SÉANCE DU 7 PRAIRIAL AN II (26 MAI 1794) - Nos 40 ET 41 29 40 La citoyenne Dubois fait hommage à la Convention nationale d’un hymne, prière républicaine. Mention honorable et renvoi au Comité d’instruction publique (1). 41 BRIEZ, au nom du Comité des secours : Citoyens, le sort des patriotes réfugiés des communes envahies par les ennemis de la République a toujours fixé l’attention de la Convention nationale. Vous vous êtes empressés, dans tous les temps, de venir au secours de ces victimes de la guerre. Tandis que des lois aussi justes que bienfaisantes ont pourvu d’un côté à l’indemnité des patriotes dont les propriétés ont été pillées, incendiées et dévastées par la barbarie féroce des esclaves du despotisme, par les satellites des tyrans coalisés contre la cause de la liberté et de l’égalité, vous avez d’un autre côté, assuré asile, protection et subsistance à tous les bons citoyens qui, en fuyant un territoire souillé par la présence des ennemis, ont abandonné leur état, leur fortune, leurs propriétés et tous leurs moyens particuliers d’existence, pour se réfugier dans le sein de leur patrie. Je ne retracerai pas ici tous les décrets rendus sur cette matière intéressante. Je me bornerai à vous rappeler les dispositions de la loi du 14 septembre dernier, sur laquelle votre Comité des secours publics m’a chargé de vous proposer quelques articles additionnels, que nécessitent les circonstances. Par cette loi du 14 ventôse, rendue sur le rapport de vos Comités des secours publics, des finances et de salut public, vous avez voulu prévenir, éviter et pourvoir en même temps à toutes les réclamations particulières et individuelles, soit de la part des citoyens, soit de la part des communes; votre intention, enfin, a été d’aller au-devant des besoins mêmes. L’article 1er de cette loi a mis à la disposition du ci-devant ministre de l’intérieur une somme de 20 millions pour être répartie, d’après les bases prescrites par les lois, aux citoyens qui ont éprouvé des pertes par l’invasion et les ravages des ennemis de l’extérieur et des rebelles de l’intérieur de la République. Par l’article II vous avez autorisé le ci-devant ministre de l’intérieur à distribuer, sur cette somme, des secours provisoires, tant aux cultivateurs qu’aux autres citoyens qui, se trouvant dans le cas de l’article 1er, éprouveraient des besoins urgents, à la charge par eux d’en justifier par des attestations des agents nationaux près les directoires des districts. Le même article autorise également à accorder des secours provisoires, à titre de subsistance, aux patriotes réfugiés des communes qui se trouvent au pouvoir des ennemis. Mais l’article IV porte formellement qu’aucune indemnité ni secours ne seront payés qu’aux ci-(1) P.V., XXXVIII, 130. toyens dont le civisme aura été légalement reconnu et certifié par les agents nationaux près les directoires des districts, qui sont tenus d’en adresser la liste au ci-devant ministre de l’intérieur, remplacé en cette partie par la commission des secours. Enfin, et par l’article V, vous avez pris des mesures particulières pour constater le civisme des citoyens des départements de l’Ouest. Rien ne manquerait à la sagesse de toutes ces dispositions, si les circonstances étaient encore les mêmes qu’à l’époque de cette loi; mais depuis lors, des mesures de salut public, exigées impérieusement pour la défense des frontières et pour le succès des opérations de nos armées, ont mis les patriotes réfugiés des communes envahies dans une situation encore plus pénible qu’elle ne l’était lors de la loi du 14 ventôse dernier. En effet, dès le 29 du même mois, les représentants du peuple près l’armée du Nord, ont cru devoir prendre un arrêté pour faire entrer dans l’intérieur, et à 20 lieues des frontières, tous les étrangers et réfugiés qui se trouvaient dans les places fortes ou les communes environnantes. Je dois vous dire ici que cette mesure, reconnue indispensable, a été prise et exécutée avec tous les égards et les attentions dus à l’infortune et au malheur. Nos collègues n’auront rien négligé en même temps pour faire constater le civisme des réfugiés. Chacun d’eux a obtenu un état de route avec le logement et 5 sous par lieue; mais cette passe n’a été délivrée qu’à ceux qui étaient munis d’un certificat du Comité révolutionnaire, dont l’original est resté entre les mains du commissaire des guerres. C’est du moins ce qui a été observé à Douai, comme la preuve en est écrite dans l’acte dont je vais vous donner lecture. Il en est résulté que tous les patriotes