ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1791 .j 708 [Assemblée nationale.] lecture d’une lettre du ministre de la guerre adressée à M. le Président et ainsi conçue: « Paris, le 29 mai 1791. « Monsieur le Président, « lie roi m’ordonne de vous communiquer quelques observations sur l’article 38 du décret sur l’organisation du pouvoir exécutif. Cet article est ainsi conçu : « Le pouvoir exécutif ne pourra faire passer « ou séjourner aucun corps de troupes de ligne « en deçà de 30,000 toises de distance du lieu des « séances du Corps législatif, si ce n’est sur sa ré-« quisition, ou avec son consentement exprès. » « Il existe aux environs de Paris, à une distance plus rapprochée que celle indiquée dans l’article, plusieurs endroits où les troupes sont dans l’usage de loger, tels que Saint-Denis, Pontoise, Melun, Senlis, Luzarche, etc. L’exécution rigoureuse du décret forcerait de les abandonner, parce que dans le mouvement journalier des troupes, il serait impossible d’interrompre les travaux du Corps législatif pour obtenir son autorisation sur le simple passage donné par forme à un régiment qui change d’emplacement. « Cependant ces gîtes d’étapes sont placés sur des directions très fréquentées, et servent aux mouvements qui font porter les troupes des départements maritimes sur ceux du Nord, de la Moselle et du Rhin ; leur suppression nécessite des détours considérables, qui augmenteraient les routes, ainsi que la dépense, et augmenteraient considérablement les opérations qui demandent une grande célérité. « On pourrait obvier à ces inconvénients, en se bornant à instruire l’Assemblée nationale du passage des troupes en deçà de la distance désignée, lorsqu’elles excéderaient 100 hommes, par une note officielle qui indiquerait le nombre des troupes, la date de leur passage et la route qu’elles suivent; mais comme le décret porte qu’il laudra une autorisation expresse du Corps législatif, et par conséquent antérieure à l’envoi des ordres, cette mesure, que Sa Majesté m’a charge de vous indiquer, ne peut avoir lieu que lorsque l’Assemblée nationale aura prononcé si elle l’adopte. « Je vous prie donc, Monsieur le Président, de vouloir bien lui soumettre cette proposition. Le roi m’ordonne en même temps d’instruire l’Assemblée nationale que dans ce moment des corps de troupes sont placés en demeure en deçà de 30,000 toises de Pans. A Versailles, un régiment d’infanterie et un détachement de chasseurs, qui fournit également des détachements dans les environs ; à Rambouillet, un régiment de chasseurs, ui fournit des détachements aux environs; à uint-Germain, un détachement de chasseurs. « Ces troupes ont été rassemblées par la nécessité de maintenir la tranquillité publique, et sont reconnues très utiles par les corps administratifs, qui en désirent la conservation. « Je me borne donc, aux termes de l’article ci-dessus, à demander que l’Assemblée nationale veuille bien autoriser leur séjour ultérieur dans les emplacements qu’elles occupent. « Je suis avec respect, etc... « Signé : DUPORTAL. » M. Prieur. Je demande le renvoi au comité de Constitution. (Murmures.) M. Démeunier, au nom du comité de Consti-tutiçn. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que le décret sur l’organisation du Corps législatif, dans lequel se trouve la disposition rapjielée par le ministre, dans sa lettre, n’est pas Complet, qu’il n’a pas encore été présenté à l’acceplaûon du roi et que, par conséquent, la loi n’est pas encore faite. C’est le zèle du ministre de la guerre qui le détermine dans ce moment-ci à demander une autorisation, puisque le temps de l’exécution de la loi qui a été rendue n’est pas encore venu. Une autorisation n’est donc pas encore nécessaire et ie ministre de la guerre peut, sur ce point, ordonner les arrangements qui lui paraîtraient utiles au service public. Je ne m’oppose pas d'ailleurs au renvoi de la lettre au comité qui présentera de suite à l’Assemblée son avis sur la question; quant à moi, personnellement, je pense qu’il suffira d’en instruire le Corps législatif. (L’Assemblée décrète que les remarques de M. Démeunier seront insérées au procès-verbal; elle ordonne de plus le renvoi de la lettre et des