648 quence aurait sa déposition rejetée du procès, aurait déclaré non pertinents et inadmissibles les reproches contre le nommé Michel Saltin, mulâtre libre, septième témoin ouï en la dite information; le nommé Julien Forget, troisième témoin, Jean-Pierre Bouquet, griff libre, deuxième témoin ; au fond, vu ce qui résulte des charges, et ayant tel égard que de raison aux dépositions des” quatre témoins ouïs en l’addition d’information du 16 juin dernier, aurait déclaré Mainguy, accusé, dûment atteint et convaincu d’avoir exercé diverses cruautés sur plusieurs de ses nègres esclaves; pour réparation de quoi, l’aurait déclaré incaDable de régir à l’avenir aucune habitation, et d’exercer directement son autorité sur aucun esclave; lui aurait fait défense de résider dans aucun lieu du ressort de la sénéchaussée, pendant l’espace de neuf années, et ce, à peine de punition corporelle; l’aurait condamné à trois mille livres d’amende applicable à la maison de Providence du Port-au-Prince,- et en tous les frais du procès qui seraient taxés par M. le Commissaire rapporteur, et dans lesquels seraient compris les frais de maréchaussée, et les amendes et frais ci-dessus payés ; serait ledit Mainguy relaxé des prisons, son écrou rayé et biffé sur les registres d’icelles, à quoi faire le golier contraint ; quoi faisant, décharge! Yu aussi toutes les pièces de la procédure énoncées en ladite sentence; l’arrêt obtenu en la cour par ledit sieur Mainguy, qui lui aurait donné acte de son appel de ladite sentence, ledit arrêt en date du 5 août dernier, signifié au procureur général du roi le 16 de ce mois; la requête dudit sieur Mainguy, par laquelle il aurait conclu à ce qu’il plût à la cour, mettre l’appellation et sentence dont est appel, au néant ; émendant, le décharger des accusations contre lui intentées, ordonner qu’il serait élargi des prisons de la cour, sur le vu de la minute de l’arrêt à intervenir, à quoi faire le golier contraint; quoi faisant, déchargé; que les écrous de sa personne seraient rayés et biffés sur tous registres où ils avaient été inscrits, et que mention serait faite de l’arrêt en marge d’iceux; ordonner que l’amende consignée serait remise; donner acte au sieur Mainguy de ses réserves de se pourvoir contre ses dénonciateurs, en la forme de droit, sauf au procureur général à requérir ce qu il aviserait pour l’intérêt public, et notamment la suppression, tant des minutes que des expéditions de la plainte et de tous les actes du procès, ladite recette signée: Croizier, répondue d’ordounatice de soit signifié et joint, du conseiller rapporteur, en date du 15 de ce mois et signifiée au procureur du roi, ce lendemain 16 dudit mois. Ouï et interrogé ledit Mainguy sur la sellette, sur la cause d’appel et cas à lui imposés, conclusions par écrit du procureur général du roi, ouï le rapport de M. de Piémont, conseiller, et tout considéré: La Cour a mis et met l’appellation et sentence dont est appel au néant, émendant, déclare pertinents et admissibles les reproches fournis par Mainguy, contre Julien Forget, et Thérèse Pajeot, mulâtresse libre, troisième et treizième témoins ouïs en l’information; en conséquence, rejette du procès tant leurs dépositions que celle de Deschamps Dupuy, dénonciateur et premier témoin de ladite information; rejette également les dépositions des témoins ouïs en l’addition d’informations, attendu qu'ils sont esclaves dudit Mainguy ; et sans avoir égard aux reproches fournis contre plusieurs autres témoins entendus, déclare Mainguy dûment atteint et convaincu [6 août 1790. J d’avoir frappé ses esclaves à coups de bâton, de les avoir blessés avec des ciseaux, et avec une arme vulgairement appelée manchette ; de les avoir déchirés avec ses dents et de leur avoir fait appliquer sur différentes parties de leur corps, soit des fers rouges, soit des charbons ardents; pour réparation de quoi, bannit ledit Mainguy de la colonie pour neuf années, lui enjoint de garder son ban, aux peines portées par la déclaration du roi, dont lecture lui sera faite par le greffier; le déclare, en outre, incapable de posséder jamais aucun esclave, et le condamne en l’amende de son appel, et en dix mille livres d’amende envers le roi, jusqu’au payement