218 [Assemblée nationalé.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1791.] Art. 48. « Les commandants pour les autres bâtiments, comme corvettes, avisos, flûtes, gabarr-'S, lougres et autres liâ iments appartenant à l’Etat, seront pris indistinctement, suit parmi les enseignes entretenus ou non entretenus, pourvu que ces enseignes aient fait une campagne en cette qualité sur les vaisseaux de l’Etat, soit parmi les lieutenants. M. Gnalbcrt.'Je demande que l’enseigne, pour parvenir au corn ■ andement, ait fait au moins 2 uns de navigation dans ce grade sur les vaisseaux de l’Etat. (L’Assemblée i ejette l’amendement deM. Gual-bert ei décrète i’arti le 48.; M. Deferinon, rapporteur, donne lecture des articles suivants : Art. 49. « Le roi nommera aux commandements, et il pourra les ôter par un ordre simple, quoiqu’il n’y ait pas d’accusation. » (Adopté.) Art. 50. « Les commandants des armées nava'es et escadres, pendant le cours de leurs campagnes, exerceront le droit donné au roi par l’article précédent, sous leur responsabilité. » (Adopté.) Retraites ci décorations. Art. 51. « Tous les hommes de profession maritime auront droit aux retraites et recompenses militai es, en raison de leurs services, ainsi qu’il sera déterminé par un règlement particulier. » M. I�a Itéveillère-liépeaiix. Je demande la question préalable sur cet article, et je demande à en développer les raisons. D’abord la première partie relative aux retraites est comprise dans votre décret général sur les pensions. Quant à la deuxième partie qui concerne la décoration militaire, j’avoue que je ne puis voir, sans une peine extrême qu’à cbaq e fois que, dans cette Assemblé ■, on parle de militaires, on cherche toujours à nous faire consacrer toutes ces misérables babiolures. ( Murmures à droite.) Voir diverses : Aux voix l’article ! — La question préalable sur l’amendement ! — Al’ordiedu jour ! (L’Assemblée décrète l’ordre du jour sur la motion de M. La Réveillère-Lépeaux et adopte l’article 51 du comité.) M. Defersiion, rapporteur, donne lecture de l’article 52 ainsi conçu : Art. 52. « L’Assemblée nationale se réserve de statuer par un decret particulier sur ia manière d’appliquer le présent décret à l’état actuel de la marine. » (Adopté.) L’ordre du jour est la discussion du projet de decret des comités de Constitution et militaire sur l'organisation des gardes nationales cl). M. Durand de Maillnne. J’ai demandé la parole p"Ur parler sur les gardes nationales. Je suis moins en état que personne de substituer de nom-' lies disposiiions de détail à celles nue j’impruuve dans le plan des deux comités; mais comme ce que les gardes nationales ont fait jusqu’ici et do vent faire pour le salut de cet Empire, comme les gardes nationales parisiennes, et à leur exemple les gardes nationales de tout le royaume, sont en ce moment le plus sûr, le plus fidèle rempart de notre liberté, comme enfin cette liberté précieuse fait elle-même et doit faire la règle de notre Const du lion, dans les parties surtoui de la force publique, je me hasarderai de présentera cet égard non point des eo naissances, mais quelques idées p usée' dans des sentiments de crainte que m’ont inspirés déjà quelques décrets de l’Assemblée nationale. Oui, Messieurs, j’aime à le répéter, rtoussommes principal ‘meut redevables de notre liberté aux gardes nationales... Plusieurs membres : C’est vrai ! M. Durand de Kaillanc. Toutes sont venues au secours de la raison, qui dès lors a coupé et pu couper dans l’Assemblée nationale l’hydre aux cent tê es de la tyrannie. De là aussi ce beau feu de patriotisme qui brûle encore dans toutes les parties du royaume. Conservons-le soigneusement, et gardons-nous d’effacer, par nos institutions factices, ce que la liberté a elle-même gravé sur toutes les communes du royaume : « Désormais le citoyen sera soldat , et le soldat citoyen. » C’est d’après cette seule épigraphe que je raisonnerai, bien plus par sentiment que par ordre, sur la formation de la garde nationale. Tout me semble perdu si, après avoir tout aplani, tout rendu à l’égalité, à la fraternité de la nation, nous élevons nous-mêmes par notre institution un mur de séparation, de distinction, de supériorité entre les corps civils < t militaires. La garde nationale, digne d’être comparée en ce moment aux premiers soldats romains, n’en serait bientôt pl squ’uue peinture, si nous avions la maladresse de lui donner de; maîtres et même des émules dans les troupes de ligne. Ce serait un plus grand malheur de la dégrader que de l’anéantir. Enfin, puisque la nouvelle maréchaussée est décrétée malgré tout ce qui a été dit contre