observations du ministre de la guerre au comité de Constitution pour en rendre compte.) M. Fréteau-Saint-Just, au nom du comité diplomatique. Messieurs, lorsqu’à la mortde Benjamin Franklin vous décrétâtes que l’Assemblée porterait le deuil, vous chargeâtes votre Président d’écrire au Congrès pour lui faire part de votre décision. Le Président du Congrès, M. Washington, vous répondit dans le temps par une lettre qui a été rendue à l’Assemblée nationale. Aussitôt que le Congrès a repris se3 séances, il a chargé le ministre des affaires étrangères de l’Amérique de vous donner une nouvelle preuve des sentiments de fraternité qui l’unissent à ce royaume et du désir sincère de voir continuer la paix et l’union qui régnent entre eux et vous. Le ministre écrivit donc une nouvelle lettre. C’est cetie lettre qui a été envoyée au comité diplomatique et dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture; elle est accompagnée d’une lettre particulière des représentants de l’Etat de Pensylvanie, dont je vous donnerai également lecture. Voici la lettre de M. Jefferson : « Monsieur, « Je suis chargé, parle président des Etats-Unis de l’Amérique, de communiquer à l’Assemblée nationale l’expressiou de la sensibilité du Congrès pour l’hommage que les représentants libres et éclairés d’une grande nation ont rendu à la jnémoire de Benjamin Franklin, par leur décret du 11 juin 1790. « Il était naturel que la perle d’un tel citoyen excitât de vifs regrets parmi nous, au milieu desquels il vivait, qu’il avait si longtemps et si éminemment servis, et qui sentions que sa naissance, sa vie etses travaux avaient été intimement liés aux prugrès et à la gloire de sa patrie; mais il appartenait à l’Assemblée nationale de France de donner le premier exemple d’un hommage publiquement rendu par le corps représentatif d’un grand peuple au simple citoyen d’une autre nation ; et en elfuçant ainsi des lignes arbitraires de démarcation, de réunir, par les liens d’une grande fraternité, tous les hommes bons et grands, quel qu’ait été le lieu de leur naissance ou de leur mort. « Puissent ces démarcations disparaître entre nous, dans tous les temps et dans toutes les cir- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1791,] 709 constances, et puisse l’union de sentiments qui mêle aujourd’hui nos regrets, continuer à cimenter les liens d’amitié et d’imérêtqui unissent nos deux nations! Tel est le vœu constant de nos cœurs, et personne ne le forme avec plus d’ardeur et de sincérité, que celui qui, en remplissant l’honorable devoir de transmettre l’expression d’un sentiment public, se félicite de pouvoir en même temps offrir l’hommage du profond respect et de la vénération avec lesquels il a l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur, « Signé : Th. JEFFERSON. » Philadelphie, 8 mars 1791. (Applaudissements à gauche.) Avant de vous donner lecture de la lettre des représentants de l’Etat de Pensylvanie, permettez-moi de vous donner connaissance de l’extrait de leurs délibérations : « Nous, députés delaRépubliquedePensylvanie, chambre des représentants, vendredi 8 avril 1791. « L’adresse à l’Assemblée nationale de France lue le 6 du présent mois, a été lue pour la seconde fois et adoptée à l’unanimité; en conséquence, il a été résolu, que l’orateur signerait ladite adresse par ordre de la Chambre et la transmettrait au Président de l’Assemblée nationale de France ». La lettre des représentants de l'Etat de Pensylvanie a été envoyée à l’ambassadeur de France en Angleterre qui l’a fait passer à M. le Président de l’Assemblée nationale; la voici : « Monsieur, « Les représentants du peuple de Pensylvanie ont unanimement manifesté le désir d’exprimer à l’Assemblée nationale de France les sentiments de sympathie qui les attachent à ses généreux travaux dans la cause de la liberté; ils lui adressent leurs félicitations bien sincères sur ses succès, dont ils ont suivi le progrès avec la plus tendre sollicitude et la plus vive satisfaction. « Une nation qui, déployant une politique si magnanime, et animée du plus noble enthousiasme, a si généreusement interposé sa puissance, prodigue ses trésors, et mêlé son sang avec le nôtre pour défendre la liberté américaine, a