Qfi [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1790.] aussi, de quelque nature qu’ils soient, ainsi que les droits qui en seraient représentatifs, supprimés sans indemnité. Mais les bâtiments et les halles resteront la propriété de ceux auxquels ils appartenaient, sauf à s’arranger à l’amiable, soit pour le loyer, soit pour leur aliénation, avec les municipalités des lieux ; et les difficultés qui fiourraient s’élever à ce sujet seront soumises à 'arbitrage des assemblées administratives. N’entend néanmoins l’Assemblée nationale comprendre, quant à présent, dans les dispositions ci-dessus, les droits de la caisse des marcbés de Sceaux et de Poissy. » M. Boussion, député d’Agen , propose d’ajouter à cet article: « Les halles situées au milieu des places publiques et des grandes rues des villes appartiennent aux communautés et municipalités, ainsi que les fossés où se tiennent les marchés de bestiaux, et les places publiques dont les seigneurs se sont emparés. » M. Merlin. Tout ce qui concerne les places, fossés, etc., se trouvera dans le titre des justices seigneuriales. Je demande l’ajournement de l’amendement. Cet ajournement est ordonné. L’article 4 est adopté. On fait lecture de l’article 5. Il est décrété sans discussion et conçu en ces termes: « Art. 5. En conséquence de ce que dessus, le mesurage etpoids des farines, grains, denrées ou marchandises, dans les maisons particulières, sera libre dans toute l’étendue du royaume, à la charge de ne pouvoir se servir que de poids et mesures étalonnés et légaux; et quant aux places et marchés publics, il sera pourvu à l’exactitude de ce service par les municipalités des lieux, qui, sous l’autorisation des assemblées administratives, fixeront la rétribution juste et modérée des personnes employées au pesage et mesurage. » M. Bouche. Vous venez de supprimer une grande quantité de droits féodaux ; je pense qu’il serait à propos de rendre maintenant un décret que je rédigerais en ces termes: « L’Assemblée nationale annulle toutes conventions et délibérations, non encore exécutées, par lesquelles les corps administratifs, provinces et communautés d’habitants se seraient soumis à des indemnités pour les droits qui ont été supprimés. » ? La question préalable est invoquée, et l’Assemblée décide qu’iJ n’y a pas lieu à délibérer. M. le baron de Marguerittes fait le tableau des malheurs particuliers que peuvent produire des décrets rendus pour le bien général. Il demande que l’on décrète que « tous les actes passés entre cohéritiers, au sujet de droits féodaux, peuvent donner lieu à des indemnités, réglées d’après une nouvelle estimation, à moins que les cohéritiers n’aiment mieux procéder à un nouveau partage. » M. Merlin. Je me disposais à présenter des articles sur cet objet; le préopinant m’a prévenu; mais je ne puis adopter les dispositions qu’il propose. 11 faut se rappeler les vrais principes. Des juges ne doivent jamais s’arrêter à des considérations particulières, à plus forte raison des législateurs. Si vous touchez aux partages, vous vous déclarez hautement inconséquents, vous renversez les contrats de vente. Les partages sont des ventes faites entre les cohéritiers. Lorsqu’un droit périt, il périt pour le propriétaire; il faut distinguer la manière dont on possède, ainsi que la naiure des choses possédées. M. Merlin propose trois articles rédigés sur ces principes, et destinés à terminer le titre 2. M. Loys demande que ces articles soient imprimés et ajournés. M. Bavai d’Eprémesnil. La loi res périt domino n’est point applicable dans les circonstances. Elle n’accorde d’indemnité, de recours au possesseur, que dans le cas où la chose possédée aurait été détruite par des cas fortuits, par la foudre, l’incendie, etc. Le préopinant compare-t-il vos décrets à des ravages, à des tonnerres, à des incendies? Mais voici un raisonnement auquel je le défie de répondre. Vous voyez en moi le noble de France le moins grevé par le nouvel ordre de choses ; je ne possède aucun des droits que vous avez supprimés. On dit que c’est la loi qui supprime et qui détruit; mais on ne possédait qu’en vertu de la loi ; on n’a acquis, on n’a vendu une propriété que sous la garantie