de laquelle il gardera la prison. Faisant droit sur les plus amples conclusions du procureur général du roi, fait défense au lieutenant de juge, de ne plus à l’avenir entendre les esclaves en déposition contre leurs maîtres, et lui enjoint de se conformer à ce qui est prescrit sur la matière par l’arrêt du Conseil d’Etat du quinze juillet mil sept cent trente-huit. Enjoint également aux juges qui ont rendu la sentence de prononcer soigneusement sur tous les reproches qui seront proposés par les accusés contre les témoins; leur fait en outre défense de condamner les accusés poursuivis à la requête du ministère public, aux frais des procédures, et d’ordonner que lesdits accusés ne seront élargis des prisons qu’après l’acquittement desdits frais. Ordonne au procureur du roi de se rendre incessamment aux pieds de la Cour. Ordonne enfin que le présent arrêt sera imprimé, lu, publié et affiché ès carrefours et lieux accoutumés de cette ville, et que copies dûment collationnées d’icelui seront envoyées à la diligence du procureur général, dans la sénéchaussée du ressort. Donné au Port-au-Prince, en conseil, le vingt-un octobre mil sept cent quatre-vingt-neuf. Signé : Piémont et Fougeron. Collationné, Duvernon, greffier-commis. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMRLÉE NATIONALE DU 6 AOUT 1790. Lettre et déclaration des députés de Saint-Domingue à l'Assemblée nationale, adressées à leurs commettants. Paris, ce 6 août 1790. Messieurs et chers compatriotes, victime d’un malheureux événement qui va, sans doute, entraîner bien des vengeances, contre lesquelles vous devez vous prémunir, et pyut-être bien des calamités publiques, funestes à vos propriétés, à votre existence, à la colonie et à la métropole, nous devons à la vérité, à nos commettants, à notre délicatesse et à la nation, la déclaration suivante : Le 2 juillet, la députation entière de Saint-Domingue a présenté au comité des rapports, environ 150 pièces originales à lappui de la dénonciation du ministre de la marine; ce dépôt a été fait de notre part, sous la clause, bien expresse, de ne donner copie à M. de La Luzerne que des arlicles qui le concernaient en bien [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1790.] ou en mal, et non des autres passages qui pouvaient compromettre des colons, des citoyens, le salut de la colonie, en un mot, le secret de nos commettants, dont nous ne sommes que les dépositaires, et non les maîtres absolus. Le comité s’est réservé de délibérer sur notre demande. Le 4 août, le comité nous a appelés pour donner, en notre présence, communication à l’avocat du ministre. Ce dernier a exigé la remise de l'intégralité des pièces. MM. de Gouy et de Revnaud ont répété notre déclaration du 2 juillet", et en ont développé les motifs honnêtes et patriotiques. Pour prouver que des vues civiques et la bonne foi étaient les seules bases de nos restrictions, et que nous ne prétendions pas dérober à l’accusé des moyens favorables à sa défense, ces mêmes commissaires ont consenti, en notre nom, à ce que la totalité et l'intégralité des pièces fussent communiquées, sans déplacer : 1° Au rapporteur de l’affaire, et à six commissaires nommés ad hoc pour l’assister ; 2° A tous les membres du comité des rapports ensemble ou séparément; 3° Au conseil de M. de La Luzerne; 4° A M. de La Luzerne lui-même ; 5° A ce qu’après cette communication complète il fut délivré copie collationnée de tous les articles qui le concernaient, à charge et à décharge, pour en faire tel usage qu’il lui plairait. Nos réserves, comme on le voit, ne portaient donc uniquement que sur la communication écrite du secret de nos commettants, sur celles des objets absolument étrangers à la dénonciation, et sur quelques articles qui, nous osons le dire, ne sont propres qu’à élever des questions infiniment dangereuses, dont la publicité, au milieu des troubles qui agitent Saint-Domingue, peut devenir un prétexte pour provoquer l’indépendance, et nous faire perdre cette magnifique possession et toutes les autres colonies. Ces raisons politiques auraient paru de quelque poids à tout autre qu’à un ministre qui n’aurait voulu que se justifier, et qui n’aurait pas cherché, ou à frapper d’inertie toutes les