SÉANCE DU 13 VENDÉMIAIRE AN III (4 OCTOBRE 1794) - N° 54 291 invité à le rédiger, et qu’il sera envoyé à l’année et aux communes de la République] (86) D’après toutes ces propositions, La Convention nationale décrète que les trois comités réunis de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, lui présenteront incessamment un projet de loi de police générale, pour fixer les principes qui doivent réunir tous les citoyens, et les mesures propres à resserrer les liens du gouvernement révolutionnaire, et les moyens de répression contre ceux qui ten-teroient d’y porter atteinte (87). 54 Un membre [PELET] demande que les membres de la Convention nationale ne puissent être d’aucune société, sur le motif que les représentons du peuple ne désirent rien tant que l’union et l'harmonie. Un autre membre appuie cette proposition, en ajoutant que cette disposition ait lieu tant que durera le gouvernement révolutionnaire. Plusieurs membres énoncent leurs opinions pour et contre ces propositions, et le décret suivant est rendu : La Convention nationale, considérant que la société des Jacobins n’a point été épurée des membres qui, avant la nuit du 9 au 10 thermidor, partageaient les principes de Robespierre, décrète que ses trois comités de Salut public, de Législation et de Sûreté générale, réunis, lui feront incessamment un rapport sur les moyens de régénérer cette société, jadis si utile à la République (88). PELET : Les applaudissements que la Convention vient de donner aux excellents discours qui ont été prononcés par nos collègues témoignent que les représentants du peuple ne désirent rien tant que l’union et l’harmonie. Les vérités qui vous ont été dites ne sont pas les seules que l’on puisse vous présenter. Je suis d’avis, avec les préopinants, que ceux qui demandent le rétablissement de la commune sont des hommes égarés ou des conspirateurs ; mais je veux vous faire une autre réflexion. On ne vous a pas fait observer que, tant qu’une partie de l’assemblée serait divisée de l’autre, l’union ne pourrait pas régner. Je crois que nos collègues qui vont aux Jacobins sont bien intentionnés, mais je leur demande si la confiance et l’harmonie pourront jamais s’établir dans l’Assemblée tant qu’il y aura deux par-(86) Débats, n“ 744, 227. (87) P.-V., XLVI, 275-276. Bull., 14 vend, (suppl.). C 320, pi. 1330, p. 33, minute de la main de Richard. Décret attribué à Bourdon (de l’Oise) par C* II 21, p. 5. (88) P.-V., XLVI, 276. Bull., 14 vend, (suppl.). C 320, pl. 1330, p. 34, minute de la main de Dubois-Crancé, rapporteur. tis < [Murmures ). Ils ne peuvent pas donner une plus grande preuve de leur amour pour la paix que de renoncer volontairement à être membres de cette société qui les divise d’opinions avec leurs collègues. Reportez votre pensée sur ce qui se passait après le 10 thermidor; l’Assemblée était unie; elle marchait de concert vers le bonheur de la patrie. Bientôt quelques-uns de nos collègues allèrent aux Jacobins, et aussitôt naquirent la désunion et la discorde. Il en est résulté que ceux qui avaient fait rayer de cette société quelques-uns de leurs collègues ont été rayés à leur tour. Etait-il possible que la Convention n’éprouvât pas le contre-coup de ce qui se passait aux Jacobins? Je demande un décret qui défende aux membres de la Convention d’être d’aucune Société ( Applaudissements ). THIRION : J’appuie la proposition de mon collègue. Et moi aussi je suis Jacobin, mais je suis patriote ; je saurai, quand il le faudra, faire à la chose publique le sacrifice de mon amour-propre et de toutes mes passions. J’ai combattu avec les Jacobins tous les genres d’ennemis publics; mais, après avoir examiné ce qui s’est passé dans les derniers temps, et la manière dont cette société célèbre est dégénérée par les intrigues de quelques membres du gouvernement, je me suis convaincu qu’il était impossible que ceux qui gouvernent soient en même temps membres d’une Société populaire sans y porter un germe de corruption et d’intrigue (On applaudit). La Convention est le centre des pouvoirs, et elle a dû, pour le bonheur du peuple, suspendre pendant la durée du gouvernement révolutionnaire le droit qu’il avait de nommer ses magistrats. Il est arrivé de là que les membres de la Convention, revêtus de grands pouvoirs, pouvant disposer d’un grand nombre de places, se présentèrent aux Jacobins, et qu’aussitôt tous les intrigants de la république se faisaient Jacobins pour avoir des places (On applaudit). Ils ne pouvaient parvenir à faire leur cour aux membres du gouvernement dans les comités ni