[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 février 1791.] 378 ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du lundi 21 février 1791 (!)• La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. Plusieurs membres élèvent des réclamations sur l’article 5 du décret rendu hier et relatif aux pensions des gouverneurs et lieutenants de roi. M. Camus, rapporteur , fournit quelques explications à ce sujet. (L’Assemnlée décrète qu’elle maintient la rédaction de l’article) . M. I&egnaud (de Saint-Jean-d' Angéhj) . Des citoyens c couimandables par leurs services ne savent quelle marche suivre pour obtenir les récompenses qui leur sont dues. Je crois qu’on devrait rédiger le décret relatif aux pensions, de manière que tous les individus qui, pendant la fin de l’année 1790, ont at'eiut la fin de leur carrière au service public et ont, suivant les règles prescrites par l’Assemblée nationale, mérité une pension, puissent l’obtenir. M. Camus, au nom du comité des pensions. J’applaudis aux vues de justice qui ont dicté cette u marque : le comité des. pensions s’assemble aujourd’hui et je présenterai très incessamment un projet de décret à l’Assemblée à cet égard. M. le Président fait part à l’Assemblée d’un mémoire présenté par le sieur Magenthier, dans son affaire contre le sieur Magon de La Balue, et d’une pétition appuyée par la section de Bondy, tendant à accélérer la décision de cette affaire. (L’Assemblée renvoie ces documents à son comité des rapports.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une adresse du district de Bouhar, qui annonce que tous les curés de ce dis rict, sans exception, ont prêté le serment civique. (L’Assemblée o donne qu’il sera fait mention de cette adresse dans le procès-verbal.) M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Duponail, ministre de la guerre, qui transmet à l’Assemblée une réclamation présentée par les adminbtraieurs des biens de la fondation des écoles militaires, au sujet des bi us de la ci-devant abbaye de Saint-Jean-de-Laon, ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur. (L’As.- cm Idée r< nvoie celte réclamation à ses comités d'alienation, militaire et ecclésiastique, réunis.) Un membre présente une adresse des citoyens de Lyon ; iis demandent qu’aucun plomb de iransit ne soit établi dans cette ville, ni dans l’intmieur de la Franc , et que i’on prenne les mesure.- les plus < Hic aces pour empêcher la sortie des smes u Lues et ourdéss. (1) Cctto scaucc est incomplète au Moniteur. (L’Assemblée renvoie cette adresse à son co" mité de commerce et d’agriculture.) Un membre présente une adresse des pêcheurs et des habitants de la côte maritime du Languedoc, qui demandent le ré ablismment de la pêche aux bœufs sur la côte de cette ci-devant province. (L’Assemblée renvoie cette adresse à ses comités de marine et d’agriculture réunis.) M. le Président. La parole est à M. de La Réveillère-Lépeaux pour un rapport au nom du comité des pensions sur les secours accordés aux Acadiens et Canadiens . M. de IL a ISéveiltès'e-lLépcatix , au nom du comité des pensions. Messieurs, le comité des pensions vient invoquer votre ju-tice en faveur de citoyens que l'ancien régime n’a récompensés de leur tendre attachement à h mère patrie, qu’en les traitant avec la dernière barbarie. Tout le monde se rappelle que la guerre sanglante que les rois d’Angleterre et de France se firent depuis 1757 jusqu’en 1763, ne fut pas favorable à ce dernier, et que le gouvernement anglais exigea pour prix de ses succès la cession de toutes nos possessions dans le nord de l’Amérique septentrionale, à l'exception de quelques établissements pour la pèche de la morue. En conséquence, tous les officiers, tant ci vi s qœ militaires employés en Canada, en Acadie, et à Saint-Pierre-de-Miquelon, lurent transférés en France avec leurs familles, et débarquèrent à Rochefort. On leur assigna, tant à eux qu’aux individus de leurs familles, des secours annuels, sous le titre de • pensions sur les fonds de la marine; ils sont modiques. D’après l’état nominatif que nous avons reçu de l’ex-minisire, M. La Luzerne, deux ou trois de ces pensions seulement sont de 600 livres; et la plupart de 200 livres,' de 50 écus, et même de moins. D’un autre cô'é, un très grand nombre des habitants de ces contrées, et particulièrement les Acadiens, peuple exlrêmemeut estimable par la simplicité de ses mœurs, r , f sèreut de se sou-metire aux lois d’une nation