elle, puisqu’on a décrété encore 100,090 hommes de troupes auxiliaires, ce qui, dans ces circonstances fait moins la sûreté générale que l’effroi de la nation qui paye, et cela à cause de ceux nui commandent, puisque enfin cela a passé et avec assez de rapidité, il s’agit, en ce moment, sinon de revenir sur nos pas�'au moins d’empêcher cet excès de faveur qui a échanpé à l’excès de nos crain'es par des lois mieux réfléchies et plus me urées touchant b s gardes nationales. Mon plan serait donc très uniment, sans autre détail réglementaire pour le moment, de composer la garde nationale ne manière qu’elle soit comme amalgamée à la troupe militaire. Car je pose en cette matière un grand principe : C’est uue la force publique comporte moins l’inégalité dans ses éléments entre ceux qui l’exercent et ( eux pour qui elle est exercée, que toute autre parie du gouvernement. Or il puait qu’après a\- ir déjà établi la gemlaimerie nationale dans une forme assez extraordinaire... (Murmures.) Plusieurs membres : A l’ordre du jour ! (1) Yoy. ci-après, aux annexes de la séance, le projet de décret des comités. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1791.) 219 M. Martineau. Il n’est jamais permis de parler contre la loi, parce que si le législateur ne respecte pas la loi lui-même, comment peut-il espérer que h s citoyens la respecteront? M. Durand de Maillanc. L’objet que je vou* soumets entre dans la question. Je propose do tempérer l’excès de force que nais venons de mettre dans la main des troup"S de lig e. Après avoir décrété 1(10,000 hommes pour servir de milice à l’armée, je ne vois plus, pour former la garda national�, que d s citoyen-destinés à toute autre profession que un moyeu qui servit à concilier ces deux avantages, savoir l’égalité, la fraternité enbe le citoyen et le soldat d'une part; d*- i’aulre la lacx domestique, la libre circulation sociale de l’ainitie. Ainsi donc je me suis abusé dans mon patriotisme qui, dans cm te matièr e, me sert comme d’excu-e, où je voudrais que ce que nous av n • appelé jusqu’ici miice, ce tribut forcé du peuple à l’armée qui le défendait, fût conv. r i don-: c tte Révolution en garde nationale elle-même, de telle soite que l’armée et la nation y trouvais ‘"t un dépôt commun pour leurs besoins respectifs, . Fun pour le dehors, l’autre pour le dedans, h lin mon idée s rai t que la force putbiq e ne fût divisée qu’eu deux parties, en troupes de ligne et en garde nationale, réunies dans une telle forme que cet te division di -parût, que la garnie nationale alim niât la troupe de lien'1, tout en servant et défendant la liberté et la sûreté publiques. Si ce plan ne vous paraissait plus praticable en ce moment, après les ciécre s qui ont été rend is sur la nouvelle maréchaussée comme s r la milice, je m’en afflige, parce que jVnb'evois les plus grands maux dans la ligue de séparadon et de distinction qui' vos décret* ont déjà tracée entre les gardes nationales et les troupes de Lune. Il faut détruire les garde-nationales, comme ou semble en avoir le projet, ou les constituer d.* manière, qu’au besoin, on les voit sortir tout armées, comme Pa lias de la tè e de Jup te ; ce ne sera, Messieurs, que par cj moyen que nous défendrons, que nous sauverons la pairie; ce n’est que par l’accord qui se manifeste emre ieuas sentiments, que les soldais en garnison vivent comme des frères, comme des amis, tandis que I urs o 111 u ers n’ont pas honte ne le-en pu ir. Nous en avons la preuve tou'e fraîche dan* l’exemple de l’affaire qui vous a é!é rapportée d’une ville de l’Alsace, dont j’ai oubhé le nom. Oui, Messieurs, je finirai ici mon opinion par cett “ derrière et triste réflexion : Que! est celui d’entre nous, ami de la Révolution, qui ne Pénible et n’ait lieu ce tivmbf-r pour el e, en voy ni aujourd’hui que, par nos décroîs, tou'e* m-l’e cédé' l’Etat sont .-e lement à la di.-pos;bou de-netirs on déchiré-. u se-pc ''s de I : (hm ti'uti u. ( Applaudissements à gauche.) Je no m’arrête pas' à ce que cette Constitution, qui a frappé tant d’individus, a fait de bien aux officiers militaires en général; je dirai seulement, et je ne resterai de dire, que tout est perdu si une telle force leur e-t confiée sans contre-poi is. Malhem eu-ement nous avons déjà pris à et égard le charge sur les fonctions e la gen-d rmerie nationa'e. Jfàtous-nous donc de réparer 1" mal, et d’aiqireudre aux troupes de ligne, que, (-oMie-du sein des municipalités, .elles doivent respecter leurs mères, qu'elles doivent non pas les dominer, mais les servir. Ft. que veulent donc les deux comités, en faisant une différence entre les gardes nationales d -s villes