SÉANCE DU 1er VENDÉMIAIRE AN III (LUNDI 22 SEPTEMBRE 1794) - N° 11 345 Le 20 fructidor, deux citoyens de la section de l’Unité déposèrent sur le bureau de l’assemblée générale une adresse attribuée à la société populaire de Dijon. Après en avoir entendu la lecture, l’assemblée fit éclater son indignation d’un manière bien prononcée : elle arrêta de suite que plusieurs de ses membres se transporteroient dans les diverses sections de Paris, à l’effet d’y manifester les sentimens d’indignation dont elle s’étoit sentie pénétrée sur les résultats de ces demandes. Le 30 fructidor, le commissaire de police de la section de Châlier vint (ainsi que son président l’avoit promis à ceux qui, le décadi d’auparavant, lui avoit remis notre arrêté) rendre compte de la manière dont l’adresse des Di-jonnais avoit été accueillie dans leur assemblée ; il n’ignoroit pas nos sentimens à cet égard, puisqu’il étoit chargé d’y répondre ; mais se croyant assez adroit pour nous faire rapporter notre arrêté, il flagorna long-temps les citoyens pour obtenir la permission de relire cette adresse, dont nous n’avions peut-être pas bien pu, disoit-il, saisir l’esprit à la première lecture ; il fut donc entendu avec ce calme qui mûrit la réflexion ; et si son collègue ne se fût pas chargé de l’applaudir, il auroit apprécié la valeur de notre silence. L’assemblée, pour la seconde fois, rejeta ce chef-d’œuvre de perfidie dont vous aviez précédemment fait justice ; mais elle ne put contenir son indignation lorsque le colporteur de l’adresse élevant la voix, dit qu’il alloit se retirer, afin que les contre-révolutionnaires ne pussent pas l’accuser d’avoir influencé la délibération : Arrêtez, lui dit le président avec véhémence : je vous ordonne au nom de l’assemblée que vous venez d’outrager d’une manière aussi indécente que coupable, d’assister jusqu’à la fin des débats qui vont avoir lieu sur cette adresse. Témoin muet des délibérations, il vit établir les grands principes qui fondent les Républiques, et dévoiler d’une main hardie les vices et les crimes qui les anéantissent ; il dut s’appercevoir à travers son trouble, de l’animadversion de l’assemblée, surtout lorsqu’il mit sur la même ligne, pour son point de ralliement la Convention nationale et les Jacobins (19). Nous ne donnons point dans un piège aussi grossier; nous savons que la République est une et indivisible comme la représentation nationale. Nous sommes soumis aux lois; et quiconque est plus sévère que la loi, est un tyran à nos yeux. Nos cœurs, nos bras et notre sang appartiennent à la République ; tout ce qui blesse la raison et les principes de la justice, ne peut avoir le suffrage des républicains. Que d’autres se déhonorent en proposant le retour du règne de la tyrannie : ils creusent leurs tombeaux, lorsqu’ils rappellent les maximes de l’oppression. Dans tous les temps, dans toutes les circonstances périlleuses, la section du Panthéon-Français aura pour banière la déclaration des droits, et (19) Insistance de la majorité des gazettes sur ce point : Ann. Pair., n° 630; J. Fr., n° 727 ; C. Eg., n° 765. pour unique point de ralliement la représentation nationale. [(On applaudit )] (20). Législateurs, notre horizon politique se rembrunit ; des nuages pleins de météores sulfureux s’amoncellent sur nos têtes ; tout semble présager qu’il se médite encore dans l’ombre quelque nouvel attentat. Convention nationale ! reste toujours pénétrée des grands intérêts confiés à tes soins, et nous serons pour toi la flèche électrique qui te préservera de l’orage. Surveillons ces fabri-cateurs de révolutions ; disons-leur, si l’exemple récent d’une commune conspiratrice conduite à l’échafaud, malgré les immenses moyens de rébellion qui sembloient être aux ordres de son chef, ne peut vous effrayer et vous contenir, sachez qu’un peuple vraiment républicain ne dort plus maintenant qu’appuyé sur ses armes ; qu’au moindre mouvement, il saura préserver la représentation nationale de toute atteinte et faire rentrer dans le néant ceux qui s’enorgueillissent d’en être à peine sortis. Justice, probité, courage, vous saurez épouvanter la terreur qui n’a peut être bientôt plus qu’une période à exister pour être à jamais rayée dans les fastes de la République (21). D’après ces considérations, l’assemblée générale de la section du Panthéon français nous a chargés de vous informer que, persistant dans son arrêté du 20 fructidor dernier, qui improuvoit l’adresse de la société populaire de Dijon, et l’adhésion de la section de l’Unité, elle improuve également l’arrêté et l’adhésion de la section Chalier, comme contraire aux principes de la liberté et de la Convention nationale. L’assemblée générale nomme pour ses commissaires, à l’effet de porter son vœu, les citoyens Chatelin, Le Clerc, Hardy, Garnier, Mourot, Desormaux, Merceraux, Koen, Serin et Dimpre (22). La Convention applaudit vivement à cette pétition et en ordonne la mention honorable et l’insertion en entier au bulletin (23). 11 La société populaire d’Argenton [département de l’Indre], peu nombreuse et composée de membres peu fortunés, ajoute à l’adresse envoyée à la Convention, dans laquelle elle l’invite à continuer ses honorables travaux et à déjouer sur-tout les trames des ennemis de la patrie, un don de 2 578 L en assignats, et (20) Moniteur, XXII, 54. (21) Bull., 2 vend.