[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ® déSfr 633 que les arts étudient, que le philosophe observe, que nos yeux aiment à fixer avec ce genre d’intérêt qu’inspirent même la vieillesse des choses et tout ce qui donne une sorte d’existence au passé, ont été les nombreux objets des inven¬ taires et des recherches de la Commission des arts. Eien n’échappe à son zèle; et ses lumières savent reconnaître le cachet de l’antique, avant d’apposer le cachet conservateur. Par l’exposé sommaire que je viens de sou¬ mettre à la Convention nationale, elle est à portée de juger de tous les services rendus à la République par la Commission des arts, et de tous ceux qu’elle pourra rendre d’une manière bien plus efficace, lorsque vous aurez dégagé sa marche des entraves que mettait à ses tra¬ vaux la Commission des monuments. Les deux ne peuvent subsister en même temps; l’une a mérité des reproches, l’autre des éloges; l’une a laissé dépérir, l’autre a recueilli et conservé. L’aristocratie naît de la permanence des Commissions; celle des monuments est déjà ancienne. Dans le genre d’opérations dont elle est chargée, les négligences sont suivies de pertes communément irréparables : les dégra¬ dations amènent les dégradations, et ne pas surveiller c’est faire beaucoup de mal. Toutes ces considérations vous détermineront sans doute à prononcer une suppression qu’exige le bien public. Il s’agit d’inventorier, avec assez de prompti¬ tude, pour ne point arrêter le mouvement utile des aliénations, et de conserver à la nation et à l’instruction publique des objets précieux qui lui sont nécessaires, que peu de Français pour¬ raient acquérir et sur lesquels nos ennemis font souffler un vent de défaveur pour les acheter ou sous-acheter à vil prix. Ces inventaires peuvent assurer à la Répu¬ blique des monuments admirés et enviés par les étrangers; ils peuvent épargner par la suite des acquisitions coûteuses. Ce travail, pour atteindre son but, doit être parfait, sous peine d’inutilité en lui-même, et de déprédation dans les objets. Quoique l’on n’ait pas, pour l’achèvement de ces opérations, une grande latitude dans le choix, du moins faut-il profiter de celle que l’on a. Il n’y a donc nul motif d’hésiter à supprimer la Commission des monuments, dont les mem¬ bres les plus recommandables ont été, depuis longtemps, appelés à des fonctions publiques ou au travail de la Commission des arts. Il importe que, dans ce moment, la Convention nationale ne laisse aucun doute sur son intention de conserver des monuments précieux, des collections utiles, héritage savant, succession instructive que toute la France réclame, et dont l’immense quantité promet l’établissement d’un grand nombre de cabinets et de musées dans toute la République, sans préjudice d’une grande collection centrale, où tout sera ordonné et distribué avec méthode, éclairé et embelli par la méthode elle-même. Il est digne de la sagesse, de la politique de la Convention natio¬ nale, de son goût pour les arts, de vivifier toutes ces richesses, de les centupler par cette utile et savante distribution, de les animer même au profit de l’ignorant qui les méprise : C’est le moyen de confondre tous ces contre-révolutionnaires éhontés qui osent se dire les amis de la liberté et do l’égalité, et qui craignent la réverbération des lumières; qui osent se dire Français et amis de la Révolution et qui pro¬ posent de livrer aux flammes toutes les biblio¬ thèques sans exception; proposition faite à Marseille par les agents de Pitt, ainsi que nous l’a certifié notre collègue Granet; proposition faite à la même époque où les mêmes agents proposaient de brûler tous les oliviers de la Provence. Ainsi, les mêmes êtres faisaient entendre, dans Marseille indignée, ce vœu conspirateur et barbare de détruire, avec les bibliothèques, l’arbre consacré par les anciens à Minerve, parce qu’il est le symbole de la paix et de l’abondance, l’arbre formant la seule culture connue dans ces contrées méridionales. C’est à la Convention nationale de faire aujourd’hui pour les arts, pour les sciences, pour les progrès de la philo¬ sophie, ce que les arts, les sciences et la philo¬ sophie ont fait pour amener le règne de la liberté : ce sont aussi des créanciers de la Révolution, et pour qui la Révolution doit tout faire. Ne perdons pas de vue cette idée, que les ténèbres sont une servitude : que qui s’y trouve ne sait où marcher, qu’il recule souvent en croyant avancer; que l’ignorant s’enchaîne lui-même, sans le savoir, dans les passions et dans les erreurs; l’énergie et les lumières, combinées dans une juste proportion, sont les véritables et seuls éléments de la liberté répu¬ blicaine. De là, sans doute, l’attention sérieuse que vous apportez à tout ce qui est relatif à l’instruction publique et à la conservation de tous les objets et monuments qui peuvent y contribuer, d’au¬ tant mieux que l’instruction donnée immé¬ diatement par les choses est préférable à celle qui est transmise par les hommes, et dans laquelle l’autorité vient toujours affaiblir plus ou moins la lumière : Pénétré de vos principes, citoyens, le comité d’instruction publique me charge de vous pré¬ senter le projet de décret suivant. PROJET DE DÉCRET « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité d’instruction pu¬ blique, décrète ce qui suit : Art. 1er. « La Commission des monuments est suppri¬ mée. Art. 2. « Elle sera remplacée par la Commission tem¬ poraire des arts pour l’exécution des décrets con¬ cernant la conservation des monuments et des objets de sciences et d’arts, et leur réunion dans des dépôts convenables. Art. 3. « Les travaux de la Commission des arts seront gratuits. Art. 4. « Cette Commission sera sous l’inspection immédiate du comité d’instruction publique, et lui rendra compte, deux fois par décade, de l’état de ses opérations. 