544 [21 juin 1191.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. matin, vous avez arrêté que la séance serait toujours tenante et qu’elle ne pourrait être levée que par un autre décret. Avant de donner connaissance à l’Assamblée des résultats du scrutin, je vais mettre aux voix la question de savoir si ia séance sera levée. (L’Assemblée, consultée, décrète que la séance sera levée.) M. le Président. Voici le résultat du scrutin pour la nomination des commissaires chargés de recevoir les déclarations du roi et de la reine. Sur 599 votants, la majorité absolue est de 3ÜÜ voix. M. Tronchet en a obtenu 433; M. d’André 354 et M. Duport 351. En conséquence, ces trois membres sont nommés commissaires. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS-Séance du lundi Tl juin 1791, [au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Lanjuinais. Messieurs, le directoire du département d’Ille-et-Vilaine m’a adressé, pour le communiquer à l’Assemblée nationale, le procès-verbal des mesures prises en commun, le jeudi 23 du présent mois, par les corps administratifs et judiciaires établis à Rennes, après l'arrivée du courrier qui leur annonçait l’évasion du roi et de la famille royale. Ces* pièces apprennent que le peuple de ce département a reçu cette nouvelle avec le même calme que tout le reste de l’Empire, et qu’il a donné également des marques réitérées du plus pur patriotisme. (Il donne lecture de ce procès-verbal.) J’ajouterai, Messieurs, que les corps administratifs de Rennes, réunis, ont arrêté que les églises où se réunissaient les non-conformistes, et qui étaient les rendez-vous des ennemis de l’ordre et de la paix, seraient incontinent fermées. (L’Assemblée nationale, applaudissant au patriotisme de ces différents corps, aux mesures qu’ils ont prises et au zèle des citoyens de Rennes pour le maintien de la Constitution, ordonne qu’il sera fait mention honorable de leur conduite dans le procès-verbal.) M. Goupil-I*réfeIn donne lecture d’une lettre à lui adressée par un membre du directoire du département de l'Orne séant à Alençon. Celte lettre porte que le 24 de ce mois, à sept heures du soir, un courrier a apporté au directoire un décret de l’Assemblée nationale relatif à l’arrestation du roi, avec une lettre du minisire et un récit des principaux faits relatifs à cet événement. Sur-le-champ, ce directoire, réuni pour cet effet avec celui du district, s’est transporté à la municipalité, où cette nouvelle a été publiée avec beaucoup de solennité. Un peuple immense, qui s’était assemblé, a fait éclater sa joie par des acclamations. Le directoire a ordonné que des courriers fussent expédiés pour donner cette nouvelle à tous les districts. Les gardes nationales ont voulu faire le service de ces courriers et sont partis. Un Te Deum a été chanté sur la place d’Ârmes. Tous les corps y ont assisté avec les gardes nationales; l’air retentissait des cris de : (Vive la religion! vive la nation ! vive la loi! vive l'Assemblée nationale ! vive le département ! ( Applaudissements .) M.Gossinrend compte à l’Assemblée du patriotisme et de la sagesse des mesures que ['administration du département de la Meuse, qui comprend la ville de Varennes, a prises sur le grand événement qui l’occupe depuis plusieurs jours, du zèle qu’elle a déployé dans ctte circonslance, ainsi que ses concitoyens de Bar-le-Duc, Saint-Mihiel, Ligny, Gommercy, les gardes nationales et tous les habitants du département. Il saisit cette occasion pour mettre sous les yeux de l’Assemblée la conduite constamment prudente et courageuse que le directoire a déployée depuis son existence pour maintenir la tranquillité publique, l’acquit des impositions, et procurer l’obéissance de presque tous les fonctionnaires publics à la loi du serment; et il donne lecture de l’arrêté du 19 juin, qui improuve divers écrits distribués clandestinement, sous le titre de brefs du pape, mandements ou ordonnances d’évêques, comme subversifs de l’ordre public, attentatoires aux droits de la souveraineté, et défend