[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 octobre 1790.] 681 surprit ainsi la bonne foi de plusieurs membres de cette Assemblée, en faisant passer un décret qui déclare que les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, mais qu’elle n’en disposera que d’après les renseignements et le vœu des provinces. Est-ce là, Messieurs, un titre de propriété ? Est-ce avec une pareille clause que quelqu’un d’entre vous croirait ou voudrait devenir propriétaire? Ce mot de propriété est-il donc assez indifférent, pour qu’on puisse le suppléer par une périphrase? Avez-vous été assez modérés envers le clergé, pour vous flatter que, dans un temps calme, on interprétera vos décrets contre nous, pour en augmenter encore la rigueur ! Croira-t-on sérieusement à une propriété que vous n’avez pas osé vous attribuer vous-mêmes? Un mari a les biens de sa femme à sa disposition : en est-il pour cela le véritable propriétaire? Avez -vous consulté les provinces, comme vous vous y êtes engagés par votre décret? Cette condition dirimante a-t-elle été remplie? « Voilà, Messieurs, de sérieuses réflexions que les bénéficiers d’Alsace auraient pu suggérer à leurs concitoyens ; je les dilvugue hautement dans cette Assemblée, et je vous déclare que je les répandrai dans tout le royaume. L’avidité sera-t-elle assez hardie pour ne pas s’arrêter, pour ne pas réfléchir du moins sur les bords de l’abîme où l’on se flatte de nous avoir précipités? Mais que m’importe son audace, qui sera d’autant moins dangereuse, qu’elle aura moins calculé les dangers de l’avenir ? Je le répèle, Messieurs, faites-y vous-mêmes de sérieuses réflexions. Oui, réfléchissez, il en est temps, l’Europe vous observe, la France commence à vous juger ; et si l’opinion publique vous échappe, uel sera le sort de tant de décrets qui partent e cette Assemblée pour porter chaque jour la désolation dans toutes nos provinces ? L’enthousiasme ne règne qu’un moment : la raison, la justice, la vérité sont éternelles. « Je conclus donc à ce que l’Assemblée nationale, faisant droit sur l’ajournement prononcé le 22 septembre 1789, au sujet de la demande du clergé d’Alsace, mette à l’ordre du jour, mercredi prochain, la discussion des titres particuliers qui doivent établir une exception en faveur du clergé decetteprovince, relativement aux ecclésiastiques ; et que sur le surplus des conclusions du comité, elle déclare qu’il n’y a lieu à délibérer. « Je demande d’avance la parole, pour défendre le clergé d’Alsace avec le traité de Westphalie à la main. » Enfin, l’éloquence foudroyante de M. l’abbé Maury a une fois triomphé de la fureur des ennemis du clergé. La délation calomnieuse du maire luthérien, le rapport insidieux et l’érudition allemande de M. Ghasset, les sophismes puériles de M. de Lameth, la bile de M. Rewbel, la haine universelle contre le clergé, toutes les passions ont été forcées de céder à l’empire de la raison, du sentiment, de l’éloquence, portés à leur plus haut degré. Les hommes sanguinaires, qui se faisaient une fête de voir un nombre considérable d’ecclésiastiques, distingués par leur naissance et leurs dignités, livrés à ce tribunal dont ils hâtent la création, pour avoir des juges qui jugeront dans le sens de la Révolution, ces hommes altérés de sang ont frémi en voyant M. l’abbé Maury arracher à leur fureur ces victimes qu’ils destinaient en holocauste à la Constitution. Mais enfin ils ont été contraints de les abandonner, et l’on n’a osé même blâmer la conduite des chapitres accusés. Un grand nombre de personnes bien intentionnées pensent que la minorité devrait ou rester muette ou se retirer de l’Assemblée, puisque ses avis les plus sages, les mieux motivés, ne sont jamais écoutés : on voit, par cette exemple, que la présence des Maury, des Cazalès, etc., est nécessaire, que s’ils ne produisent pas tous les biens qu’on devrait en attendre, ils écartent du moins bien des maux qui achèveraient de perdre la France, s’ils ne s’opposaient au torrent destructeur. Dernièrement n’ont-ils pas arrêté ce déluge de deux milliards trois cents millions d’assignats dont on menaçait de nous inonder? Aujourd’hui, voilà que l’abbé