358 [Âsserpblée nationale.] velle, l’un des plus beaux monuments de la grandeur romaine, s’est plu à étendre ce rapport intéressant, et il a trouvé satisfaisant de penser que les affaires générales du département du Gard pourraient être réglées par ses administrateurs rassemblés dans la maison carrée. Depuis 1689 seulement, elle sert d’église apx révérends pères Augustins, à qui la donna Louis XIV ; leur couvent fut construit; topt auprès : les cinq ou six religieux qu’il renfermait d’ordinaire sont actuellement réduits à deux, et cette maison nationale ne saurait tarder à être sans emploi. L’administration de la ci-devant province, magnifique et libérale, en avait presque prononcé la destruction pour isoler l’antique édifice au milieu d’une place publique. Le conseil du département observe ensuite que la démolition récente des remparts l’a suffisamment développé dans toutes ses faces, et il vous demande à l’occuper lui-même, afin de veiller constamment à la conservation d’un monument si précieux, et à son entretien, dont il se chargerait de faire les frais : c’était l’hôtel de ville de Nîmes au douzième siècle ; abandonné depuis, il souffrit des dégradations considérables, et le consacrer dans ce moment aux travaux d’une administration populaire et paternelle, ce serait assurer la durée éternelle de ce majestueux bâtiment, et lier dans l’esprit des étrangers, qui accourent de toutes parts pour l’admirer, la vue du plus beau gage de la perfection des arts chez les Romains, à l’idée du plus doux bienfait de la régénération des lois chez les Français. Presque sans dépense le conseil général pourrait en faire le lieu de ses séances, et il lui permettrait de les rendre publiques, vœu qui vous a déjà été présenté par plusieurs départements, et qui doit être encore plus celui des administrateurs que des citoyens qui les ont choisis. La maison des Augustins a cent onze toises carrées (je surface; sa valeur n’est pas de plus de 18,000 livres; et le devis, joint à la lettre, prouve qu’une somme de 2,400 livres suffira à tout, d’où il résulte qu’il serait impossible de trouver un emplacement qui réunît plus d’économie et d’avantages. Le conseil du département demande donc que l’Assemblée lui permette de louer ou d’acquérir cette maison dès qu’elle sera libre, vu que l’église de la maison carrée ne sera d’aucune utilité pour le culte divin dans Nîmes, dès que les Au-gustius n’occuperont plus leur couvent. Cette adresse est terminée par un morceau de haute expression, et d’un genre vraiment élevé. « Par cette inauguration nouvelle de la basili-« que, jadis consacrée aux petits-fils d’Auguste, « un monument d’adulation et de servitude sera « transformé en un monument de patriotisme et « de félicité : ainsi, après avoir, pendant dix-« huit siècles, attesté la magnificence et le goût « délicat d’un peuple que le despotisme corn-« mençait à corrompre, il deviendra l’heureux « théâtre de ces vertus mâles et sévères qu’ins-« pire le titre : acre de citoyen libre; et construit « l’année même où commença Père chrétienne, « il servira encore à marquer à jamais, aux yeux « des habitants de cette contrée, l’époque mémo-« rable de cette grande Révolution, qui, par sa « vaste influence sur toutes les nations, sera « peut-être justement appelée, par la postérité, « 1ère française. » Lorsque l’on voit le pont du Gard, les arènes et la maison carrée de Nîmes, réunis presque dans un même point, on se dit : un grand peu-[21 janvier 1791.] pie a passé par là... voilà des pas de Romains Après avoir mis son idiome dans la bouche, et ses lois dans le cœur de presque tous les peuples, il a chargé tous les arts d’écrire son histoire. Dans le nombre des monuments qu’il a élevés, il en est que le temps (cet agent invisible qui démolit en silence) n’a pu ou n’a osé frapper ; et l’édifice dont nous parlons est encore debout. Il avait été abandonné aux mains des moines, et telle a été la destinée commune des' monuments que les siècles nous ont légués. Cette tour ou Demosthène allait s’exercer sur les bords de la mer. et d’où la liberté semble encore se montrer aux Grecs, est devepue un clocher des capucins. Quand on demande à Tivoli où demeuraient Properce, Horace et surtout Lesfiie, on vous montre les Camaldules et encore des capucins. L’on ne rencontre plus guère, sur le Capitole, que des pèlerins, des mendiants et des récollets.' César, Cicéron, Auguste n’avaient pas précisément compté sur