de la loi; vous venez, par une loi nouvelle, de m’ôter la propriété que m’assurait la loi ancienne ; ôtez-moi donc les charges auxquelles cette loi m’a soumis, afin que je possédasse. Voilà le principe. Voilà le raisonnement qu’on viendra vous faire de tous les coins du royaume ; voilà le raisonnement qui rend tout décret contraire tellement injuste, qu’il est impossible qu’il soit exécuté. M. Merlin. Le préopinant ne s’est pas aperçu qu’en voulant maintenir l’ordre dans les propriétés, et la paix daus les familles, il bouleverse tout le royaume. S’il fallait compter le nombre de mécontents, je demanderais, au sujet des partages dont on vous a parlé, s’il existe plus d’aînés que de cadets. Je demande positivement si, en privant les acquéreurs de leurs recours contre les vendeurs, vous n’assurez pas la paix dans la société. Quel serait le terme où s’arrêterait ce recours? Le préopinant a dit: J’ai contracté sous la garantie de la loi; vôus m’ôtez celte garantie, ôtez-moi mes engagements: avec ce raisonnement, il n’est pas de pensionnaire du roi qui ne prétendît pouvoir se dispenser de payer ses dettes. Bevenons au principe. Qu’entendez-vous par ce mot engagement? Ignorez-vous la distinction à faire entre les engagements réels et personnels? Quand, dans l’espoir d’une jouissance prochaine, ou de la durée d’une jouissance présente, vous avez contracté des engagements, eu êtes-vous libérés, si cette propriété idéale et fictive est détruite? Les engagements personnels doivent subsister. La justice de l’Assemblée ne doit s’occuper que des engagements inhérents à la chose. M. Alexandre de Lameth. Je me joins à ceux qui ont demandé l’ajournement: un préopinant a dit qu’on ne pouvait toucher à ce que la loi permettait de vendre et d’acheter ; la loi permettait de vendre ou d’acheter les abus, on ne peut donc toucher aux abus ; tous les droits féodaux personnels se vendaient : il s’ensuivrait donc que la mainmorte ne pourrait être détruite. Je demande l’ajournement, à cause de l’heure très avancée. (L’ajournement est décrété.) M. le Président. L’Assemblée a adopté divers [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1790.] 97 amendements et décrété cinq articles. Je prie M. le rapporteur de donner lecture de ces articles, dans leur rédaction définitive. M. Gillet de La Jacqueminière donne lecture des articles ainsi qu’il suit : Articles décrétés. Art. 1er. Les droits de péage, de long et de travers, passage, hallage, pontonnage, barrage, chaînage, grande et petite coutume, leyde, tonlieu, et tous autres droits de ce genre, ou qui en seraient représentatifs, de quelque nature qu’ils soient, et sous quelque dénomination qu’ils puissent être perçus, par terre ou par eau, soit en argent, sont supprimés sans indemnité; en conséquence, il sera pourvu, par les assemblées administratives des lieux, à l’entretien des ouvrages dont quelques-uns de ces péages pouvaient être grevés, et dont les possesseurs demeurent déchargés; et les possesseurs desdits droits demeureront aussi déchargés des prestations pécuniaires auxquelles ils pouvaient être sujets à raison desdits droits supprimés. Art. 2. N’entend néanmoins l’Assemblée nationale rien innover, quant à présent, en ce qui concerne les octrois autorisés qui se perçoivent, soit au profit du Trésor public, soit au profit des provinces, villes, communautés d’habitants ou hôpitaux, sous quelque dénomination que ce puisse être. Sont aussi exceptés, quant à présent, de la suppression les droits de bac, voiture d’eau, et ceux des droits énoncés dans l’article précédent qui ont été concédés pour dédommagements de frais de construction de ponts, canaux et autres travaux et ouvrages d’art, lorsque ces ouvrages n’ont été construits qu’à cette condition ou enfin, les péages accordés en indemnité à des propriétaires légitimes de moulins, usines ou bâtiments, et établissements quelconques, supprimés pour raison de l’utilité publique. Tous lesdits droits continueront provisoirement d’être perçus suivant les titres et tarifs de leur création primitive, reconnus et vérifiés par les départements des lieux où ils se perçoivent, jusqu’à ce que, sur l’avis des départements, il soit définitivement