352 [Assemblée aationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 novembre 1790.] l’évêque du département le conseil dont il doit être désormais assisté. « Le directoire, après avoir pris l’avis de l’évêque diocésain et celui du directoire du district de Cahors, a indiqué, dans l’arrêté dont j’ai l’honneur de vous envoyer une copie, les paroisses qui doivent être supprimées et former désormais le territoire de la cathédrale, de manière que le nombre des paroisses de la ville épiscopale se trouve réduit de neuf à trois. Le directoire n’a cru pouvoir mieux faire que d’adopter l’avis sur lequel se sont rencontrés l’évêque diocésain et le district, mais il n’a pas cru pouvoir y donner suite avant d’avoir obtenu un décret qui le ratifie ; il m’a chargé de vous engager à le soumettre, si vous le jugez nécessaire, à l’Assemblée nationale. Rien n’est plus pressant que l’opération dont il trace le plan . •• Je suis avec respect, etc. « Baudel, « Procureur général syndic du département du Lot. « Cahors, le 21 octobre 1790. » M. Gassendi, après cette lecture, propose un projet de décret. M. l’abbé Maury. Je ne m’oppose pas au décret, mais j’observe qu’il n’est pas de notre compétence. L’Assemblée nationale n’est point un tribunal d’homologation. Le projet présenté au nom du comité ecclésiastique est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique, d’une délibération prise le 31 octobre dernier, par le directoire du département du Lot, en conséquence de l’avis de l’évêque diocésain et du directoire de district, pour la formation de la paroisse cathédrale de la ville de Cahors, décrète : « 1° Que les neuf paroisses de la ville de Cahors seront réduites à trois ; savoir : celles de la cathédrale, de Saint-Barthélemy et de Saint-Géry ; « 2° Que ces trois paroisses seront circonscrites dans les limites indiquées dans la délibération du département du Lot, dudit jour 31 octobre dernier ; « 3° Que toutes les paroisses de la ville de Cahors, autres que la cathédrale, celle de Saini-Barthélemy et celle de Saint-Géry, sont et demeurent supprimées ». M. le Président. Le comité de Constitution demande à rendre compte de la pétition des électeurs 'présumés de la commune de Paris qui lui a été renvoyée hier. M. lie Chapelier, rapporteur , dit que le comité ne voit dans Paris que six divisions marnées pour les tribunaux.il pense que les juges e chacune doivent être nommés uniquement par les justiciables de chacune. 11 n’est pas d’avis que chaque section perde son privilège en le fondant dans une assemblée commune. D’ailleurs, les principes constitutionnels veulent que les I'uges soient choisis par leurs justiciables seuls. 1 propose, en conséquence, de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale, considérant que les électeurs nommés par les assemblées primaires des sections de la ville de Paris et des cantons du dehors ne pourront se réunir pour l’élection des administrateurs du département, sans avoir fait préalablement en commun la vérification de leurs titres ; « Considérant, d’un autre eôté, que les six tribunaux à établir par arrondissement pour la ville et le département de Paris, sont aussi distincts et aussi indépendants les uns des autres que les tribunaux de districts formés pour les divers départements du royaume; « Décrète : « Que les électeurs présumés des sections de Paris et des cantons du dehors commenceront à faire en commun la reconnaissance et la vérification de leurs pouvoirs ; qu’ensuite les électeurs reconnus et vérifiés se retireront chacun dans l’arrondissement respectif auquel ils appartiennent et que chacune des six assemblées électorales fera séparément l’élection des juges du tribunal de l’arrondissement et de leurs suppléants; « Décrète : « Que s’il arrive que plusieurs des assemblées électorales choisissent les mêmes sujets, ceux-ci appartiendront de droit, sauf leur refus ou leur option, au tribunal de l’arrondissement, dont