droit sans doute à la plus entière réciprocité de nos sentiments pour elle, et aux vœux les plus ardents que l’attachement et la reconnaissance puissent exprimer. « Profondément pénétrés de ces sentiments, nous regrettions sans cesse qu’un peuple brave et généreux, qui s’était fait volontairement le défenseur de nos droits, ne jouît pas lui-même des siens, et qu’après nous avoir aidés à nous placer dans le temple de la liberté, il ne retrouvât dans ses foyers que la servitude. Heureusement la scène a changé, et votre situation actuelle excite en nous tout ce que la sympathie la plus douce peut faire éprouver au cœur humain. « Nous voyons dans ce moment, avec des transports d’affection et de joie, le glorieux triomphe que vous avez assuré à la raison sur les préjugés, à la liberté et à la loi sur l’esclavage et sur le despotisme. Vous avez noblement brisé les fers qui vous attachaient à votre ancien gouvernement, et entrepris, aux yeux de l Europe étonnée, une Révolution fondée sur cet axiome pur et élémentaire, que le principe de tout pouvoir réside naturellement dans le peuple, qu’il en est la source, et que toute autorité doit émaner de lui. '< Cette saine maxime, sur laquelle reposent et dont se glorifient nos constitutions américaines, ne pouvait plus être inconnue ou négligée au milieu du foyer de patriotisme et de philosophie, qui, depuis longtemps, éclairait la France. « Nous nous félicitons de ce que votre gouvernement, quoique différemment organisé, offre une telle homogénéité de principes avec le nôtre, qu’il ne peut manquer de cimenter l’amitié qui nous unit par des liens encore plus étroits, puisqu’ils seront plus fraternels. « Pour preuve de cette disposition, nous pouvons vous assurer que les suffrages et les sentiments de nos concitoyens se réunissent unanimement dans la plus vive prédilection pour votre cause et pour votre pays. Nous prévoyons avec joie le bonheur et la gloire qui vous attendent, lorsque les ressources dont vous êtes entourés, ces richesses que la nature a répandues sur vous d’une main si libérale, auront acquis toute l’activité que doit leur donner un gouvernement libre. « Nous nous plaisons à espérer qu’aucune circonstance pénible ou malheureuse n’interrompra votre glorieuse carrière, jusqu’à ce que vous ayez complètement rendu au bonheur d’une égale liberté civile et religieuse, tant de millions de nos frères, jusqu’à ce que vous ayez complètement détruit les odieuses et arrogantes distinctions entre l’homme et l’homme, jusqu’à ce qu’enfin vous ayez fait gprmer dans l’esprit du peuple l’enthousiaste et généreuse passion de la patrie, au lieu de ces sentiments servilement romanesques, qui concentrent toutes les affections d’une nation dans la personne d’un monarque. ( Vifs applaudissements à gauche.) * Mais, tandis que nous consi rnrons avec respect et admiration les principes que vous avez établis, et que nous unissons nos vœux pour qu’ils puissent à jamais braver les attaques du temps, de la tyrannie ou de la perfidie, nous ne pouvons que nous réjouir de ce que, dans les progrès de votre Révolution, vous n’avez éprouvé qu’un petit nombre de ces crises convulsives. (. Murmures à droite.) qui se sont si souvent et si fortement renouvelées dans le cours de la Révolution américain e. ( Vifs applaudissements à gauche.) « Si notre vif intérêt pour vos succès pouvait s’accroître par quelques motifs étrangers, il suffirait sans doute, pour le porter à son comble, de la réflexion satisfaisante et philanthropique, que, par l’influence de votre exemple, les autres nations de l’Europe apprendront à apprécier et à rétablir les droits de l’homme, et que l’on verra devenir de plus en plus générales ces institutions politiques, dans lesquelles l’expérience aura développé à tons les yeux des principes favorables au bonheur de l’espèce humaine, et convenables à la dignité de notre nature » (Applaudissements.) « Par ordre de la Chambre des représentants : « Signé ; Wm Bingham, orateur. » « Philadelphie, 8 avril 1791. » Plusieurs membres : L’impression 1 M. Boutteville-Dumetz. Il faut en envoyer un exemplaire à M. l’abbé Raynal. M, Goupilleau. Je demande la parole. Plusieurs membres : Ce n’est pas fini I