308 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1791,1 transports d’affection, de reconnaissance et de joie, la France ne voit-elle pas le glorieux triomphe que vous avez remporté sur les préjugés et le despotisme, en établissant ainsi le règne des lois et l'empire de la raison I Si l’esprit de faction, alimenté par l’intérêt particulier, fait sentir quelques mouvements, il est bientôt forcé de céder à l’intérêt public défendu, protégé par le plus grand nombre. Et telle est l’heureuse position de l’Empire français : il n’a rien à redouter des entreprises des ennemis du bien public. Le patriotisme se manifeste de toute part et de la manière la plus éclatante, soit de la part des gardes nationales, soit de la part des troupes de ligne. L’union qui règne entre elles, si conforme à la raison, à l’humanité et au bon ordre, présente l’état de défense le plus imposant. Les Français ont coi mu le prix de la liberté et l’empire si précieux de la loi, l’une et l’autre consacrées par vos décrets : ils aimeront mieux répandre jusqu’à la dernière gouite de leur sang, que de souffrir qu’il leur soit mis de nouvelles chaînes. Les gardes nationales du canton de Marly-le-Roi, parmi lesquelles se trouvent des fonctionnaires publics ecclésiastiques, sont pénétrées de ces généreux et libres sentiments ; elles savent que le premier devoir des citoyens est de veiller à la sûreté publique, et de défendre sa patrie lorsqu’elle paraît en danger; elles ne cèdent pas aux gardes nationales parisiennes, dont le courageux patriotisme est à toute épreuve ; elles vont jurer de protéger l’exécution de tous vos décrets, et de vivre libres ou mourir. » ( Applaudissements .) Les membres de la députation s’écrient : Nous le jurons ! (Vifs applaudissements.) M. le Président répond : « Messieurs, « Vous avez quitté vos champs, votre domicile, pour porter aux représentants du peuple un hommage dont ils sentent tout le prix. Rien ne saurait les toucher plus que les assurances de ceux qui sont occupés à des travaux utiles, de ceux qui, toujours près de la nature, y puisent tous leurs sentiments, et donnent à l’amour de la liberté ce charme qu’ils empruntent de la simplicité de leur vie. « Habitants de la campagne, soldats de la Révolution, bons citoyens sous tous ces rapports, vous avez des titres à l’attachement des Français ; et c’est l’Assemblée nationale qui vous le garantit : elle compte sur vous pour obtenir à la Constitution des amis, même dans le nombre de ceux qui la menacent. En effet, quand les dangers de la chose publique n’exigeront plus que vos bras soient armés pour la défendre, vous saurez alors, après avoir repoussé nos ennemis s’ils vous y forcent, les attirer dans vos champs par la douceur de la paix que vous y ferez régner, et les convertir par l’image de votre bonheur. (Vifs applaudissements.) « L’Assemblée vous invite à assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne l’inserlion du discours de la députation de Marly-le-Roi et de la réponse du Président au procès-verbal.) L’ordre du jour est un rapport des comités militaire et des pensions réunis sur l'indemnité réclamée par le sieur François Xavier de Lowendal (1). (1) Voir ci-après, aux Annexes de la séance, p. 310, les réclamations des héritiers Lowendal. M. Chabroud, rapporteur. Messieurs, on vous a déjà parlé de la famille de Lowendal , d s titres qui sollicitaient pour elle votre justice, et des droits qui la recommandaient à la bienfaisance nationale. Par votre décret du 28 avril dernier, vous avez consacré sous ces deux rapports une lettre d’obligation publique, vous avez accordé •■ne somme de 800,000 livres comme indemnité et comme récompense (1). Il a été dit que l’Assemblée n’avait prononcé que sur une partie des réclamations de la famille de Lowendal ; il a fallu faire un nouvel examen et je viens vous en présenter le résultat. En 1760, le régiment de Lowendal, dont le fils du maréchal était colonel propriétaire, fut incorporé dans ceux d’Anhalt et de Darmstadt. M. François Xavier de Lowendal fut attaché, en qualité de colonel réformé, au régiment d’Anhalt et perçut un traitement de 12,000 livres par an. Quelques autres colonels avaient moins ; il était accordé à d’autres jusqu’à 20,000 livres. Il obtint, par une décision du 9 décembre 1765, une