l’Assemblée électorale les aura choisis la première; « Décrète : « Qu’après que l’élection des juges et des suppléants aura été consommée par l’acceptation des sujets élus, tous les électeurs des six arrondissements se réuniront pour faire, soit tous ensemble, soit par bureaux formés aux termes du décret du 28 mai dernier, l’élection des trente-six administrateurs du département. » M. Duport combat l’avis du comité et propose un projet de décret. M. Barnave développe les principes de droit public applicables à l’élection des juges. M. Camus représente que Paris n’est qu’un seul district et que, par conséquent, les électeurs ne doivent pas être séparés. M. de Mirabeau demande la priorité par le projet de décret de M. Duport. Cette priorité est accordée et le décret est rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant que la ville de Paris se trouve dans une position particulière relativement à la distribution des tribunaux, décrète : 1° Que la vérification des pouvoirs des électeurs se fera en commun : 2° Que les électeurs vérifiés se réuniront en commun pour nommer les juges des six tribunaux, de manière qu’il en soit nommé successivement un pour chaque tribunal, en tirant au sort le premier. « Décrète enfin, que les six tribunaux de district, et séparés, formés dans Paris, ne pourront, en aucun cas, se réunir pour former un seul tribunal. » Une députation de la commune de Paris , présidée par le maire, est admise à la barre. M. Bailly, maire de Paris , dit : « J’ai l’honneur de présenter à l’Assemblée nationale les députés des quarante-huit sections composant la commune de Paris; ils ont rédigé une adresse où est déposé le vœu de cette commune : ce vœu est la suite des inquiétudes du [Assemblée nationale.] peuple. Après avoir recouvré la liberté, et à peine échappé aux orages qui se sont élevés autour de lui, il vient déposer ses alarmes dans le sein des pères de la patrie; il vous supplie de l’entendre avec bonté et de peser dans votre sagesse les objets qu’il soumet à votre surveillance paternelle. M. Danton, orateur de la députation. Messieurs, l’Assemblée nationale a cru devoir décider qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur la proposition qui lui a été faite de déclarer au roi que ses ministres avaient perdu la confiance de la nation, l'Assemblée nationale, les amis de la liberté, la France entière n’en avaient pas moins droit de s’attendre que ces premiers agents du pouvoir exécutif, tant de fois dénoncés, les uns aux tribunal de la loi, les autres au tribunal suprême de l’opinion publique, ne porteraient pas l’impudeur jusqu’à se faire un triomphe d’un décret purement négatif qui ne pouvait leur procurer d’autre avantage, que de leur laisser la faculté de donner eux-mêmes une démission que l’Assemblée nationale a toujours eu et aura, pendant toute sa durée, comme pouvoir constituant, le droit d’exiger rigoureusement, quand elle le jugera convenable. M. l’abbé Maury. Qui est-ce qui a dit cela ? (Il s’élève beaucoup de murmures. On demande que M. l’abbé Maury soit rappelé à l’ordre et que 1 orateur continue.) M. deCazalès. On doit tout écouter, même les absurdités politiques. M. Danton continue : La commune de Paris, plus à portée qu’aucune autre commune du royaume, d’apprécier la conduite des ministres ..... , M. l’abbé Manry. Pourquoi cela ? (On murmure et l’on insiste pour que M. l’abbé Maury garde le silence.) M. Danton reprend ; Cette commune, composée de citoyens qui appartiennent en quelque sorte aux 83 départements ( Voix à droite: Cela n’est pas vrai !), jalouse de remplir au gré de tous les bons Français [Voix à droite : Il n’y en a pas d’autres) les devoirs de première sentinelle de la Constitution, que sa situation lui impose, s’empresse de vous apporter un vœu qu’elle croit fermement être dans le cœur de tous les ennemis du despotisme, et dont l’expression vous parviendrait déjà de toutes parts, si les sections de la grande