté à 25 livres le quintal, revient à la ferme,1 tout préparé, à 13 sous la livre, à cause du déchet et des frais. 11 reviendrait à 10 sous la livre, si les deux tiers de la matière première ne coûtaient que 10 livres le quintal? Ainsi le prix total des 20 millions de livres à consommer ne s’élèveront qu’à 10 millions. Le 20 0/0, sur 10 millions, c’est 2 millions; et j’ajoute 400,000 livres de plus, parce que je suppose que la consommation du tabac peut être portée à 24 millions de livres. On voit que je renonce à déduire tout ce qui serait fabriqué et débité par la régie que le comité déclare exempte des droits de taxe, ce qui pourtant ferait tomber tous les privilèges particuliers, et réduirait à rien le produit des taxes. Je vais plus loin, et je dis qu’une taxe, même de 40 0/0 sur la valeur, ne produirait pas davantage, puisqu’il est impossible de ne pas supposer que la moitié des habitants du royaume échappe-751 raient à la taxe, en fabriquant du tabac pour leur usage. Je n’ai parlé jusqu’ici que du plan du comité, et ii me demande des calculs relatifs à mon système. Il désire que je distingue avec soin le produit actuel d’un impôt sur le tabac, de son produit à venir : pour moi je n’attache presque aucune importance à cette distinction; car fût-il vrai que pour une année seulement, la recette d’un impôt dût être beaucoup moindre par des circonstances particulières, il ne faudrait pas conclure pour cela que l’on dût y renoncer, si d’ailleurs il tenait Leu d’une autre imposition qui serait beaucoup plus onéreuse. Je répondrai cependant à tous les détails ; mais je dois, avant tout, fixer le produit d’une année commune; nous examinerons ensuite si la recette de cette année et de la suivante doit être aussi médiocre qu’on le suppose. Je prends pour base l’année 1788, et voici des calculs sur l’exactitude desquels on peut compter : Les produits bruts de la venté exclusive du tabac ont monté à ............................. 51,034,4931. 16s. >» d. Les frais d’achats de matière, de fabrication et autres de ce genre ont été de 10.354.654 1.17 s, 7 d. La dépense en frais do garde, de régie et de remises a été de... 7,177,8371. Ils. 4 d. De cette part ............. 33,502,0031. 7 s. s. ld. Mais sur cette dernière somme, quatre millions ont été employés pour la garde des frontières, celte partie des frais ne devra plus être comptée à l’avenir. Sans la déduire il y a eu un produit net de ................... 33,502,003 1. 7 s. 1 d. Et en la déduisant, puisque la perception des traites rend déjà la garde des frontières indispensable, le produit serait de ............. 37,502,003 I. 7 s. i d. Prenons donc cet exemple pour base; et voyons si la réduction du prix de 5 sous l’once, à 3 sous l’once, permettra de porter le produit de l’impôt du tabac à 30 millions, ainsi que je l’ai annoncé. En 1788 la recette, dont je viens de parler, a été faite par la vente de 15,277,000 livres pesant de tabac ; or, d’après ce fait vérifié, ii ne s’agit que de savoir si 2 cinquièmes de moins dans le prix du Aabacne seront pas compensés en partie par une consommation plus forte. Je le prouverais au besoin par ce seul calcul : le comité suppose qu’il se consomme en France 20 millions de livres de tabac. Je disais donc : si 15,277,000 livres pesant ont produit, à 5 sous l’once, 37,502,003 1. 7 s. 1 d., 20 millions de livres produiront certainement, à 3 sous l’once, 29,457, 617 1.8 s., c’est-à-dire 49,096,029 livres, moins les 2 cinquièmes de cette dernière somme. Je n’ai pas besoin de prouver que la vente pourra s’élever à 20 millions de livres, le comité en convient; mais il est facile de montrer qu’on peut la porter beaucoup plus haut. Quelques données faciliteront ce calcul. 17,532,4921. 8 s. 11 d. 752 [Assemblée nationale. J 1° En 1788, la vente exclusive n’avait point lieu dans les ci-devant provinces d’Alsace, de Flandre, de Hainaut, d’Artois, ne Cambrésis et Franche-Comté. Il faudra donc ajouter aux 15,277,000 livres de tabac vendues en 1788 presque toute la consommation de ces provinces; 2° A cette époque, la franchise de Lorient et de Dunkerque, et celle de Bayonne et de son territoire, diminuaient considérablement les ventes de la ferme dans la Bretagne, le pays de Labour, la Biscaye et le Béarn, sur les frontières de la Picardie et sur les côtes de la Normandie. Or, la franchise de Lorient n’existe plus, et Bayonne ainsi que Dunkerque pourraient être soumis à la vente exclusive du tabac; 3° On a toujours évalué l’introduction du tabac en fraude à un dixième de celui qui était vendu par la ferme. Or, la réduction du tabac de 5 sous à 3 sous diminuera au moins la contrebande de moitié ; 4° La diminution du prix du tabac en augmentera nécessairement la consommation dans tout le royaume, au moins d’un sixième; 5° Enfin, s’il fallait juger de la consommation totale du royaume par celle de plusieurs provinces où le tabac est à moindre prix, on pourrait l'évaluer à une livre par individu, en supposant un consommateur sur 8 personnes qui ne le sont pas, et 8 livres de