ces successeurs-là: c’est la tragédie du temps, lui. seul connaît le sublime des contrastes. Aujourd’hui que les moines ne sont plus, est-il un vœu plus raisonnable que de consàcrèr à jà liberté un monument aussi digne d’elle? Par la plus remarquable [les métempsycosps, il qrrivpfa que ce sera pour elle que l’aura bâti çe peuple, qui, ge croyant encore le roi dé la terre, n’était plus que l’esclave d’un empereur. Les Français , dit Rousseau, en parlant des arènes de Nîmes, et comparant ce vqstp et superbe cirque à celui de Vérone, moins beau, mais entretenu, mais conservé, tes Français n'ont soin de rien, et ne respectent aucun xuopfufment ; ils sont tout feu pour entreprendre , ils ne savent rien finir ni rien entretenir . Avertis par cptte objurgation, les Etats de Languedoc liréiqt réparer les arènes. La liberté se laissera-t-elîe vaincre en vénération pour des monuments respectés par tant de siècles, et en SQios pour leur auguste vieillesse? C’est un des beaux patrimoines que puisse avoir une nation, et leurs ruipes mêmes parlent encore à tous les âges. Si donc il y a un domaine national vraiment inaliénable, dont nous devions assurer là conservation et soigner l’existence, c’est la maison carrée ; aussi le département du Gard ne de-mande-t-il pas de l’acquérir, mais seulement d’y tenir ses séances, en se chargeant de l’entretenir d’une manière convenable. Votre comité a pensé que, non seulement rien ne s’opposait à ce que cettepétition fût accueillie, mais qq’eile méritait une juste approbation. On est digne de posséder un tel monumenj,, quand on en sent bien tout le prix ; et ces mots : L’administration du Gard demande d'occuper et de soigner la maison carrée présentent à l’esprit un grand et touchant résultat d’idées. Quant à la permission d’acquérir la maison des Augustins, pour y placer les bureaux et tout ce qui est nécessaire au service de l’administration, il a paru à votre comité qu’elle ne pouvait rencontrer dé contradiction; c’est le vœu des convenances, c’est celui de l’économie. La maison carrée devenant le lieu des séances du département, le monastère des Augustins devient l’emplacement nécessaire de ses bureaux. L’édifice est modeste, le prix de l’acquisition et des arrangements intérieurs sera faible ; ainsi tout se réunit pour faire réussir la double proposition du département du Gard. Le décret que votre comité va vous soumettre sera donc un décret conservateur, et il est si doux de conserver : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (21 janvier 1791.] 359 comité de remplacement des tribunaux, autorise le département du G ird à acheter la maison ou couvent des Augustins, pour remplir le service ordinaire de l’administration, en observant les formes prescrites pour l’aliénation des domaines nationaux; et approuvant ses vues pour l’entretien d’un monument précieux à conserver, lui permet de tenir ses séances clans la maison carrée, à la charge, ainsi qu’il l’offre, de l’entretenir d’une manière convenable, aux frais des administrés. » (Le projet de décret est adopté.) L’Assemblée ordonne l’impression de ce rapport. M. Raband-Saint-Ettenne, rapporteur du comité de Constitution (1). Messieurs, je viens vous demander, au nom de votre comité de Constitution, un décret que le respect dû aux lois et à leur majesté rend nécessaire, et que les circonstances rendent instant. Voici quel en est l’objet : Le théâtre de Monsieur a eu avec Mlle de *Mon-tensier, au Châtelet ..... (Murmures.) J’ai annoncé que c’était un objet qui intéressait le respect dû à la loi et à vos décrets; c’est en leur nom que je vous prie de m’entendre. L’objet du procès, Messieurs, c’était une redevance dont la demoiselle de Montensier demandait le payement. Cette redevance avait été imposée aux entrepreneurs du théâtre de Monsieur, en leur accordant le privilège. Il est dit dans l’acte que les entrepreneurs s’y soumettent, d’après la décision de Monsieur, et qu’ils la payeront tant que Monsieur leur conservera ce privilège. Le Châtelet vient de juger que cette cause était légitime, que les privilèges du théâtre n’avaient jamais cessé d’exister, ni dans le fait, ni dans le droit, et il a condamné les entrepreneurs à payer la redevance. Le comité n’a rien à vous dire sur le jugement du fond, et ce n’est pas de quoi je viens vous entretenir. C’est aux tribunaux que vous avez institués qu’il appartiendra de prononcer conformément à la lot ; mais le comité a