réfugiés, qui se trouvaient dans les places de Lille, de Douai, Saint-Quentin, Avesnes, Maubeuge et dans toutes les autres places et communes de la frontière du Nord, ont dû se retirer à 20 lieues dans l’intérieur. Les uns, et c’est le plus grand nombre, sont maintenant à Amiens et à Soissons; les autres se trouvent aussi actuellement dans les différentes communes des départements de l’Aisne et de la Somme; plusieurs enfin se sont retirés à Paris, ou dans les départements environnants. Nos collègues avaient assuré aux patriotes réfugiés qu’ils jouiraient dans l’intérieur des mêmes secours qui leur étaient accordés dans les commîmes de la frontière. Ils ne devaient pas en douter, en effet, d’après les dispositions précises de la loi du 14 ventôse dernier; votre Comité des secours publics ne pensait pas non plus qu’il pût y avoir la moindre difficulté à cet égard. H s’était donc borné en conséquence à renvoyer à la commission des secours les différentes pétitions et réclamations des patriotes réfugiés. Des demandes ont aussi été faites directement à cette commission, notamment par le district d’Amiens. Mais votre Comié, étonné des entraves et des lenteurs apportées dans l’envoi et la distribution des secours, et persuadé que l’intention de la Convention nationale sera toujours de soulager le plus promptement possible des citoyens dignes de sa sollicitude et de sa bienveillance, votre Comité, dis-je, a cherché la cause de ce retard, et l’a trouvée dans l’art. IV de la loi du 14 ventôse, dont les dispositions ne peuvent plus être appli-SÉANCE DU 7 PRAIRIAL AN II (26 MAI 1794) - Nos 40 ET 41 29 40 La citoyenne Dubois fait hommage à la Convention nationale d’un hymne, prière républicaine. Mention honorable et renvoi au Comité d’instruction publique (1). 41 BRIEZ, au nom du Comité des secours : Citoyens, le sort des patriotes réfugiés des communes envahies par les ennemis de la République a toujours fixé l’attention de la Convention nationale. Vous vous êtes empressés, dans tous les temps, de venir au secours de ces victimes de la guerre. Tandis que des lois aussi justes que bienfaisantes ont pourvu d’un côté à l’indemnité des patriotes dont les propriétés ont été pillées, incendiées et dévastées par la barbarie féroce des esclaves du despotisme, par les satellites des tyrans coalisés contre la cause de la liberté et de l’égalité, vous avez d’un autre côté, assuré asile, protection et subsistance à tous les bons citoyens qui, en fuyant un territoire souillé par la présence des ennemis, ont abandonné leur état, leur fortune, leurs propriétés et tous leurs moyens particuliers d’existence, pour se réfugier dans le sein de leur patrie. Je ne retracerai pas ici tous les décrets rendus sur cette matière intéressante. Je me bornerai à vous rappeler les dispositions de la loi du 14 septembre dernier, sur laquelle votre Comité des secours publics m’a chargé de vous proposer quelques articles additionnels, que nécessitent les circonstances. Par cette loi du 14 ventôse, rendue sur le rapport de vos Comités des secours publics, des finances et de salut public, vous avez voulu prévenir, éviter et pourvoir en même temps à toutes les réclamations particulières et individuelles, soit de la part des citoyens, soit de la part des communes; votre intention, enfin, a été d’aller au-devant des besoins mêmes. L’article 1er de cette loi a mis à la disposition du ci-devant ministre de l’intérieur une somme de 20 millions pour être répartie, d’après les bases prescrites par les lois, aux citoyens qui ont éprouvé des pertes par l’invasion et les ravages des ennemis de l’extérieur et des rebelles de l’intérieur de la République. Par l’article II vous avez autorisé le ci-devant ministre de l’intérieur à distribuer, sur cette somme, des secours provisoires, tant aux cultivateurs qu’aux autres citoyens qui, se trouvant dans le cas de l’article 1er, éprouveraient des besoins urgents, à la charge par eux d’en justifier par des attestations des agents nationaux près les directoires des districts. Le même article autorise également à accorder des secours provisoires, à titre de subsistance, aux patriotes réfugiés des communes qui se trouvent au pouvoir des ennemis. Mais l’article IV porte formellement qu’aucune indemnité ni secours ne seront payés qu’aux ci-(1) P.V., XXXVIII, 130. toyens dont le civisme aura été légalement reconnu et certifié par les agents nationaux près les directoires des districts, qui sont tenus d’en adresser la liste au ci-devant ministre de l’intérieur, remplacé en cette partie par la