Maury sauve à l’Assemblée et à la nation, la honte d’une procédure criminelle, qui eût été presque aussi flétrissante pour elle, que l’extinction de celle du Châtelet. Je suis persuadé que l’Assemblée entière, rendue quelque jour à elle-même, remerciera M. l’abbé Maury d’avoir mis, par son éloquence victorieuse, un frein solutaire aux ennemis du clergé. La question sur la propriété inviolable du clergé d’Alsace n’a pas été discutée; l’Assemblée l’a enveloppée dans la proscription générale du clergé catholique, au mépris des traités de Westphalie et de Ryswick, au risque de voir les possessions du clergé alsacien défendues par toutes les forces de l’Allemagne, dont tous les princes, dans l’Assemblée de Francfort, ont unanimement décidé, par leurs plénipotentiaires, qu’ils ratifiaient les traités de garantie. Quelle témérité de la part de nos législateurs! ce qu’il est malheureux que M. l’abbé Maury n’ait pas pu discuter cette grande et belle question, et sauver la nation du danger d’une guerre ruineuse, comme il lui a épargné la honte et l’opprobre d’une procédure atroce ! ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 OCTOBRE 1790. Nota. Le document ci-dessous se rattachant à la discussion relative au clergé d’Alsace, nous l’annexons à la séance dans laquelle cette affaire a été discutée. Lettre de M. l’abbé d’Eymar, député du clergé d'Alsace, à M. le Président de l’ Assemblé nationale. Monsieur le Président, j’ai à regretter doublement qu’une absence par congé, à raison de ma santé, m’ait empêché d’être présent à la séance du 17 de ce mois, puisque, d’une part, elle m’a privé d’éclairer la justice de l’Assemblée nationale sur une dénonciation illégale et calomnieuse faite par le maire de Strasbourg contre une partie du clergé de cette ville, et que, de l’autre, j’eusse probablement contenu celui de mes collègues qui s’est permis contre moi, avec aussi peu de décence que de fondement, et surtout avec beaucoup de lâcheté, puisqu’il a profité de mon absence pour la hasarder, l’inculpation la moins méritée. Je me hâte, Monsieur le Président, de réparer ces torts involontaires, en vous adressant cette lettre, dont je vous prie de vouloir bien donner lecture à l’Assemblée nationale. J’oseespérer qu’elle ne refusera pas de consacrer quelques moments à entendre la justification d’un de ses membres, et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [17 octobre 1790.] à recevoir des éclaircissements qui intéressent essentiellement la sagesse et l’équité de se3 décrets. Je n’ai rien à ajouter à la discussion lumineuse de M. l’abbé Maury, faite en suite du rapport du comité ecclésiastique. Les causes que défend cet orateur éloquent, peuvent bien n’être pas couronnées de succès, mais elles ne continueront pas moins d’ajouter à sa gloire et à confirmer l’opinion universelle qu’il a donnée de ses talents. Je dois établir cependant la connaissance de certains faits dont cet honorable membre n’a pu être informé, lorsqu’il a eu l’honnêlé d’improviser en faveur du clergé d’Alsace et de son député, et qu’il n’a eu d’autre document que le texte même du décret du 22 septembre, dont il s’agissait d’expliquer l'intention , l'application et la rédaction, Monsieur le Président, l'intention du décret suspensif du 22 septembre ne peut être douteuse que pour ceux qui se plairont à contester ce qu’il y a de plus clair et de mieux prouvé. Si le dire de M. Rewbell, que j’ai lu dans un journal, est fidèlement rapporté, il a été évidemment trompé par sa mémoire, en avançant qu’avant le 22 septembre , on avait différentes fois voulu insérer dans le procès-verbal, parmi les adresses, des protestations dont l'Assemblée avait ordonné la radiation. Les mémoires différents que le clergé de la basse Alsace et son prince évêque ont soumis par mon organe à la justice de l’Assemblée nationale, le 22 septembre, ont annoncé et manifesté pour la première fois leurs réclamations en vertu des traités qui les ont réunis volontairement à la France. Je vous prie de faire attention que ces mémoires, comme ceux de la noblesse de cette province, et ceux mêmes des princes de l’Empire, présentés ou publiés à la même époque, étaient