dû vous porter la plainte qui lui a été adressée sur l’espèce de souveraineté que vient de s’arroger le Châtelet, et qui porte l’alarme dans l’esprit de ceux qui sont encore exposés pour quelques jours à ces procédés arbitraires. Les entrepreneurs ont interjeté appel de la sentence; mais où porter cet appel? Il n’y a point de tribunal en activité. Les entrepreneurs ont prétendu, aux termes de l’ordonnance de 1667, que cette ordonnance ne devait pas être exécutée nonobstant l’appel, ou au moins qu’elle ne devait l’être qu’en donnant caution. Ils ont, dans tous les cas, offert de déposer la somme à laquelle ils étaient condamnés jusqu’au jugement définitif. Cette prétention était fondée sur la jurisprudence passée; elle l’était aussi sur la jurisprudence actuelle, puisque vous avez établi deux degrés de juridiction, et qu’il n’est pas permis d’éluder cette disposition. Les entrepreneurs étaient donc fondés à dire qu’on ne peut être définitivement dépouillé que par un jugement définitif; mais on a joué sur le théâtre de Monsieur le procès de Socrate , et sans doute il est resté au Châtelet de profonds souvenirs de Méliius, de cette fameuse phrase... ( Interruptions , murmures et applaudissements.) (1) Nous empruntons cette discussion au Journal logographique, t. XX, p. 237 et suivantes. M. Martineau. Il n’est pas permis, dans une assemblée législative, d’inculper un tribunal. Plusieurs voix: L’ordre du jour! M. Ifcabaud-Saint-Etienne , rapporteur. Hier, M. Boucher d’Argis a prononcé en référé dans son cabinet que la sentence serait exécutée, nonobstant l’appel, sans que la partie prenante donnât caution. Il a rejeté enfin l’offre du dépôt; voilà, Messieurs, ce que je voulais vous soumettre. Je n’ai pas besoin de vous faire observer, Messieurs, que le Châtelet a abusé étrangement de l’inaction des tribunaux souverains, que cette forme rend la sentence du Châtelet souveraine, puisqu’elle la fait exécuter définitivement. Il a consommé cet acte de tyrannie arbitraire qui interdit aux appelants la faculté d’appeler. Cependant le Châtelet peut jouir encore quatre jours de cette dangereuse usurpation de droit. Quatre jours peuvent immoler plusieurs victimes (Murmures.) et si le Châtelet dirige cette pleine puissance judiciaire, contre les plaideurs dont il pourrait personnellement avoir à se plaindre, plusieurs citoyens doivent être les victimes de ce caprice. Ne dût-il y en avoir qu’un seul, vous lui devez votre protection; vous devez à la sainteté des lois d’en consacrer les principes lorsqu’ils sont publiquement violés. Il est juste que les citoyens, qui plaident au Châtelet en première instance, jouissent pleinement et sans détour de la faculté de l’appel. Il est juste que les tribunaux que vous avez créés ne deviennent pas pour les plaideurs une ressource illusoire ; il est juste qu’une sentence du Châtelet ne soit provisoirement exécutée qu’en donnant camion, afin que l’appelant ne soit pas exposé à se voir dépouillé avant la sentence définitive; il est juste qu’au moins le condamné, sur une demande qui ne serait pas fondée en titre authentique, et qui a interjeté appel, ait la faculté de déposer la somme à laquelle il a été condamné, pour qu’il sache où la retrouver si la sentence définitive le relève. Le comité de Constitution vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution, décrète que, jusqu’à l’installation des tribunaux de district de Paris, les sentences du Châtelet en matière civile ne seront exécutoires qu’eu donnant caution par ceux au profit de qui elles seront, sauf à l’appelant, dans le cas où la sentence ne serait pas fondée en titre authentique, à déposer la somme à laquelle il. aura été condamné. L’Assemblée nationale ordonne à son président de se retirer dans le jour par devers le roi pour donner sa sanction au présent décret. » M. Martineau. S’il était question de justifier la sentence du Châtelet, je demanderais que M. le rapporteur voulût bien nous rendre un compte détaillé de toute la procédure et des pièces ..... Plusieurs membres : Aux voix ! M. Martineau. On ne le peut pas sans discussion. Vous, jurisconsultes, venez prendre ma place. Je dis, Messieurs, que ma demande est dans les règles de la plus stricte justice, parce qu’il est de toute impossibilité de décider si un tribunal a bien ou mal jugé sans connaître les pièces ou les faits. On vient de vous annoncer que c’était un despotisme, une tyrannie. (Les termes ne sont