commission des secours. Enfin, et par l’article V, vous avez pris des mesures particulières pour constater le civisme des citoyens des départements de l’Ouest. Rien ne manquerait à la sagesse de toutes ces dispositions, si les circonstances étaient encore les mêmes qu’à l’époque de cette loi; mais depuis lors, des mesures de salut public, exigées impérieusement pour la défense des frontières et pour le succès des opérations de nos armées, ont mis les patriotes réfugiés des communes envahies dans une situation encore plus pénible qu’elle ne l’était lors de la loi du 14 ventôse dernier. En effet, dès le 29 du même mois, les représentants du peuple près l’armée du Nord, ont cru devoir prendre un arrêté pour faire entrer dans l’intérieur, et à 20 lieues des frontières, tous les étrangers et réfugiés qui se trouvaient dans les places fortes ou les communes environnantes. Je dois vous dire ici que cette mesure, reconnue indispensable, a été prise et exécutée avec tous les égards et les attentions dus à l’infortune et au malheur. Nos collègues n’auront rien négligé en même temps pour faire constater le civisme des réfugiés. Chacun d’eux a obtenu un état de route avec le logement et 5 sous par lieue; mais cette passe n’a été délivrée qu’à ceux qui étaient munis d’un certificat du Comité révolutionnaire, dont l’original est resté entre les mains du commissaire des guerres. C’est du moins ce qui a été observé à Douai, comme la preuve en est écrite dans l’acte dont je vais vous donner lecture. Il en est résulté que tous les patriotes réfugiés, qui se trouvaient dans les places de Lille, de Douai, Saint-Quentin, Avesnes, Maubeuge et dans toutes les autres places et communes de la frontière du Nord, ont dû se retirer à 20 lieues dans l’intérieur. Les uns, et c’est le plus grand nombre, sont maintenant à Amiens et à Soissons; les autres se trouvent aussi actuellement dans les différentes communes des départements de l’Aisne et de la Somme; plusieurs enfin se sont retirés à Paris, ou dans les départements environnants. Nos collègues avaient assuré aux patriotes réfugiés qu’ils jouiraient dans l’intérieur des mêmes secours qui leur étaient accordés dans les commîmes de la frontière. Ils ne devaient pas en douter, en effet, d’après les dispositions précises de la loi du 14 ventôse dernier; votre Comité des secours publics ne pensait pas non plus qu’il pût y avoir la moindre difficulté à cet égard. H s’était donc borné en conséquence à renvoyer à la commission des secours les différentes pétitions et réclamations des patriotes réfugiés. Des demandes ont aussi été faites directement à cette commission, notamment par le district d’Amiens. Mais votre Comié, étonné des entraves et des lenteurs apportées dans l’envoi et la distribution des secours, et persuadé que l’intention de la Convention nationale sera toujours de soulager le plus promptement possible des citoyens dignes de sa sollicitude et de sa bienveillance, votre Comité, dis-je, a cherché la cause de ce retard, et l’a trouvée dans l’art. IV de la loi du 14 ventôse, dont les dispositions ne peuvent plus être appli- 30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE quées depuis que les réfugiés ont dû se retirer à 20 lieues dans l’intérieur. Il est difficile en effet, pour ne pas dire impossible, à ces citoyens de se procurer des attestations ou des listes certifiées par les agents nationaux du district de leur ancien domicile. Votre Comité vous proposera des modifications à cet égard, légitimées par les circonstances, et par une mesure qui n’est pas de leur fait, mais à laquelle ils ont dû se soumettre. Il vous proposera des formes plus simples, et qui seront observées dans les communes où ces citoyens se trouvent maintenant. Mais, en attendant l’exécution de ces formalités, votre Comité a pensé qu’il était de toute justice de venir promptement au secours des patriotes réfugiés des communes envahies, et de leur assurer provisoirement leur subsistance pour un mois, pendant lequel terme les nouvelles listes pourront parvenir en bonne forme à la commission des secours. On ne peut d’ailleurs avoir aucune inquiétude sur le civisme de ces citoyens. Ils seront assujettis à représenter le passeport dont ils sont munis; et un individu suspect n’en aurait pu obtenir, puisque, comme je vous l’ai fait remarquer, notamment par les états de route délivrés à Douai, il a fallu représenter et déposer entre les mains du commissaire des guerres, un certificat du Comité révolutionnaire; au surplus, ces mêmes citoyens ne cesseront pas d’être