augmentation annuelle de 8,000 livres. Enfin M. de Lowendal, parvenu au grade de maréchal de camp et employé dans la dernière guerre à la Guadeloupe et à Sainte-Lucie, mérita une pension de 3,000 livres qui lui fut accordée en 1783. « Vos comités ont pensé, sur la première question qu’ilsontexaminée,que M. Lowendal, comme propriétaire d’un régiment, était dans les mêmes conditions que les autres colonels propriétaires dont vous avez assuré ies droiis et qu’il devait obtenir une somme de 100,000 livres pour indemnité de sa propriété. Ils ont cru, de plus, devoir considérer son traitement de 20,000 livres comme une pension viagère au capital de 100,000 livres et dont les arrérages lui étaient dus depuis la suspension du payement, c’est-à-dire depuis le 1er jauvier 1790 : il n’a pas été payé depuis ce temps; et comme tout son avoir consistait dans ses traitements et pensions et qu’il a été contraint de recourir à des secours étrangers, les comités pensent qu’il y a quelque justice à proposer à l’Assemblée de déclarer cette portion des arrérages, depuis le 1er janvier 1790 jusqu’à ce jour, insaisissable, si ce n’est en faveur des créanciers qui ont fait des fournitures pour la subsistance de la famille et son entretien. ( Murmures .) « Reste, Messieurs, lapensionde 3,000 livres. Il a paru évident à vos comités que si elle était susceptible d’être rétablie en faveur de M. de Lowendal, son droit subsiste et qu’il devait être renvoyé à en produire les preuves et à obtenir un titre nouveau selon les règles générales établies par vos décrets. « Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités militaire et des pensions, qui lui ont représenté son décret du 28 avril dernier, concernant la famille de Lowendal et rendu compte de nouveaux faits relatifs à la jouissance queFrauçois Xavier de Lowendal, dénommé seulement Wol-demar de Lowendal dans le décret du 28 avril, fils du maréchal de ce nom, a eue du régiment levé par son père; « Décrète qu’il sera remis par la caisse de l’extraordinaire, aux mêmes conditions d’emploi et de jouissance d’usufruit portées par le décret du 28 avril, pour le dit François Xavier de Lowendal et ses enfants : (1) Voy. Archives parlementaires, tome XXV, séance du 28 avril 1791, page 377, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1791.] 309 « 1° La somme de 100,000 livres en capital pour lui tenir lieu de toute indemnité en raison de la réforme faite en 1760 du régiment de son nom, dont il était colonel propriétaire; « 2° Les arrérages, à raison de 10,000 livres par an, du traitement qui lui avait été conservé à l’époque de la réforme, échus depuis le 1er janvier 1790 jusqu’à ce jour. « Le tout sans préjudice de ce qui a été accordé audit Lowendal par le décret du 28 avril dernier. « Au surplus, PAssemblée nationale renvoie ledit Lowendal, pour représenter ses titres à la pension de 3,000 livres à lui accordée en 1783, selon la forme prescrite par ses décrets, à l’effet qu’il lui en soit délivré un titre nouveau, s’il y a lieu. » M. Gaultier - Bianzat. Je demande la question préalable sur le projet de décret : la famille Lowendal a déjà reçu 100,000 écus et il n’y a pas de nouvelles causes d’indemnité. M. Bureaux de Pusy. J’appuie le projet de décret : M. Lowendal était propriétaire d’un régiment et vous avez supprimé toutes les propriétés de cette nature. M. Emmery. Le décret du 28 avril qui a accordé 300,000 livres à la famille Lowendal était une récompense de services ; aujourd’hui l'Assemblée fera acte de justice en payant 100,000 livres d’indemnité pour la propriété supprimée du régiment. M. Chabroud, rapporteur. Voici, Messieurs, le texte du décret rendu le 28 avril dernier : « L’Assemblée, prenant en considération les importants services rendus à l’Etat par feu Wol-demar de Lowendal, maréchal de France, la perte que ses enfants ont faite, à sa mort, du régiment d’infanterie allemand de son nom, dont il était propriétaire, la situation actuelle de ses descendants Woldemar de Lowendal , Marie-Louise de Lowendal, femme Brancas ; les enfants nés desdits de Lowendal, et d’Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, femme de Lance-lot-Turpin-Grissé, décrète qu’il sera remis par la caisse de l’extraordinaire, à Woldemar de Lowendal, aux enfants d’Elisabeth-Marie-Cons-tance de