416 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1790.] coûte les deux tiers du produit et de la valeur de leurs propriétés. Ils dénoncent à l’Assemblée un arrêt de la cour des aides du 18 de ce mois, et des visites faites dans leurs maisons en vertu de cet arrêt, contre la disposition du décret de l'Assemblée nationale. Ils renouvellent à la barre le serment patriotique. M. le Président répond : Messieurs, lorsquei’Assemblée nationale s’occupe sans relâche du bonheur commun des Français, elle regrette toujours les sacrifices particuliers que semble exiger l’intérêt générai. « Elle prendra en grande considération la réclamation que vous lui adressez : sa justice lui en fait un devoir ; son humanité lui fait désirer que votre demande soit juste. « Elle applaudit, au surplus, à la soumission et au dévouement que vous lui exprimez, et elle vous permet d’assister à sa séance. » Les chapelains, clers et marguilliers de laSainte-Chapelle présentent à l’Assemblée une adhésion contenant le témoignage de leurs sentiments, et une demande relative à leur traitement, qui est renvoyée au comité ecclésiastique. M. le Président répond : Messieurs, l’établissement de la Sainte-Chapelle rappelle un souvenir intéressant, celui d’un roi également recommandable par sa piété et par son amour pour son peuple. « Il brisa les premiers anneaux de la servitude de nos pères. * « Louis XVI fut l’heureux restaurateur de la liberté française. « L’Assemblée nationale prendra en considération l’objet de votre adresse. « Elle vous permet d’assister à sa séance. » M. de Moailles. Je demande qu’il y ait demain soir une séance extraordinaire pour l’affaire du commerce de l’Inde. (Cette motion est décrétée.) La paroisse de Loché, district de Preuilly, département d’Indre-et-Loire, fait l’abandon des impositions des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois 1789, montant à la somme de 953 livres 15 sols. M. le Président. Le comité de Constitution demande à être entendu pour faire un rapport sur la nouvelle division des sections de la ville de Paris. (L’Assemblée décide que le rapport sera fait.) M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution (1). Messieurs, le règlement pour l’organisation de la municipalité de Paris ordonne, article 6 du titre premier, que cette capitale sera, par rapport à la municipalité, divisée en quarante-huit parties sous le nom de sections, lesquelles seront égalisées, autant qu’il sera possible, relativement au nombre de citoyens actifs. L’article 34 du titre IV de ce règlement autorise, en exécution de l’article ci-dessus, les commissaires adjoints à votre comité de Constitution à tracer cette division nouvelle, après avoir entendu les commissaires de la municipalité provisoire, et ceux des soixante districts (1) Le rapport de M. Gossin est incomplet au Moniteur, actuels ; il les charge, en outre, de rendre compte à l’Assemblée des difficultés, et de signer deux exemplaires du plan, dont l’un sera déposé aux archives de l’Assemblée nationale, et l’autre sera mis au greffe de l’hôtel de ville. Votre comité s’est occupé avec zèle de cette opération importante ; et, pour assurer son succès, il a consulté les commissaires de la commune, ainsi que ceux des soixante divisions anciennes, connues sous le nom de districts. Une première base se présentait pour cette opération : c’était celle que la nature a formée et qui offre une grande division de la capitale de l’Empire français en trois parties : l’une méridionale, qui comprend trente-un mille sept cent quatre-vingt-douze citoyens actifs; la seconde, du nord-ouest, qui en renferme trente deux mille six cent quarante-sept; et enfin celle du nord-est, dans laquelle on en compte trente trois mille six cent quatre-vingt-douze; ce qui forme pour le total, en citoyens actifs, le nombre de quatre-vingt dix-sept mille six cent trente-un, répartis à peu près également dans ces trois grandes divisions. Ce dénombrement de citoyens actifs qui a dû servir de base à la division en sections, n’est pas sans doute aussi complet qu’il le sera pour la seconde formation des assemblées de chaque section; les rôles des impositions n’ont pu donner des renseignements très exacts, tant parce que la date de ces rôles remonte à deux années, que parce que les parties extra muros, réunies à la ville par la circonscription actuelle, lui ont acquis une masse de citoyens dont il n’a pas été facile de se procurer l’énumération entière. D’ailleurs, l’état des contribuables est loin de la perfection que lui donnera le civisme des Parisiens, lorsque se propageant utilement dans toutes les classes, il fera ambitionner à tous les individus l’honneur de subvenir à la chose publique. Les commissaires de la commune et ceux de ses districts, en