sous la surveillance des autorités constituées des communes où ils sont actuellement réfugiés. Je ne vous rappelerai pas ici combien est intéressante et malheureuse la situation des patriotes réfugiés des communes envahies par les ennemis de la République. Ils ont dû faire les frais d’un nouveau déplacement, d’un nouveau transport à 20 lieues de leurs femmes et de leurs enfants, ainsi que du peu d’effets qu’ils avaient pu soustraire à la fureur et au brigandage des satellites autrichiens et des autres scélérats des tyrans coalisés. Plusieurs, en arrivant à Amiens et à Soissons, se sont trouvés dans la nécessité de vendre leurs effets et leurs habillements pour pourvoir à leur subsistance. Ils n’ont qu’à se louer des égards et des attentions dont ils ont joui en arrivant dans les communes de l’intérieur; ils y ont été reçus avec toutes les marques d’une vraie fraternité; on leur a procuré des logements : le district d’Amiens, notamment, a montré toute sa sollicitude pour eux en écrivant de suite en leur faveur à la commission des secours; mais il n’est pas moins vrai de dire que leur position est des plus alarmantes. Us sont sans pain et sans aucun moyen pour s’en procurer. Votre Comité a reçu à cet égard les détails les plus affligeants. Vous n’ajournerez donc pas des besoins aussi pressants, et vous vous empresserez de leur faire procurer la subsistance qu’ils ont droit d’obtenir de la justice et de la bienfaisance nationale. Votre Comité doit en même temps vous entretenir d’une autre classe de citoyens non moins dignes de votre attention, je veux parler de ceux qui ont été obligés d’évacuer les places menacées de siège, pour l’économie des subsistances et des approvisionnements de ces places. Cette sage mesure a été employée notamment à Maubeuge et à Avesnes. Quoique ces commîmes soient toujours au pouvoir de la République, et qu’il n’y ait pas même à craindre que les ennemis, qui n’ont jamais rien eu que par la trahison, parviennent jamais à s’en emparer, puisque tous les complots des pervers sont maintenant connus et déjoués, et qu’incessamment les hordes des puissances étrangères seront repoussées partout bien loin de notre territoire; néanmoins, il a fallu mettre en usage tous les moyens d’accroissement pour la sûreté et la défense des places fortes de la frontière; mais, à cet égard, votre Comité a pensé qu’il ne devait être accordé de secours qu’aux indigens ou à ceux qui justifieraient de leurs besoins. Il a établi cette différence entre les citoyens dont les propriétés sont encore intactes, et à qui les communications, les ressources et les correspondances ne sont pas interdites, d’avec ceux dont les propriétés, étant au pouvoir des ennemis, ne conservent plus aucune ressource dans l’intérieur et ne peuvent y subsister que des secours de la nation. Enfin, votre Comité a pensé qu’il ne devait vous parler que des patriotes réfugiés des communes envahies dans les départements du Nord et des Ardennes, parce que d’abord il n’existe de réclamations que pour ces deux départements, et d’un autre côté, parce qu’il a craint qu’en généralisant les dispositions qu’il va soumettre à votre délibération, il ne soit porté quelque atteinte aux dispositions particulières prises par la loi du 14 ventôse dernier, relativement aux réfugiés des départements de l’Ouest, qu’il a cru de l’intérêt public de conserver dans toute leur intégrité. Voici le projet de décret! ( adopté ) (1). Au nom du Comité des secours publics, un membre [BRIEZ] propose et la Convention nationale rend le décret suivant. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité des secours publics, décrète : « Art. I. — Les patriotes réfugiés des communes des départemens du Nord et des Ardennes, dont le territoire est envahi par les ennemis de la République, qui, en exécution des décrets de la Convention nationale ou des arrêtés des représentans du peuple, ont dû quitter les places et communes frontières, et se retirer dans l’intérieur, seront tenus de se présenter devant les conseils généraux des communes où ils se sont retirés, afin d’y exhiber les passeports et autres actes dont ils sont munis, et de s’y faire inscrire. « Art. II. — Les conseils généraux des communes feront, sans délai, passer les listes des citoyens inscrits aux agents nationaux des district de leur arrondissement, lesquels viseront ces listes et les transmettront aussi, sans délai, à la commission des secours publics. « Art. III. — D’après ces formalités, la commission des secours publics fera distribuer aux citoyens compris dans les listes les secours dont ils auront besoin, en conformité de l’article II de la loi du 14 ventôse dernier, et néanmoins, en attendant, la commission des secours fera passer provisoirement aux conseils généraux des communes d’Amiens, de Soissons et des autres communes où se sont retirés lesdits citoyens, les sommes nécessaires pour leur subsistance pendant un mois. (1) Mon., XX, 575. 