712 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n juillet 1791.] actes de patriotisme de quelques volontaires de son bataillon, dont les affaires et l’état ne leur permettent pas d’aller aux frontières, et qui veulent néanmoins contribuer aux dépenses de la nation. Suit la teneur de cette lettre : « Paris, le 27 juillet 1791. £« Monsieur le Président, « J’ai cru qu’il était de mon devoir de ne pas laisser ignorer à l’Assemblée nationale les actes de patriotisme de quelques volontaires de mon bataillon, dont les affaires et l’état ne leur permettent pas d’aller aux frontières, et qui veulent néanmoins contribuer aux dépenses de la nation. « M. Rondonneau, garde des archives du ministère de la justice, s’est engagé à payer une somme de 300 livres en trois payements. « M. Dumont, galerie du Louvre, a souscrit pour celle de 400 livres payable à volonté. « M. Augustin Monneron, inspecteur du tabac, hôtel Longueville, s’est soumis à nourrir et entretenir un volontaire tout le temps que la nation en aura besoin. « Je supplie l’Assemblée nationale de me permettre de lui faire connaître les citoyens qui, à l’exemple de ces braves amis de la Révolution, donneront des preuves de leur patriotisme et de leur amour pour la Constitution. « Je suis, avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : de la Roche, Commandant du bataillon des Feuillants. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal. M. le Président fait donner lecture par un MM. les secrétaires des adresses suivantes : « Adresse des amis de la Constitution de hongwy . « Nous reconnaissons, disent-ils, que vous êtes investis du pouvoir constituant; nous vous regardons comme les pères de la patrie. Notre confiance en vous égale votre civisme et vos travaux; nous continuerions de vous bénir en silence, de vous récompenser seulement par notre inviolable amour de la loi, si les circonstances ne nous semblaient exiger une adhésion formelle et publique à tous vos décrets, et notamment à celui du 15 de ce mois. « En vous abstenant dans ce doute, vous avez suivi le conseil du sage, et vous avez sauvé l’Etat. Vous vous êtes montrés dignes de donner des lois à des hommes libres; et les Français se montreront dignes de leurs législateurs ; ils payeront l’impôt, et, quelle que soit leur opinion individuelle, ils défendront la Constitution. Les citoyens les plus soumis aux lois, sont ceux sur lesquels on devra le plus compter, tant qu’il s’agira de mourir pour les défendre; vous ne ouvez plus douter du vœu général. Toute la rance en armes vient de donner à votre immortel ouvrage, cet assentiment majestueux et spontané, auquel nos ennemis sont forcés de croire. < Vous avez senti qu’il était juste d’admettre à la défense de l’Empire les pauvres et vertueux citoyens qui, dans le danger public, ont renforcé les bataillons des gardes nationales. Ne ferez-vous pas un pas de plus, en les admettant à l’exercice des droits politiques, et en les faisant participer à une souveraineté que leur courage saura bien maintenir? Abolissez, nous vous en supplions, au nom de la patrie reconnaissante, ce décret du marc d’argent que vous avez porté dans un temps où il pouvait être dangereux d’ouvrir la carrière de la législature à des citoyens sans propriété. L’homme sans richesse et sans vertu ne réussirait pas à se faire élire ; mais, s’il a du mérite sans fortune, doit-il être exclu des emplois ? La nation doit-elle être privée de ses talents? « En élevant la voix en faveur de nos frères, nous soumettons cependant ce désir, peut-être précoce, à votre sagesse, persuadés que ceux pour qui nous sollicitons respecteraient votre refus que l’intérêt de l’Etat aurait dicté. On connaît le vrai citoyen à son dévouement aux lois qu’il n’a pas individuellement consenties. Avec quelle satisfaction n’avons-nous pas vu MM. Pé-tion, Vadier, Grégoire, protester de leur entière obéissance au décret qu’ils avaient combattu. Cette démarche civique nous rappelle qu’à la fin de la Constitution américaine, tous les membres opposants renoncèrent au congrès, qu’après avoir fait tous leurs efforts pour donner à leur pays des lois qu’ils avaient supposées les meilleures, ils allaient prêcher