adoptant provisoirement cette énumération, avaient d’abord proposé quinze sections dans la partie méridionale, seize dans la partie du nord-ouest, dix sept dans celle du nord-est. Mais, par le résultat des opérations préparées dans cette Assemblée, et adoptées par votre comité, la partie méridionale a été divisée en quatorze sections, celle de la partie de nord-ouest en dix-huit, et celle du nord en seize, formant en tout les quarante-huit sections que vous avez décrétées. Gette combinaison, qui paraîtrait d’abord peu conforme au principe fondamental que vous avez indiqué pour leur formation, a réuni la très grande majorité des anciennes divisions; cinquante-deux districts l’ont admise : elle a donc pour premier avantage cet accord, pour ainsi dire général, que l’Assemblée nationale a désiré dans les opérations partielles de la division du royaume; elle maintient un très grand nombre d’anciennes sections qu’il eût été imprudent de rompre, pour établir une égalité numérique entre les citoyens actifs. Gette opération n’eût pu se faire qu’en nuisant à l’harmonie que vous désirez de voir régner dans la première effervescence des élections. Celle qui vous est proposée marie les sections trop faibles d’une manière avantageuse pour l’exécution de vos décrets, quant à la représentation et quant au maintien de la police : rapports importants que vos commissaires ont surtout considérés dans leur travail; ils ont cru ne devoir point morceler les anciennes divi� sions pour le frivole avantage d’atteindre à un (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1790.] 417 but de perfection dans le dessein du plan ou dans la répartition des citoyens actifs, qui, en paraissant très proportionnel à l’œil et à l’esprit, aurait bientôt mérité votre désapprobation par le mécontentement général qu’il eût produit. Vos commissaires ont donc vu avec ce plaisir que donne l’amour de l’ordre, l’assentiment presque général de la commune et des districts à la division qu’ils ont adoptée; ils ont extrait tous les mémoires qui leur ont été présentés sur les détails de l’exécution ; et quelque minutieux que leur parussent la plus grande partie de ces détails, ils ont concilié toutes les difficultés qui leur ont paru mériter d’être pesées. Mais il est des demandes, Messieurs, que votre comité croit devoir vous exposer : ce sont celles que forment les districts des Enfants-Rouges, des Blancs-Manteaux, de Sain t-Se vérin, des Petits-Augustins, qu’il a fallu supprimer. Toutes ces élections vous supplient à peu près, par les mêmes moyens, de les préférer à celles que l’on conserve, et au moins elles proposent, pour conditions, d’être réunies à tel district plutôt qu’à tel autre. Par exemple, la section des Enfants-Rouges demande d’être entièrement réunie à celle des pères de Nazareth, et de n’être pas répartie dans celles des capucins du Marais: mais cette réunion rendrait la section des pères de Nazareth trop considérable; et la disposition qui partage ce district entre les deux sections voisines, établit pour chacune une proportion aussi juste qu’il a été possible de la juger, sur les bases qui nous ont été soumises, et nous avons pensé que ce partage était nécessaire à l’une et à l’autre. Les moyens dans lesquels des citoyens du district des Enfants-Rouges mettent le plus de confiance et qu’ils tirent de la division actuelle de la milice nationale deParis, quoique dignes d’éloges, parce qu’ils ont pour principe leur union et l’attachement si louable de la confraternité, n’ont pas pu déterminer vos commissaires à admettre une demande qui ne leur présentait pas des motifs supérieur à ceux qui ont déterminé la division. La section des Blancs-Manteaux soutient qu’il est plus utile de la maintenir que celle de Saint-Jean-en-Grève, dont elle demande la suppression; elle emploie encore l’existence du Mont-de-Piété, près duquel il importe qu’il y ait toujours une vigilance active et particulière des officiers de police et des troupes qui puissent défendre cet établissement des effervescences populaires. Il a paru à votre comité que l’on ne pouvait pas comparer les motifs d’utilité dont est l’objet la section de Saint-Jean-en-Grève, avec celle d’en former une dans l’emplacement des Blancs-Manteaux. Celui de la section de Saint-Jean-en-Grève exige une surveillance directe et continuelle, pour y maintenir l’ordre qu’y trouble trop souvent l’affluence du peuple et la grande population des rues qui en dépendent: elle est de seize mille âmes ; et cette partie est trop souvent le théâtre de toute espèce d’excès, pour en partager le territoire avec les sections voisines déjà trop fortes. La partie des Blancs-Manteaux n’offre aucun de ces inconvénients; et c’est avec regret que vos commissaires n’ont pu accéder à une pétition