330 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (17 mai 1790.] rend entre l’Espagne et l’Angleterre; c’est un vieux motif de guerre qu’on a réchauffé. Vous avez appris hier des préparatifs qui sont déjà une déclaration de guerre; vous ne pouvez ignorer les liaisoûs de l’Espagne: on sait bien que notre Constitution épouvante les tyrans, on connaît les mesures que l’Espagne a prises pour empêcher que les écrits publiés en France parvinssent dans cet empire. Une coalition s’est faite entre une puissancequi craint la Révolution pour elle, entre une puissance qui voudrait anéantir notre Constitution, et une famille qui peut être mue par des considérations particulières. En voilà assez pour vous faire pre.-sentir les motifs de cette guerre... Si vous décarez que le roi peut faire la guerre, la Constitution sera attaquée, et peut-être détruite; le royaume sera ensanglanté dans toutes ses parties, ài une armée se rassemble, les mécontents qu’a faits notre justice iront s’y réfugier. Les gens riches, car ce sont les gens riches qui composent le nombre des mécontents, ils s’étaient enrichis des abus, et vous avez tari la source odieuse de leur opulence; les gens riches emploieront tous leurs moyens pour répandre et pour alimenter le trouble et le désordre : mais ils ne seront pas vainqueurs, car s’ils ont de l’or, nous avons du fer, et nous saurons nous en servir. ( Toutes tribunes , toutes les galeries applaudissent avec transport.) Le droit de paix et de guerre appartient à la nation ; l’exercice de ce droit doit être conservé par elle: ce principe est consacré par les principes mêmes de la Constitution, par l’opinion de Montesquieu, et par l’expérience des siècles. Il n’y a pas lieu à un seul doute sur la question. Je sais bien que l’on objectera le pacte de famille; mais d’abord la famille d’un roi c’est son peuple ; mais lorsqu’un intérêt légitime mettra les armes à la main a un cousin de nos rois, il n’est pas un Français qui ne coure à sa défende... On veut que les assignats ne prennent pas faveur, que les biens ecclésiastiques ne se vendent pas ; voilà la véritable cause de cette guerre ..... Et certes ceux qui soutiennent en ce moment la prérogative royale ont une bien fausse idée des jouissances des rois. Si nous avions toujours un roi tel que le nôtre, un roi vertueux... {Il s'élève de grands murmures dans la partie droite de l'Assemblée.) Oui.... je le répète, sans crainte d’être désavoué par la majorité de cette Assemblée, par la majorité de la nation, qui est notre juge; si toujours le ciel, dans sa faveur, donnait à nos rois les vertus de Louis XVI, on pourrait, sans danger, augmenter sans mesure la prérogative royale : mais demanderait-il le droit qu’on réclame aujourd’hui pour lui ? mais ne serait-il pas affreux pour son cœur paternel, ce droit qui consiste à pouvoir envoyer librement des milliers de Français à la mort, ce droit qui ne peut s’exercer sans la dépopulation d’un empire? A la fin du règne de Louis XIV, la France était déserte... Je conclus: le pouvoir exécutif ne pouvant qu’exécuter, Je pouvoir de déterminer la guerre doit appartenir à la nation, et être exercé par ses représentants. M. le comte de Hrleu. L’inculpation faite à la mémoire de Henri IV est injuste. Suivant tous les historiens, il ne devait faire la guerre que pour abaisser la maison d’Autriche et pour parvenir à réaliser une paix perpétuelle que Henri IV a la gloire d’avoir le premier tentée. Je n’avais pas cru que les circonstances pussent être examinées en ce moment , je croyais que cette discussion ne pouvait s’ouvrir qu’après celle de la question principale. — Le pacte de famille est un traité vraiment national entre quatre puissances, les royaumes de France, d’Espagne, de Ndples, et le duché de Parme : il a pour objet principal de rendre les sujets respectifs citovens entre eux; il porte l’abolition du droit d’aubaine et rengagement d’une défense respective... La justice d’une guerre c’est la nécessité. Si l’une des quatre puissances est attaquée, les trois autres doivent la défendre. Je suppose que le différend actuel provienne d’une faute du cabinet de Madrid, et que vous croyiez devoir abandonner l’Espagne : notre union avec l’Espagne est nécessaire pour nous opposer aux entreprises d’une puissance qui ne cessera pas d’être notre rivale. Si l’Espagne est défaite, la force de l’Angleterre sera augmentée, et nos moyens politiques de résistance diminués. En défendant l’Espagne, c’est notre vie, c’est notre richesse que vous défendez. Notre commerce maritime lait vivre quatre millions de Français, les galions d'Espagne nous apportent l’opulence. . . Je passe au fond de la question. Aucun des opinants n’a répondu aux arguments de M. de Sérent : la meilleure réponse à leur raisonnement serait de les leur lire. Eu effet, il ne s'agit pas de savoir si le roi aura le droit de faire la guerre ou la paix, mais s’il est de l’intérêt de la nation de le lui confier. Où la natioa déposera-t-elle ce redoutable droit ? Est-ce dans la personne du roi? Alors vous aurez l’unité, le secret, la rapidité, qui sont indispensables dans des opérations politiques. Sera-ce dans une assemblée nombreuse, composée d’individus non rompus aux connaissances des affaires diplomatiques, qui ne seront pas responsables, tandis que cette responsabilité pèsera sur les ministres? J’appelle à mon secours l’exemple de la Hollande, des Athéniens, de la Suède... J’ajoute à ces raisons une considération importante. L’Assemblée des législateurs ne sera-t-elle pas changée en un champ de bataille où les nations puissantes viendraient faire combattre les piastres et les guinées? On dira en vain que les ministres pourront être soudoyés : des ministres qui seront arrivés au complément de l’ambition, des honneurs, des richesses, des distinctions, qui n’ont àdésirer quede conserver leur gloire, qui sont responsables, doivent être bien moins à craindre que ceux qui ne redoutent personne, et qui ont une fortune à faire. J’adopte les conclusions de M. de Sérent. M. le Président. Il est trois heures. Nous allons lever la seance et la renvoyer à demain malin neuf heures. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TIIOURET. Séance du lundi il mai 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Defermon, secrétaire , fait lecture des adresses suivantes : Lettre de la municipalité de Rennes en Bretagne ; elle dénonce à l’Assemblée nationale la (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.