une suite de notre adhésion conditionnelle aux décrets des 4 et o août précédent. L’Assemblée nationale n’a donc pu les rejeter provisoirement comme des répétitions de protestations, dont elle avait déjà ordonné la radiation. Que je suis éloigné. Monsieur le Président, d’adopter encore l’idée, que le même opinant a cherché à faire naître, lorsqu’il a prétendu qu’une question de cette importance, liée avec tout ce que le droit public offre de plus imposant, question recommandée par le roi et par l’un de ses ministres à la plus sérieuse attention de l'Assemblée, eût pu être confondue avec des adresses particulières de félicitation et autres de ce genre cités par M. Rewbell. Ce serait se jouer de la sagesse et de la justice de l’Assemblée que de vouloir persuader qu’elle n’a fait aucune distinction entre cette demande et les objets de remplissage destinés alors à l’ouverture de nos séances. L’Assemblée devait une réponse affirmative ou négative à cette première invocation du clergé, ou elle était obligée d’annoncer qu’elle s’en occuperait par un oecret d’ajournement. Eût-il été de sa prudence de prononcer sur nos réclamations sans ordonner un examen préalable des motifs qui les étayaient ? elle n’a pas cru devoir statuer encore sur cet examen, elle a donc pris le seul parti qui lui restait à prendre : celui d’ajourner la question, d’ajourner nos réclamations. L’Assemblée a donc véritablement ajourné. Toute autre interprétation est, à mon avis, un manque de respect pour l’Assemblée, puisqu’elle lui supposerait une incurie et une légéreté sans doute bien éloignée de ses principes. Je prends acte également de l’aveu de M. Lavie qui a avancé avec vérité que les mémoires du clergé n'ont pas été lus : certainement l’Assemblée est trop juste pour annuler des réclamations sans les lire, ou sans se faire rendre compte des mémoires où sont consignés les titres et les motifs des réclamants. Elle a donc renvoyé l’examen et la discussion de ces objets majeurs au temps où elle pourraits’en occuper avec tranquillité; elle a donc prononcé un ajournement. S’il était nécessaire d’ajouter à un exposé aussi tranchant, des preuves nouvelles et décisives, de l’intention réelle de l’Assemblée et de la persuasion non interrompue où nous avons été nous-même de sa volonté, j’aurais l’honneur de rappeler que, depuis l’époque du 22 septembre 1789, je n’ai pas une seule fois, à la tribune, parlé sur les affaires d’Alsace, sans faire mention, de la manière la plus formelle, de l’ajournement dont il s’agit. Le 14 avril, non seulement je l’ai nommé, en prononçant un discours sur la constitution civile du clergé, mais j’annonçai que toute l’Alsace en attendait l’effet. Je sollicitai encore de la justice de l’Assemblée d’y mettre tin, en nous permettant de produire nos titres et de défendre la cause d'une des plus anciennes églises du monde chrétien. Il ne vint dans la pensée de personne de contester l’ajournement. Le 18 mai, et c’est celui encore où j’ai repoussé avec les armes de la vérité des inculpations calomnieuses du maire de Strasbourg contre la portion si respectable du clergé catholique en Alsace, ce même jour, dis-je, je sollicitais la permission de faire lecture du décret du 22 septembre, en motivant celte pétition sur ce que quelques membres avaient paru douter de l’ajournement qu’il contenait. Une majorité d’une voix se fit entendre pour dire qu’on le connaissait et que personne ne le niait. Un très grand nombre de députés se rappelleront aisément ce fait : J’invoque leur témoignage, j’invoque celui de quiconque se pique de raison et de bonne foi, pour prononcer sur l’existence de l’ajournement qu’on n’a pas craint, tout récemment, de mettre en problème. Quant à l 'application de ce décret suspensif, faite par le clergé d’Alsace, elle est fondée en justice et en raison. Ce clergé, en vertu des traités de Westphalie et de Ryswick ayant eu, jusqu’à ce jour, un mode d’existence absolument distinct de celui du clergé de France, étranger à ses dettes comme à son régime, a invoqué ces traités pour démontrer qu’il ne doit point subir le sort auquel celui du royaume a été condamné ; il a dû constamment