698 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [4 juillet 1790.] ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 JUILLET 1790. CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE (l). Rapport des commissaires nommés par la municipalité de Paris. L’Assemblée nationale, en décrétant le pacte fédératif, qu’elle a fixé au 14 juillet, a voulu qu’un serment auguste et public, réunissant, au même instant, tous les citoyens d’un même empire, les liât d’un nœud indissoluble et les associât à la conservation de l'ouvrage qu’elle va terminer et qui assure la liberté et le bonheur de tous les Français. Cette cérémonie imposante, qui appelle et rassemble dans la capitale les députés de tous les départements et de toutes les trou pes du royaume ; ce spectacle superbe d’une nation tout entière qui vient librement renouveler ses engagements de fraternité mutuelle, et de fidélité à la loi, devrait, s’il était possible, avoir pour témoins tous les habitants de l’univers. Le premier devoir des commissaires nommés par la municipalité et par la commune de Paris, our veiller aux préparatifs de cette fête, était onc de la fixer dans un lieu vaste, qui, réunissant l’espace à la proximité, présentât le plus de facilité et d’économie pour les dispositions et le plus d’étendue dans ses dimensions. Quatre endroits différents ont été proposés : La plaine de Saint-Denis ; La plaine de Grenelle; La plaine des Sablons ; Le champ de Mars. Les moissons abondantes dont les deux premières sont chargées n’ont pas permis de s’arrêter longtemps sur cette idée. L’avantage que ces plaines pouvaient promettre aurait été acheté par un sacrifice trop coûteux et trop pénible, puisqu’il fallait enlever au cultivateur le prix de son travail et l’espérance de sa récolte. En vain a-t-on osé dire que des indemnités pouvaient le consoler de ses perles ; ce système oppresseur, pris dans l’ancien code des chasses ; ce système qui, pour le plaisir d’un moment, dévore le bien d’une année, et qui, dans ses calculs infidèles, ruine celui qui dédommage et ne remplace jamais, pour le propriétaire ni pour la société, les productions dont il les prive, ne pouvait être adopté pour une fête, où le premier serment des citoyens était de maintenir la liberté et de respecter les lois et surtout les propriétés. Il ne restait donc à choisir qu’entre la plaine des Sablons et le champ de Mars. La première, cultivée en partie, offrait les mêmes inconvénients; cependant le genre de productions dont elle est couverte, aurait, peut-être, permis un sacrifice, si l’on eût trouvé le dédommagement dans les dimensions qu’elle présentait ; mais, plus éloignée de Paris, irrégulière dans sa forme, beaucoup plus étroite dans un de ses côtés que dans l’autre, elle donne, d’après les mesures qu’on a prises, une superficie moindre que le champ de Mars. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. Le champ de Mars, dont le nom appelle une fête militaire, orné de quatre rangées d’arbres intérieures et de quatre autres extérieures, terminé d’un côté par un bâtiment vaste, qui offre des ressources; de l’autre, parue superbe amphithéâtre, qui semble placé exprès pour réunir sans fatigue et sans danger un nombre considérable de spectateurs, qui ne contient ni récolte ni production, qui est dans l’intérieur des murs de la ville, et ne porte pas à une trop grande distance, ni les citoyens que leur curiosité attire, ni les troupes qui veillent à leur sûreté et à leur tranquillité, rassemble tous les avantages que la prudence pouvait désirer; et c’est le lieu, qu’après un long examen, les commissaires ont cru devoir choisir. Pour l’arranger et le décorer d’une manière convenable, ils ont sollicité les secours de l’art et le génie des artistes. Tous ont été invités à faire hommage à la patrie de leurs idées, et c’est avec le plus grand plaisir qu’ils ont vu le zèle dont étaient pénétrés tous les artistes de la capitale et le noble enthousiasme dont ils étaient animés. Tout ce que l’architecture a de luxe et de beautés ; tout ce que l’imagination a de grandeurs, tout ce que les arts peuvent réunir a été déployé dans les plans qui leur ont été présentés, et c’est avec regret que leur économie et leur prudence leur a commandé le sacrifice de la plupart d’entre eux. Mais, dépositaires de la confiance de leurs concitoyens, obligés d’être sévères sur les dépenses, et devant laisser à cette fête ce ton de simplicité qui lui convient si bien, il a fallu que leur chox sur les préparatifs fût dicté par ces principes ; il a fallu que, dans la multitude des propositions qui ont été faites, ils préférassent celles qui joignaient la commodité à la sagesse et à la sûreté. Aussi, corrigeant un plan par un autre, empruntant successivement tout ce qui pouvait seconder leurs vues et celles de la commune, le plan qu’ils ont arrêté n’est-il, pour ainsi dire, qu’un résultat, et est composé des idées qu’ils ont puisées dans tous les dessins qu’on a mis sous leurs yeux. On n’a employé de charpente que celle qui était indispensablement nécessaire et dont on pouvait répondre. On a supprimé les échafauds pour le public, parce que, construits à la hâte et établis pour un temps fort court, la négligence qu’on y met, quand on les multiplie, entraîne presque toujours des accidents et mêle, à presque toutes les fêtes, des souvenirs funestes. Mais, pour conserver à l’enceinte qui réunira les spectateurs l’avantage que donnent les amphithéâtres et les mettre tous à portée de voir également, on a formé, autour du champ de Mars, un glacis en terre, qui, graduellement élevé, portera trente rangs de gradins dans tous les pourtours et fournira cent soixante mille places commodes, où seront assis tous les citoyens. Ce moyen, en conservant tout l’agrément des échafauds, prévient le danger de leur élévation, et s’oppose à l’indiscrétion de ceux qui, par désœuvrement ou par tout autre motif, se glissant sous les gradins, inquiètent souvent ceux qui sont assis, et les tourmentent d’un sentiment pénible. Le reste du glacis, pouvant contenir cent mille personnes et plus, debout, fera du champ de Mars une salle immense qui, indépendamment de l’Assemblée nationale, du roi, de toute la cour, des députés des différentes communes et de tous ceux qui seront nécessaires à la fête, rassemblera environ trois cent mille spectateurs. Ces glacis sont exécutés par les ateliers publics, composés d’ouvriers pris dans toutes les sections [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1790.] 