étrangère. Simples comme la nature, ils en avaient l’énergie, et sentaient que si le gouvernement français pouvait les abandonner, au moins n’ava t-il pas le droit de donner leur pays et leurs personnes comme une métairie et ses troupeaux, ni les Anglais celui de s’en emparer. La ferme résolution fut prise de repousser les oppresseurs ; mais leur force ne put seconder leur courage : nouvelbs vie imes des querelles des rois, ils furent obligés de céder à une masse irrésistible de puissance. Cependant ces généreux colons, plutôt que de se laisser avilir, quittèrent le pays qui les avait vu naître, te pays où jusqu’alors iis avaient coulé des jours heureux au sein de l’aisance et de la paix ; ils abacdoonèient, en un mot, toute leur fortune, tout ce qu’ils pus édaient, p ur venir se jeter dans le sein de la mèie p.trie. La majeure partie débarqua dans b s ports de Cherbourg et de Morlaix. Plusieurs lamides se sont établies dans d’autres ville-du royaume, il leur fut accordé à chacun un ' solde de 6 -ou-par jour, payable sor les fonds ce la marine, T ; si que les pensions des oflici rs dont rions avons déjà parlé; un trèspeti' nombre d'enhe eux, très iniirmesou très âgés, obtinrent quelque chose de plus. Il est à observer que plusieurs soi nés et pensions ne furent pas données à vie, mais jusqu’à un �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 février 1791.] âge déterminé, soit de 18 ans, soit de 20 ans : le comité vous proposera de conserver cette disposition. Bientôt le ministre de la marine, sous prétexte que son département ét ut surchargé de dépenses, lit renvoyer le payement de la solde des habitants acadiens au Trésor royal; et il obtint un fonds de 50,000 livres pour continuer le payement des officiers civils et militaires, et celui de leurs familles. Ces derniers ont toujours été exactement payés, ou du moins il n’est parvenu à votre comité aucune plainte à cet égard. Il en est bien autrement à l’égard des malheureux habitants. D’abord, dès 1773, M. Peyreuse-Descars ayant proposé au gouvernement de défricher les landes du Poitou, et fait espérer des merveilles de cette entreprbe, l’abbé Terray lui livra, j’oserai le dire ainsi, plusieurs centaines d’entre eux, pour les transplanter sur le sol le plus ingrat et le plus stérile, lorsqu’il était attesté au contraire que le ministre de France à Londres leur avait promis des établissements dans les meilleurs terrains du pays. Et il est facile de juger combien cette conduite était atroce. En effet, est-ce à un âge avancé qu’on peut entreprendre de façonnerai.! plus rode de tous b s travaux, habituer à la nourriture la plus grossière et la plus mesquine, des hommes qui tous étaient accoutumés à la vie pastorale, et dont plusieurs étaient nés riches? Mais les gouvernements ne se sont-ils pas fait dans tous les temps un jeu cruel de tromper les hommes? Quoi qu’il en soit, celte barbare entreprise échoua après avoir coûté la vie à la majeure partie des Acadiens qui y périrent de faim' et de fatigue, Il en restait néanmoins encore un assez grand nombre; ceia était gênant. Quelque dure que soit l’âme des despotes, si le cri du malheur ne la touche pas, au moins il l’importune. Le ministre d’alors chercha donc le moyen, non pas de réparer ses injustices passées, mais de se délivrer des plaintes ei. d-s tableaux affligeants qui pouvaient quelquefois troubler son repos. Il prit un parti simple; ce fut d’en rejeter les objets dans le nouveau monde. Les Acadiens qui n’avaient pas péri dans le Poitou furent transportés à la Louisiane, et presque tous y trouvèrent entin le dernier terme à leur misère, la mort! On peut juger jusqu’à quel point ces tristes jouets de la fortune furent indignement traités, puisque de 300 qui débarquèrent à Cherbourg il n’y en existe plus que 23. Malgré cette extrême diminution la modicité de leur paye parut encore, à un gouvernement dissipateur, une charge trop forte pour le Trésor public. On l’ouvrait rarenr nt dans ces jours de scandale pour faire d s aMes d’humanité et de justice. On jugea tout à fait ioconvenahle de diminuer en rien que ce lut les sommes destinées à alimenter le luxe effréné des courtisans pour fournir du pain à des malheureux qui n’avaient apporté qu’un seul trésor avec eux, je veux dire le modèle de toutes les vertus domestiques, seule base des inœirs pulnnj es et de la félicité des nation -', trésor le ] • : i - précieux sans doute aux yeux de la liberté, mais de