à leurs concitoyens l’amour de celle qu’avait rendue la sage majorité. Puisse cet exemple éclairer nos dissidents conduits par l’intérêt particulier! Puissent-ils imiter cette grandeur d’âme à laquelle l’Amérique doit une partie de sa gloire et toute sa tranquillité ! S’ils pouvaient penser à la modération noble avec laquelle vous avez usé de la victoire, ils sentiront que vous méritez de triompher. (L’Assemblée applaudit à l’expression des sentiments contenus dans cette adresse.) Adresse des administrateurs du directoire du département de l'Yonne. * La journée du 14 juillet 1789, disent-ils, a fait la [Révolution. C’est de c< tte époque glorieuse que date Père de la liberté : la journée du 15 juillet 1791 assure à jamais son triomphe et sa durée. Par votre décret, vous avez terrassé les factieux et les despotes, vous avez étouffé tous les germes de discorde civile, vous avez consacré le gouvernement monarchique, seul compatible avec l’étendue du territoire et l’immensité de la population française. Quand vous avez déclaré la monarchie héréditaire et le monarque inviolable, ce n’est pas pour lui, c’est pour la nation. « Une classe d’hommes pervers abusent sans cesse les citoyens qu’ils portent à l’oubli de la loi. Ils ont toujours à la bouche le saint nom de la liberté, comme ils auraient eu celui de la religion, il y a deux siècles. « Pour nous, qui ne connaissons que la loi, qui, lorsqu’elle a parlé, ne savons que la respecter et lui assurer l’obéissance, nous jurons de défendre celle du 15 juillet comme toutes celles émanées de votre sagesse; et de combattre également ceux qui veulent le despotisme, et les factieux qui veulent l’anarchie. » Adresse du directoire du district de Montdidier , département de la Somme , qui remercie l’ Assemblée d’avoir sauvé la France. « Notre sécurité n’a pas été trompée, disent-ils, la France continuera d’être une monarchie libre et nous ne serons pas exposés aux discordes civiles et à la guerre étrangère. » Adresse des membres du directoire du district 713 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1791.] de Saint-Paul du Var, et du comeil général de la commune de la même ville, qui envoient leur serment de vivre libres ou mourir pour l’exécution des décrets que l’Assemblée nationale rendra dans la suite sur l'événement de l’évasion du Roi. Adresse des amis de la Constitution de Gannat, chef-lieu de district , département de V Allier, qui témoigne sa vive reconnaissance aux représentants de la nation sur la fermeté et le courage qu’ils ont montrés dans la circonsiance imprévue de l’évasion du roi, et qui s’élève contre la minorité de l’Assemblée, qui, sous prétexte de servir la cause de la monarchie et l’inviolabilité du mi, lève un Iront rebelle contre l’autorité souveraine, et veut faire lutter son opinion individuede contre la volonté générale exprimée dans les décrets rendus par l’Assemblée nationale. « Représentants, disent-ils, votre courage a sauvé l’Empire, votre fermeté doit le sauver encore. Opposez à la fureur des partis le calme de la loi, la rigueur de la force armée, rappelez-vous qu’il est un terme où les ménagements deviennent faiblesse, où la pitié est un crime. Ils ne sont pas Français, ou ils sont indignes de l’être, ceux qui lèvent un front rebelle contre l’autorité souveraine. Veulent-ils substituer leur opinion particulière à la volonté exprimée par vos décrets? Pensent-ils que nous n’avons pas été autant qu’eux révoltés ne la trahison de Louis XVI; que nos cœurs n’ont pas été indignés de la conduite de ce roi parjure? Gomme eux, nous avons désiré une réparation éclatante; mais la loi a parlé et nous nous soumettons avec respect. Gomme vous, peut-être, nous aurions pardonné; comme vous, peut-être, nous aurions pensé que, si l’on se reproche quelquefois d’avoir été généreux, on se repent presque toujours d’avoir été sévère. « Les rois commettent des crimes qu’il ne faut souvent punir que par le mépris. L’indignation publique fortement prononcée confond et humilie les tyrans les plus impérieux et les plus stupides. Vous devez encore à l’Europe une grande leçon, à votre patrie un grand bienfait. Soyez impassibles comme le temps qui jamais ne