* jamais être invoqué contre elle, puisque éternelle-r ment elle conserve le droit de les modifier, demies reconstituer ou même de les supprimer entièrement. Telles sont, Messieurs, les raisons qui m'ont r déterminé à croire que les biens ecclésiastiques sont une propriété nationale. Si ces raisons que M rien, non rien n’a pu affaiblir un instant dans mon esprit, si ces raisons indépendantes de toutes circonstances, vous paraissent de quelque poids, combien ne deviennent-elles pas plus pressantes, plus décisives dans l’ensemble des conjonctures actuelles ? Regardons autour de nous : la fortune publique est chancelante; sa chute prochaine menace toutes les fortunes, et dans ce désastre uni-� versel, qui aurait plus à craindre que le clergé? Dès longtemps l’on compare avec l’indigence publique l’opulence particulière de plusieurs * d’entre nous ; faisons cesser , en un instant , ces fatiguants murmures dont s’indigne nécessairement notre patriotisme ; livrons sans réserve à la nation et nos personnes et nos fortunes : elle ne l’oubliera jamais. Ne disons pas que le clergé, par cela seul qu’il > ne sera plus propriétaire, en deviendra moins digne de la considération publique. Non : pour i être payé par la nation, le clergé n’en sera pas moins révéré des peuples ; car les chefs des tribunaux, les ministres, les rois même reçoivent des salaires et n’en sont pas moins honorés. Non ; * il ne leur sera point odieux ; car ce n'est pas de la main de chacun des citoyens que le ministre ■> des églises ira chercher son tribut, mais dans le Trésor public, comme tous les autres mandataires � du gouvernemeut. Eh ! ne voyez-vous pas sans cesse le peuple consentir à oublier que les fonctionnaires quelconques sont à ses gages et joindre à ses tributs généreux l’hommage personnel du respect pour des hommes dont les fonctions contrarient souvent ses passions et quelquefois même ses intérêts ? Gomment donc voudra-t-oû persuader que ce peuple plus juste qu’on ne pense, et qu’éter-nellement on calomnie, déshéritera de sa reconnaissante estime ceux qui ne devront, qui ne � voudront, qui ne pourront que lui inspirer la vertu, verser dans son sein les consolations de la charité et de la morale, et remplir dans tous les instants, auprès de lui, les fonctions les plus paternelles ? Ne disons plus qu’à cette question se trouve � liée la cause de la religion ; disons plutôt ce que nous savons tous, disons que le plus grand acte . religieux qui puisse nous honorer, c’est de hâter l’époque où un meilleur ordre de choses fera disparaître des abus corrupteurs, préviendra cette multitude de crimes connus, de délits , obscurs, fruit des grandes calamités publiques. Disons que le plus bel hommage à la religion, c’est de contribuer à la formation d’un ordre � social, qui fasse naître et protège les vertus que la religion commande et récompense, et qui rap-v pelle saus cesse à l’homme, dans la perfection de la société, le bienfaiteur de la nature. Les peuples ramenés à la religion par le sentiment du bonheur ne se rappelleront point sans reconnaissance les sacrifices que les ministres de la religion auront faits à la félicité générale. Tout le demande. L’opinion publique proclame partout la loi de la justice unie à celle de la nécessité. Quelques mo-ments de plus et nous perdons dans une lutte inégale et dégradante l’honneur d’une généreuse résignation. Aller au-devant de la nécessité, c’est paraître ne point la craindre, ou, pour s’énoncer 651 d’une manière plus digne de vous, c’est ne point la craindre en effet. Ce n’est pas être traîné vers l’autel de la patrie, c’est y porter une offrande volontaire. Que sert d’en différer le moment? Combien de troubles, combien de malheurs eussent été prévenus, si les sacrifices consommés ici depuis trois mois eussent été plus tôt un don du patriotisme ? montrons, Messieurs, que nous voulons être citoyens, n’être que citoyens, que nous voulons véritablement nous rallier à l’unité nationale, ce vœu de la France entière. C’est là ce qui fera dire que le clergé a justifié, par la grandeur de ses sacrifices, l’honneur qu’il eut autrefois d’être appelé le premier ordre de l’Etat. Enfin, Messieurs, c’est en cessant d’être un corps, éternel objet d’envie, que le clergé va devenir un assemblage de citoyens, objet d’une éternelle reconnaissance. Je conclus donc à ce que le principe sur la propriété des biens