ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I8g [Assemblée nationale.] là ils se laissent entraîner dans les plus grandes erreurs. Vous nous avez admis provisoirement dans votre Assemblée, et votre décision a comblé tous les vœux de la colonie. Aujourd’hui les habitants de Saint-Domingue demandent que la députation déjà admise au nombre de douze membres soit portée à vingt. Ce n’est point par ambition, mais c’est qu’ils ont cru que ces vingt députés seront nécessaires pour les mettre au niveau des grands travaux auxquels ils sont appelés. Saint-Domingue ne doit point être comparé aux provinces du royaume. La colonie est éloignée; elle est isolée; le sol, les habitants, la cul-ture, les richesses, tout y est différent. Vous avez déjà prononcé un jugement provisoire. Il l’a été par acclamation ; il a été sanctionné; et comment voudrait-on le faire rétracter? Ce jugement aurait-il été l’effet d’une précipitation imprudente? Mais une Assemblée aussi majestueuse, aussi auguste, ne prononce point inconsidérément; elle est aussi sage dans ses délibérations qu’elle doit être immuable dans ses décisions. La députation a été faite par des colons âgés de vingt-cinq ans. Il est vrai que les métis n’y ont point été appelés; mais les métis sont non affranchis. Les lois françaises, que nous n’avons pas faites, les excluent de nos assemblées ; nous ne pouvions pas de nous-mêmes les y admettre. Quelqu’un a dit qu’ils sont nos ennemis ; moi, je soutiens qu’ils sont nos amis, puisqu’ils nous sont redevables de la liberté. La population n’est pas la seule chose qu’il faut considérer; il faut avoir égard aussi aux impôts, aux richesses que la colonie verse dans le commerce. Toutes nos colonies y versent à peu près 60 millions, et Saint-Domingue y entre pour 50. Elle supporte plus de 9 millions d’impôts directs ou indirects. M. de Gouy parle encore longuement. Au lieu de 20 députés, il réduit sa demande à 18. Nous ne demandons plus, dit-il, que 18 députés ; l’un de ceux qui prétendaient à cet honneur est mort dans la traversée, et c’est un premier sacrifice que nous faisons; l’autre est retenu par la maladie. (On demande que la motion deM. de Montes-quiou soit mise aux voix. ) M. le Président en fait faire une seconde lecture, et on allait la mettre aux voix. Plusieurs membres demandent qu’elle soit renvoyée aux bureaux pour y être examinée de nouveau et être ensuite décidée à la prochaine séance. Cette proposition est unanimement adoptée. M. Target allait reprendre sa motion sur les pouvoirs limitatifs, lorsque M. le président, d’après le vœu de l’Assemblée, lève la séance. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE FRANC DE POMPIGNAN, ARCHEVÊQUE DE VIENNE. Séance du samedi 4 juillet 1789. On a ouvert la séance par la lecture du procès-verbal de celles qui ont précédé l’installation des nouveaux secrétaires. [4 juillet 1789.] Au mot simple d 'Assemblée, porté dans la lettre du Roi insérée dans le procès-verbal de la séance du 2, M. Bouche demande pourquoi on n’a pas ajouté l’épithète de nationale. Un secrétaire répond que la première copie de la réponse du Roi contenait l’expression d 'Assemblée des Etats généraux, qu’il a consulté à ce sujet l’archevêque de Vienne, qui lui a répondu qu’il n’était pas certain du véritable terme qu’avait employé Sa Majesté. Dans cette incertitude on a préféré ne se servir que du mot Assemblée. fLe marquis d’Avaray annonce qu’il a entendu le premier terme �'Assemblée des Etats généraux. Cette incertitude engage le président à proposer que les membres qui composaient la députation� se rassemblent pour convenir entre eux de laj véritable version. j Ces membres ne défèrent pas à cet avis ; et cette discussion n’a pas de suite. M. Yvernault, chanoine de S. Ursin de Bourges, a déclaré que le vœu d’opiner par ordre, allégué comme impératif par M. Ghastenay de Puységur, archevêque de Bourges, un de ses co-députés du clergé de Berry, ne contient pas cette clause de rigueur. Il a requis que, pour constater son assertion, le mandat fût déposé sur le bureau. M. Joubert, curé de Saint-Martin, co-député de M. d’Albignac de Castelneau, évêque d’Angou-lême, pour le bailliage de cette ville, a déclaré qu’il ne croyait pas son mandat impératif, et en a demandé le dépôt. M. Bailly, ex-président, a remercié l’Assemblée, et a dit : Messieurs, je viens vous offrir l’hommage de ma respectueuse reconnaissance. Votre choix m’a élevé à une grande et importante place; vous m’avez décoré d’un titre qui honore mon nom à jamais. Il ne pouvait me rester que le regret ou l’inquiétude de n’en avoir pas suffisamment rempli les devoirs, de n’avoir pas toujours réussi à' vous plaire comme je l’ai toujours désiré. Les témoignages de satisfaction que l’Assemblée nationale a daigné m’accorder mettent le comble à mon bonheur. Je me suis trouvé dans les circonstances les plus remarquables. J’ai vu commencer vos travaux, j’ai été témoin de votre vertu et de votre fermeté; j’ai vu s’opérer la réunion des trois ordres, et la paix ramener parmi nous les plus Batteuses espérances. Ces moments ont été les plus beaux de ma vie. J’ose vous supplier, Messieurs, de cimenter ce bonheur, qui est votre ouvrage, en me continuant vos bontés, et de me permettre de mêler au souvenir des honneurs dont vous m’avez comblé une tendre et respec-1 tueuse sensibilité de ces bontés, qui me seront! toujours chères. | L’Assemblée a répondu par des applaudisse-i ments. M. le Président a dit : Dans l’exercice de la place qui vous a été confiée, vous avez laissé un excellent modèle à tous ceux qui la rempliront après vous; mais vous leur a�ez laissé en même temps un juste motif de craindre de ne pas l’égaler. U a été ensuite fait lecture des délibérations municipales de la ville de Château-Thierry, des communautés de Pontivy en Bretagne et Yernouil-let-sur-Seine, qui adhèrent à tous les arrêtés pris