rétrograde sur ses pas. Imitez la nature do d les arrêts immuables ne sauraient fléchir devant les passions irritées, et se plier aux circonstances difficiles. Résistez à l’orage, car de'S tempêtes nouvelles vous reporteraient bientôt au point dont vous êtes partis. L’égarement de la multitude annonce le caractère des mœurs publiques , et rend le délire moins criminel. G’est la perfidie qui révolte les âmes. La loi reprendra son empire, n’en doutez pas; mais s’il fallait choisir entre la mort et le parjure, commandez et nous courrons nous ensevelir avec vous sous les ruines de cette Constitution trop sublime pour que des hommes dominés par l’intérêt et gouvernés par des préjugés, aient pu en connaître le prix. » Adresse des sieurs Henri, père et fils , armateurs, qui annoncent que le navire surnommé V Assemblée nationale vient d’arriver à Nantes, aprèsavoir vogué dans les mers d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique, sous le commandement du sieur Courand. « Dans la séance du 21 juillet 1789, disent-ils, dans le sein de l’Assemblée nationale, un de ses membres, notre député, lui fit, à notre sollicitation, la prière de nous autoriser à donner le nom d 'Assemblée nationale à un de nos navires encore sur les chantiers à cette époque. Elle daignera y consentir, et le roi sanctionnera ce nom célèbre qui devra retentir dans les quatre parties du monde. « Cette grâce que nous avons toujours regardée comme une protection glorieuse que la providence a transmise à nos dignes représentants, et dont ils honorent journellement le peuple français, vient de se manifester en notre faveur d’une manière insigne. Nous venons d’apprendre l’arrivée de ce navire à Nantes, après avoir vogué dans les mers d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique, sous le commandement de M. Gou-rand qui, dans plus d’une circonstance périlleuse, a «u, comme vous, dans l’heureuse régénération du royaume, faire tête à l’orage. Apprenez l’heu-reuœ réussite de cet armement, et soyez assurés du précieux souvenir que nous en conserverons, puisqu’elle précède, de quelques jours seulement, l’achèvement de votre Constitution, pour laquelle moi et mes 5 enfants, inscrits dans la garde nationale, aimons mieux périr que d’en laisser enfreindre les sages principes. » Adresse des administrateurs du directoire du département de la Gironde et de celui du Puy-de-Dôme, réunis aux administrateurs des districts de Bordeaux, de Clermont, et aux officiers municipaux, des directoires des départements de l' Ille-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure et du district de Carentan qui s’empressent n’applaudir à la sagesse du décret rendu le 16 de ce mois, qui a consacré à jamais l’inviolabilité du roi et rendu la Constitution inébranlable. « Nous saurons nous préserver, disent les administrateurs du département du Puy-de-Dôme , de cette inquiétude versatile qui, dans quelques parties de l’Empire, aurait pu égarer les bons citoyens, et, dans leur erreur, leur faire prendre pour la liberté le monstre qui se masque de ses traits. » « Adresse du directoire du département de Ville-et -Vilaine, qui supplie instamment l’Assemblée de hâter l’achèvement de la Constitution. <> Votre décret du 15 juillet, disent-ils, est un nouveau titre à la reconnaissance des Français, mais plus la Constitution devient chère à la France, plus il lui tarde d’en consacrer l’acte solennel. Hâtez-en l’achèvement, c’est le cri de tous les citoyens, il y va du salut de l’Empire. » Adresse des officiers municipaux de la ville de Corbie, qui supplient l’Assemblée de différer la convocation de la prochaine législature, jusqu'à ce qu’elle ait dissipé lato nbe des factieux et assuré la tranquillité publique. Adresse des officiers municipaux de la ville de Saint-Lô , des sociétés des amis de la Constitution séant à Saint-Pol, à Cholet et à Quimper , qui adhèrent avec une admiration respectueuse au décret rendu sur les événements des 21 et 22 juin dernier. Délibération de la commune de Saint-Andrè-de-Valogne, qui im prouve, de la manière la plus forte, une protestation de 290 membres de l'Assemblée nationale. Adresse des citoyens de la ville de Riom, qui supplient l’Assemblée de remettre en activité les assemblées électorales. 