nulle valeur à ceux d’un gouvernement corrompu et chez un peuple où la servit* de avait tout dénaturé. Ainsi d me alors même qu’en à.m plus avancé aurait pu solliciter une augmentation de secours en faveur des Ams-diens, é ur solde Lu rédui e, eu 1777, à 3 sous par jour pour quelques-uns et à rien cour f s autre;-. En vain ces infortunés ont fait retentir j de leurs réclamations les bureaux des ministres pour faire valoir leurs justes droits, iis n’on rien j 379 obtenu, à l’exception d’un secours d’une excessive modicité dans l’affreux hiver de 1789. Il n’est peut-être pas indifférent d’obs rver en passant que ceux-là seuls y participèrent, que l’on appelait alors nobles; le peuple n’eut rien; et lorsqu’on pressait M. de Galonné en faveur des Acadiens, il répondait froidement : les fonds destinés aux familles acadiennes sont employés; quand il y en aura de disponibles, on verra s’il sera possible d’y faire participer les plus âgés. Les fonds sont employés! Peut-on voir sans la plus douloureuse in iignation, ce déprédateur insigne, refuser ainsi le pain à des infortunés qui n’avaient de crime à se reprocher que celui d’avoir trop aimé leur patrie, lorsqu’il prodiguait, le sang des peuples, à qui? bous le savez, à des hommes pervers! à des femmes perdues! La société des amis delà Constitution de Cherbourg, et ensuite la municipalité du même lieu, voyant qu’entin l’idole de la faveur était brisée, et que le règne de la justice commençait, firent passer vers le milieu de l’été, soit au comité des pensions, soit à l’Assemblée nationale, qui les lui a renvoyés, différents mémoires et pièces sur cet objet. If en est également parvenu de la ville de Morlaix ! Ces pièces sont accompagnées de l’état nominatif des Acadiens résidant à Cherbourg, qui les porte à 28, et d’un autre de Morlaix, qui élève à 70 environ le nombre de ceux qui y habitent. C’est d’après ces pièces et différents renseignements mis à cet égard, que nous vous demandons de réparer de longues injustices, en rétablissant en faveur des Acadiens' les secours dont ils ont précédemment joui. Nous vous proposerons de les leur accorder à commencer du l6r janvier 1790; leurs réclamations étant parvenues vers ie milieu de cette même année, et les détails immenses dont le comité, et surtout l’Assemblée, sont chargés, ayant empêché qu’on ne pût les faire valoir à cette tribune avant cet instant, il nous a semblé que les Acadiens n’en devaient pas souffrir. Nous avons cm devoir en même temps présenter, par l’artiele 4 du projet de décret, les dispositions nécessaires pour constater les droits de ceux d-s habitants qui prétendront au bienfait. de la loi ; car nous avons bi n, comme je l’ai annoncé, un état signé des ordonnateurs du port de Rocliefort, et un double signé de M. de La Luzerne, des pensions assignées aux officiers civils et militaires, à leurs femmes et à leurs enfants ; mais les malheureux habitants étaient traités avec une (elle indifférence, qu’on n’a pu en trouver un état nominatif dan ■ les bureaux du contrôle, et que vraisemblablement, il n’en existe que des états partiels dispersés dans les différents bureaux d’intendance des généralités où ils résident. Nous avons aussi pensé que, conformément aux principes que vous avez adoptés de faire payer toutes les pensions sur la même caisse, vous deviez décréler que les fonds verses chaque année dans la cai se de la marine pour payer les pensions des officiers civils et milRa-res" canadiens, et à leurs familles, résumaient désormais au Trésor public qui serait chargé d’en faire l’emploi. Par un dernier article, nous vous proposons de déclarer qu’aucun de ces secoms ne pourra être recréé à l’avenir en faveur de qui que ce soit; car il faut savoir mettre de jcsi.es bornes j aux libéralités nationales pour ne pas retomber dans les anciens abus. 1 Enfin, nous linirons par vous observer qu’en. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 février 1791.] 380 rendant aux Acadiens ce qui leur est dû, vous grèverez peu le Trésor, et vous n’ordonnerez point une nouvelle dépense. J’ai déjà dit que les fonds étaient faits au département de la marine pour les officiers civils et militaires, et j’ajoute qu’on vous a porté en dépense pour 1791, dans le tableau présenté par le comité des finances, une somme de 816,000 livres pour les secours accordés, tant aux Hollandais réfugiés qu’aux Acadiens. La dépense pour ceux de Morlaix et de Cherbourg ne s’élèvera pas à 11,000 livres, et nous avons tout lieu de penser qu’ils composent la majorité de ceux qui sont maintenant dans le royaume. Tels sont les faits et les motifs sur lesquels se fonde le décret que je viens vous soumettre au nom du comité des pensions. