SÉANCE DU 18 PRAIRIAL AN II (6 JUIN 1794) - Nos 27 ET 28 381 Recevez, Pères de la patrie, nos bénédictions d’avoir mis la vertu et la justice à l’ordre du jour, notre plus grande ambition sera toujours d’être scrupuleux observateurs des lois; il est doux de ne suivre que les impulsions de son cœur lorsque notre devoir nous en fait un besoin. Ce sera, non seulement avec joie, mais avec un enthousiasme toujours nouveau que nous célébrerons les fêtes décadaires que vous avez instituées; la pompe et l’éclat n’y pourront présider, mais contents et libres sous les paisibles toits de nos pères, les hymnes de liberté que nous adresserons à l’Etre Suprême seront l’encens que nos consciences champêtres brûleront sur les autels, il nous jugera sur nos cœurs, et non sur nos sacrifices; celui de nos vies est une dette à la patrie et celui de notre superflu est le patrimoine des malheureux. Comme citoyens nous mettrons vos sages principes en pratique, et comme pères nous imprimerons de bonne heure à nos enfans la haine et l’horreur de la tyrannie; nous inculquerons dans leurs jeunes cœurs la reconnaissance qu’ils doivent à l’Etre Suprême, nous leur apprendrons à exercer les vertus qu’exige une âme immortelle dont les premières et les plus essentielles sont sans doute l’obéissance aux lois, le respect de la vieillesse, le secours aux infortunés, la pureté des mœurs, la piété filiale et par dessus tout l’amour sacré de la patrie (1). Ils sont admis à la séance, et la mention honorable de leur adresse est décrétée (2). 27 Les députés de la société populaire de Ver-non (3) viennent offrir à la Convention l’hommage de sa reconnoissance et le juste tribut d’éloges dû à ses travaux (4). L’ORATEUR : Citoyens législateurs, L’ambition et l’intrigue suffisent souvent pour faire des révolutions, la probité et la vertu peuvent seules les faire tourner au profit du peuple. En vain les français avaient plusieurs fois dégagé l’horizon politique des nuages qui l’obscurcissaient, le soleil de la liberté ne luisait pas encore pour eux; de nouveaux orages venaient à chaque instant en ternir la splendeur. Ils étaient bien insensés ceux qui, dans un instant où l’auteur de la nature appelle notre reconnaissance par des riches moissons, croyaient pouvoir en ravir au peuple l’idée consolante. Pouvaient-ils nous persuader qu’il ne restait qu’une cendre inanimée de ces héros morts au champ de l’honneur, dont l’ombre (1) C 305, pl. 1148, p. 37, signé Bajollet (maire), Frominet, Soignât, Berthet, Guillin, du Breuil, Merbis, Milhot, Valliant, Balivet, Goujon, Bri-sonet, Neelet, Soignât. (2) P.V., XXXIX, 69. (3) Eure. (4) P.V., XXXIX, 69. combat avec nous et guide encore nos étendards dans le chemin de la victoire. Les propagateurs stipendiés de cette doctrine subversive de toute association, sont rentrés dans le néant quand vous avez proclamé solennellement l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme. La première impression de ce décret sur le peuple français a été l’expression unanime d’un hommage respectueux pour la divinité, et de reconnaissance pour nos représentants. La société populaire de Vemon a partagé cet élan sublime, elle vient aujourd’hui vous témoigner avec quelle indignation elle a appris que des mains parricides avaient encore dirigé leurs poignards sur la représentation nationale. Elle ne vous engage pas à rester à votre poste, il vous devient plus cher par cela même que vous y courez plus de dangers. Fondateurs de la première République de l’univers, si dans cette carrière glorieuse quelqu’un de vous succombait sous le fer meurtrier des assassins, il emporterait avec lui le sentiment de la reconnaissance nationale, et nous irions aiguiser sur son tombeau le poignard qui devrait venger sa mort (1) ». Ils sont admis à la séance, et la mention honorable de leur adresse est décrétée (2) . (Applaudissements) . 28 Le citoyen Terrasson et sa fille, tous les deux grenadiers dans le Ie bataillon des fédérés des 83 départemens, viennent témoigner à la Convention nationale tous leurs regrets de ce que le grand âge de l’un et le sexe de l’autre ne leur permettent pas de continuer à servir la République (3) . Le Cn TERRASSON : Citoyens représentans, Jean Baptiste et Marie Terrasson, grenadiers dans le 1er bataillon des fédérés des 83 départements, se présentent à votre barre pour vous témoigner le regret qu’ils ont de ne pouvoir plus servir la République, le 1er par son grand âge et la faiblesse de sa vue et la 2e pour sa qualité de fille. Terrasson père se voua entièrement à la défense de la patrie avec quatre de ses enfans et s’enrôla volontairement avec ceux de sa commune en juillet 1792 pour le camp de Soissons. Au moment de leur départ pour Paris, l’un des quatre enfans, par certaines considérations se retira, et Marie Terrasson dit à son père avec ce courage qui convient à son sexe : puisque mon frère ne peut pas partir, je veux le remplacer, permettez-moi de marcher à sa place. En effet, ils partent tous les cinq, arrivent à Paris, et peu après leur bataillon va joindre l’armée de la Moselle, de là celle du Rhin, du Nord et finalement celle de la Yen-Ci) C 306, pl. 1161, p. 33, signé Dandevine (présid.), Sargene, Gambier, [et 1 signature illisible]. (2) P.V., XXXIX, 70. J. Sablier, n° 1364; J. Fr., n° 621. (3) P.V., XXXIX, 