qui contrarierait le bien général: quant au Mont-de-Piété, la section dans laquelle cet établissement se trouve, veillera sans difficulté sur toutes les entreprises que l’on pourrait craindre, s’il survenait des troubles populaires. Le district de Saint-Severin ne pouvait être maintenu ; ses citoyens l’ont bien senti, puisqu’ils lre Série. T. XYI. se sont restreints à demander que leur section ne fût pas divisée, et que la cité n’en formât qu’une ; mais l’intérêt public s’oppose à ce que la cité ne fasse qu’une seule section, qui serait beaucoup plus forte, et qui réunirait, pour ainsi dire, le double de la population active des autres sections. Les moyens qu’emploie celle des Petis-Augus-tins ont été discutés en présence des commissaires de la commune et des districts ; ils ont exposé qu’il était convenable, et à l’administration et à la police, et enfin au meilleur ordre du plan général, que la partie méridionale perdit une section, pour être reportée à la partie septentrionale où le peuple abonde davantage, où il faut que les sections soient moins étendues et les moyens de surveillance plus multipliés. Votre comité a jugé ces motifs très sages et les a adoptés. Un grand nombre de citoyens des sections nouvelles ont demandé à vos commissaires de nouvelles dénominations pour chacune d’elles : 1° Par la raison que plusieurs des noms actuellement en usage sont ceux des chefs-lieux où les citoyens se rassemblent, et que ces chefs-lieux sont hors du territoire de ces sections; 2° Parce que ces dénominations dérivent d’établissements dont le plus grand nombre ne subsistera plus par l’exécution de vos décrets, et le nouvel ordre de choses qu’ils vont établir ; 3° Enfin, les districts réunis désireraient conserver Leur nom, et ne point prendre ceux des sections auxquelles ils sont unis. Votre comité, Messieurs, a tenté de donner aux quarante-huit sections que vous avez décrétées les noms propres des hommes célèbres qui ont honoré la capitale, afin de séparer, s’il est permis de parler ainsi, l’espèce d’oubli des lieux qu’ils ont habités, de ceux où reposent leurs cendres ; souvenirs précieux, qu’il faut rappeler aux générations dont ils ont tant mérité, afin qu’elles mêmes multiplient aussi les moyens d’honorer les citoyens utiles, et pour qu’elles substituent aux ridicules dénominations de nos rues, de nos places, dont beaucoup offrent des images obscènes, les noms des hommes qui auront bien mérité de la patrie (1). Mais, Messieurs, les difficultés se sont accumulées, et forcés derenoncer à ce plan, vos commissaires se sont fixés aux dénominations tirées des places, des fontaines, des monuments publics bien connus, et deux ou trois fois seulement des grandes rues, là où il n’existait aucun objet plus remarquable. Gomme les divisions que vous avez décrétées, Messieurs, existeront pour l’exercice de la police, vos commissaires ont pris toutes les précautions qui étaient en leur pouvoir, pour que rien ne gêne, quant aux points territoriaux., l’exécution des règlements que vous décréterez pour le maintien de l’ordre dans la capitale, et il a détaillé, avec toute l’attention possible , les limites des sections actuelles, pour que leur convocation n’éprouve aucune difficulté. Nous croyons devoir terminer ce rapport par rendre compte à l’Assemblée des facilités que (1) Il ne faut pas douter que les citoyens des quarante huit sections ne proposent incessamment pour les rues de chacune d’elles les noms des grands hommes, des écrivains distingués, des artistes célèbres, ou les dénominations des événements remarquables de l’histoire de Paris, et que la municipalité ne fasse effacer les noms dont on n’ose citer le plus grand nombre. ' 27 JAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1790.] 418 nous avons trouvées pour la conciliation "des divers intérêts, et pour Ja détermination du plan que nous lui soumettons aujourd’hui; nous avons trouvé une soumission parfaite dans les sections destinées à ne plus exister, ni sous leurs noms, ni dans ld même réunion des citoyens : ce nom et cette réunion leur étaient cependant bien chers et par des succès et par des services rendus à la patrie, et par des raisons de fraternité et d’amitié: tout a été sacrifié, non sans douleur, non sans regret, maiB avec courage, pour obéir à la nécessité des circonstances. Les districts de Paris , si utiles depuis la Révolution, finissent comme ils ont commencé r ils s’empressent d’obéir à Ja loi; ils sont flattés que cet empressement prouve leur respect à l’Assemblée nationale : cette obéissance à la loi est désormais le garant de la paix du royaume et de la félicité publique; ce respect que nous retrouvons à Paris et dans tous les instants et dans tous les cœurs, est un véritable sentiment, un sentiment