30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE quées depuis que les réfugiés ont dû se retirer à 20 lieues dans l’intérieur. Il est difficile en effet, pour ne pas dire impossible, à ces citoyens de se procurer des attestations ou des listes certifiées par les agents nationaux du district de leur ancien domicile. Votre Comité vous proposera des modifications à cet égard, légitimées par les circonstances, et par une mesure qui n’est pas de leur fait, mais à laquelle ils ont dû se soumettre. Il vous proposera des formes plus simples, et qui seront observées dans les communes où ces citoyens se trouvent maintenant. Mais, en attendant l’exécution de ces formalités, votre Comité a pensé qu’il était de toute justice de venir promptement au secours des patriotes réfugiés des communes envahies, et de leur assurer provisoirement leur subsistance pour un mois, pendant lequel terme les nouvelles listes pourront parvenir en bonne forme à la commission des secours. On ne peut d’ailleurs avoir aucune inquiétude sur le civisme de ces citoyens. Ils seront assujettis à représenter le passeport dont ils sont munis; et un individu suspect n’en aurait pu obtenir, puisque, comme je vous l’ai fait remarquer, notamment par les états de route délivrés à Douai, il a fallu représenter et déposer entre les mains du commissaire des guerres, un certificat du Comité révolutionnaire; au surplus, ces mêmes citoyens ne cesseront pas d’être sous la surveillance des autorités constituées des communes où ils sont actuellement réfugiés. Je ne vous rappelerai pas ici combien est intéressante et malheureuse la situation des patriotes réfugiés des communes envahies par les ennemis de la République. Ils ont dû faire les frais d’un nouveau déplacement, d’un nouveau transport à 20 lieues de leurs femmes et de leurs enfants, ainsi que du peu d’effets qu’ils avaient pu soustraire à la fureur et au brigandage des satellites autrichiens et des autres scélérats des tyrans coalisés. Plusieurs, en arrivant à Amiens et à Soissons, se sont trouvés dans la nécessité de vendre leurs effets et leurs habillements pour pourvoir à leur subsistance. Ils n’ont qu’à se louer des égards et des attentions dont ils ont joui en arrivant dans les communes de l’intérieur; ils y ont été reçus avec toutes les marques d’une vraie fraternité; on leur a procuré des logements : le district d’Amiens, notamment, a montré toute sa sollicitude pour eux en écrivant de suite en leur faveur à la commission des secours; mais il n’est pas moins vrai de dire que leur position est des plus alarmantes. Us sont sans pain et sans aucun moyen pour s’en procurer. Votre Comité a reçu à cet égard les détails les plus affligeants. Vous n’ajournerez donc pas des besoins aussi pressants, et vous vous empresserez de leur faire procurer la subsistance qu’ils ont droit d’obtenir de la justice et de la bienfaisance nationale. Votre Comité doit en même temps vous entretenir d’une autre classe de citoyens non moins dignes de votre attention, je veux parler de ceux qui ont été obligés d’évacuer les places menacées de siège, pour l’économie des subsistances et des approvisionnements de ces places. Cette sage mesure a été employée notamment à Maubeuge et à Avesnes. Quoique ces commîmes soient toujours au pouvoir de la République, et qu’il n’y ait pas même à craindre que les ennemis, qui n’ont jamais rien eu que par la trahison, parviennent jamais à s’en emparer, puisque tous les complots des pervers sont maintenant connus et déjoués, et qu’incessamment les hordes des puissances étrangères seront repoussées partout bien loin de notre territoire; néanmoins, il a fallu mettre en usage tous les moyens d’accroissement pour la sûreté et la défense des places fortes de la frontière; mais, à cet égard, votre Comité a pensé qu’il ne devait être accordé de secours qu’aux indigens ou à ceux qui justifieraient de leurs besoins. Il a établi cette différence entre les citoyens dont les propriétés sont encore intactes, et à qui les communications, les ressources et les correspondances ne sont pas interdites, d’avec ceux dont les propriétés, étant au pouvoir des ennemis, ne conservent plus