70. SÉANCE DU 18 PRAIRIAL AN II (6 JUIN 1794) - Nos 27 ET 28 381 Recevez, Pères de la patrie, nos bénédictions d’avoir mis la vertu et la justice à l’ordre du jour, notre plus grande ambition sera toujours d’être scrupuleux observateurs des lois; il est doux de ne suivre que les impulsions de son cœur lorsque notre devoir nous en fait un besoin. Ce sera, non seulement avec joie, mais avec un enthousiasme toujours nouveau que nous célébrerons les fêtes décadaires que vous avez instituées; la pompe et l’éclat n’y pourront présider, mais contents et libres sous les paisibles toits de nos pères, les hymnes de liberté que nous adresserons à l’Etre Suprême seront l’encens que nos consciences champêtres brûleront sur les autels, il nous jugera sur nos cœurs, et non sur nos sacrifices; celui de nos vies est une dette à la patrie et celui de notre superflu est le patrimoine des malheureux. Comme citoyens nous mettrons vos sages principes en pratique, et comme pères nous imprimerons de bonne heure à nos enfans la haine et l’horreur de la tyrannie; nous inculquerons dans leurs jeunes cœurs la reconnaissance qu’ils doivent à l’Etre Suprême, nous leur apprendrons à exercer les vertus qu’exige une âme immortelle dont les premières et les plus essentielles sont sans doute l’obéissance aux lois, le respect de la vieillesse, le secours aux infortunés, la pureté des mœurs, la piété filiale et par dessus tout l’amour sacré de la patrie (1). Ils sont admis à la séance, et la mention honorable de leur adresse est décrétée (2). 27 Les députés de la société populaire de Ver-non (3) viennent offrir à la Convention l’hommage de sa reconnoissance et le juste tribut d’éloges dû à ses travaux (4). L’ORATEUR : Citoyens législateurs, L’ambition et l’intrigue suffisent souvent pour faire des révolutions, la probité et la vertu peuvent seules les faire tourner au profit du peuple. En vain les français avaient plusieurs fois dégagé l’horizon politique des nuages qui l’obscurcissaient, le soleil de la liberté ne luisait pas encore pour eux; de nouveaux orages venaient à chaque instant en ternir la splendeur. Ils étaient bien insensés ceux qui, dans un instant où l’auteur de la nature appelle notre reconnaissance par des riches moissons, croyaient pouvoir en ravir au peuple l’idée consolante. Pouvaient-ils nous persuader qu’il ne restait qu’une cendre inanimée de ces héros morts au champ de l’honneur, dont l’ombre (1) C 305, pl. 1148, p. 37, signé Bajollet (maire), Frominet, Soignât, Berthet, Guillin, du Breuil, Merbis, Milhot, Valliant, Balivet, Goujon, Bri-sonet, Neelet, Soignât. (2) P.V., XXXIX, 69. (3) Eure. (4) P.V., XXXIX, 69. combat avec nous et guide encore nos étendards dans le chemin de la victoire. Les propagateurs stipendiés de cette doctrine subversive de toute association, sont rentrés dans le néant quand vous avez proclamé solennellement l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme. La première impression de ce décret sur le peuple français a été l’expression unanime d’un hommage respectueux pour la divinité, et de reconnaissance pour nos représentants. La société populaire de Vemon a partagé cet élan sublime, elle vient aujourd’hui vous témoigner avec quelle indignation elle a appris que des mains parricides avaient encore dirigé leurs poignards sur la représentation nationale. Elle ne vous engage pas à rester à votre poste, il vous devient plus cher par cela même que vous y courez plus de dangers. Fondateurs de la première République de l’univers, si dans cette carrière glorieuse quelqu’un de vous succombait sous le fer meurtrier des assassins, il emporterait avec lui le sentiment de la reconnaissance nationale, et nous irions aiguiser sur son tombeau le poignard qui devrait venger sa mort (1) ». Ils sont admis à la séance, et la mention honorable de leur adresse est décrétée (2) . (Applaudissements) . 28 Le citoyen Terrasson et sa fille, tous les deux grenadiers dans le Ie bataillon des fédérés des 83 départemens, viennent témoigner à la Convention nationale tous leurs regrets de ce que le grand âge de l’un et le sexe de l’autre ne leur permettent pas de continuer à servir la République (3) . Le Cn TERRASSON : Citoyens représentans, Jean Baptiste et Marie Terrasson, grenadiers dans le 1er bataillon des fédérés des 83 départements, se présentent à votre barre pour vous témoigner le regret qu’ils ont de ne pouvoir plus servir la République, le 1er par son grand âge et la faiblesse de sa vue et la 2e pour sa qualité de fille. Terrasson père se voua entièrement à la défense de la patrie avec quatre de ses enfans et s’enrôla volontairement avec ceux de sa commune en juillet 1792 pour le camp de Soissons. Au moment de leur départ pour Paris, l’un des quatre enfans, par certaines considérations se retira, et Marie Terrasson dit à son père avec ce courage qui convient à son sexe : puisque mon frère ne peut pas partir, je veux le remplacer, permettez-moi de marcher à sa place. En effet, ils partent tous les cinq, arrivent à Paris, et peu après leur bataillon va joindre l’armée de la Moselle, de là celle du Rhin, du Nord et finalement celle de la Yen-Ci) C 306, pl. 1161, p. 33, signé Dandevine (présid.), Sargene, Gambier, [et 1 signature illisible]. (2) P.V., XXXIX, 70. J. Sablier, n° 1364; J. Fr., n° 621. (3) P.V., XXXIX, 70.