677 [Assemblée nationale J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1790.| l’on sait combien cet objet est important ; mais, en publiant une loi aussi rigoureuse, nous devons à nos commettants de nous occuper des moyens de détruire un impôt qui est la cause de presque tous les désordres. Je demande qu’inces-samment la suppression de la gabelle fasse la matière de nos délibérations. M. Démeunier. Il faut d’abord examiner ce qui doit entrer dans le décret que vous allez rendre. Dans ce moment-ci, moment de crise, il faut le dire, deux maux nous affligent : les désastres de quelques provinces et le défaut de perception des impôts. La constitution ne peut s’ébranler qne par des désordres tels que ceux qui régnent dans quelques provinces, et d’où pourrait naître une anarchie, que vos lois, que la contiance que vous inspirez auraient peine à détruire. La constitution peut s’écrouler par une privation de recette pour le trésor royal. Vous trouverez peut-être nécessaire d’annoncer au peuple que vous vous occupez des impôts indirects et des moyens de les supprimer ; que, déjà condamnée par vous, la gabelle n’existera plus à la lin de cette année, mais que cet impôt doit être payé jusqu’au moment de la suppression . Je demande que l’Assemblée décide d’abord si les désordres des provinces, et les obstacles apportés à la perception de l’impôt, doivent être les objets de votre décret. Il me semble que, dans cette occasion, les divisions qui partagent quelquefois l’Assemblée doivent disparaître ; que tous les amis de la liberté publique se rallient pour chercher de bonne foi à prévenir ou à réparer nos maux : ces maux sont certains ; peu nous importe d’en connaître en cet instant la cause : arrêtons-les ; voilà notre devoir. Que l'Assemblée adopte, soit le projet du comité, soit celui M. de Mirabeau, soit tout autre ; mais qu’elle en adopte un, et qu’elle juge sur-le-champ si ce décret doit renfermer des dispositions sur la perception de l’impôt. M. l’abbé Cfouttes. Le comité des finances m’a chargé de vous demander de semblables dispositions. Il croit qu’il faut indiquer nominativement les impôts directs et indirects, afin que le peuple comprenne facilement ce dont on lui parlera. Les désordres dont on vous a entretenus sont très réels; ils existent dans ma province; le peuple est trompé, il est égaré. Le premier article du projet de Al. de Mirabeau me paraît très propre à réprimer lesinsurrections et je pense qu’il doit être admis. M. d’Harambure fait lecture d’un projet de décret par lequel il propose de demander à chacune des quarante mille municipalités, et l’une dans l’autre, une somme de 500 livres en argent, sur les impositions de 1790. Le produit de cette avance serait consacré à augmenter les payements de la caisse d’escompte. On observe que cette proposition est hors de l’ordre du jour. La priorité est demandée pour un projet de décret présenté par M. Boussion, député de l’Agénois. Une partie de l’Assemblée témoigne le désir d’aller aux voix sur cette priorité. Les membres qui avaient proposé des décrets sollicitent la parole pour attaquer cette priorité. La discussion est fermée sur cet objet. La priorité est accordée au projet de M. Bous-sion. Ce projet est conçu dans ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant que les ennemis du bien public ont trompé le peuple, en distribuant de faux décrets, au moyen desquels il s’est cru autorisé à commettre des violences contre les propriétés et même contre les personnes dans quelques provinces, a décrété ce qui suit : « 1° A l’avenir, nul citoyen, sans distinction, ne pourra, dans aucun cas, s’autoriser des décrets de l’Assemblé nationale, s’ils ne sont sanctionnés par le Roi, publiés par ordre des municipalités et lus au prône des messes paroissiales ; « 2° Le pouvoir exécutif enverra incessamment l’Adresse de l’Assemblée nationale aux Français, et tous les décrets acceptés, sanctionnés ou approuvés par le Roi, à mesure qu’ils auront été rendus, aux diverses municipalités du royaume, avec ordre aux curés et vicaires desservant les paroisses de les lire au prône ; * 3° Dans les cas d’insurrection et de violences contre les propriétés ou les personnes, ou de résistance à la perception des impôts, les municipalités seront tenues d’employer tous les moyens que leur donne la confiance des peuples, avant de passer à la loi martiale. Toutes les municipalités se prêteront mutuellement main-forte réciproque. Si elles s’y refusaient, elles seraient responsables des suites de leur refus ; « 4° Les officiers municipaux seront responsables des dommages occasionnés par une émeute, s’il était prouvé que leur négligence en fut la cause ; « 5° On s’occupera incessamment d’organiser les milices nationales, auxquelles il est ordonné de prêter main-forte, dans tous les cas d’insurrec ¬ tion, à toute réquisition des officiers municipaux ; « 6° De décréter notamment quels sont les droits féodaux abolis sans indemnité; a 7° D’organiser le plus promptement possible les départements et les districts. » M. de Cazalès. Il est certain que le décret auquel le priorité est accordée affaiblit sensiblement la loi martiale. Cependant la loi martiale n’a pas suffi. J’ai reçu encore hier des nouvelles de ma province ; elles sont affligeantes. M. le vicomte de Mirabeau vous dira que la municipalité de Rennes a défendu à la milice nationale de sortir de cette ville. Les désordres ne peuvent être réprimés que par le pouvoir exécutif. Je propose en amendement au décret la disposition suivante : « Le Roi sera supplié de prendre toute les mesures nécessaires, et sera autorisé à faire tous actes à cet effet, sous la responsabilité seule des ministres. » On observe que les amendements doivent être présentés successivement sur chaque article, sauf à proposer les additions à la fin de la délibération. On lit l’article premier. M. de llontlosier (1). Messieurs, de grands troubles se sont élevés dans le royaume; la force et la violence semblent avoir pris partout la place des lois. Ce ne sont plus des erreurs qu’il faut excuser, ce sont des brigands qu’il faut S unir et des brigandages qu'il faut réprimer. ms cette force réprimante doit-elle être remise au monarque, ou, comme on vous le propose, à des corporations particulières ? Dilemme absurde (1) Le discours de M. de Montlosier est incomplet au Moniteur.