ecclésiastiques soit consacré en ce moment et pour prévenir toute équivoque à ce qu’il soit en conséquence décrété par l’Assemblée nationale, que la nation est le vrai propriétaire de ces biens, en ce sens, qu’elle peut en disposer pour le plus grand bien public, à la charge par elle de conserver à chaque titulaire ce qui lui appartient réellemenl, et de faire acquitter dorénavant, de la manière qu’elle jugera la plus digne, les obligations véritables dont ces biens se trouvent chagrés, Lettre de M. le Comte de Lally-Tollendal A SES COMMETTANTS. De Neufchâtet le 17 octobre 1789. Messieurs, j’ai l’honneur de vous communiquer la lettre par laquelle j’ai annoncé, samedi dernier, à M. le Président de l’Assemblée nationale, ma démission de l’emploi que vous m’avez confié. Depuis longtemps je luttais contre l’état déplorable de ma santé; mais j’ai vu les événements du 5 et du 6, je les ai vus ! j’ai vu l’Assemblée nationale impuissante pour prévenir, pour arrêter, pour punir ces attentats ; j’ai vu la faction qui avait semé la terreur et les crimes, pour forcer le Roi à fuir, enchaînant encore les opinions, trouvant moyen de rejeter ses complots sur les innocents qui devaient en être victimes, et créant de fausses conjurations pour en cacher une véritable : la vertu abusée ou intimidée ; les bons citoyens réduits à l’inutilité, parce qu’on rejettait ou qu’on abandonnait leurs avis; et même au silence, parce qu’on étouffait leur voix. Je me suis dit, qu’il était telle position où ces bons citoyens ne pouvaient plus servir la cause publique que par leur retraite ; que l’éloignement des gens modérés, et cependant marquants, j’ose le dire, par leur fidélité aux bons principes, pouvait forcer les autres à la modération, par l’idée qu’eux seuls désormais seraient responsables de tout; et qu’en fin, s’il était des vérités nécessaires à faire entendre, il fallait aller chercher l’endroit d’où on pût les dire. J’ai hâté une démission que ma santé m’eût obligé de donner quelques jours plus tard, et je n’ai point voulu alléguer de raisons étrangères au sentiment qui me dominait. Plaise à Dieu qu’un meilleur ordre de choses s’établisse! que le séjour du Roi dans sa capitale tourne au désir des bons et contre les espérances des méchants ! Que la bonté de ce Roi, sa probité, sa patience, son courageux abandon, ses chagrins dévorants, que le spectacle de sa famille auguste [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [2 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ 3 novembre 1789.] 652 et désolée, attendrissent tous les cœurs ! Que ce peuple, dont on a vanté si longtemps la douceur, la loyauté, la fidélité, soit ramené à ses anciens sentiments comme à ses anciennes vertus! Qu’il reconnaisse que cet amour de ses rois, dont on a voulu le faire rougir aujourd’hui, était un des traits les plus nobles de son caractère, comme un des plus sûrs fondements de son bonheur! Qu’il voie tout ce que lui ont causé de tourments ceux qui ont voulu corrompre son naturel et forcer ses penchants! Que les abus disparaissent, car ils étaient nombreux, mais que les sentiments se perpétuent, car ils étaient bons ! Que le nom de la nation soit sacré ; mais que celui du monarque ne soit pas dégradé ! Qu’il se forme enfin entre le Roi et le peuple une nouvelle, une éternelle union, dans laquelle tous deux reconnaissent pour leur sûreté, pour leur félicité réciproques, l’un qu’il doit commander à des sujets libres et heureux, l’autre, qu’il doit être gouverné par un prince puissant et respecté I Puissé-je apprendre bientôt ce retour à l’ordre et à la paix ! Je le paierais du plus pur de mon sang. J’en jouirai sans aucun mélange de regrets personnels ; car lorsqu’il sera une fois arrivé, lorsqu’une fois mes concitoyens et mon Roi seront heureux, qu’importe par qui ils le seront devenus? je me répéterai ce que je viens de dire, que si je pouvais encore quelque chose pour le salut public, c’était par ma retraite, et que dans tous les cas, l’état où je suis, ma santé altérée, mon cœur flétri, l’épuisement de mes forces physiques et morales ne m’eussent pas permis d'y concourir par ma présence. Je sens cependant, Messieurs, qu’il faut encore pouvoir, à quelque prix que ce soit, remplir envers vous une obligation sacrée ; que je vous dois le compte exact de ma conduite depuis l’instant de mon entrée aux Etats généraux, jusqu’à celui de ma sortie. C’est un devoir dont je vais m’occuper aussi promptement que me le permettront mes souffrances et l’attente de mes papiers. Vous connaîtrez ce que. j’ai fait et ce que j’ai dit, souvent même ce que j’ai pensé; et j’ose espérer que l’estime dont vous m’aviez honoré, n’en sera pas altérée; que je ne vous paraîtrai, dans aucun temps, avoir manqué ni de zèle, ni de fermeté, ni de patriotisme. Je suis avec un profond respect, Messieurs, votre, etc. Signé : Lally-Tollendal. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du mardi 3 novembre 1789 (1). La séance a été ouverte par la lecture du procès-verbal de la séance de samedi, et par celle de diverses adresses de villes et communautés, dont la teneur suit : D’une adresse et délibération de la municipalité et de la commune de la ville d’Aspet au pays de Gomminges, contenant félicitations, remerciements, et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et à la délibération delavilledeMilhaud en Rouergue, concernant la perception des impôts et le maintien de l’ordre et de la tranquillité (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. publique ; laquelle demande d’être autorisée à élire librement ses officiers municipaux, et la conservation de six chapellenies de nomination royale, fondées en l’église paroisiale ; D’u-ne adresse et délibération de Romans en Dauphiné, où elle désapprouve la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire, comme contraire à ta constitution du Dauphiné, qui donne au Roi seul le droit de convoquer les Etats ; que néanmoins, si les membres des Etats et dudoublement se rendent en cette ville au jour indiqué par la commission intermédiaire, tous les citoyens s’empresseront de les recevoir, mais qu’elle défend à ses députés de paraître à cette assemblée. La ville nomme, au contraire, quatorze autres députés pour se rendre dans la salle de ladite assemblée, à l’effet de déclarer qu’elle s’oppose à toute infraction à la constitution de la province, comme aussi à toute résolution qui pourrait tendre à révoquer et même à modifier ' les pouvoirs donnés aux députés de la province à l’Assemblée nationale, comme aussi à contrarier les décrets de ladite Assemblée, tous les citoyens délibérant, pour donner des preuves de leur patriotisme, de payer, dans les termes prescrits, le quart de leur revenu d’une année ; D’une adresse et délibération de la ville de Vienne en Dauphiné, dans le même esprit que celle de Romans : elle proteste de la manière la plus formelle contre la convocation faite par la commission intermédiaire, comme illégale, inutile et dangereuse, et contre tout ce qui pourrait être arrêté au nom de la province, contre le mandat donné à ses députés, et les opérations de l’Assemblée nationale, elle la supplieinslamment d’autoriser les bailliages, sénéchaussées et autres justices royales, de juger en dernier ressort toutes les matières sommaires, jusqu’à ce qu’il ait été pourvu à une nouvelle formation des tribunaux ; D’une adresse et délibération de la ville de Tain, de la même province, contenant la même protestation, et l’adhésion la plus parfaite et la plus dévouée aux décrets de l’Assemblée nationale ; D’une délibération de la ville de Saint-Rome de de Tarn, diocèse de Vabres en Rouergue, contenant adhésion aux arrêtés de l’Assemblée nationale, et à la délibération de la ville de Milhaud, relativement à la. perception des impôts et au maintien de l’ordre et de la tranquillité publique ; D’une adresse de félicitations, remerciements et adhésion des communautés de Châteauneuf, Saint-Maurice, Tancon, de Saint Martin deLixy,de Coublanc, deChassigny, de Saint-Igny et de Fleury en Bourgogne, qui demandent l’établissement d’un siège royal dans le bourg dudit Château-neuf; D’une adresse du même genre de la ville de Montivilliers en Caux; les habitants ont fait le serment de soutenir l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale au péril de leurs fortunes et de leurs vies ; D’une délibération de l’assemblée générale de la municipalité et des communes réunies do la ville de Saint-Malo, qui annonce qu’ensuite de voies conciliatoires, le clergé et la noblesse de cette ville ont déclaré qu’ils adhèrent purement, simplement et sans aucune réserve, aux décrets de l’Assemblée nationale, qu’ils reconnaissent pour légalement constituée, et qu’ils révoquent sans restriction tous engagements, toutes protes-