Lowendal, et à Marie-Louise de Lowendal, la somme de 300,000 livres, faisant pour chacun desdiis Woldemar de Lowendal, Marie-Louise de Lowendal, et pour tous les enfants d’Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, la somme de 100,000 livres, pour servir à leur subsistance, et à celle des enfants nés desdits Woldemar et Marie-Louise de Lowendal; à l’effet de quoi la somme de 100,000 livres ne sera délivrée par le trésorier de l’extraordinaire à chacun des susnommés, qu’après que, par avis du tribunal de la famille , l’emploi desdites sommes en constitution de rente, dont l’usufruit seulement, soit en tout, soit eu partie, suivant l’avis dudit tribunal, appartiendra auxdits Woldemar et Marie-Louise de Lowendal, aura été déterminé et sera remise alors à la personne désignée par le tribunal de famille, pour la recevoir et en faire le placement ; au moyen desquelles indemnités et récompenses les pensions accordées à Marie-Louise de Lowendal et aux enfants d’Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, demeurent définitivement rayées, comme annulées par le décret du 3 août 1790. » M. Camus. Le décret du 28 avril, dont M. le rapporteur vient de vous faire lecture, a été rendu sur la proposition que j’en ai faite au nom des comités des pensions et militaire; il est évident que ce décret contient véritablement la mention de la différence que la réforme du régiment de Lowendal a apportée dans la fortune de la famille du maréchal, et qu’en la rendant, nous avons cru accorder une récompense à la famille de Lowendal en raison des services du père. Mais il n’en est pas moins certain qu’à cette époque nous ne savions pas que M. de Lowendal fils avait eu pendant 5 ans la propriété du régiment de son père et que nous croyions que la réforme de ce régiment avait été faite ou pendant la vie du maréchal de Lowendal ou immédiatement après sa mort. G’est là une des considérations qui ont engagé alors l’Assemblée à partager également les 300,000 livres accordées entre les 3 enfants ou leurs descendants. Les nouvelles pièces produites établissant que la réforme a été faite pendant l’exercice de M. de Lowendal fils, il s’en suivrait qu’en recevant seulement 100,000 livres, alors qu’on en donne autant à tous les ci-devant colonels propriétaires, celui-ci ne retirerait rien de la somme accordée par la nation, autant à titre d’indemnité que de récompense, aux héritiers d’un citoyen qui a rendu des services distingués à la patrie; il se trouverait, de plus, privé de traitement dont il a joui à cause de la réforme faite pendant son exercice. Je conclus de ces observations que nous devons une indemnité à M. de Lowendal, mais que nous ne devons pas lui en accorder une, comme si nous n’avions encore rien donné. Je propose donc de rendre le décret en ces termes ; « L’Assemblée nationale, ajoutant au décret du 28 avril dernier, décrète qu’il sera accordé à François-Xavier Woldemar de Lowendal, aux mêmes conditions d’emploi et de jouissance d’usufruit portées dans le décret du 28 avril, la somme de 50,000 livres, au moyen duquel payement et de la somme de 100,000 livres qui lui* revient aux termes dudit décret, il ne sera plus admis à aucune répétition, sous quelque prétexte que ce soit, d’indemnité, propriété au régiment, intérêts ou arrérages, sauf la pension de 3,000 livres, personnelle audit Lowendal, qui sera conservée, s’il y a lieu, d’après l’examen qui en sera fait par le comité des pensions. » Voix diverses : Aux voix! aux voix! — La question préalable sur le tout! (Bruit.) (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer.) M. Babey. Je demande le renvoi à la prochaine législature ; nous verrons si elle sera aussi aristocrate qu’on l’est ici. (Murmures.) (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité à la motion incidente de M. Camus, qui est ensuite mise aux voix et adoptée.) En conséquence, le projet de décret modifié est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités militaire et des pensions, qui lui ont représenté son décret du 28 avril dernier, concernant la famille de Lowendal, et rendu compte de nouveaux faits relatifs à la jouissance que François-Xavier de Lowendal (dénommé seulement Woldemar de Lowendal dans le décret du 28 avril), fils du maréchal de ce nom, a eue du régiment