dans leur domicile : ils ont trouvé le moyen de la leur faire aux Jacobins, où, par leurs discours et leurs applaudissements, ils ont capté leurs faveurs. Lisez les journaux, et vous verrez que les séances de cette Société ont toujours été occupées ou par les membres du gouvernement, ou par des fonctionnaires publics qui, craignant d’être dénoncés, allaient y dénoncer leurs futurs dénonciateurs, ou par des voleurs qui, pour qu’on ne recherchât pas leurs vols, allaient aux Jacobins crier contre les voleurs et les dilapidateurs de la fortune publique. Je pense que les germes de la division qu’on trouve parmi nous viennent de ce que quelques membres de la Convention, qui le sont aussi de sociétés populaires, sont par là même surveillants et surveillés. Les sociétés populaires sont le palladium de la liberté; mais elles ne doivent avoir d’autres fonctions que la surveillance, et n’être composées que de surveillants ; car si, par exemple, le gouvernement abuse de ses pouvoirs, et qu’il fasse partie de la société populaire où il dominera par son opi- 292 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE nion, il est clair dès lors que l’opinion de la Société sera celle des dominateurs. C’est ainsi qu’avaient agi Robespierre et Couthon; c’est ainsi que la Société des Jacobins n’avait d’autres opinions que celles qu’ils lui avaient données. On se rappelle que Couthon et Robespierre, membres du comité de Salut public, allaient aux Jacobins dénoncer leurs collègues du même comité, et qu’ils prétendaient ne pas savoir pourquoi on faisait partir quelques compagnie de canonniers ; ils faisaient nommer une députation de douze membres pour aller sommer le comité de leur dire, à eux individus, les raisons d’Etat qui avaient déterminé le départ de deux ou trois compagnies de canonniers. C’est ainsi qu’ils abusaient de leur influence pour perdre la chose publique ; c’est ainsi qu’on pourrait encore le faire. Je pense que, tant que durera le gouvernement révolutionnaire, le droit d’élection doit être suspendu, parce qu’il ne faut pas que, tant que nos braves républicains seront sur la frontière, les modérés profitent de leur absence pour choisir en leur nom ; mais je pense aussi que, tant que durera le gouvernement révolutionnaire que la Convention a institué pour le bonheur du peuple et l’achèvement de la révolution, elle doit décréter qu’aucun député ne pourra être membre d’une société populaire (89). [Ce n’est pas ici une vaine théorie. C’est par ces moyens que Robespierre, Couthon et Saint-Just, ainsi que tous les conspirateurs qui les ont précédés, parvenoient à faire triompher leurs opinions, à influencer et dominer même l’opinion du peuple, à subjuguer celle de la Convention nationale, ou à la contrarier, et à préparer leur empire par le nombre de créatures qu’ils s’y formoient. Thirion ajoute à ces motifs que les membres du gouvernement trouvent un autre avantage à s’introduire dans les sociétés populaires, et à y créer des partis : par cet artifice, ils se trouvent surveillans et surveillés; ils préparent la chûte de leurs rivaux ou l’avancement de leurs amis; ils dirigent les dénonciations à leur gré ; ils préparent les discussions suivant leurs intérêts, et font tourner à leur profit les délibérations et les arrêtés qui en sont la suite. C’est ainsi qu’on prend pour l’opinion du peuple, ce qui n’est souvent que l’effet d’une intrigue adroitement conduite. Thirion appuie la conclusion prise par Pelet.] (90) [Il appuie donc la demande du préopinant; et de plus, il propose que l’exclusion des sociétés populaires s’étende aux fonctionnaires publics.] (91) Cette proposition est adoptée. On réclame l’appel nominal. CRASSOUS : Il me semble que dans les premiers discours on avait développé des principes (89) Moniteur, XXII, 155-156. (90) J. Paris, n° 15. (91) Débats, n 744, 228. autour desquels tous les esprits se ralliaient, et qui devaient faire disparaître toute espèce de division. Dans ce moment on fait une nouvelle proposition qui ne peut également réunir toutes les opinions (On murmure). On avait d’abord sagement distingué toutes les institutions des abus qui s’y glissent; on avait fait voir que l’existence des sociétés populaires est garantie par la constitution, et que le droit de s’assembler paisiblement ne pouvait être altéré, parce que quelques intrigants et quelques fripons abusent de ce droit dans les assemblées de sections ou dans les sociétés populaires. Les unes et les autres traitent également des grands intérêts de la république; empêcherez-vous donc aussi les assemblées