et le-gardes nationales des campagnes, polir mettre celles-ci sons la dépendance des maréchaussées, pur so 'mettre la fleur, l'honneur delà nation, ce qu’il y a de plus estimable oans la nation, les meilleurs, les plus zélés patriotes, aux ordres d’un cavalier de maréchaussée? Cest la di-position d’uu des articles de votre comité. ( Applaud isseme n fs.) Fl que signifie encore cette distinction entre les villes et les campagnes, relativement à des nomnn s armés et engagés pour le service commun de la nat 'ie? E t il une disuosition plus anticonstitutionnelle? Vainement on aurait aboli i’ansiocratie des uerson es, si on laissait subsister, si l’on fomentait encore celle d s villes et dos lieux ? Quelles iuées les comités se sont-ils formé-du eitoy n agriculteur, engagé pour le s rvice mem d'orga user cette force p d) iqu g qm est d Mi' ée à maintenir la tranquil-li é des (Moyens, à soutenir leurs droit-, à défendre I ii'1 h "ené ei à re xrus-er ms attaques des "" cm in ie ms et • xté'icurs. C’est la nation e R-emune dont vous allez cli.-tribuer la force, en soumettant c> tte faveur au joug salutaire de la loi ; ce sont les citoyens eux-mêmes, qui, 220 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1791.] après avoir adhéré par leurs représentants à la Constitution établie, après s’être armés pour la soutenir, vont être di-lribués en corps sé. a"és pour la maintenir chacun dans leurs foyers, prêts à se réunir pour la protéger et pour la défendre en commun . Vous avez déjà décrété les principes d’après lesquels cette organisation doit être formée, et vos comités n’ont eu qu’à se conformer à vos décrets dans le plan qu’ils vous ont présenté. Tous les citoyens actifs et leurs enfants, avez-vous dit, sont obligés de déclarer solennellement la résolution où ils sont de servir la patrie, lorsque l’ordre public troublé ou la patrie en péril demandent l’emploi de leurs forces. Le refus de ce service les prive nécessairement du droit de citoyen actif; tous doivent pendre leur inscription dans les municipalités ; et la patrie ne dispense du devoir de la servir que ceux que la nature a mis hors d’état de porter les armés ; elle ne suspend les fonctions, à cet égard, que de ceux qui, déjà fonctionnaires publics, la servent d’une autre manière. Mais cette force, armée pour le maintien des lois et de la liberté, doit toujours être dans l’heureuse impuissance de les attaquer; elle doit ne pouvoir jamais favoriser la licence; — je parle toujours d’après vos décrets — jamais elle ne doit' agir par elle-même; toujours elle doit être requise; et ceux-là seuls peuvent la requérir, que le peuple a choisis pour administrer la chose publique et; pour maintenir l’exécution des lois. La force légalement requise, avez-vous dit encore, ne connaît plus que l’obéissance. Pour préserver la nation du danger de ces résolutions soudaines que peuvent prendre des hommes armés qui, législateurs, juges et exécuteurs réuniraient tous les pouvoirs et toutes les passions, vous avez voulu que les citoyens, faisant les fonctions de gardes nationales, ne pussent jamais délibérer eip cette qualité; vous avez banni les armes et même l’uniforme du sein de ces assemblées délibérantes, dont la liberté fait l’essence; où c’est un privilège ou plutôt un devoir du citoven d’annoncer tout ce qu’il croit utile à la chose publique; où tous sont égaux devant la loi; où l’homme armé croirait pouvoir exercer l’ascendant que donnent toujours l’appareil et le sentiment de la force. C’est par une suite de cette égalité dont nous devons entretenir le sentiment et par laquelle se maintiendra toujours la liberté, que vous avez décrété qu’il n’y avait qu’une seule garde nationale soumise aux mêmes réglements, à la même discipline, et revêtue du même uniforme. 11 n’y a plus de provinces diverses, il n’y a qu’une nation; il n’y a plus d’habitants du nord et du midi, peuples jadis rivaux ou jaloux ; il n’y a plus que les citoyens égaux du même Empire. Toute supériorité est "alarmante pour des hommes libres et égaux, et celui d’entre eux qui commence par être mon supérieur, finira, tôt ou tard, par être mon maître. Enfin, vous avez porté vos sages précautions jusque sur la totalité des citoyens armés par la loi, sur cette immense garde nationale aui couvre la surface de l’Empire, hérissée d’armes, protégée par des canons et présentant de toutes parts l’appareil de la guerre. Vous avez dit que cette garde nationale ne formerait peint un corps militaire, et la sagesse vous a dicte ce décret. Vous avez voulu préserver la nation du dangereux esprit de conquête que vos lois sublimes ont proscrit et les citoyens, de