714 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2T juillet 1791.] Adresse de la société des amis de la Constitution séant à Béziers , qui annonce que l’anniversaire de la fédération du 14 juillet, a été célébré dans cette ville avec la plus grande solennité. Adresse de la municipalité et de la garde nationale de Passy-les-Paris , qui s’élèvent avec indignation contre la calomnie insérée dans plusieurs journaux qui impute à la garde nationale de cette municipalité d'avoir mis les armes bas et renoncé à tout service ; ils protestent que leurs soldats citoyens, toujours exacts à leur service, n’ont jamais montré plus d’exactitude que dans les circonstances actuelles, et qu’ils sont décidés à se pourvoir pour obtenir jusiice contre ceux qui ont accrédité une aussi atroce calomnie. Adresse des officiers municipaux de Juillac, district d'Uzerches, département de la Corrèze . Cette adresse est ainsi conçue : « Messieurs, « Et nous aussi, placés à la tête delà commune de Juillac, nous venons, avec toute la France, jurer fidélité et obéissance à l’Assemblée nationale, et lui faire part de tout ce qui s’est passé parmi nous depuis la nouvelle de la disparition au roi. « Le 25 juin dernier, les citoyens réunis en assemblée primaire, s’occupaient de leurs opérations. Un voyageur arrive d’une ville voisine, et nous annonce l’enlèvement du roi. Personne ne s’émeut; nul ne peut croire qu’un roi citoyen ait pu violer ses serments ou se laisser séduire. « Cependant un cavalier d’ordonnance, dépêché par l’administration du département, se présente un instant après, confirme la nouvelle, et nous remet vos fermes et sages décrets. Un silence morne occupe d’abord l’assemblée ; mais ce silence est bientôt rompu. M. le président se lève, fait le serment d'être fidèle à la nation , à la loi et ci V Assemblée nationale, de maintenir de tout son pouvoir la Constitution du royaume , et de vivre libre ou mourir. Le même serment est répété avec sang-froid et fermeté par tous les membres de rassemblée, et l’opération se continue. « Nous nous rendons de suite à la maison commune; en un instant, le conseil général est assemblé; la garde nationale y était déjà : la société des amis de la Constitution se joint à nous, et successivement tous les citoyens, pour ne former qu’un centre de désirs, de volonté, d’union et de patriotisme. « Une voix se fait entendre et dit: la circonstance est critique, mais l’Assemblée nationale nous reste... Oui; mais nous sommes sans armes, répondent les gardes nationaux jaloux de remplir le serment qu’ils ont fait tant de fois, de défendre la Constitution jusqu’à la dernière goutte de leur sang; nous n’avons point de fonds pour en acheter. Nous vous faisons part de notre embarras ; eh bien ! s'écrie Dalby, notre curé , il faut en faire par une contribution volontaire ; et de suite, ce généreux patriote dépose 100 livres sur le bureau. Tous les citoyens s’empressent à l’envi de suivre cet exemple, et dans une demi-heure nous avons 1,800 livres. « Tout s’est passé depuis, dans l’attente des ordres émanés de votre sein, avec la plus parfaite harmonie et la plus grande tranquillité. « Votre décret du 21 juin dernier arrive : on le publie; chaque volontaire se dispute la gloire d'être inscrit le premier. « Notre garde nationale n’est pas nombreuse : 90 citoyens la composent; mais ils sont jeunes, agiles, vigoureux et prêts à voler aux frontières.» « Les officiers municipaux de Juillac : « Signé : Vervi fils, maire ; Chavois, officier municipal; Duqueyroy, officier municipal ; Dumas , officier municipal ; Couturon, officier municipal ; Prèlon, procureur de la commune; Villepreuse, Cougon jeune, secrétaire greffier. « Juillac, le 10 juillet 1791. « P. S. — Le sieur Morein, ci-devant bénédictin, aumônier de notre garde, a voulu aussi être inscrit le premier, et a juré de suivre partout les drapeaux de la patrie et les volontaires qui l’ont adopté. » (L’Assemblée ordonne l’insertionde cette adresse dans le procès-verbal.) Adresses des juges composant le tribunal du district de Saint-Amand, département du Cher, qui prient l’Assemblée d’agréer la somme de 900 livres à prendre sur le premier terme de leurs traitements, pour être employée à l’entretien des gardes nationaux qui se voueront à la défense commune. (L’Assemblée, après avoir applaudi à ces actes de patriotisme, ordonne qu’il eu sera fait la plus honorable mention dans son procès-verbal, et que les noms de ces estimables citoyens y seront inscrits.) Suivent les noms : MM. Béguin, J.