de sections de se former? (Murmures. — Plusieurs voix : Ce n’est pas là la question.) Interdirez-vous aux membres de la Convention le droit d’aller dans les Sociétés populaires (Plusieurs voix : oui, oui! — d’autres : non, non!). Si dans les sociétés populaires l’intrigue joue un grand rôle, il faut convenir aussi qu’on y discute les véritables principes (Plusieurs voix : oui, oui!). [Plusieurs membres invoquent la déclaration des droits de l’homme.] (92) Tout député soit qu’il fasse ou non partie des comités de gouvernement, doit chercher dans les lumières de ses concitoyens les moyens de faire le bien de son pays. Quand les séances de la Convention sont passées, et que nous n’avons plus d’occupation, peut-on trouver mauvais que nous allions chercher la vérité dans une réunion de frères? Peut-on confondre les abus avec les institutions en elles-mêmes? Empêchez donc aussi les députés de la Convention d’écrire aux sociétés populaires des départements et aux communes. Cette question fut agitée dans toutes les Assemblées précédentes ; toujours on a senti qu’elle était attentatoire aux droits des citoyens, et toujours elle a été repoussée. Ce ne sont point les séances des sociétés populaires qui sont la cause des divisions qu’on remarque dans la Convention. Les divisions existeront toujours si on ne se rallie pas aux principes. Je demande l’ordre du jour sur la proposition. [Sans doute, l’intrigue, l’ambition et les jalousies peuvent par beaucoup de chances, et par le jeu naturel des passions et des intérêts faire réussir des projets liberticides ou des vues ambitieuses, mais le mal n’est pas sans remède, et les services rendus à la liberté par les sociétés populaires, malgré les efforts des intri-gans, prouvent que le bien qui en résulte est bien supérieur au mal qu’elles peuvent faire. Les sociétés populaires ont la principale part dans la conquête de la liberté, leur courage et leur surveillance ont déjoué toutes les manoeuvres de l’aristocratie, et renversé jusqu’à ses espérances ; quel danger n’y auroit-il pas à altérer par un décret rigoureux les formes dans lesquelles elles ont existé jusqu’ici et dans les-(92) Débats, n° 744, 228. SÉANCE DU 13 VENDÉMIAIRE AN III (4 OCTOBRE 1794) - N° 54 293 quelles elles ont fait tant de bien. La liberté d’y entrer pour tous les citoyens, d’assister à leurs séances, de prendre part à leurs délibérations, de s’éclairer par leurs discussions est un droit imprescriptible, si vous l’ébranlez, vous détruisez le fondement même de leur constitution. Qu’une police sévère, comme l’a dit Bourdon, punisse les intrigans qui manoeuvrent, les agitateurs qui les égarent, j’y consens ; mais je demande qu’elles existent comme elles ont existé jusqu’ici, et l’ordre du jour sur les propositions qui vous ont été faites.] (93) PELET : Mes intentions sont pures ; je n’ai en vue que le bonheur de mon pays. La société des Jacobins ne représente pas tous les citoyens de Paris ; quel tort ferions nous à un député en l’empêchant d’aller aux Jacobins? Aucun. Il pourra se livrer aux grands devoirs qui lui sont imposés, et, lorsque nous aurons du loisir, nous irons dans les sections nous instruire avec nos frères. Il est singulier qu’on s’appuie de l’exemple des assemblées précédentes pour rejeter cette proposition; elle fut repoussée dans ce temps par des hommes trompés, ou qui ne voulaient pas le bien du peuple. DUHEM : Elle fut faite par Maury et Chapelier. PELET : Lorsque je demandai la parole, je ne fis qu’une invitation fraternelle à mes collègues, car je sais que la défense d’assister aux sociétés populaires est une question qui mérite un très grand examen. J’aime les sociétés populaires, et il me tarde d’en voir par toute la république. La déclaration des droits le permet, mais elle ne dit pas qu’un nombre de citoyens aura le droit de s’assembler exclusivement et de chasser les autres ; elle ne dit pas que l’une de ces sociétés aura plus d’influence que les autres, ou même qu’il sera permis à aucune d’en exercer en aucune manière. Cependant, citoyens, toutes les administrations, toutes les autorités constituées sont influencées, parce que, dans chaque société, il se trouve cinq ou six individus qui veulent dominer. Tout citoyen a le droit d’être d’une société populaire, et il ne dépend pas d’un intrigant, d’un ambitieux ou d’un fripon de 1’ en chasser, comme le faisaient Couthon et Robespierre. Si l’assemblée croit que que cette question mérite d’être discutée, je demande qu’on la renvoie à un comité (Non, non ! s’écrie-t-on). La société des Jacobins n’est