699 et journellement payés par le gouvernement. Ainsi, en diminuant la dépense déjà établie, ces préparatifs, devenus moins dispendieux, seront l’ouvrage des citoyens que la capitale renferme. Un aulel simple, posé sur un stylobate carré, élevé de vingt-cinq pieds, et posé sur de larges gradins, fera la noble et simple décoration de ce temple. Un arc de triomphe le fermera et sa plus belle parure, son luxe le plus pompeux sera une foule immense d’hommes libres, qui, 11’étant enfermés dans aucuns murs, et n’ayant rien qui les cacbe au ciel qui les écoute, seront témoins et acteurs de cette scène superbe et joindront au serment u‘ on prononcera devant eux les transports ’une véritable ivresse et les cris de la reconnaissance. Quant à la sûreté intérieure et extérieure, il n’est pas de soins que les commissaires n’aient cru devoir prendre. Il n’est aucun endroit qui n’ait été examiné, aucun souterrain qui n’ait été visité ; et les différentes sections de Paris sont priées de vouloir bien nommer chacune un commissaire qui, deux jours avant la fête, vienne examiner le lieu et les préparatifs, réunir sa vigilance à celle des commissaires et ajouter les précautions qu’il croira nécessaires, s’il en est qui soient échappées à leur prévoyance. Tels sont les motifs qui ont guidé les commissaires, les raisons qui ont décidé leur choix et les précautions qu’ils ont cru devoir prendre pour la préparation du lieu où sera établie la fête. Pour l’ordre, la marche et les détails, on publiera incessamment le programme qui doit les contenir et qui n’est retardé que par l’immensité des soins, des préliminaires et des arrangements dont il faut s’occuper. Par cet exposé simple et dont les circonstances ordonnent la brièveté, tous les citoyens jugeront quelle confiance on doit avoir aux calomnieuses imputations, aux dangereux rapports répandus avec une coupable profusion dans le public. Les commissaires ne répondront pas à ces nombreux écrits dictés par des intérêts bien opposés à l’intérêt public. La vérité et la tranquillité de leur conscience seront leur seule réponse. Signé : Gharon, président de la commune pour le pacte fédératif; Avril, Pons de Verdun. J.-L. Brousse, Jallier, A.-G.-F. Champion, Mathis, Gélé-rier, le Mit, de Bourges, Desmousseaux, Làfisse, tous commissaires nommés pour le pacte fédératif. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. le marquis de bonnat. Séance du lundi h juillet 1790 (1). M. tue Pelletier, président , ouvre la séance à neuf heures du matin. M. Delley-d’Agier lit le procès-verbal de la séance de samedi soir, 3 juillet. M. Charles de Lameth. Je réclame contre la teneur du décret qui porte que le commandant de l’escadre sera tenu de se rendre à Paris pour jurer, etc.; cette expression est certainement inexacte et n’est pas conforme au décret que vous avez rendu. J’en demande la modification. M. Delley-d’Agier. Aucun secrétaire ne se permet de rédiger Tes décrets; notre mission est de les transcrire dans les termes où ils sont adoptés; c’est ce que j’ai fait, pour mon compte, dans le procès-verbal incriminé. M. Bouche. L’observation deM. Delley-d’Agier est fort juste. Je demande que le proces-verbal soit adopté sans modification. M. le Président met le procès-verbal aux voix ; il est adopté. M. Robespierre, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier 4 juillet. M. de Tracy. Je propose d’ajouter à la formule du sermeat qui sera prêté à la fédération civique, la disposition suivante : « Nous jurons de ne jamais prendre les armes pour une querelle de religion. » L’exemple récent d’un de nos départements me dispense de commentaires pour justifier ma motion. M. Garat l'ainé. Les guerres civiles occasionnées par les différences de religion ont toujours été les plus sanglantes et les plus implacables; j’appuie donc l’amendement. M. Goupilleau. La rédaction présentée par M. de Tracy est beaucoup trop vague pour qu’elle puisse être adoptée; elle irait à l’encontre du but que veut atteindre son auteur; en effet, les soldats ■ lu régiment de Guyenne qui ont résisté aux soi-disant catholiques de Nîmes pourraient être considérés comme ayant pris les armes pour uu trouble religieux. Ge serait l’anarchie dans le désordre. M. Mathieu de Montmorency. Je demande le renvoi au comité de Constitution. Le renvoi est prononcé. Le procès-verbal est adopté. M. d’André. J’ai reconnu l’exactitude du procès-verbal, et je n’ai pas cherché à m’élever contre Sa rédaction ; c’est donc par une motion spéciale que je demande à l’Assemblée d’ordonner au comité des finances de nous présenter incessamment un état complet des employés dans les divers départements. M. Camus. J’appuie la motion en la complétant, car je réclame un tableau comparatif des appointements eu 1740, 1760 et 1790. La motion étant appuyée, elle est mise aux voix et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Le comité des finances sera tenu de faire imprimer, avant de présenter ses rapports sur l’état des employés dans les divers départements, le détail de la composition des bureaux, telle qu’elle est actuellement , telle qu’elle était en 1788, et telle qu’elle fut trouvée à deux époques antérieures, distantes de dix années au moins l’une de l’autre. » (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . L'un de MM. les secrétaires lit une adresse dans laquelle les commissaires du roi pour le départe-