cette émulation de grades et de rangs par lesquels le despotisme achète aisément des esclaves. Que le soldat, ce fonctionaire public, portion de l’armée qui est elle-même une portion extraite de la force publique, que le soldat, remplisse le noble devoir de protéger notre sûreté! Qu’il obtienne par sa valeur les justes récompenses que lui destine la patrie reconnaissante! Grades, honneurs, cordons, tout est annobli par la sagesse et les moindres faveurs delà patrie sont des honneurs, parce que la patrie ne veut ni corrompre, ni flatter, ni subjuguer l’armée. L’armée, avez-vous dit, est une force habituelle, extraite de la force publique : donc c’est la force habituelle qui est une armée, la force publique ne l’est pas. La force habituelle, voilà le corps militaire; la force publique, c’est la totalité des citoyens, c’est la masse de la nation, c’est la garde" nationale de France. Tels sont les principes que vous avez posés. D’où il suit que ce que vous avez demandé à vos comités, et qu’ils n’ont pu, par conséquent, se dispenser de vous présenter, c’est de déterminer les fonctions des citoyens servant en qualité de gardes nationales, de les diviser par corps séparés, mais soumis à une loi uniforme; de régler le service qui pourrait être nécessaire en temps de paix; de les rendre propres au service en temps de guerre, et d’établir le genre de discipline qui peut convenir à des citoyens qui ne sont armés que momentanément, et dont les délits étrangers à la discipline seraient d’ailleurs punis par les lois. C’est l’objet du plan que vos comités vous ont présenté; il est divisé en cinq sections. Dans la première, nous vous proposons des articles extensifs de cette proposition, que vous avez décrétée, qu’il y aura dans chaque communauté un registre ouvert, pour y recevoir l’inscription des citoyens actifs, et de leurs fils depuis l’âge de 18 ans. La seconde présente un projet d’organisation pour le service de la garde nationale. La troisième règle, les fonctions des citoyens servant en qualité de gardes nationales. La quatrième règle, l’ordre du service que les gardes nationales pourront être appelés à faire. La cinquième et dernière renferme des articles de discipline qui devront être en vigueur durant le temps de ce service. Le comité militaire vous présentera un plan de tactique et d’exercices militaires propres au genre de défense auquel les citoyens, faisant le service des gardes nationales, pourront être appelés. Telle est, Messieurs, la vue générale du plan que nous avons l’honneur de vous présenter. Je vais avoir maintenant celui de vous exposer les développements de la première section de ce plan. 11 est votre texte, il est votre loi; il est la chose que vous avez décrétée, et cela répond au préopinant qui semblait vouloir vous faire sortir de l’ordre de vos décrets pour proposer un plan absolument différent. Le comité pourra sans doute se soumettre aux ordres de l’Assemblée à cet égard ; mais au moment actuel il a dù prendre vosMois, les développer, et ce sont uniquement des développements qu’il est engagé à vous présenter. Je dis donc que votre décret du 12 juin 1790 contient trois dispositions : 1° l’inscription des citoyens actifs et de leurs fils, âgés de 18 ans, sur un registre ouvert dans chaque municipalité; 2° l’exemption, non de l’inscription, mais du ser- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1791.] vice, pour ceux qui ne pourront le remplir à raison de leurs âge et la firmités ou autres empêchements; 3° que les citoyens exemptés ne pourront être remplacés que par des citoyens inscrits. Vos comités ont donc dû développer ces dispositions dans cette espèce de code général des citoyens gardes nationales; ils y ont ajouté des dispositions nouvelles qui leur ont paru nécessaires au complément de cette loi, mais qui ne sont pourtant qu’une conséquence de vos décrets antérieurs. Au premier article concernant l’inscription des citoyens actifs et de leurs (iis, ils vous proposent d’ajouter : 1° une disposition pénale pour engager les citoyens à s’inscrire. Cette disposition n’est pas coercitive : la peine sort naturellement du refus que fait le citoyen d’offrir ses services à sa patrie; et comme il est de principe que le membre d’une société prend l’engagement en y entrant de veiller à la sûreté des individus et, par conséquent, de la société, comme chacun de ses membres veille à la sûreté de ce citoyen lui-même, son refus le prive du titre de citoyen ; et puisque tous les membres de cette société sont des citoyens actifs, il est censé renoncer à ce titre en renonçant à ses devoirs : il n’est plus citoyen actif. C’est lui-même