pas plus qu’une autre; il ne faut pas faire une loi particulière pour elle, mais une loi générale pour toutes. [Richard demande le renvoi du tout.] (94) DUBOIS-CRANCÉ : L’assemblée doit donner à cette question la discussion la plus étendue, si elle veut la terminer dans cette séance. La société des Jacobins a rendu des services (93) J. Paris, n° 15. (94) Débats, n” 744, 228. importants à la liberté, et c’est à la réunion des députés dans cette société qu’on doit la sagesse et la fermeté qu’elle a montrées dans les grands événements de la révolution, c’est à cette réunion que nous devons d’avoir évité la guerre civile. Le système qu’on présente est appuyé sur des inconvénients majeurs qu’il faudra que la Convention fasse disparaître. Mais n’avez-vous pas à craindre, en l’adoptant, de donner naissance à des inconvénients contraires? D’un autre côté, cette Société semble avoir entièrement dégénéré de ses premiers principes; une quantité innombrable de fripons, d’agents de Robespierre, s’y sont introduits; ils y marchandaient les places selon qu’ils détruisaient plus ou moins la réputation des honnêtes gens ; elle a été le foyer des intrigants, des dénonciateurs et des bourreaux de la France. C’était à l’époque de la mort de Robespierre qu’il aurait fallu sévir contre elle. Les complices de cet homme infâme y sont restés depuis; on y trouve les membres des anciens comités révolutionnaires, ceux qui se sont servis de la verge et du poignard du tyran pour opprimer et pour égorger les bons citoyens. Tous ces gens se sont ralliés au foyer du patriotisme pour éviter que leurs crimes fussent découverts. On vous a trompés quand on vous a dit que cette société avait été régénérée ; cela est faux (On applaudit). Aussitôt que les clefs ont été remises à la salle des Jacobins, plusieurs membres de la Convention et d’autres sociétaires s’y sont réunis. On a choisi quinze membre parmi les plus anciens, parce qu’on les a crus les plus vertueux, pour procéder à l’épuration des autres. Ces quinze membres n’ont pas voulu se charger seuls de la responsabilité de l’épuration ; ils ont remontré d’ailleurs que cette opération serait trop longue s’ils n’étaient que ce nombre. Il est arrivé de là que toutes les personnes qui se sont présentées ont été admises provisoirement, sauf à se présenter ensuite aux scrutateurs, de sorte que le lendemain il y avait là deux ou trois cents personnes rassemblées qui se soutenaient réciproquement, sans que peut-être aucune d’elles eût le droit d’y être. On a arrêté que ceux qui ne prouveraient pas qu’ils étaient à leur poste dans la nuit du 9 au 10 thermidor ne seraient pas reçus. On a demandé à ceux qui se sont présentés. Y étiez-vous? Ils répondaient oui; et on les admettait. Quand cette épuration aimait été exactement faite, elle n’eût pas encore servi à grand chose ; car un homme pouvait avoir quitté les Jacobins une heure avant qu’ils fussent en rébellion, s’être rendu à son poste, et y avoir conspiré en faveur du tyran, comme beaucoup l’ont fait. Un Jacobin ne doit pas être examiné sur ses principes d’un jour ou d’un mois, mais sur sa vie entière. Il ne peut y avoir de bons Jacobins que ceux qui ont toujours défendu la liberté et l’égalité; ainsi l’épuration est nulle. On avait dit qu’il faudrait justifier par pièces authentiques de l’endroit où l’on était la nuit du 9 au 10; au moment où il s’est agi de donner les cartes à ceux qu’on prétendait avoir été épurés, il s’est trouvé que les secrétaires provisoires avaient perdu la liste d’épuration, de 294 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sorte que les cartes ont été délivrées sur la liste qu’on avait dressée des personnes qui s’étaient présentées pour être reçues aux Jacobins. C’est ainsi que cette Société s’est trouvée être composée dans une seule journée de six cents membres au moins. Je ne doute pas que dans ce nombre il n’y ait de bons citoyens; mais je dis aussi qu’il y a des intrigants. Nous avons vu un capitaine de canonniers venir faire serment aux Jacobins; nous avons vu des sections de Paris venir leur dire qu’elles se ralliaient aux... Plusieurs voix : C’était pour la Convention. DUBOIS-CRANCÉ : On n’a pas besoin d’aller aux Jacobins pour dire qu’on se rallie à la Convention. Nous avons su que Marseille avait offert aux Jacobins un bataillon pour les défendre. Etait-ce aussi pour la Convention? Il y a des membres qui prétendent que tous ces discours s’adressent à la Convention ; et moi je soutiens qu’ils ne s’adressent qu’à une partie des membres de la Convention. On sait qu’il a été