que ses citoyens appellent de piété filiale et de reconnaissance pour les pères de la patrie. Nous avons dû, Messieurs, voüs rendre compte de ces dispositions généreuses et patriotiques ; nous devons dire que la ville de Paris, qui d’abord a porté tout le poids de la Révolution, a souffert sans se plaindre; qu’elle a toujours marché de sacrifices en sacrifices vers le bien général; qu’avec tous les moyens de grandeur et de force qui lui appartiennent, elle a donné la première, elle a donné tous les jours l’exemple de la soumission la plus prompte et la plus entière à vos décrets ; de sorte qu’elle mérite de nous, et qu’elle méritera de la postérité, un double éloge, pour avoir déterminé la Révolution par la puissance, et l’avoir assurée par sa soumission, M. Fréteau. Je demande que le projet de décret proposé par le comité de Constitution soit adopté immédiatement. M. le Président consulte l’Assemblée, et le décret est rendu, sans discussion, en ces termes : « L’Assemblée nationale, conformément à l’article 6 du titre premier du règlement général pour la municipalité de Paris, décrète la division de cette ville en quarante-huit sections, telle qu’elle est tracée et énoncée dans le plan et le procès-verbal joints au présent décret; elle ordonne de déposer aux archives de l’Assemblée et au greffe de l’Hôtel-de-Ville un exemplaire de ce plan et de ce procès-verbal, signé des commissaires adjoints du comité de Constitution. « Le roi sera supplié de donner les ordres nécessaires pour que les opérations préalables aux élections soient terminées au plus tard le 4 juillet, et que les élections commencent le lendemain. » _(Nota* Les lettres patentes du roi, du 27 juin 1790, sur le décret de l’Assemblée nationale, concernant la.municipalité de Paris, ont été joints au procès-verbel du 22 juin. — A notre tour, nous les insérons à la suite de la séance de ce jour.) M. Gossin, rapporteur. La commune de Montmartre a formé deux municipalités distinctes, dont l’ünë se trouve comprise dans l’enceinte des murs qui circonscrivent le territoire de la commune de Paris; Le comité de Constitution vous propose de déclarer que cette dernière doit cesser d’exister. M; Démeunier. L’Assemblée doit décréter que la commune de Montmartre prendra part à la nouvelle division de la ville de Paris et qu’elle sera tenue de se conformer aux décrets rendus à cet égard. Cette motion est adoptée en ces termes i « L’Assemblée nationale décrète que la municipalité formée par les citoyens de la commune de Montmartre, habitant la partie de terrain qui se trouve aujourd’hui du ressort de la municipalité de Paris, sera regardée comme non-avenue, et que ces citoyens feront désormais partie de la commune de la capitale. » L'ordre du jour et ensuite la discussion de l'affaire de Barbentane . M. Durand de Mafllane. L’affaire de Barbentane consiste en une arrestation de blés que l’on exportait à Avignon, malgré la défense faite d’envoyer des marchandises de cette espèce dans les pays étrangers. — Je demande que le rapport de cette affaire soit ajourné. (L’ajournement est prononcé.) M. Mougeotte des Figues annonce que la commune de Chaumont-en-Bassigny fait l’offre d’acheter pour 2,000,000 de biens nationaux; Cette soumission est renvoyée au comité d’aliénation. M. Chabroud. Je demande que le rapport de la dénonciation faite par les officiers municipaux de Nogent-le-Rotrou contre les officiers de l’élection de la même ville, au sujet de l’inexécution des rôles des impositions directes, soit fait demain au commencement de la séance. (Cette motion est adoptée.) M. le Président appelle ensuite plusieurs autres affaires qui sont à l’ordre du jour. Les rapporteurs sont absents. M. Bouche demande que régulièrement l’ordre de travail pour le lendemain soit affiché la veille au matin et que le nom des rapporteurs soit inscrit à côté des affaires à rapporter. Cette motion est adoptée. M. Goupil de Préfeln fait une autre motion qui est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que les affaires qui doivent être traitées aux séances du soir suivront l’ordre dans lequel elles seront inscrites dans le cahier du président, et qu’on ne pourra changer leur ordre chronologique que par un décret de l’Assemblée, suivant l’exigence du cas. » M. Lambel dit que le sénéchal de Rouergue a rendu un jugement contre la municipalité de Saint-Hippolyte pour le remplacement provisoire d’un banc d’un habitant de cette paroisse. Il demande que cette affaire soit renvoyée au comité des rapports. Le renvoi est ordonné. Les six corps des marchands de la ville de Paris présentent une pétition relative aux juridictions consulaires. Cette pétition est renvoyée aux comités de commerce et de Constitution. M. 1© Président lève la séance à neuf heures du soir.