570 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f |8 brumaire an H ■ 4 (8 novembre 1793 Plusieurs prêtres, membres de la Convention, s’ approchent de la tribune. Coupé (de l'Oise ) les y devance II fut curé de campagne. Il a renoncé depuis longtemps aux fonctions du mi¬ nistère qu’il remplissait aux autels du culte catholique. Un seul sacrifice lui restait à faire pour se séparer entièrement de la profession Sa’il avait exercée et il vient l’offrir à la patrie. fait à la République la remise du traitement conservé aux prêtres qui renoncent à leur état. (Applaudi.) Un membre. Depuis douze ans» je suis curé de campagne. J’ai toujours prêché les maximes de la saine morale et enseigné les principes de la philosophie. Aussi ai-je été, comme les citoyens qui m’avaient donné leur confiance, victime des brigands qui ont désolé pendant quelque temps le département que j’habite. Je déclare que j’ai toujours aimé ma patrie que je l’aimerai tou¬ jours, et que je renonce de bon cœur à une Î)lace où l’on pourrait me soupçonner d’enseigner 'erreur. (Applaudi.) Lindet. J’ai été nommé par mes concitoyens évêque du département de l’Eure. Je n’ai jamais enseigné le fanatisme ou le charlata¬ nisme. Selon mes lumières et mes moyens, la raison a toujours parlé par ma bouche. Lorsque j’ai accepté la place que j’occupe encore, je le fis parce qu’à cette époque le salut de ma patrie exigeait ce dévouement de ma part. Tout le monde sait avec quel zèle j’ai combattu les fanatiques et les superstitieux. Si je suis encore au poste où je crois avoir fait triompher la rai¬ son, c’est parce que j’ai voulu suivre la marche de l’opinion qui m’y avait placé. J’abdique au¬ jourd’hui, parce que le moment de le faire est arrivé, parce que les esprits sont mûrs. (Ap¬ plaudi.) Julien, (de Toulouse). Je n’eus jamais d’autre ambition que de voir régner la raison et la phi¬ losophie : je' m’attachai toujours comme citoyen et comme ministre d’un culte qui fut longtemps proscrit, à resserrer entre les hommes les liens de la fraternité, et à les exciter à remplir entre eux les devoirs de l’humanité : j’ai prêché hau¬ tement les maximes de la tolérance, et je m’ho¬ nore d’avoir exercé, dans toute son étendue, cette vertu vraiment sociale; j’en appellerais s’il le fallait à des preuves. Les prêtres du départe¬ ment de la Haute-Garonne, les catholiques ro¬ mains de ce même département, ceux du dépar¬ tement de l’Hérault, j’oserais presque dire ceux de tout le Midi, attesteraient que je professai toujours le tolérantisme le plus absolu; que j’ai vu dans tous les cultes une même destinée pour l’homme, quelque dieu qu’il eût encensé. Je me félicite d’avoir vu arriver le jour où la raison ne fera de tous les hommes qu’un peuple de frères. Gobet vient de professer, au sein des législa¬ teurs d’un grand peuple, des principes dont la publicité était depuis longtemps attendue, et qui, mis en pratique aujourd’hui, ne laisseront plus aucune ressource au fanatisme et à la superstition. Peut-être serait-ce le moment de reconnaître que les ministres protestants ne furent jamais que des officiers de morale; mais, il faut en convenir, dans tous les cultes, il y a eu plus ou moins un peu de charlatanisme. (Vifs applaudissements.) Il est beau de pouvoir faire cette déclaration sous les auspices de la raison, de la philosophie et d’une Constitution sublime qui prépare la chute de tous les tyrans, comme elle a enseveli les anciens abus et les vieilles erreurs. J’ai exercé pendant vingt ans les fonctions de mi¬ nistre protestant; je déclare que je ne les exer¬ cerai plus et que je n’aurai désormais d’autre temple que celui de la loi, d’autre dieu que la patrie, d’autre évangile que la Constitution ré¬ publicaine. Voilà une profession de foi politique et mo¬ rale; pour cesser d’être ministre protestant, je ne cesserai pas d’être homme et d’être citoyen, je ne m’en croirai pas moins tenu de prêcher la morale et la vertu partout où les hommes pourront recevoir de l’instruction, dans les So¬ ciétés populaires, dans les places publiques, j’irai leur inspirer l’amour de la liberté, de r éga¬ lité, le respect dû aux personnes et aux pro¬ priétés et la soumission aux lois. J’avais, comme Gobet, des lettres qui m’im¬ primaient un caractère prétendu sacre, elles ne sont pas ici; je les appellerai, je les déposerai sur l’autel de la patrie, et j’espère que mes col¬ lègues en feront un autodafé (Applaudi.). Un membre. J’étais prêtre; mais je déclare que je n’ai jamais été que citoyen. Lorsque j’acceptai les fonctions de curé, j’y fus forcé. Aujourd’hui, je dépose mes lettres et mon titre. (Applaudissements.) Un autre membre. J’avais renoncé avant la Révolution au sacerdoce dont j’étais revêtu. Je l’avais repris depuis la Révolution pour dé¬ truire le fanatisme. Le fanatisme est abattu; je renonce de nouveau au sacerdoce. (Applaudis¬ sements.) Sur la motion de Fabre-d’Ëglantine, la Con¬ vention décrète que le procès-verbal de oette séance sera imprimé avec tous les discours qu’on y a prononcés. Chénier fera incessamment un rapport, au nom du comité d’instruction publique, pour remplacer les fêtes religieuses par des fêtes ci¬ viques afin de seconder le passage de la supers¬ tition à la raison. CONVENTION NATIONALE Séance du 18 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. (Vendredi, 8 novembre 1793.) Un secrétaire donne lecture de la correspon¬ dance (1). Le procès-verbal de la séance dernière est lu et approuvé par l’Assemblée (2). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 59. (2) Ibid.