espérer que l’Assemblée nationale aurait égard à ses justes représentations : il a dû considérer le décret suspensif du 22 septembre comme un acte de prudence de la part des législateurs, qui ont voulu avoir le temps de réfléchir sur la question délicate qui leur était soumise, et chercher les moyens de concilier ce qu’ils devaient à la justice avec le système général qu’ils avaient adopté. D’après cette présomption légitime, des membres du clergé n’ont-ils pas pu dire à leurs fermiers, dans le mois d’octobre, ce que j’avais l’honneur de prononcer à la tribune, le il avril et le 18 mai : Rien n’est encore décidé par rapport à nous, et nous nous trouvons , par le fait de l'ajournement, dans notre état primitif, jusqu'à ce qu'il en soit ordonné autrement. Tel est l’esprit de la circulaire allemande que plusieurs chapitres ont adressé à leurs comptables. Je joins ici, Monsieur le Président, une traduction légale de cette lettre, ainsi qu’une copie légale aussi de la traduction eu allemand du décret du 22 septembre. N’ai-je pas à déplorer, et l’Assetûblée elle- (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 octobre 1790.] même ne déplorera-t-elle de son côté que le rapporteur de son comité, hors d’état de juger de la fidélité ou de l’infidélité d’une traduction, puisque M. Chasset ignore la langue dans laquelle est conçue, en origine, l’écrit dénoncé, ait pu s’en fier au dénonciateur lui-même, toujours suspect, toujours récusable sous tous les régimes, dans tout code législatif, et qu’il n’ait pas craint, sans un examen préalable et légal, de proposer à l’Assemblée nationale une condamnation sévère, un décret sanguinaire qui, s’il avait été adopté pouvait livrer l’innocent entre les mains de son accusateur, et par conséquent de son ennemi? J’ose donc me plaindre, au nom de ce même clergé, qu’on ait voulu traiter cette application de criminelle et propre à soulever les peuples, qu’on ait applaudi aux conséquences que la duplicité et la malice en ont tirées. Je rejette et je désavoue également la pitié fausse et insultante de ceux qui ont prétendu excuser le clergé en disant qu’il avait pu être induit en erreur. Le clergé d’Alsace n’a pu être trompé, car il a lu expressément qu’il existait un décret d’ajournement : il n’a pas voulu tromper, car il n’a fait qu’envoyer la traduction simple et exacte de ce décret. L’induction qu’il en a tirée découle naturellement et nécessairement du principe. Sans doute, il a pu se flatter que des traités solennels, garantis par des puissances voisines, seraient respectés ; et lorsqu’il les a vus invoqués avec succès, par les églises protestantes de la conférence d’Augsbourg, il a dû espérer la même justice pour lui. En faisant cette observation, il est loin de son esprit et de son cœur de porter envie à ceux de nos frères qui ont obtenu ce décret, qui maintient les ministres du culte protestant dans leur possession. La manière dont je me suis expliqué à la tribune le 17 août dernier, sur la demande des protestants de la Confession d’Augsbourg, dans cette province, est un gage certain et non équivoque, je crois, de mes sentiments à cet égard et de ceux du clergé, que j'ai l’honneur de représenter. Elle rappelle que j’ai été assez heureux pour concourir à un acte d’équité, et de la politique la mieux entendue. Je ne dirai qu’un mot, Monsieur le Président, pour confondre celui qui a osé, avec la témérité la plus impudente, jeter des soupçons sur la rédaction du décret du 22 septembre. Cette calomnie ne sert qu’à manifester combien M. Lavie, qui s’élevait contre le sens véritable du décret, était contrarié par le texte de sa rédaction, puisqu’il a été obligé de s’attacher à une chicane aussi odieuse, pour échapper à la vérité qui le pressait. Il est vrai, qu’à l’époque du 22 septembre, j’avais l’honneur d’être l’un des secrétaires de l’Assemblée; mais il est tout aussi vrai que, ce même jour, ce n’était point à mon tour de rédiger le procès-verbal : c’est un de mes cinq collègues qui a rempli cette fonction. 