tabac par chaque consommateur. La vente serait alors de 25 millions de livres, et le produit net à 3 sous l’once serait de 36,822,0191.5 s. La consommation de la Bretagne excède une livre par individu. Je n’ai donc exagéré aucun des calculs, lorsque je n’ai porté te produit de cet impôt qu’à environ 30 millions. Il me reste à répondre aux différentes questions du comité. Première question. — Quel produit pourra-t-on retirer de la vente exclusive du tabac en 1793, et dans les années suivantes ? Je viens de répondre à cette question. Deuxième question. — Sur quel produit peut-on compter pour la présente année et pour la prochaine? D est facile de prouver que cetle branche de revenu sera de plus de 25 millions pour cette année, et de plus de 28 millions pour la suivante. Je donne comme un fait certain que le produit brut, pour l’année 1790, a été de... 29,826,171 1. 18 s. 6 cl. Il faudrait retrancher environ le tiers de cette somme en frais de garde, de fabrication, de régie et de remise pour avoir le produit net, ci ...... 9,942,057 1. 6 s. 1 d. Mais j’en déduis 4 millions pour la garde desfron-t i è r e s , puisque îa nation suppor - te rail c-galement cette dépense, si P i m p ôt sur le ta-[4 février 1791. j bac était supprimé, ci. 4,000,000 1. » » Reste en frais. 5,942,057 1. 6 s. 1 d. 5,942,057 1. 6 s. 1 d. Le produit de 1790 serait donc de .......................... 23,884,114 1. 12 s. 4 d. Et cependant il est impossible de supposer que la contrebande puisse être plus active , et les moyens de résistance plus complètement abandonnés qu’ils l’ont été pendant cette année. Il est facile de justifier pourquoi je porte au moins à 1,200,000 livres de plus le produit de 1791, malgré la réduction du prix du tabac de 5 sous à 3 sous. Les corps administratifs, quand l’impôt sera décrété, ne refuseront pas leur concours pour empêcher l’introduction et le débit des tabacs de contrebande. La baisse du prix augmentera la consommation. L’achat que fera la régie de tous les tabacs des provinces ci-devant privilégiées ne permettra plus aucun versement frauduleux ; et les ventes seront encore augmentées de toute ia consommation de ces provinces. Je ne parie pas de l’année 1792 , car, si en 1791 le produit peut s’élever à 26 millions, il est évident qu’il s’accroîtra chaque année. Troisième question. — Comment peut-on parer aux deux obstacles actuels du produit, qui sont la contrebande , maintenant versée dans le royaume , et le tabac qui y a été cultivé? Réponse. — 1° On n’a cultivé du tabac que dans les provinces ci-devant exemptes. A cet égard, l’ancien état de choses n’est doue point changé. Mais, quoique dans mon système je laisse subsister les plantations de tabac dans ces provinces pendant six années, le produit de l’impôt en souffrira beaucoup moins, puisque j’y introduis la vente exclusive du tabac préparé, et que je force la régie à acheter toutes les récoltes des habitants sur leur déclaration, et à un prix plus haut que le prix commun des six dernières aunées. Le comité doit trouver bien peu d’inconvénients dans cette mesure, puisqu’il voudrait la rendre commune à tout le royaume, et distinguer partout le droit de cultiver du droit de fabriquer et de vendre. 2° La contrebande déjà versée sera sans doute un obstacle au produit; mais d’abord elle a déjà porté son coup en grande partie. Elle diminuera par la vente forcée des tabacs des provinces exemptes; par la faveur qu’obtiendra la régie lorsqu’elle sera regardée comme une administration nationale; par la baisse du prix de son tabac; enfin par le dépérissement du tabac de contrebande, qui, étant de la plus mauvaise qualité, se détériore et pourrit chaque jour. Nous supposons que, pour cette année, la contrebande soit encore plus forte de moitié que dans l’ancien régime, où, malgré les versements des provinces privilégiées, on ne l’évaluait qu’à un dixième des ventes, la perle du bénéfice sur 2 millions de livres de tabac de moins ne ferait, à 3 sous l’once, et déduction faite de 13 sous par livre, que 3,500,000 livres. Or, certainement c’est porter la contrebande bien haut; car if ne faut pas croire que les versements frauduleux n’aient pas été contrariés; on a même fait des saisies très considérables; et si cela n’était point ainsi, comment le produit net de la vente exclusive de 1790 s’élèverait-il à plus de 23 millions? ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |5 février 1791.] 