pièces destinées à la convaincre, ou à y découvrir le nom de ses accusateurs, dont il est encore à même de se venger, ou enfin à punir la colonie entière de l’exécration qu’elle lui témoigne, en la livrant par des manifestations indiscrètes à tous les malheurs d’une guerre intestine et cruelle. M. de Bonnières, son défenseur, a donc insisté pour la remise et la libre disposition de l’intégralité ties pièces, même pour qu’aucune d’elles ne pût être restituée aux députés de Saint-Domingue, qui, assez forts de la multiplicité de leurs moyens, auraient préféré, pour lever toute difficulté, d’en retirer quelques-unes, dont alors ils n’eussent fait aucun usage contre l’accusé. Le comité des rapports a arrêté qu’il en référerait le lendemain 5 août, à la séance du soir, à l’Assemblée nationale. Les députés de Saint-Domingue ne manquèrent pas de s’y rendre; l’affaire ne fut point traitée. Mais le lendemain 6, à l’ouverture de la séance du matin, et avant l’arrivée d’aucun de vos représentants qui, retenus dans leurs comités respectifs, ne doivent pas supposer qu’une affaire de cette nature mise à l’ordre du soir pût être traitée dans une séance du matin sans avoir été indiquée la veille; en notre absence, dis-je, le comité des rapports a provoqué une décision sur laquelle 649 l’Assemblée nationale non instruite, et sans aucune discussion, a prononcé le décret suivant : « L' Assemblée nationale , après avoir entendu « son comité des rapports , ordonne que la com-« munication intégrale de toutes les pièces conte-« nues dans l inventaire fourni par les députés de « Saint-Domingue , sera donnée à M. de La Lu-« zerne ou à son conseil , même en l'absence de « MM. les députés de Saint-Domingue , et que « copies en forme lui en seront délivrées. » A peine ce décret était-il rendu, que le rapporteur s’en était déjà fait délivrer expédition et l’avait envoyé, sur l’heure même, au comité des rapnorts, pour le mettre à exécution. C’était nous enlever le seul moyen, qui nous était ouvert, de revenir le lendemain contre cette disposition, en nous mettant à même d’en exposer les dangers, lors de la lecture du procès-ver-b il, époque destinée à la rectification de plusieurs prononcés semblables, que l’Assemblée nationale, toujours juste, ne refuse jamais de changer, quand elle est éclairée par des parties qui n’ont pas été entendues la veille. Le dépôt de notre confiance et de la vôtre a donc été enlevé, contre notre intention expressément manifestée, au mépris de la déclaration des droits de l’homme et du respect dû au sceau des lettres, car nous avions apposé le sceau de nos réserves sur tous les articles qui pouvaient nuire à la chose publique, et aux réfutations privées, et il nous semble que la plus grande rigueur à notre égard et la faveur la plus marquée vis-à-vis du ministre auraient dû nous laisser au moins l’option suivante : Ou la communication intégrale des pièces à l’accusé ou la remise absolue du dépôt aux dénonciateurs. Nous n’aurions pas hésité à adopter ce dernier parti, et à attendre vos ordres dans une conjoncture aussi délicate. Il n’est plus temps, Messieurs, lecoup est porté mais nous sommes innocents de tous les malheurs publics qui peuvent en résulter. Nous le déclarons à la nation, au commerce et à la colonie. Nous ne serons pas non plus coupables de toutes les infortunes particulières que pourront éprouver ceux de nos compatriotes qui ont eu le courage de nous dévoiler les abus odieux que vous nous avez chargés de dénoncer. Le ministre inculpé, qui tient maintenant la liste de leurs noms, n’a encore rien perdu de sa toute puissance;... mais vous êtes prévenus et courageux. Quant à vos représentants, sensibles à cet échec, ils n’ont point oublié qu’ils vous doivent toute l’energie de leurs efforts pour obtenir la destitution du ministre, objet de tous vos vœux, et sans laquelle, comme yous nous le mandiez, par vos dernières dépêches., la colonie ne peut espérer le retour de U ordre et de ta tranquillité, après laquelle elle aspire. Nous sommes avec les sentiments les plus respectueux et les plus fraternels, Messieurs et ch�rs compatriotes , vos très zélés et très dévoués représentants, Signé : DE Gouy, de Reynaud, de Chabanon, DE VlLLEBLANCHE, ETC.