11 est d’autant plus aisé de vérifier le fait, sur les titres originaux, que j’ai constamment écrit de ma propre main toutes les rédactions qui sont tombées à ma charge pendant le temps de mon secrétariat. Je ne tirerai d’autre vengeance de l’insulte gratuite, dont il s’agit, qu’en forçant son auteur à rougir à vos yeux et à ceux de la France entière» d’avoir eu la bassesse de concevoir un pareil soupçon, ou la coupable audace de chercher à le faire naître, sans l’avoir conçu. L’Assemblée nationale ne peut blâmer ce juste mouvement d’indignation. Eh! qui ne serait pas révolté de voir son honjieur attaqué, lorsqu’on 683 est à cent vingt lieues de l’arène, où l’on cherche lâchement à Jui porter des coups pareils, Je supplie l’Assemblée nationale d’être en garde contre ceux qui, faisant parade d’un faux zèle, excitent à chaque instant ses inquiétudes, provoquent sa rigueur contre de prétendus ennemis de ses décrets, et lui peignent les ecclésiastiques de celte province sans cesse occupés à soulever le peuple. Ce qui serait le plus propre à le soulever, Monsieur le Président, c’est s’il voyait de telles calomnies accueillies, car il sait bien qu’elles n’ont aucun fondement ; ce qui pourrait lui faire haïr la Constitution, c’est s’il était frappé de quelque déni trop manifeste de justice, car on ne peut aimer que ce qui est vrai et juste. Ce qui pourrait le soulever, en effet, ce serait de voir prodiguer des éloges à celui qui l’égare et le tourmente, tandis qu’on cherche à noircir et à opprimer ceux qui n’ont cessé de le servir et de l’édifier. Je suis pénétré du respect le plus sincère pour l’Assemblée, mais les membres qui la composent sont des hommes ; et malgré la pureté de leurs intentions, leur religion peut être surprise. Elle l’a été à mon occasion, dans ce moment; elle l’a été pour la seconde fois sur le compte du clergé de ce département ; je crois donc qu’il est permis et même ordonné à un député de faire connaître la vérité à l’Assemblée, et d’espérer qu’elle réformera les points sur lesquels il lui est démontré mathématiquement, comme dans cette circonstance, qu’elle a été trompée. J’ai l’honneur d’être, Monsieur le Président, votre (rès humble et très obéissant serviteur. Signé : l’abbé d’Eymar, Député du clergé d'Alsace. A Strasbourg, le 31 octobre 1790. PIÈCES JUSTIFICATIVES jointes à la lettre à Mi le Président. I. — Certificat légalisé d’un notaire public et juré, par lequel il conste que la traduction allemande faite de l’extrait original du procès-verbal de l’Assemblée nationale du 22 septembre 1789, est en tout conforme audit extrait. (Ainsi les chapitres de Strasbourg sont justifiés légalement du crime de faux découvert par M. Chasset dans leur traduction allemande.) II. — Traduction française également légalisée de la lettre circulaire des chapitres, et soumise ici au jugement de la raison et du public non prévenu : « Le grand chœur de la cathédrale de Strasbourg instruit ses fermiers, par la présente, que dès le 22 septembre de l’année dernière, l’Assemblée nationale a ajourné l’examen des droits et propriétés particulières du clergé d’Alsace ; même à l’égard des dîmes et redevances seigneuriales (comme il est avéré d’une manière incontestable, par la traduction ci-annexée de l’extrait du procès-verbal de l’Assemblée nationale du dit jour, extrait qui a été communiqué encore tout récemment le 6 juillet); qu’en conséquence de cet ajournement solennellement prononcé, le décret du 2 novembre et tous ceux qui en sont une suite, ne peuvent concerner les biens ecclésiastiques des églises catholiques et luthériennes d’Alsace. « La haute Assemblée nationale confirme encore cette exception, tout récemment, par ses décrets du 17 août et du 10 septembre de l’année cou- 684 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 octobre 1790.] rante, en assurant, conformément aux traités et capitulations, aux églises luthériennes d’Alsace et de la Franche-Comté, le libre exercice de leur culte, etc. « Puisque donc, ces mêmes traités et capitulations (1) que l’Assemblée nationale a pris pour base des décrets rendus, le 17 août et le 10 septembre, en faveur des églises luthériennes, assurent également les droits de propriété des églises catholiques, et nommément ceux du domaine de l’église de Strasbourg, on vous instruit