-G. Robin, Bidon, Régnault de Champdeuil, Gaulmier, Chevalier, commissaire du roi, et Tip-nenat, greffier. Adresse des administrateurs composant le directoire du district de Douai, qui expriment leur reconnaissance et celle de tous leurs administrés pour le décret du 15 de ce mois. Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Douai , qui témoignent les mêmes sentiments. Procès-verbal de la fédération annuelle célébrée dans la ville de Douai, chef-lieu du département du Nord, le 14 de ce mois. Adresse de la société des amis de la Constitution séant à Arras. « Si le despotisme pesait sur tous les Français, disent-ils, c’est particulièrement sur les troupes de ligne qu’il exerçait sa maligne influence. Ces militaires, qui ne connaissent d’autre guide que l’honneur et l’amour de la patrie, ainsi que les événements nous l’ont prouvé, étaient conduits comme des bêtes de somme. Ce n’est point assez des coups de bâton; on était venu, par un raffinement d’humiliation, jusqu’à faire servir à leur supplice l’instrument qui l’avait été de leur gloire. Incapable de tourner le dos à l’ennemi, ils se trouvaient obligés de le présenter à un de leurs supérieurs, devenu bourreau, pour en recevoir des coups de plat de sabre. Il n’est pas étonnant qu’un tel avilissement révolte de braves guerriers, et que, dans la rage qu’il devait leur inspirer, ils aient abandonné leurs drapeaux et quitté leur barbare patrie. « Législateurs, plus humains, vous avez retiré lAasemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (-27 juillet 1791. J les troupes de ligne de cet état d’abjection : vous avez corrigé cet odieux abus, mais tout le mal qu’il a causé n'est pas détruit. Des malheureuses victimes de cet infâme traitement gémissent encore loin de leur pays, devenu le séjour de la liberté. Ils désirent ardemment d’y venir jouir des bienfaits de la Dévolution ; mais injustement proscrits, ils ne peuvent rejoindre leurs foyers. Nous supplions l’Assemb'ée nationale de réparer les torts de l’ancien régime, en accordant une amnistie générale en faveur de tous les défenseurs des troupes françaises qui ont quitté leurs drapeaux avant l’époque du 14 juillet dernier. Cet acte de justice, plu' ôt que de grâce, rendra des citoyens à l’Empire, dont ils seront, par reconnaissance, les plus ardents défenseurs. » Lettre des administrateurs composant le directoire du département du Pas-de-Calais , qui annoncent que la vente des biens nationaux n’a pas été ralentie par la nouvelle du départ du roi et des événements qui l’ont suivi; qu’elle se continue même avec plus de chaleur que précédemment. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité des domaines sur l'échange de Sancerre (1). M. le Président. L’Assemblée a décrété dans la séance d’hier qu’avant d’entrer dans la discussion du projet de décret du comité relativement à l’affaire de Sancerre, elle entendrait les explications de M. d’Espagnac. (Assentiment.) M. d’Espagnac est introduit à la barre. M. le Président. Monsieur, vous avez demandé à être admis à la barre. L’Assemblée est disposée à vous entendre. Vous avez la parole. M. d’Espagnac Messieurs, dénoncé devant vous et dans l’opinion publique de la manière la plus cruelle, accusé d’être complice de la dilapidation énorme d’un domaine national, à la veilledesupporteruneréunion quine peutme con-cernersous aucun rapport, j’invoquerai le senti-mentintérieur d’uneâmesansreproche, j’invoquerai les lois constitutionnelles et, plein de confiance dans votre justice, je m’abandonnerai à la douce espérance que ma fortune et mon honneur reposent sous la sauvegarde de votre impartialité. Dans mon adresse du il mars 1791, j’ai déposé aux pieds de la nation mon contrat d’échange; je lui ai remis ma concession dans la forêt de Russy, je me suis soumis à