statué à cet égard-, à l’effet de quoi les propriétaires de ces droits seront tenus dans l’année, à compter de la publication du présent décret, de présenter leurs titres auxdits départements, et faute de satisfaire à cette disposition, les perceptions demeureront suspendues en vertu du présent décret. Art. 3. Les droits d’étalonnage, minage, ménage, muyage, leyde, lende, pugnière, bichenage, levage, petite coutume, sextérage, coponage, co-pel, coupe, cartelage, stellage, sciage, palette, aunage, étale, étalage, quintalage, poids et mesures, et autres droits qui en tiennent lieu, et généralement tous droits, soit en nature, soit en argent, perçus sous le prétexte de poids et mesure (1), marque, fourniture, inspection de mesures, autres denrées ou marchandises, ainsi que sur leurs étalages, ventes, ou transports à l’intérieur, de quelque espèce qu’ils soient, sont supprimés sans indemnité; sans préjudice néanmoins des droits qui, quoique perçus sous les mêmes (1) Voyez plus loin, annexée à la séance de ce jour, la proposition de M. de Talleyrand sur les poids et mesures. dénominations, seraient justifiés avoir pour cause des concessions de fonds, et sur lesquels il a été statué par les articles décrétés les jours précédents. Les étalons, matrices et poinçons qui servaient à l’étalonnage des poids et mesures, seront remis aux municipalités des lieux, qui tiendront compte de leur valeur, et pourvoiront dorénavant et gratuitement à l’étalonnage et vérification des poids et mesures. Art. 4. Les droits connus sous le riom de coutume, hallage, havage, cohue, et généralement tous ceux qui étaient perçus en nature ou en argent, à raison de l'apport ou dépôt des grains, bestiaux, viandes, poissons, et de toutes autres denrées ou marchandises dans les foires et marchés, places ou halles, de quelque nature qu’ils soient, ainsi que les droits qui en seraient représentatifs, sont aussi supprimés sans indemnité ; mais les halles et bâ iraents resteront en propriété à ceux auxquels ils appartenaient, sauf à eux à s’arranger à l’amiable, soit pour le loyer, soit pour l’aliénation, avec les municipalités des lieux; et les difficultés qui pourraient s’élever à ce sujet, seront soumises à l’arbitrage des assemblées administratives. N’entend néanmoins l’Assemblée comprendre, quant à présent, dans les suppressions décrétées par le présent article, les droits de la caisse des marchés de Sceaux et de Poissy. Art. 5. En conséquence de ce que dessus, le mesurage et poids de farines, grains, denrées et marchandises dans les maisons particulières, sera libre dans tonte l’étendue du royaume, à la charge de ne pouvoir se servir que de poids et mesures légales et étalonnées; et quant aux places et marchés publics, il sera pourvu à l’exactitude de ce service par les municipalités des lieux, qui, sous l’autorisation des assemblées administratives, fixeront la rétriDution juste et modérée des personnes employées au pesage et au mesurage. M. le Président. J’ai reçu de M. le garde des sceaux la note suivante : « Le roi a sanctionné, «1° Le décret de l’Assemblée nationale, du 18 du mois dernier, qui autorise les comités de l’Assemblée à demanJer dans 1ns différents dépôts, copie de toutes les pièces qu’ils jugeront nécessaires à leurs travaux ; « 2» Le décret du 27, relatif à l’exportation des bois delà Lorraine allemande à l’étranger; « 3° Le décret du 4 de ce mois, portant qu’il sera levé dans la ville d Abbeville, sur tous les citoyens payant deux livres décapitation, et plus, une taxe égale à celle de leur capitation; « 4° Le décret du 5, qui autorise la commune d’Orléans à faire un emprunt; « 5° Le décret du 6, concernant lesjugements définitifs rendus par -les juridictions prévôtales; « Enfin, Sa Majesté a donné des ordres pour l’exécution de trois autres décrets des 28 février et 4 de ce mois. « Le premier est relatif à un plan d’organisation de l’armée. « Le second porte que la paye des soldats sera augmentée. - h Et le troisième concerne le président de la Chambre des vacations, et le procureur général au parlement de Bordeaux. » M. le Président lève la séance à 3 heures 1/2, après avoir indiqué celle du soir pour 7 heures. lr# Sérii, t. XII. 7