634 [Convention national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES I �Mmaireanll 1 1 (18 décembre 1793 Art. 5. « Il sera nommé, pour surveiller le travail, conjointement avec le comité d’instruction publique, deux membres par le comité des finances, et deux membres par le comité des domaines. Art. 6. « Le comité d’instruction publique présentera incessamment à la Convention nationale des moyens d’assurer dans toute l’étendue de la République la conservation des monuments et bibliothèques, ainsi que la confection des cata¬ logues ordonnés par les précédents décrets. Art. 7. « La Commission des monuments remettra à la Commission temporaire des arts les mémoires, notes, descriptions, inventaires, catalogues, plans d’opérations, et le registre de ses délibérations jusqu’à ce jour. Compte rendu du Moniteur universel (1). Mathieu, au nom du comité d’instruction publique, fait un rapport sur la Commission des monuments et la conservation de tous les ou¬ vrages précieux aux sciences et aux arts. Il démontre que la Commission sur laquelle il présente des vues ne peut plus subsister; il en propose la suppression. Il accuse cette Com¬ mission d’avoir dilapidé des fonds à l’achat ou à la conservation d’objets peu précieux, et d’avoir mis à l’exercice de ces fonctions une négligence coupable. David. J’appuie le projet de la suppression; je suis surtout d’avis qu’on la compose d’ar¬ tistes dont les talents soient bien connus. Si, dans le nombre, il se trouve des représentants du peuple, ils ne recevront point de traitement ; mais je demande qu’on donne un salaire aux autres artistes qui se déplaceront. Je propose de donner à chacun 10 livres par séance. TJn membre. Je demande que l’on décrète le principe que toutes les Commissions des arts sont supprimées, et qu’il en sera créé une de vrais artistes; ensuite on discutera le projet qui vient d’être présenté, et dont je demande l’impression, ainsi que du rapport. Mathieu. J’observe que le projet que je viens de présenter n’a précisément d’autre objet que celui de supprimer ces Commissions, et d’en créer une seule et utile; que ce projet n’est que préparatoire, et que ce sera après avoir recueilli les vues de la Commission, qu’on pourra présen¬ ter son organisation et la distribution de ses travaux. Le rapporteur lit son projet de décret; il est discuté article par article, et adopté. (1) Moniteur universel [n° 90 du 30 frimaire an II (vendredi 20 décembre 1793), p. 364, col. 1]. « La Convention nationale après avoir en¬ tendu le rapport de son comité des assignats et monnaies [Loysee, rapporteur (1)]. décrète ce qui suit : Art. 1er. « La division des poids au-dessus du grave» sera la même dans toute l’étendue de la Répu¬ blique. Art. 2. « Ces poids seront de 2, de 5, de 10 et de 20 graves. Art. 3. « La Commission générale des monnaies est autorisée à faire fabriquer le nombre nécessaire de poids d’1, de 2, de 5, de 10, et de 20 graves pour l’usage des ateliers monétaires. Art. 4. « La Commission des poids et mesures est chargée de vérifier et d’étalonner les nouveaux poids destinés aux ateliers monétaires (2). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de sûreté géné¬ rale [Guffroy, rapporteur (3), sur la dénon¬ ciation civique que Mathieu Chevrillon a faite d’un émigré qui, au mois de mars dernier, avait tenté de le corrompre par Tofire et le dépôt de 1,200 livres. « Décrète que la somme de 1,200 livres dépo¬ sée chez le notaire Peron au mois de mars der¬ nier, par Joseph-Augustin Lscomte, sera remise à Mathieu Chevrillon, à titre de récompense na¬ tionale; ü « Autorise ledit Chevrillon à changer à la tré¬ sorerie nationale les assignats démonétisés qui forment ce dépôt. « Le présent décret sera inséré au « Bulle¬ tin « (4). y Compte rendu du Bulletin de la Convention (5). Un membre du comité de sûreté générales, dit : Citoyens, Il est étonnant que l’on entende encore quel¬ ques Français s’apitoyer sur le sort des ennemis de la patrie, et plaindre surtout ceux qui, par leur astuce et toutes sortes d’intrigues, ont si bien servi la cause des rois et la scélératesse de Pitt. Il n’est peut-être pas un seul citoyen (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 795. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 302. (3) D’après le Moniteur [n° 90 du 30 frimaire an II (vendredi 20 décembre 1793), p. 363, col. 2]. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 303. (b) Bulletin de la Convention du 29 frimaire an II (jeudi 19 décembre 1793).