de nouvelles évaluations pour le comté de Sancerre, j’ai offert même de prendre les biens ruraux de cette terre, sur le pied de l’évaluation de la chambre des comptes, et j’ai supplié l’Assemblée nationale de prendre en considération : 1° que je n’ai acheté le comté de Sancerre, en 1777, que dans la vue de lixer la fortune de mon beau-père en France, et de remplir la convention vis-à-vis du duc de Béthune à qui l’Etat devait 60,000 livres de revenu, pour le prix de la principauté d’Enri-chemont; 2° que j’ai prouvé, par divers actes et documents, que M. Taboureau avait donné les mains à cet arrangement, et au désir que j’avais de réunir, par voie d'échange, la forêt de Russy à ma terre de Cormeré. Cette affaire n’a manqué (1) Voy. ci-dessus, séance du 23 juillet 1791, page 551. 715 que parce que M. Necker, après avoir déclaré dans Je bon du roi, du 31 août 1777, que le comté de Sancerre valait beaucoun plus que la forêt de Russy, avait fini par me refuser le bénéfice de la soulte ou plus-value, tandis qu’il la vendait à M. de Béthune. Le roi m’avait prêté 500,000 livres pour secourir la f triune de mon beau-père qui avait rendu des services à l’Etat. Etant dans l’impossibilité de remettre, à l’échéance du 1er janvier 1784, cetle somme au Trésor public, j’offris au roi, en décembre 1783, Sancerre en payement, et Sa Majesté, par son bon du 21 mars 1784, consentit à prendre celte terre à titre d’acquisition. La pénu-riedes fmances me fit l ‘référer ! a voie de l’échange, en me conten'ant de la quitlance des 500,000 livres que je devais d’une pareille somme payable en 85, 86 et 87, ce qui n’était pas de l’argent com plant, et en recevant de plus des domaines, avec la faculté de les vendre, jusqu’à la concurrence du surplus de la valeur de Sancerre. Je n’ai vendu à M. de Galonné, de même qu’à tous mes coéchangistes, que sur le pied de l’échange. Ainsi il n’y avait dans l’échange de Sancerre, pour moi, aucune espèce d’intérêt personnel. Aussitôt que j’ai vu que le vœu public voulait que je remisse la forêt de Russy, je me suis empressé de la remettre au département du Cher, au prix del’esiimation delachambre des comptes. J’ai cru que, dans la posilion où nous étions, je devais donner le premier l’exemple de ne point consommer les acquisitions qui pouvaient paraître onéreuses à la nation. Ainsi je prouve encore, par l’offre que j’ai faite, pour recommencer les évaluations de Sancerre en présence du département du Cher, que mon but a toujours été de n’avoir, des mains delà nation, que la valeur de ma terre. Sancerre valait en 1636 environ 4 millions, et les commissaires du roi l’ont évaluée 3,692,446 livres. Mes détracteurs comparent cette valeur avec le prix primordial de la vente; ils en tirent la conséquence que cette valeur est exagérée ; ils oublient que je puis prouver qu’avec les frais de lods et vente, d’amélioration, de réunion de plusieurs domaines, cette brre m’est revenue à plus du double de son acquisition; ils oublient que la valeur de l’immeuble dépend des talents et des labeurs des possesseurs; que le ci-devant comîé de Sancerre, dans la main des anciens possesseurs, était tombé dans le dépérissement; que je l’ai, pour ainsi dire, régénéré, et iis voudraient ne me tenir aucun compte de ce qu’il y a de plus sacré dans les droits de propriété, des fruits de la combinaison des avances et de l’industrie. Je vous supplie, Messieurs, de vous rappeler que, dans le mémoire sur lequel le premier bon du roi a été donné, le ministre des finances disait au roi : « Comme Votre Majesté a fait connaître que son intention n’était pas de céder la forêt de Russy à M. d’Espagnac, il demande que, pour prix de l’acquisition, Votre Majesté lui fusse donner quittance des 500,000 livres qu’il vous doit ; qu’elle veuille bien l’autoriser à toucher l’ordonnance de 990,100 livres qu’il a entre les mains, en se chargeant par lui de tous les frais d’évaluation; et que le surplus qui sera reconnu lui être dû pour complément du comté de Sancerre, dette qui sera fixée par les évaluations de la chambre des comptes, lui sera donné tant en domaines qu’en argent, au choix de Votre Majesté. » Le roi a donc commencé par acquérir le comté