qui se destitue; la lot ne fait que sanctionner ce décret prononcé déjà par la nature des choses; 2° Nous vous proposons, en second lieu, d’admettre au droit de citoyens gardes nationales les étrangers et leurs fils qui seront devenus Français aux termes de vos décrets. Ce n’est qu’une application infiniment juste d’une loi que vous avez déjà rendue, car aux termes de vos décrets ces étrangers sont citoyens actifs ; 3° Quant à l’âge de l’inscription, nous vous proposons une disposition politique qui d’ailleurs est une conséquence de votre décret du 12 juin. C’est un si beau moment pour un citoyen, que celui auquel il se consacre au service de son pays ; où, sorti de l’enfance et renonçant aux jeux et aux frivolités de cet âge, il voit la patrie lui tendre les bras, le créer homme et le recevoir au nombre de ses défenseurs! Que ce moment doit laisser chez lui de profonds ressouvenus! Rien ne doit le retarder. La patrie n’admet aucun prétexte; h vrai citoyen ne doit en alléguer aucun pour se refuser au premier de ses devoirs. A 1 âge de son inseriptiou, s’il se trouve éloigné de son pays il faut que le souvenir de son devoir l’y rappelle; que son cœur palpite en songeant à l’inscription de ses compagnons d’âge; que son imagination enflammée lui retrace la douceur de ces fêtes publiques, la joie pure de ses parents, leur tendres embrassements, les félicitations de ses amis, et le serment solennel à tous ses concitoyens, pour le maintien de la Constitution. C’est par de telles institutions que les anciens Grecs, ces maîtres dans l’art de chérir la patrie, avaient su attache r les citoyens, par un sentiment passionné, au pays qui les avait vus naître. Le Grec, voyageant hors de son pays, lorsqu’il se trouvait dans ces époques solennelles où ses concitoyens réunis célébraient les fêtes de la liberté, sentait son cœur s’attendrir à ces ressouvenirs touchants, et ses yeux se baignaient de larmes. C’est ainsi que se forme, que se propage l’esprit public. Ce ne sont pas les lois, c’est l’amour des lois qui rend une Constitulion immortelle; et l’amour des lois ne se maintient que par le charme des fêtes publiques, par la majesté des institutions nationales, par l’attrait inévitable de cette universelle solennité 221 dans laquelle tous les citoyens d’un grand empire éprouveut tous à la fois le même sentiment. Vous avez donné un corps à votre Constitution, il faut lui donner une âme et lui inspirer le souffle de la vie. Voire comité de Constitution vous proposera des moyens d’animer ainsi les assemblées nationales, soit générales, soit particulières, que vous avez décrétées, d’en corriger la sécheresse, qui jusqu’ici ne les a présentées aux citoyens que comme des devoirs et des sacrifices. Vous avez formé les membres et les muscles du corps politique, il faudra leur donner du jeu, de l’onction et de la souplesse. Mais, dans l’objet particulier dont nous vous occupons maintenant, il nous paraît convenable que le citoyen, qui, sans motif, aura retardé son inscription de garde nationale, à 18 ans, soit aussi retardé dans son inscription civique que vous avez fixée à 21 ans, et qu’il ne puisse pas s’inscrire par procuration. Il a dédaigné de s’engager dans l’âge prescrit, à la défense de sa patrie ; la patrie ne peut le reconnaître, et, puisque trois ans doivent s’écouler entre les deux inscriptions, il est juste que la dernière soit retardée de tout ce qu’il a mis d’insouciance à prendre la première. Seulement lorsque la suite d’une éducation nécessaire sera la cause de l’absence d’un jeune homme de 18 ans, son père ou ses parents pourront le faire inscrire au registre public. Vos comités vous proposent encore que les fils des citoyens actifs qui auront rempli les fonctions de gar.iesnationales pendant 10 ans après leur inscription, aient acquis par ce service, ou par l’intention de le faire quand iis en seraient requis, les droits de citoyens actifs. Cette disposition est dans l’esprit de vos décrets qui tendent à considérer le fils du citoyen actif comme actif lui-même, lorsque son père paye une imposition qui, répartie sur ses enfants, produirait plusieurs impositions suftisant.es pour les rendre citoyens actifs eux-mêmes. Si le service pour la patrie est un devoir pour celui qui le fait, il n’en mérite pas moins la reconnaissance de la société; et le prix de ce service ne peut se trouver que dans le droit de citoyen, que celui-ci était disposé à payer de son sang. D’ailleurs vous aspirez à perfectionner votre décret concernant le droit à l’éligibiité fondé sur la base de l’imposition. Et en attendant que l’esprit public ait amélioré les mœurs publiques; si