tenu aux Jacobins des propos indiscrets. Je n’en accuse pas mes collègues, mais les scélérats qui s’y trouvent. On y a vu des hommes venir du Midi pour intriguer ici. On y voit tous les jours un individu nommé à la commune par Robespierre, un homme qui aurait péri avec tous les membres de cette commune s’il n’avait pas eu le bonheur de ne pas s’y trouver dans la nuit du 9 au 10; Lacombe, qui y est sans cesse à désigner les meilleurs citoyens comme des scélérats. C’est au comité de Sûreté générale à faire son profit des dénonciations qui ont été faites ici. Je reviens à la question. J’ai été le premier à dire qu’aucun fonctionnaire pubüc ne devait être membre d’une société qui surveille sa conduite ; qu’il ne pouvait pas être en même temps juge et partie. Si l’on considère les divisions que fait naître cette Société, qu’elle nous empêche de réunir ici l’unanimité qui nous donnerait la paix dans un mois G applaudissements ), on conviendra qu’il faut que les Jacobins soient épurés par vous ou par un de vos comités. Vous en avez incontestablement le droit, puisque plusieurs de nos collègues, chargés de missions, lorsque le salut public l’a exigé, ont suspendu ou régénéré des sociétés de département. Que cette opération soit faite, et aussitôt vous verrez la paix renaître. Je demande acte de la déclaration que j’ai faite que les Jacobins qui conspiraient contre la France avant le 9 thermidor n’ont pas été épurés comme ils devaient l’être. Je demande en outre que vous renvoyiez aux trois comités réunis pour vous proposer les moyens de rendre cette Société utile à la chose publique. [Si les représentans du peuple dans les dé-partemens peuvent épurer les sociétés populaires, par quel privilège celle de Paris pourroit-elle échapper à l’examen de la Convention nationale, ou à l’épuration de vos comités. Je demande donc que les trois comités réunis soient chargés de vous présenter un décret qui fixe un mode d’épuration pour la société des Jacobins.] (95) (95) J. Paris, n° 15. BOURDON (de l’Oise) : La fin de cette discussion doit prouver au peuple qu’il y aura toujours ici unanimité pour les principes. La Convention avait adopté indiscrètement une motion d’un de nos collègues; cette proposition ressemblait à la conduite insensée d’un mauvais économe qui, parce qu’il y aurait dans son champ une source empoisonnée, voudrait la combler plutôt que d’ôter ce qui en corromprait les eaux vivifiantes. Les sociétés populaires sont un instrument démocratique dans le gouvernement révolutionnaire ; ne nous éloignons jamais de la démocratie, car elle fait le bonheur du peuple. Je vote pour que vous mettiez aux voix les propositions de Dubois-Crancé. [Ce discours est souvent applaudi.] (96) Ces propositions sont adoptées (97). 55 Un membre, au nom des comités réunis de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, fait un rapport, dont l’impression et la distribution est décrétée, et d’après lequel le décret suivant est adopté : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis de Législation, de Sûreté générale et de Salut public, Décrète qu’il n’y a lieu à aucune inculpation contre Barras et Fréron, et que ces deux représentans du peuple ont dignement rempli leur mission (98). TREILHARD, au nom des comités réunis de Salut public, de Sûreté générale et de Législation : Citoyens, appelée par le voeu du peuple français pour préparer et pour assurer les destinées de la république, c’est toujours avec le sentiment d’un profond regret que la Convention se trouve distraite des grands objets qui devraient l’occuper tout entière. Ce sentiment est plus pénible encore quand on détourne ses regards pour les fixer sur des passions et sur des luttes particulières ; il est à son comble quand le ralentissement de sa marche trouve son principe dans le sein même de la représentation nationale; nous en avons assez fait la triste épreuve dans la discussion de l’affaire dont je dois vous rendre compte. Des pièces vous ont été annoncées comme pouvant offrir des traces de dilapidation de la part de deux de nos collègues ; et vous qui sentez fortement que le soupçon même ne doit pas atteindre un représentant du peuple, vous en (96) Débats, n° 744, 230. (97) Moniteur, XXII, 156-157; Débats, n” 744, 227-230; Ann. Patr., n“ 642; Ann. R. F., n° 13; C. Eg., n° 777; F. de la Républ., n° 14; Gazette Fr., n” 1008; J. Fr., n° 739-740; J. Mont., n 159; J. Paris, n" 15; J. Perlet, n° 741 ; M. U., XLIV, 205. (98) P. V., XLVI, 276-277. C 320, pl. 1330, p. 35. Décret attribué à Treilhard par C* II 21, p. 5. J. Paris, n°15.