(suppL). Moniteur, XXII, 53-54 ; Débats, n° 731, 6-7 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727. (22) Bull., 2 vend, (suppl.). (23) Moniteur, XXII, 54. Débats, n° 731, 7 ; Bull., 2 vend. (suppl.) ; C. Eg., n° 765 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146; M.U., XLIV, 12 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 765 ; Gazette Fr., n° 996 ; Ann. R.F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 730. J. Paris, n° 2. 346 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 120 L en numéraire, 9 marcs d’argent et environ 2 marcs de galons or et argent, qu’elle destine pour la construction d’un vaisseau qui rappelle le nom et la gloire du Vengeur. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi du don à la trésorerie nationale (24). [La société populaire d’Argenton à la Convention nationale, le 28 fructidor an IT] (25) Citoyens représentans, La société popullaire d’Argenton peu nombreuse et composée de membres peu fortunés, n’est cependant pas restée en arrière lorsqu’il s’est agi de venir au secours des déffenseurs de la patrie; déjà vous avez accueilli honno-rablement les différents dons par lesquels elle vous a témoigné son attachement et sa re-connoissance, elle espere que vous ferez le même accueil au nouveau don qu’elle vient de déposer chez le receveur du district d’Argenton de cent quatre vingt deux chemises et quatorze paires de souillers. Un evennement digne du nom français, l’intrépidité et le dévouement sans exemple des braves patriotes qui sur le vaisseau Le Vengeur se sont aquis une gloire immortelle, a redoublé les efforts de la société, elle nous a chargé de vous offrir la somme de deux milles cinq cent soixante dix huit livres en assignats, cent vingt livres en numéraire, neuf marcs d’argent et environ deux marcs de galons or et argent ; elle destine ce don à la construction d’un vaisseau qui rappellera le nom et la gloire du Vengeur. Elle vous observe que dans la somme en assignats il s’en trouve un de deux cent livres à la face du tiran qui dans un temps trop voisin de la publication de la loy avoit été mis dans sa caisse pour les besoins de la patrie, et que cette circonstance n’a pas permis d’échanger. Continuez, Représentans à déjouer les trames des ennemis de la patrie, conservez contre eux cette énergie qui vous a rendu plus chers encore aux patriotes, protégez ces derniers et soyez assurés de la reconnoissance et de l’attachement des Français que partage bien sincèrement la société populaire d’Argenton. Salut et fraternité. Pépin, président, Bernard, secrétaire. 12 Le citoyen Jugon, le jeune [Ingouf, le jeune], fait hommage d’une gravure qui re-(24) P.-V., XLVI, 3-4. (25) C 321, pl. 1339, p. 2. Mention du don dans Bull., 6 vend, (suppl.). présente dans le même tableau la révolution périodique de la lumière et des ténèbres, c’est-à-dire, des jours et des nuits d’une année entière. Mention honorable, insertion au bulletin, et le renvoi au comité d’instruction publique (26). Le citoyen Ingouf le jeune présente à la Convention un tableau dont les combinaisons donnent naturellement, par les heures, la mesure exacte d’un jour, d’un mois, d’une année, de la vie même, dont il est l’emblème le plus frappant (27). Législateurs, Il n’est aucun homme raisonnable qui n’avoue que les beaux arts, bien dirigés, éclairent l’esprit, polissent les mœurs, et réunissent les hommes. Il n’en est aucun qui ne sache que les beaux arts seuls peuvent peindre aux yeux les grands événemens, les traits des hommes célèbres, et les monumens de l’antiquité. Tous les temps, la nature entière, leur sont soumis, et rien de visible n’est échappé au pinceau et au burin ; mais il manquoit à la gloire des arts d’avoir cherché à rendre le grand et merveilleux spectacle de la lumière et des ténèbres, dont la révolution périodique et si artistement compassée indique le temps du travail et celui du repos. J’ai osé peindre cette scène ravissante de la nature ; j’ai entrepris de représenter sous le même aspect la masse totale des jours et des nuits dans une année entière. Pour compléter l’intérêt de ce monument, et le rendre aussi utile à nos usages civils qu’à nos principes moraux, j’y ai joint un calendrier et un cadran chronologique de l’ère vulgaire et de l’ère républicaine ; cette concordance entre les deux styles le rend d’une utilité absolue pour les relations commerciales et pour l’intelligence de l’histoire, première base de notre éducation nationale. Les combinaisons qui forment le tableau que j’offre à la Convention, donnent naturellement, par les heures, la mesure exacte d’un jour, d’un mois, d’une année, de la vie même dont il est l’emblème le plus frappant : le sage méditera sur la brièveté de la vie dont ce tableau lui montre les deux extrémités. Il verra, dans les douze mois partagés en quatre parties égales, les quatre âges de la vie humaine. Législateurs, agréez l’hommage de mon travail ; je serai heureux s’il répond à mon zèle, et s’il peut être de quelqu’utilité à mes concitoyens (28). La Convention décrète la mention honorable du zèle de Ingouf, l’insertion de son adresse au Bulletin, et le renvoi au comité d’instruction publique (29). (26) P.-V., XLVI, 4. (27) Ann. Patr., n° 630. J. Mont., n° 150. (28) Bull., 3 vend. ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Mont., n° 150. (29) Ann. Patr., n° 630.