de tous ces faits et on vous conseille sérieusement, non seulement de ne pas acheter des biens appartenant au grand chœur, que vous ou d’autres tenez à ferme, mais de continuer à livrer aux vrais propriétaires desdits biens, conformément aux baux qui vous ont été passés, les canons et redevances ordinaires. « La conduite de l’Assemblée nationale, ci-dessus mentionnée vous garantit suffisamment qu’elle regarde le droit des gens et des traités solennels comme saints et inviolables. Qu’ainsi ce ne sera que par ruse et finesse, par force et par violence et non d’une Assemblée nationale éclairée et amie de la justice, que les biens que vous tenez à ferme vous seront ôtés, et que les droits de propriété, légalement assurés au grand chœur de la cathédrale de Strasbourg, ne pourront jamais lui être enlevés. C’est d’après cet avis que vous aurez à vous conduire. « A Strasbourg, ce 18 septembre 1790. » (De la part du grand chœur de la cathédrale de Strasbourg.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. MERLIN. Séance du lundi 18 octobre 1790 (2). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Bégouen, secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 16 octobre au soir. Ce procès-verbal est adopté. M. Vernier, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier dimanche, 17 octobre. Il ne s’élève aucune réclamation. M. Crénière, député de Vendôme, demande un congé d’un mois à raison de sa santé. Ce congé est accordé. M. Vallet, curé, député du Loiret, sollicite la permission de s’absenter quelques jours, si l’état dangereux de son frère, dont il attend des nouvelles à chaque instant, l’exige. (1) Si l’on aimait mieux, au désir de M. Koch prof. luth. . . — Discours sur la motion de M. Mathieu, page 5. Au lieu de traités et capitulations, dire confirmation de la possession accordée aux catholiques, à l’époque de leur réunion à la France ..... Cette tournure heureuse ne change rien aux droits égaux du clergé et des églis*s catholiques. (2) Cette séance est incomplète au Moniteur. Cette permission lui est accordée. M. Thouret, rapporteur du comité de Constitution , propose six articles additionnels au titre II du règlement pour la procédure en la justice de paix. Ces articles sont lus, mis aux voix et adoptés eQ ces termes : TITRE II. De la récusation des juges de paix. Art. 1er. « Les juges de paix ne pourront être récusés que quand ils auront un intérêt personnel à l’objet de la contestation, ou quand ils seront parents ou alliés d’une des parties jusqu’au degré de cousin issu de germain. Art. 2. « La partie qui voudra récuser un juge de paix sera tenue de former la récusation et d’en exposer les motifs par un acte qu’elle déposera au greffe du juge de paix, dont il lui sera donné par le greffier une reconnaissance faisant mention de la date du dépôt. Art. 3. « Le juge de paix sera tenu de donner au bas de cet acte, dans le délai de deux jours, sa déclaration par un écrit portant, ou son acquiescement à la récusation, ou son refus de s’abstenir, avec ses réponses aux moyens de récusation allégués contre lui. Art. 4. « Les deux jours étant expirés, l’acte de récusation sera remis par le greffier à la partie récusante, soit que le juge de paix ait passé sa déclaration au bas de cet acte ou non : il en sera donné décharge au greffier par la partie, si elle sait signer; et si elle ne sait pas signer, le greffier fera la remise, et en dressera le procès-verbal en présence de deux témoins qui signeront ce procès-verbal avec lui. Art. 5. « Lorsque le juge de paix aura déclaré acquiescer à la récusation, ou n’aura passé aucune déclaration, il ne pourra rester juge, et sera remplacé par l’un des assesseurs qui connaîtra de l’affaire avec l’assistance de deux autres assesseurs. Art. 6. « Si le juge de paix conteste l’acte de récusation et déclare qu’il entend rester juge, le jugement de la récusation sera déféré au tribunal du district, qui y fera droit, sur les simples mémoires des deux parties plaidantes, sans forme de procédure et sans frais. » M. Boéry, député de la province du Berry. demande un congé d’un mois à cause de circonstances affligeantes. Ce congé est accordé.