vous voulez que le titre de citoyen actif soit un motif d’ambition pour le petit nombre de ceux qui en sont exclus, si vous avez pensé qu’il serait, dans chaque famille, un aiguillon au travail et surtout à l’économie, ces vertus principales des pauvres; si vous avez cru qu’il devait exciter et former chez eux les vertus domestiques, parce que l’esprit d’ordre conduit à l’épargne, et le goût de l’épargne à l’aisance, à l’attachement réciproque des membres de la famille ; vous avez pensé aussi que le moment viendrait où chaque citoyen français serait aussi citoyen actif. Il est en effet des institutions qui dépendent des mœurs et qui ne peuvent s’achever que lorsque ks mœurs sont perfectionnées; il est d’une sage politique d’attendre la maturité des fruits. Sur la troisième disposition de votre décret du 12 juin, concernant le remplacement des citoyens inscrits, nous avons cru devoir vous proposer quelques développements : 1° Si un citoyen commandé allègue un emDê-chement légitime, il pourra se faire remplacer; c’est votre loi; 2° Il ne pourra se faire remplacer que par un 222 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 120 avril 1791.] citoyen inscrit, c’est votre loi encore. Nous y ajoutons, par un citoyen servant dans la même compagnie, afin d'év ier le i é-ordre qui naîtrai, si chaque compagnie n’avait cas son to r de service, et si les citoyens faisaient le métier de remplir, pour de l’argent, les fonctions citoyennes de gardes nationales ; 3° Un citoyen inscrit, qui ne se fait pas remplacer, doit servir la patrie de quelque manière; il sera taxé. 4° S’il s obstine à payer la taxe; s’il s’avilit au point de penser que son servie1 peut être renrn-senté par de l’argent, il sera su pendu pendant un an de l’honneur de servir en personne; mats il sera toujours taxé. 5° Enfin ceux qui refusent de se faire inscrire n’y seront pa< contraints; ou les abandonne à l’inévitable jugement de IV-pmion publique. Mais, puisque la .-o� iété protège leur personne et leurs nii ns, ils doiv nt payer le remplacement que la société est obligée le taire de leur perso nie. Enfin ils ne pourront pas faire leur service en personne; car ils ne sont pas inscrits ni classes dans des compagnies. Enfin, sur la seconde disposition de votre décret du 12 juin, concerna ntet ux qui sont exempts de service, ou dunt le service e.-t suspendu peur raison u’mcnmpatibil té, nous n’avons aucune explication à donner. Les articles que nous vos s proposons nous paraissent assez clairs. Il me paraît qu'âpres ces développements, l’Assenndée peut passer à la délibération �ur lu pieunère section de notre projet de décret. M. de Montlo&ier. 11 n’est pas pos-ible de s’expliquer avec plus d’élégance et pins de clarté que le préopinant la lait sur ko drk-rentes disnesilions qu’il vous a >oum:-es. G-p ridant, en attaquant en aucune manière l’ub.et de son discouts, je crois qu’il au i ait pu avo.r un autre ob et, et l’obj-1 em été d’abord de marquer, d’une manière précise, l’importance et l’ut dite des gardas nationales o s ces t ois points de vue, la protection qu’elles doivent accorder à la liberté, la protection qu’elles doivent accorder contre les ennemis du délia--, et la protection qu’elles doivent accorder aux propriétés. Si le préupinant avait bien voulu diriger son discours et son raisonneur nt, pour nous montrer l’impo. tance et futilité uu service d< s gardes nationales sous ces tiois points ne vu> , c’est alors que nous aurions vu co : ment une gar.ie nationale peut être utile pour delen ire les propriet s dans un royaume où une ge darmerie nauonale est bien organiste, c’est alois que nous aurions vu comment une garde nationale peut être utile pour détendre la nation cou re les enm. mis du dehors, dans un royaume où 1 armée est bi n organisée; c’est alors que nous aurions vu comment une garde nationale peut être utile pour défendre la liberté dans un royaume où il exkte une Constitution, un Corps légulatif permanent, qui a dans les mains le véritable nerf de la liberté: l'argent et la disposition de l'armée. En passant ensuite à i’oujet d nécessité du service personnel, je crois que le préopmant, lorsqu’il a établi pour principe que tout membre d’une société doit un service à cette société, a étau i i en cela un principe vri; nmis quand il a conclu de là que t.ut membre d’une société devait un service personnel à cette société, il en a tire une conséquence qui m’a raru absolument fausse. Il n'y a point de liberté dans une nation, toutes les fois que les individus et citoyens de cette nation sont contraints à un service" personnel. On renouvelle sous une autre