de leur donner aucune publicité. Il termine par la lecture d’une lettre à lui adressée par un membre du directoire du département de la Meuse, dont suit l’extrait : « Bar-le-Duc, le 24 juin 1791. « Depuis plus d’un mois, des marches et des contre-marches de corps, d’escadrons arrivant aujourd’hui, partant quelques jours après, avançant, reculant et changeant de gîte sans nécessité ni utilité apparente, pouvaient faire soupçonner le mystère qui se découvre aujourd’hui ; et très certainement l’évasion était méditée et préparée de longue main. On n’avait pas pourvu au retour de ces corps et de ces détachements : maintenant que le projet est manqué, ils sont errants; ils ne savent où se réfugier, et ils inspirent des craintes. « Hier, lorsqu’ayanl la certitude de l’arrestation et du départ du roi pour retourner à Paris, nous nous livrions à la sécurité, à la confiance, un exprès vint nous annoncer une armée impériale entrée dans le royaume par les districts de Mout-médy, Etain et Clermont. Cette découverte d’une municipalité de village, adoptée parle directoire de district, se propage en un instant. 200 hommes de la garde nationale de Bar, revenant après l’arrestation, sont invités à rétrograder (ils doivent être actuellement à 10 ou 12 lieues). Tous les habitants des campagnes se rassemblent; àlOheures du soir, Bar en était garni, et à 3 heures du matin, nous devenons certains de ce que nous soupçonnions déjà, que c’était une fausse alarme et qu’on avait pris les détachements errants pour des troupes étrangères. Cette nouvelle est confirmée maintenant; ainsi, c’est une fausse alerte; mais l’effet qu’elle a produit peut faire juger de l’esprit public. Assurez aux gardes nationales des chefs intelligents et surs, des munitions et des effets de campement; et quant à des hommes et des hommes déterminés, soyez sûrs que vous n’eu manquerez pas. (Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de la conduite du directoire du département de la Meuse.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 545 [Assemblée Nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1791.] M. Hfairac fait part à l’Assemblée d’une lettre des administrateurs de ce département. Cetie lettre annonce qu'aussitôt que la nouvelle du départ du roi leur est parvenue, les corps administratifs, les commandants des troupes de ligne, de la garde nationale, ainsi que ceux des loi ts et châteaux, se sont rassemblés et ont pris unanim ment les mesures les plus convenables pour assurer la tranquillité dans Bordeaux et dans tout le département; qu’ils ont envoyé, par de jeunes gardes nationaux qui se sont offerts d’eux-mêmes, leurs arrêtés pour être publiés dans toutes les municipalités ; Que tous les officiers, volontaires, gardes nationales et troupes de ligne ont prêté le serment décrété par l’Assemblée nationale; Que les forts et châteaux étant dégarnis de troupes, ils y ont pourvu en y faisant entrer un détachement des gardes nationales pour renforcer la garnison ; Que les gardes nationales se sont fait inscrire en foule pour voler au secours de la patrie, mais qu’ils manquent d’armes, et qu’ils supplient l’Assemblée de leur en faire fournir. M. Hairac fait ensuite lecture d’une adresse des habitants de Bordeaux , qui renferme le témoignage de leur zèle pour la chose publique et de leur entière confiance dans l’Assemblée nationale. M. Canins, au nom du comité central de liquidation , propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, interprétant son décret du 24 du présent mois sur les justifications à faire pour obtenir le payement des c éances et autres sommes dues par l’Etat, décrète que, d’ici au 10 juillet prochain, les personnes qui se présenteraient pour toucher des payements en vertu de procurations de personnes domiciliées dans les divers départements du royaume, lesdites procurations antérieures en date audit jour 24 juin, et d’après des reconnaissances de liquidation pareillement antérieures au 24 juin, recevront ledit payement sous les deux conditions suivantes : 1° de certifier personnellement, de la part des fondés de procuration, le domicile actuel et habituel dans le royaume, des personnes au nom desquelles ils se présenteront; 2° de laisser entre les mains du trésorier un dixième des sommes qui devaient être payées, lequel demeurera jusqu’à la représentation des quittances d’impositions et de contributions patriotiques. « L’Assemblée nationale décrète pareillement que les payements à faire des secours accordés ci-devant sur les fonds du clergé, des économats, de la loterie royale, ne sont pas compris sous les dispositions de "son décret du 24 juin. » (Ce décret est adopté.) Un membre du département de l'Eure fait lecture d’une adresse des citoyens de la ville de Rugles , qui annonce qu’aussitôt qu’ils ont appris la fuite du roi et de la famille royale, ils ont réitéré le serment d’être fidèles à la Constitution, de la défendre et de mourir pour elle. Ils annoncent que 200 jeunes gens, fort robustes et vigoureux, brûlent du désir de marcher aux frontières, et qu’ils ont ajouté à leur serment celui de ne point quitter leurs armes que tous sujets d’inquiétudes ne fussent dissipés. M. le Président donne lecture à l’Assemblée d’une lettre ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Recevez le serment que je fais de vivre et mourir libre, et l’obligation sacrée que je contracte et dépose en vos mains, de payer 1,200 livres par an, pour le service ces gardes nationales qui marcheront vers les frontières, à compter du jour que des ennemis seraient assez téméraires pour attaquer l’Empire français. (. Applaudissements .) « Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé: Daché, citoyen français, rue et porte Saint-Honoré, n°6, section des Tuileries. « Paris, ce 26 juin 1791 . »> (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre des commissaires envoyés dans les départements de l'Ain, de la Haute-Saône , du Jura et du Doubs. Cette lettre est ainsi conçue : <- Troyes, le 24 juin 1791. « Monsieur le Président, « Nous sommes partis pour remplir la mission dont l’Assemblée nous a honorés, et nous croyons devoir lui faire part de ce que nous avons jusqu’ici remarqué dans notre route. « Tous les lieux où nous avons passé nous ont offert le même spectacle que celui de la capitale. Partout la tranquillité règne, partout une surveillance exacte assure l’ordre public; partout les citoyens sous les armes empêchent l’abus de la liberté sans en arrêter l’exercice. Nous n’exagérons rien dans le tableau raccourci de ce qui s’est offert à nos regards, dans les quarante lieues que nous avons parcourues. Nous pourrions y joindre des détails intéressants : nous nous bornerons à ajouter que le long de la grande route, quand les villages et bourgs sont trop éloignés, des branches d’arbres forment, dans l’intervalle, des corps de garde où le patriotisme rassemble les citoyens, et où l’habitant des campagnes fait succéder le travail à ses travaux. « Dans plusieurs endroits, nous avons vu les gardes nationales se disputer l’avantage de marcher où les corps administratifs les appelaient. A Troyes, la tranquillité règne comme dans les environs. Le département, le district, la municipalité, la garde nationale, la société des amis de la Constitution, tous ont reuouvelé les témoignages d’attachement à la patrie et de confiance dans l’Assemblée nationale. « L’Assemblée nationale n’apprendra pas sans doute sans intérêt, qu’au milieu de la sollicitude qui régnait ici, les percepteurs des contributions publiques les recueillaient paisiblement. ( App laudissemen ts.) « Nous sommes, etc... « Signé: Delacour d’Ambézieux, Regnaud (de Sainl-Jean-d' Angély) , de Prez DE CRASSIER. » M. de Saint-Martin. M. Le Gris, citoyen de la ville de Paris, et l’un de ses électeurs, ne pouvant, à cause de son âge, se faire inscrire dans l’honorable liste des citoyens qui s’arment pour la patrie, et s’apprêtent à marcher vers nos frontières, si les circonstances l’exigent, prie l’Assemblée nationale d’agréer le don volontaire 55 lre Série. T. XXVII.