753 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. QUATRIEME QUESTION. Comment pourra-t-on remédier à plusieurs obstacles perpétuels du produit , tels que la suppression des rigueurs pénales , l'impossibilité des visites domiciliaires, et l' anéantissement des barrières intérieures des traites ? Je réponds d’abord à ce dernier point : 1° Les barrières intérieures n’ étaient établies que pour les traites, et n’avaient aucun rapport avec le tabac ; 2° 11 n’y aurait pas non plus de barrières intérieures dans le système du comité; et cependant il croit pouvoir concilier la liberté de la culture et du commerce du tabac avec deux ou trois mille privilèges exclusifs de le fabriquer et de le vendre ; 3° Il en sera du tabac comme des traites pour les marchandises, ou prohibées, ou soumises à des droits. Si l’impôt sur le tabac ne peut pas être assuré, le droit sur les traites ne saurait l’êire ; 4° L’introduction du tabac en grande masse est encore plus facile à découvrir que celle de toute autre marchandise prohibée. Visites domiciliaires. — Même sous l’ancien régime, on en faisait Irès rarement; et il s’est passé des années sans qu’on en fît une seule dans de très grandes villes. Elles deviendront encore moins nécessaires, par la suppression du privilège des provinces exemptes, qui doublait en quelque sorte les points à garder, et rendait la contrebande cent fois plus active qu’elle ne le sera sous le nouveau régime. Il ne s’agira pour l’avenir que de garder rigoureusement les frontières. Il est d’ailleurs des fraudes inévitables qu’il ne faut pas compter, puisque je les retranche du produit; et, en bornant les visites au seul cas d’approvisionnement, en exigeant même alors que la visite soit autorisée par la présence d’un officier municipal, il sera très facile de concilier la liberté publique avec la surveillance qu’il faut pourtant accorder à la perception des impôts. Les visites domiciliaires déterminées par la loi sont admises en Angleterre. Suppression des rigueurs pénales. — Je la réclamerai si le comité ne la demandait pas; elle ne contrarie en aucune manière mon système ; mais si les peines sont plus douces, le produit de l’impôt ne sera-t-il pas diminué par une contrebande plus forte? Voilà ce que je n’admets point, parce que dans mon plan une foule de causes particulières s’opposeront à la contrebande et rendront les peines inutiles. La première source de la fraude était le prix excessif de la ferme. Cette cause cessera. On n’aura de même plus à craindre les versements des provinces libres presque partout enclavées dans des provinces sujettes à la vente exclusive; et telle était la position de l’Alsace relativement à la Lorraine; de l’Artois, du Hainaut et du Cam-brésis, relativement à la Picardie, au Soisson-nais et à la Champagne; enfin de la Franche-Comté, par rapport à la Lorraine et à la Bourgogne. On n’aura donc plus à se garder à l’avenir que des étrangers et l’on aura de fortes barrières. Or, montrer qu’en grande partie le délit cessera, c’est répondre certainement à l’objection tirée de la nécessité des peines. Cette objection d’ailleurs poussée trop loin serait commune aux traites, et faut-il donc renoncer aussi aux produits des traites? Il est évident que par une contravention tout à la fois moins fréquente, 1" Série. T. XXII. moins facile et moins nuisible, les simples amendes avec contrainte par corps suffiront. Lnfin, n’oublions jamais le point d’où nous sommes partis dans cette discussion, c’est que le comité avoue qu’l/ a besoin d'un impôt sur le tabac. Si, pour discuter cette assertion, il était encore temps de refondre tous les plans du comité, et de remonter à d’autres principes, peut-être et probablement ne serais-je pas de son avis, et certes, il n’y a que la nécessité la mieux démontrée qui puisse justifier la prohibition de tel commerce et de telle culture. Mais, je n’ai été appelé à partir que des bases du comité. Qu’il déclaré que la situation de nos finances nous permet de nous passer de ces 30 millions, provenant de la consommation du tabac; qu’il déclare surtout que tous les autres impôts seront plus équitables, et toute polémique entre nous cessera. Je ne craindrai plus alors que la culture soit libre, étant bien assuré que presque personne ne cultivera, et que nos relations avec l’Amérique septentrionale ne seront point anéanties. 4 février 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MIRABEAU. Séance du samedi 5 février 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. Un membre fait lecture d’une lettre des officiers municipaux de la commune d’Aix à M. le Président de l’Assemblée nationale, contenant le détail des bous traitements que reçoivent les détenus dans les prisons de cette ville relativement aux événements qui l’ont affligée le 12 décembre dernier. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président. J’ai reçu de M. le garde des sceaux la note suivante ; « Le roi a donné sa sanctionne 26 du mois dernier : « 1° Au décret de l’Assemblée nationale du 21, relatif à l’instruction sur la Constitution civile du clergé. « 2° Le 20, au décret des 22, 23 et 24 décembre 1790, et 16 janvier dernier, sur l’organisation de la gendarmerie nationale. « 3° Au décret du 23, relatif aux lieux où se tiendront provisoirement les séances de deux tribunaux du département de Paris, et aux emplacements adonner aux 6 tribunaux de ce département. « 4° Au décret du 28 du même mois, relatif à l’élection des membres qui composeront le tribunal de cassation. « 5° Et le 30 au décret du 16 octobre dernier, concernant les édifices et bâtiments qui servaient ( I ) Celle séance est incomplète au Moniteur . 48