forme, Messieurs, l’instit>.iioo féodale du service obligé de la féodalité. Je crois que toute' les fois que vous obligez un citoyen de s’employer personnellement, corpo Tellement noor un servie - quelconque, vous le privez de la liberté de sa personne; vous n’avez point de droit sur la personne, vous en avez sur la propriété. ( Murmures prolongés.) Quand j’ai dit que la société n’avait pus le droit sur les personnes, je n’ai pas voulu dire qu’elle n’avait pas le droit de réprimer les délits des personnes. Je dis que la société n’a pas le droit d’imooser à un individu une tâche qui lui soit personnelle, quoiqu'elle puis-e être utile à la société. Voici comment je le prouve. Le droit de reposer en sûreté après qu’on a pavé ses gardiens est le premier droit de tout ci le yen, sans cela il n’y a point de gouvernement; ( a;- le but de toute -ociété est de remettre à un pci it nom tire une force publique capable de (Mend e et de maintenir la sûreté de tous. Je voudrais encore que M. Rabaud m’eût dit comment, dans uni-nation où tous les citoyens, c’est-à-dire où tous les membres de cette nation seront armés, il pourra exister une fore ■ publique; car j’eniemis bien p r force publique l’existence d’un petit nomme armé au milieu d’un grand nombie qui ne l’est pas. (Murmures.) Ou bien nous n’avons pas l’idée du mot force, ou nous raisonnons bien étrangement sur cette matière. Plusieurs membres : Oui! oui! M. de Alonllosicr. J’entends par le mot force p bhque cette puissance qui est capable de contour le passions d’on grand nombre pour. assurer la propi iété d’un seul. 11 n’y a donc point de f rce dans un état où tout est but. (Rires.) Ne iut-ce même que pour votre amusement, vous devez m’écouter... Dès que tout le monde est ur né, personne ne l’est, et vota préci-ément ce paradoxe que je veux établir d’uue manière démonstrative. Je dis, Messieurs, que si la propriété est at tnquée, H laut une force pour la défendre, pour ta conserver : cette force ne peut être force qu’autunt que la force de tous les citoyens or-d mires ne sera pas égale à celle que vous avez institm e force publique. Aussi, Messieurs, voyez-vous tous les jours oepuis que vos concitoyen - ont dos fust s, ta p lire ne peut plus se faire qu’avec des ca ons. (Murmures à gauche.) Autrefois 20 hommes arums étaient forts. Aujourd’hui 20 hommes armés ne le sont plus, parce que tout le momie est arme. Du moment que tous les citoyens sont armés, contre qui le sont-ils, si ce n’est contre les ennemis du dehors? Plusieurs membres : Contre les aristocrates! contre les ennemis Uu dedans... M. de illonüo�icr. Gela ne peut être contre les ennemis du dedans. Plusieurs membres ; Si! si! si! M. de llontlosier... C’est un exemple que vous avi z tous les jours sous vos yeux : il est clair que tous b s cibyem sont aussi forts les uns que les autrem (Rires et murmures.) Il est évident que tuus les citoyens armés ne sont pas plus forts que tous les citoyens aimés. (Rires à gauche.) Du moment que tout le monde est armé, [Assemblée nationalo.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1791. J 223 il n’y a plus de force publique. (Munmires.) J’en veux veuir à vous dire, et ce sera mon uernier mot... Plusieurs membres : ah ! ah ! M. de llontlosicr. Ne m’interrompez donc pas. Quand tous h s citoyens d’un empire sont armés, il y a la plus grande foicu publique contre les ennemis du dehors, mais il n’y a point de force publique contre les ennemis du dedans. (Pures ) de qu’il y a de très vrai, c’est que ceux qui me contredisent déraisonnent eu bien mm. ( Applaudissements à gauche.) Se tournant du côté gauche.) Je crois bn n que c’est vous. M. KrîIlat-Savarin.Le système du comité ne me p. U ait pas être conçu dans l'esprit des cir-consiances actuelle'. Je veux d’an côté que l’on fasrn entier da< s le pian de l’organnation des gardes nadonales d’exercer une surveillance assidue et habituelle contre les ennemis de la Con-siitution et je crains que ce déiaul de surveillai] e ne serve à les détruire elles-mêmes. D’un autre côté, je trouve très impolitique que, dans le projet iiu comité, les officiers ne la garde natio-nale ne puissent être réeb s qu’après t’intervade d’un service fait < n qualité de 'impies soldats. Il en résulte qu’il sera plus difficile de commander que d’obéir, et surtout le danger d’oublier dans cet imerv 1 e les fonctions du commauuement. Je m’élève égale uent contre la di-position qui défend aux officiers de porter les marques distinctives de leur grade. Si je croyais que le silence des orateurs qui occupent ordinairement la tribune vînt de l’assentiment génei al au plan de vus comités, ct-rtaine-nient