aucune ressource dans l’intérieur et ne peuvent y subsister que des secours de la nation. Enfin, votre Comité a pensé qu’il ne devait vous parler que des patriotes réfugiés des communes envahies dans les départements du Nord et des Ardennes, parce que d’abord il n’existe de réclamations que pour ces deux départements, et d’un autre côté, parce qu’il a craint qu’en généralisant les dispositions qu’il va soumettre à votre délibération, il ne soit porté quelque atteinte aux dispositions particulières prises par la loi du 14 ventôse dernier, relativement aux réfugiés des départements de l’Ouest, qu’il a cru de l’intérêt public de conserver dans toute leur intégrité. Voici le projet de décret! ( adopté ) (1). Au nom du Comité des secours publics, un membre [BRIEZ] propose et la Convention nationale rend le décret suivant. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité des secours publics, décrète : « Art. I. — Les patriotes réfugiés des communes des départemens du Nord et des Ardennes, dont le territoire est envahi par les ennemis de la République, qui, en exécution des décrets de la Convention nationale ou des arrêtés des représentans du peuple, ont dû quitter les places et communes frontières, et se retirer dans l’intérieur, seront tenus de se présenter devant les conseils généraux des communes où ils se sont retirés, afin d’y exhiber les passeports et autres actes dont ils sont munis, et de s’y faire inscrire. « Art. II. — Les conseils généraux des communes feront, sans délai, passer les listes des citoyens inscrits aux agents nationaux des district de leur arrondissement, lesquels viseront ces listes et les transmettront aussi, sans délai, à la commission des secours publics. « Art. III. — D’après ces formalités, la commission des secours publics fera distribuer aux citoyens compris dans les listes les secours dont ils auront besoin, en conformité de l’article II de la loi du 14 ventôse dernier, et néanmoins, en attendant, la commission des secours fera passer provisoirement aux conseils généraux des communes d’Amiens, de Soissons et des autres communes où se sont retirés lesdits citoyens, les sommes nécessaires pour leur subsistance pendant un mois. (1) Mon., XX, 575. SÉANCE DU 7 PRAIRIAL AN II (26 MAI 1794) - N° 42 31 « Art. IV. — Les secours seront distribués par les conseils généraux des communes, sous la surveillance des administrations de district. « Art. V. — Les patriotes réfugiés qui se sont retirés à Paris et dans les environs, s’adresseront directement à la commission des secours pour obtenir ceux qui pourront leur être dus, en justifiant des titres qui leur donnent droit à ces secours. « Art. VI. — Les dispositions du présent décret sont déclarées communes aux citoyens qui, en exécution des arrêtés des représentons du peuple ou des ordres militaires, ont dû évacuer les places menacées de siège et se retirer dans l’intérieur; mais les secours ne seront accordés, à cet égard, qu’aux indigens, ou à ceux qui justifieront de leurs besoins. « Art. VII. — L’insertion du présent décret au bulletin tiendra lieu de promulgation. Il en sera, sur-le-champ, adressé une expédition manuscrite à la commission des secours » (1) . 42 Au nom du Comité de salut public, un membre [COUTHON] donne lecture des nouvelles arrivées de l’armée du Nord et de celle de la Moselle; il annonce des prises maritimes. Insertion au bulletin (2). COUTHON : L’assassinat a été mis à l’ordre du jour par nos ennemis; vous, vous y avez mis la justice, la probité et la vertu; les armées y ont mis la victoire. ( Vifs applaudissements ). La Providence a paré ces jours derniers les coups meurtriers que l’assassin, payé par le gouvernement britannique, allait porter sur deux fidèles représentants du peuple. C’est dans ce moment, où des malheurs humainement certains sont écartés par la main invisible qui veille sans cesse sur les destinées de la patrie et des hommes de bien, que les armées du Nord repoussent, battent les ennemis, et que la marine de la République leur enlève leurs bâtiments. ( Nouveaux applaudissements) . Et pendant qu’on présente nos braves guerriers comme des brigands affamés de meutres et de pillages, ils se distinguent par leur bonne conduite, par leur humanité, par la bienfaisance même envers les habitants du pays où ils sont forcés de porter la guerre. (On applaudit). C’est par les poignards que les tyrans veulent détruire la représentation nationale; c’est par des (1) P.V., XXXVIII, 131. Minute de la main de Briez (C 304, pl. 1122, p. 23). Décret n° 9291. Reproduit dans B