Êm [Assemblée natiônale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 aoûl 1791.J croira poüvoir se passer d’honneur deviendra faciieiiiërit ministre; mais quiconque ne connaît dé loi que l’opinion, quiconque ne connaît de juge que lé peuple, h’àbceptera dans aucun temps lin poste qui, le rendant par sa nature sujet à toiis les soupçons, ne lui donnerait ja-mài'l les moyens d’une justification publique. C’est doiiç ainsi que vous éloignez l’influence de l’opiRion pour porter à cës places, et que par conséquent vous en ouvrez l’accès aux anciens moyens de l’intrigue et dé la corruption. Quand on demande que lés ministres ne puissent être entendus sans là volonté de la majorité du Corps législatif, on exposé celui-ci aux inconvénients qué je vous ai présentés : je ne veux pas qu’ils puissent interrompre uhe discussion ; mais si l’on a lé droit de leè èmpêcher de dire leur opinion sui* fine loi, alors on les désarme absolument, et on leur enlève tous les moyens dont ils ont essentiellement b'ésoin. Si c’était lé patriotisme qui pût leur ôter lu parole j’y consentirais; mais ce né sera jamais ce motif; ce sera toujours une intrigue plus puissante qui cherchera à leur ôter les moyens d’éclairer l’opinion des hommes de bonne foi, afin de les renvover de leur placé; ce seront ceux qui, dans lé Corps législatif, seront liés avec leurs rivaux, qui échaufferont les esprits, qui emploieront différents moyens pour empêcher les ministres d’êtré entendus et de pouvoir par là même se défendre. Quand vous parlez de corruption, il est évident qu’un ministre corrupteur sera toujours entendu; car des hommes achetés ne refusent pas d’en tendre l’homme qui les paye; mais le ministre qui aura compté sur sa probité ne sera pas èotendu quand t’intrigue suscitée contre lui sera là plus forte. C’est ainsi qii’on s’égare toujours qüaiid on veut priver un gouvernement de son premier avantage, qui est la publicité, elle qui, loin de poüvoir jamais conduire à la corruption, eii est peut-être le seul préservatif, le seul remède possible! Je conclus à l’avis des comités. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Salle. J’appuie l’amendement de M. Pétion. Vous voulez donc réduire, a dit M. Barnave, les ministres à la nécessité de corrompre, puisque vous voulez leur ôter le moyen d’émettre publiquement leur opinion dans 1 Assemblée nationale. je réponds que les ministres d’Angleterre avaient entrée dans les Communes, et que pourtant ils corrompaient aussi. (Murmures.) Je suppose qu’une loi soit proposée, qu’un ministre émette son opinion dans le Sens de l’Assemblée nationale, que cette opinion ne soit pas la sienne; eh bien, Messieurs, qu’arrivera-t-ii? que l’Assemblée nationale prendra un parti opposé à celui du ministre, et que le ministre ayant émis publiquement son. opinion, y tiendra par orgueil ; car l’orgueil est d’autant plus puissant, gué l’on est d’un rang plus élevé. Le ministre lera son possible, dans le conseil du roi, pour que là loi ne soit pas sanctionnée. Mais je suppose qu’elle lè soit; il arrivera que le ministre, qui se souviendra de sa défaile dans rassemblée nationale, humilié ri’àvoir été vaincü, ne la fera pas exécuter. Je demande que l’amendement de M. Pétion soit adopté. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. Charles de Lameth. Messieurs, j’ai écouté très attentivement la discussion, les objections de M. Barrère, celles de M. Camus et les raisons invoquées par les comités; je crois que la rédaction, ou plutôt l’idée que je propose et qui peut être susceptible d’une meilleure rédaction, remplira l’objet des comités et les vues de l’Assemblée. Voici ma rédaction : « Les ministres du roi auront entrée dans l’Assemblée nationale législative; ils y auront une place marquée; ils y seront entendus toutes les fois qu’ils le demanderont, sur les objets relatifs à leur administration, quand l’Assemblée nationale leur accordera la parole. » ( Mouvements divers.) M. Camus. Je demande la priorité pour cette rédaction. M. le Président. Voici une autre rédaction : « Les ministres du roi auront entrée dans l'Assemblée nationale législative; ils y auront une place marquée; ils seront entendus sur tous les objets sur lesquels ils demanderont à l’être, et sur lesquels l’Assemblée nationale leur aura accordé la parole, et toutes les fois qu’ds seront requis de leur donner des éclaircissements. >• Plusieurs membres demandent la priorité pour la rédaction de M. Barrère. (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité à la rédaction de M. Charles de Lameth.) MM. Lanjuinais et Pétion de Villeneuve demandent la question au préalable, tant sur l’article des comités que sur les nouvelles rédactions proposées. A V extrême gauche : Oui! oui! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer.) M. le Pésident. Je fais une nouvelle lecture de la rédaction de M. Charles de Lameth sur laquelle je vais consulter l’Assemblée : Art. 10. « Les ministres du roi auront entrée dans l’Assemblée nationale législative ; ils y auront une place marquée ; ils y seront entendus toutes les fois qu’ils le demanderont , sur les objets relatifs à leur administration, ou lorsqu’ils seront requis de donner des éclaircissements. Ils seront également entendus sur les objets étrangers à leur administration, quand l’Assemblée nationale leur accordera la parole. » (Cette rédaction est adoptée.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président lève la séance à trois heures.