famille nationale pouvaient se concerter aussi rapidement que celles de la capitale ce vœu que dictent la loi suprême et le salut du peuple, et dont l’accomplissement légal importe à ceux mêmes qui le provoquent par leur conduite antipatriotique, c’est le renvoi prompt, le renvoi immédiat des ministres. M. l’abbé Maury. Je demande la parole. M. Danton poursuit : Vous ne l’avez point oublié, Messieurs ; l’un d’eux, le sieur Champion, est accusé et déjà convaincu d’avoir altéré le texte de plusieurs décrets sanctionnés par le roi ( Voix à droite : C’est faux!), d’avoir retardé l’expédition et l’envoi des décrets les plus importants à la tranquillité pu-lre Série. T. XX. [10 novembre 1790.] 353 blique; celui surtout qui commettait la municipalité de Toulouse, pour informer sur les complots des contre-révolutionnaires à Montauban ; d’avoir choisi pour commissaires du roi auprès des tribunaux, un grand nombre d’individus, ennemis déclarés du nouvel ordre de choses et méprisés même par ceux qui partagent leur goût pour l’esclavage; et notamment d’avoir confié les fonctions de commissaire du roi, dans la ville de Moissac, à l’ancien procureur syndic de la commune de Montauban. Plusieurs membres de la droite demandent que l’orateur de la députation soit rappelé à l’ordre. M. le Président. Plusieurs membres ont demandé la parole sur différentes phrases de la pétition dont on vous fait lecture. Il faut attendre que cette lecture soit achevée. M. Faydel s’approche du bureau et parle sans qu’on puisse l’entendre, parcequ’une grande parffe de l’Assemblée se joint aux efforts de M. le président pour lui imposer silence. M. Faydel s’obstine à parler et on demande qu’il soit conduit à l’Abbaye. M. Danton continue en ces termes : Enfin, il est convaincu d’avoir fait imprimer, pour ces mêmes commissaires du roi, une longue instruction, dans laquelle les décrets relatifs à leurs fonctions sont commentés de manière à leur donner une extension de pouvoir funeste à la Constitution. Un autre, le sieur Guignard, qui ne connaît d’autre patriotisme que celui qu’il a puisé dans la politique du divan, est accusé juridiquement d’avoir osé menacer de son « fameux damas » les têtes françaises ; il est convaincu, aux yeux de ceux qui ont attentivement lu l’interrogatoire et le journal du sieur Bonne-Savardin, d’avoir été l’âme des projets de contre-révolution du sieur de Maillebois ; il est encore convaincu, par ses propres écrits, d’avoir auparavant voulu former en Bretagne un noyau d’armée , qui se serait grossi par la réunion de tous les aventuriers et de tous les stipendiaires du despotisme ; d’avoir été le principal auteur de la contre-révolution machinée à Versailles , au mois de septembre 1789 ; il est aussi plus que soupçonné d’être tout récemment l’auteur de cet infâme projet évanoui, aussitôt que découvert, de donner au roi une garde formidable qui n’aurait point été constituée par les représentants du peuple, qui aurait été indépendante de la force publique; et enfin d’avoir fait aux ci-devant gardes françaises, à cesilluslres coopérateurs de la conquête de la liberté, l'outrage de vouloir les séduire par des promesses perfides, pour ensuite les punir avec atrocité, d'avoir donné un exemple de patriotisme que les fauteurs du despotisme regarderont toujours comme un crime irrémissible. Le troisième, le sieur de La Tour-du-Pin, incapable d’aucune action qui lui soit propre, mais ennemi de la Révolution, parce qu’il prenait ses parchemins et sa vanité pour de la véritable noblesse (Violents murmures dans diverses parties de la salle ); mais despote, parce qu’il est faible, est coupable plus que tout autre peut-être, parce que sa maladresse ne lui permet pas de masquer ce que ses intentions ont de condamnable. Le sieur de La Tour-du-Pin depuis un an dégarnit les frontières pour surcharger les villes intérieures, pour armer les gardes nationales contre les troupes 23 ARCHIVES PARLEMENTAIRES.