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des pensions sur l’état où se trouvent les habitants de l’Acadie et du Canada, pas sés en France lors de la cession de ces pays aux Anglais, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les secours accordés aux officiers tant civils que militaires acadiens et canadiens, et à leurs familles, dont l’éîat nominatif est annexé au présent décret, continueront d’être payés comme par le passé, par le Trésor public, à l’effet de quoi le fonds de 50,000 livres fourni précédemment au département de la marine pour cet effet, cessera de lui être fait, à compter du 1er janvier 1791. Art. 2. « La solde accordée aux habitants de ces mêmes contrées, qui sont passés en France à la paix de 1763, sera continuée à tous ceux qui en jouissent ou qui en ont joui, dans les proportions suivantes ; savoir : 8 sols par jour aux sexagénaires, 6 sols par jour aux pères et mères de famille et aux veuves, et 4 solo aux enfants et orphelins, jusqu’à l’âge de 20 ans seulement; ces secours comrai nceront à courir du 1er janvier 1790, sauf à imputer à compte les sommes que chacun d’eux aura reçues du Trésor public dans le courant de ladite année. Art. 3. « Chacun des secours accordés par les deux précédents articles sera éteint à la mort de chacun de ceux qui les auront obtenus, sans qu’ils puissent être recréés ou portés en augmentation en faveur de qui que ce soit. Art. 4. « Les personnes qui prétendront avoir droit aux secours mentionnés dans l’article 2 du présent décret, se présenteront à la municipalité du lieu de leur résidence, qui en dressera l’état : cet état sera envoyé au directoire du district ; il en vérifiera les faits, et l’enverra ensuite au directoire du département, qui le fera passer à l’Assemblée nationale avec les observations qu’il jugera convenables. » (Ce décret est adopté.) ÉTAT NOMINATIF des secours tant civils que militaires, accordés aux Acadiens et Canadiens (annexé au décret du 21 février 1791). OFFICIERS D’ÉPÉE. B. Boisseau de La Galernerie (Louise-Elisabeth), fille d’un capitaine de vaisseau, née le 2 décembre 1756, résidente à Rochefort ..... 200 liv. Boisseau de La Galernerie (Sophie), sa sœur, le 1er octobre 1759, à Suinl-Cyr ............................... 200 B nuit (Anne), fille d’un capitaine des troup-s de l’île royale, le 22 reptem-bre 1728, à Charente, à vie ......... 300 Benoît (Emilie-Jeanne), sa sœur, 4 novembre 1739, idem , à vie .......... 200 Benoît (Jeanne-Gerva se), sa sœur, 29 août 1744, idem , à vie ............. 200 Bourdon (Adélaïde), fille d’un lieutenant des troupes de l’île royale, 27 cciobre 1757, Rochefort, à vu-...... 250 Bourdon (Henriette-Magdelûn' ), sa sœur, 12 juin 1767, idem , à vie ..... . ..... 200 Bourdon (Gabriel-Pierre-Bmiaventure), hur frère (volontaire), 29 décembre 1770, idem, jusqu’à 18 et 20 ans. 108 C. Chalmet (Marie-Anne), 3 mai 1754, Blois, à vio ............................. 150 D. Dorfontaine (Angélique Le Neuf de la Vallière), épouse d’un capitaine réformé des troupes nationales, 19 septembre 1759, Taillebourg, à vie ...... Duchambon (Marie-Anne) Roiria, veuve d’un capitaine au régiment de Bourbonnais, 4 février 1736, Fontenay-le-Comte, à vie ...................... D’Ailleboust de Saint-Vil mé (Louise-Marguerite), fille d’un ancien officier du Canada, 14 novembre 1728, Loches, à vie ...................... De Bonnaventure (Louise-Denis) de La Ronde, veuve d’un lieutenant de roi, à Louisbourg, Rochefort, à vie ...... De Bonnaventure (Marie-Louise), sa fille, 7 août 1758, idem, à vie ..... ‘ ..... De Saint-Ours, (Thérèse), fille d’un ancien officier du Canada, épouse du sieur Gatineau, Saintes, à vie ....... De Saint-Ours son frère, sous-lieutenant au régiment de la Martinique, jusqu’à ce qu’il soit capitaine en second, suivant une décision du ministre, jusqu’à 18 et 20 ans ........ ......... Denis de La Ronde, ancien officier du Canada, Paris, à vie ............... Denis (Marie-Jeanne) d’Accaret, veuve d’un capitaine ci-devant major de l’îlc royale, épouse de M. de Potnme-roy, 21 juin 1720, Saintes, à vie.... Denis (Marie-Charlotte), sa fille, 27 octobre 1755, Rochelle, à vie ........ 300 200 200 400 400 300 200 200 200 300