696 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les prisonniers en liberté, s’il y a lieu, ou, selon la nature des circonstances, les condamner soit à garder prison pendant trois jours au plus, soit à une amende qui ne pourra excéder la somme de 50 livres ; et, dans le cas où ils mériteraient une plus longue détention ou une amende pius forte, il en sera référé au tribunal de police. « L’amende sera payable à l’instant où elle aura été prononcée, entre les mains du greffier des prisons, qui en comptera au trésor de la ville, et le produit de ces amendes sera employé à la propreté et à la salubrité des prisons. A défaut de payement, le condamné gardera prison, à moins qu’il ne donne bonne et valable caution ; le tout sauf l’appel au tribunal. «Art. 9. Les prisonniers ci-devant arrêtés et actuellement détenus dans les prisons de police seront interrogés et jugés le plus promptement qu’il sera possible, en ayant égard au temps qui se sera écoulé depuis le jour de leur détention. « Art. 10. Il sera établi un tribunal de police, composé de huit notables adjoints, élus dans la forme qui sera indiquée par ïe bureau de ville. Il sera présidé par le maire ou par son lieutenant au département de la police, et, à leur défaut, par le plus âgé des conseillers administrateurs au département. Les fonctions du ministère public y seront exercées par l’un des adjoints du procureur syndic de la commune, et les causes jugées sommairement et sans frais. « Art. 1 1 . Le tribunal de police jugera en dernier ressort jusqu’à concurrence de 100 livres d’amende, ou d’un mois de prison. « Art. 12. Le présent décret ne sera exécuté que provisoirement et jusqu’à ce qu’il ait été statué par l’Assemblée nationale sur l’organisation définitive tant des municipalités que de l’ordre judiciaire. » M. le comte de Mirabeau. Messieurs, la réclamation que j’ai l’honneur de vous porter au nom de ma province est relative à l’inexécution de vos décrets, et notamment de celui qui intéresse le plus les hommes sensibles ; je veux parler de la loi provisoire sur la procédure criminelle, ce premier bienfait que vous deviez à la classe la plus malheureuse de l’humanité. Depuis trois mois, Messieurs, une des plus importantes villes du royaume, Marseille, qui fut le berceau de mes pères, et dont je suis le fils adoptif, Marseille tout entière est sous le joug d’une procédure prévôtale que l’esprit de corps et l’abus du pouvoir ont fait dégénérer en oppression et en tyrannie. 11 était difficile que cette ville ne se ressentît pas de l’agitation du royaume. Plus de sagesse dans son administration municipale aurait prévenu des désordres. C’est pour les punir que la procédure a été prise ; mais des mains cauteleuses ont su la diriger vers un autre but. Les vrais coupables ne sont pas jugés et mille témoins ont été entendus. On a informé, non sur les délits, mais sur des opinions, mais sur des pensées. On a voulu remplacer par cette procédure celle qu’on n’avait pas permis au parlement de commencer, ou qu'on avait arrachée de ses mains ; et des haines secrètes, dont le foyer ne nous est pas inconnu, ont rempli les cachots de citoyens. Ne croyez point en effet que cette procédure soit dirigée contre cette partie du peuple que, par mépris pour le genre humain, les ennemis de la liberté appellent la canaille, et dont il suffirait de dire qu elle a peut-être plus besoin de caution que ceux qui ont quelque chose à [5 novembre 1789.] perdre. Non, Messieurs, c’est contre les citoyens de Marseille les plus honorés de la confiance publique que la justice s’est armée; et un seul fait vous prouvera si les hommes qu’on a décrétés sont les ennemis du bien. M. d’André, à qui l’Assemblée accorde son estime et le Roi sa confiance, ayant fait assembler les districts de Marseille, pour nommer des députés et former une municipalité provisoire, partout la voix publique s’est manifestée ; elle a nommé ces mêmes décrétés; et comme des lois, susceptibles sans doute de quelque réformation, s’opposaient à ce qu’ils fussent admis dans le conseil, où le conseil, où le suffrage de leurs concitoyens les appelait, on a choisi pour les remplacer leurs parents, leurs amis, ceux qui partageaient les principes des accusés, ceux qui pouvaient défendre leur innocence. Le temps viendra bientôt où je dénoncerai les coupables auteurs des maux qui désolent la Provence, et ce parlement qu’un proverbe trivial a rangé parmi les fléaux de ce pays (l), et ces municipalités dévorantes qui, peu jalouses du bonheur du peuple, ne sont occupées depuis des siècles qu’à multiplier ses chaînes, ou à dissiper le fruit de ses sueurs. Je dois me borner à vous entretenir aujourd’hui de l’inexécution de votre décret sur la procédure criminelle. Ce décret fut sanctionné le 4. Le 14, il fut enregistré au parlement de Paris. Le 18, il était connu publiquement à Marseille. Cependant, le 27, des juges arrivés d’Aix le même jour, et réunis à quelques avocats, ont jugé suivant les anciennes formes une récusation proposée par les accusés. Ce fait est prouvé par plusieurs lettres que je puis mettre sur le bureau. Par quel étrange événement s’est-il donc fait que Je décret de l’Assemblée ne soit parvenu ni au prévôt, ni à la municipalité de Marseille? Les ministres chercheraient-ils encore des détours ? Voudraient-ils rendre nuis vos décrets en ne s'occupant qu’avec lenteur de leur exécution? ou bien les corps adminislratifs, les tribunaux, oseraient-ils mettre des entraves à la publicité de vos lois? Je ne sais que penser de ces coupables délais. Mais ce que personne de nous ne peut ignorer, c’est qu’il est impossible de relever l’empire écrasé par trois siècles d’abus, si le pouvoir exécutif suit une autre ligne que la notre, s’il est l’ennemi du Corps législatif, au lieu d’en être l’auxiliaire; et si des corps auxquels il faudra bien apprendre qu’ils ne sont rien dans l’Etat osent encore lutter contre la volonté publique dont nous sommes les organes. — Je propose le décret suivant: « Qu’il sera demandé à M. le garde des sceaux et au secrétaire d’Etat de représenter les certificats, ou accusés de la réception des décrets de l’Assemblée nationale, et notamment de celui de la procédure criminelle qu’ils ont dû recevoir des dépositaires du pouvoir judiciaire, et des commissaires départis, auxquels l’envoi a dû être fait ; et qu’il sera sursis provisoirement à l’exécution de tous jugements en dernier ressort, rendus dans la forme ancienne par tous les tribunaux, antérieurement à l’époque où le décret a dû parvenir à chaque tribunal. » A peine M. de Mirabeau eut-il fini cette motion, (1) Parlamen, Mistraou et Durenço, Souri lés très fleous de la Prouvenço.