je n’aurais pas pris la parole; mais comme je ne crois pas qu’ils aient eu le temps ne méditer celte impoi tante matièie, que la plupart d’entre eux ne s'attendaient pas à la voir discuter aujourd’hui, cette seul' considération m’engage à vous faire observer que, lorsqu’il a été question des troupes ne ligne, nous avons discuté pendant plusieurs séances avant de decreter un seul article, et que, lorsqu’il s’agit des gardes nationales, d’un corps que nous ne devrions envisager qu’avec la plus tendre affection, il n’y aurait pas eu de discussion préliminaire. Prenez-y bien garde, Messieuis, la na ion pourrait vous reprocher que vous avez négligé ses plus chers intérêts. Eu conséquence, je conclus à l’ajournement pour la pieinière séance. M. Iftabaud - Saint - Ellenne , rapporteur. J’ai eu l’honneur u’aimoncer à l’Assemb ée que c’est avec surprise que je me suis trouvé à l’ordre du jour : c’est pourquoi je consens volontiers au renvoi à l’époque que l’Assemblée déterminera. M. Dupont (de Nemours). L’organisation de la garde nationale doit être le dernier des travaux de l’Asst mbiee; j’en demande le renvoi a l’époque où la Constitution sera entièrement achevée. M. Einniery. En raison de l’importance de la matière, je demande que la discussion soit ajournée à la semaine prochaine. [L’Assemblée consultée décrète la motion de M. Emmery.) M. «le Yoaîlîes. Je demande que le comité de Constitution présente au plus tôt son travail sur l’organisation du Corps législa if, afin qu’on ait le iemps de l’étudier et de le méditer. M. de Crillon. Un membre du comité vient de me faire savoir que ce travail serait incessamment achevé. Un de MM. les secrétaires donne leclure d’une lettre de M. Porion , évêque du département du Pas-de-Calais , ainsi conçue ; « Monsieur le Président, « L’A'semblée apprendra sans doute avec plaisir les progrès que l’esprit public fait tous les jours dans le département du Pas-de-Calais. Il me serait impossible de peindre le patriotisme, qui partout a éclaté dans ma route d’Arras à Saint-Omer. Les citoyens de ce departement se sont pressés sur le passage de leur nouveau pasteur et ont font éclater la joie la plus vive et la plus pure. J’ai eu même la douce sadsfartion de voir plusieurs curés et vicaires qui m’attendaient sur les route.' à la tête de leur paroisse pour invoquer sur moi les benédict ous du ciel, et s’en retournaient le> yeux baignés de douces lar i es, en apprenant qu’ëntin ih avaient un pasteur qui pourrait vivre et mourir au milieu d’eux. « J’ai installé ce matin dans l’église cathédrale, en présence d’un nombreux cortège et d’un peuple immense nom les applaudissements réitérés et la joie sincère m’ont bien amplement dédommage des tracasseries sans nombre auxquelles j’ai été t.n butte depuis que j’ai cru de mon devoir de me soumettre à la loi du 26 décembre. Dans un jour tel que celui-ci, Monsieur le Président, j’aurais bien désiré qu’il n’y ait eu que des heureux à Saint-Omer, et cependant j’ai vu couler des larmes. « J’ai vu des malheureux plongés dans la plus profonde affliction me tendre leurs bras et ine demander leur liberté qu'ils ont .-ans doute mé-lité de perdre puisqu’ils ont manqué à la loi, en troublant l’ordre public. Ce sont d s citoyens emprisonnés à lo cation des émeutes arrivées il y a 4 ou 5 mois à Saint-Omer, à la ville d’Aire et à Arques. Ils paraissent touchés du repentir le plus vif et le plus sincère et m’ont supplié de solliciter leur grâce auprès de l’Assemblée nationale. A leurs touchantes instances se sont jointes celles d’une foule immense de citoyens qui attendaient à la porte de la prison et qui "tous répondaient de la conduite a venir de ces malheureux. Quatre mois de captivité nu paraîtront-ils pas suffisants à l’Assemblée nationale pour expier l’erreur d’un moment, produite dans les uns par un patriotisme peu éclairé et dans d’autres par des inquiétudes méchamment insinuées parmi le pe pie sur la lib e circulation des giains. « Les municipalités ne Saint-Omer, d’Ahe et d’Arques Ont déjà r-ollicité auprès de l’Assemblée nationale l’anéantissement des proeéiures dont les pièces ont été renvoyées au comité des rapports. « Je ne rappellerai pas ici ces temps où les accusés se rendaient de toutes les parties du royaume à Orléans pour y recevoir du nouvel évêque le jour de son sacre une amnistie générale; c’était un privilège et vous avez avec raison détruit tous les privilèges pour ne faire régner que la loi. Mais vous savez, Monsieur le President, moa ministère est un ministère de paix et de charité. Il serait bien consolaut, bien encourageant pour moi de débuter dans la carrière épineuse dans