[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1* septembre 1791.] 187 mais vous n’avez ni voulu ni pu l’affranchir de cette immense responsabilité morale qu’un roi contracte envers sa conscience, son siècle et la postérité. Les moments sont précieux sans doute, quand il s’agit de fixer les destins d’un grand peuple et de prévenir ses agitations. La France et l’Europe attendent en suspens la réponse que vous sollicitez. Mais ce que la France et l’Europe attendent surtout, et recevront avec respect, c’est une réponse dictée par une réflexion mûre et par u e volonté libre, telle qu’il convient au roi d’une nation loyale et franche de la donner, et à ses représentants de la recevoir. La France et l’Europe voient en vous ces mêmes hommes qui dissipèrent, avec une indignation généreuse, un camp de soldats rassemblés près du lieu où ils délibéraient sur la liberté publique : aucun danger, sans doute, n’eût fait pénétrer le découragement dans vos âmes; et, libres au milieu du péril, vous ne trembliez pas Four vous-rnèmes; mais vous redoutiez, pour honneur de la Constitution, la proximité d’une armée qu’on aurait accusée d’exagérer votre courage. « Le danger, disiez -vous alors, menaçait les travaux qui étaient noire premier devoir; ces travaux ne pouvaient avoir un pleiu succès, une véritable permanence, qu’autant que les peuples les regarderaient comme entièrement libres. » Toujours fidèles aux mêmes principes, vous en attendrez encore aujourd’hui les mêmes succès; ce que vous réclamiez alors, vous l’ordonnerez aujourd’hui: vous écarterez des délibérations du trône tous les sujets de méfiance que vous avez justement rejetés loin de vous. Ainsi le veut l’intérêt de la Constitution. Ainsi le voudront avec vous tous ceux qui désirent véiitablement la durée de vos décrets et la gloire du peuple auquel ils sont consacrés. Si les ennemis de vos travaux pouvaient espérer de placer dans le sein de la Constitution quelque germe de destruction et de mort, qui perpétuât leurs espérances, ce serait en cherchant à répandre des nuages sur la liberté dont la délibération du roi et son acceptation seront accompagnées; et les précautions, aussi respectueuses qu’indispensables, offertes au monarque pour la dignité et la conservation de sa personne, ils s’efforceraient de les présenter comme des attentats contre son indépendance. Mais le patriotisme éclairé des bons citoyens ne laissera pas le plus léger prétexte à ces insinuations perfides. Prêts à mourir pour la loi qu’ils se sont donnée, ils en assureront la stabilité par la liberté de son acceptation. L’armée, les gardes nationales, tous les habitants de l’Empire, animés du même esprit, sentiront que, si la personne du monarque est dans tous li s temps inviolable et sacrée, son indépendance est, eu ce moment plus que jamais, le plus grand et le plus pressant intérêt de la nation. Il importe, avant tout, que le roi soit assuré de cette indépendance ; il importe q u’elle soit évidente aux yeux de l’univers; et vous regarde! ez sans doute comme les mesures ies plussages, celles qui, rendant le roi lui-même arbitre des précautions qu’exige sa dignité, rendront aussi la libei té manifeste et indubitable: et s’il restait encore quelques inquiétudes à ceux qui aiment à s’alarmer par une excessive prévoyance, nous leur dirions qu’il est des événements qu’aucune précaution ne peut éviter, mais qu’il est aussi des précautions plus dangereuses que ces événements; que rien ne peut assurer à la nation que s ou repos ne sera jamais troublé; mais que tout assure â un grand peuple, une fois devenu libre, qu’aucune force ne peut lui donner des fers. La nation que vous représentez connaît et chérit ses droits; vous avez, en son nom, banni tous les préjugés, proclamé toutes les vérités, mis en action tous les principes : une telle nation est assez préparée pour les circonstances ies plus difficiles. Quoi qu’il puisse arriver, elle aura toujours la raison pour guide, le courage pour appui. Ce u’est pas l’instant de retracer ici votre puissance; vos ouvrages et l’obéissance d’un grand peuple en sont d’assez glorieux témoi ns : et ceux-l à paraîtraient en douter ou chercheraient à la compromettre, qui vous conseilleraient d’en développer ici un usage rigoureux ou un appareil inutile. Non, Messieurs, on ne refuse point un trône offert par la nation française, quand on sait quel prix ii estimable cette nation aimante et généreuse réserve au monarque qui respectera lui-même et fera respecter les lois. ( Vifs applaudissements .) Nous avons l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant: « Art. 1er. Il sera nommé une députation pour l’acte constitutionnel à l’acceptation du roi. « Art. 2. Le roi sera prié de donner tous les ordres qu’il jugera convenable pour sa garde et pour la dignité de sa personne. « Art. 3. Si le roi se rend au vœu des Français, en adoptant l’acte constitutionnel, il sera *pné d’indiquer le jour et de regler les formes dans lesquelles il prononcera solennellement, en présence de l’Assemblée nationale, l’acceptation de la royauté constitutionnelle, et l'engagement d’en remplir les fonctions. » (. Applaudissements .) M. Goupü-Préfeln. Je demande l’impression du rapport. Voix nombreuses : Oui ! oui ! (L’Assemblée, consultée, ordonne l’impression du rapport de M. Briois-Beaumctz.) M. le Président. M. Robespierre a la parole. M. Frétean-Saint-Just. Je demande à dire un mot d’ordre. Je désirerais beaucoup, si le décret présenté à l’Assemblée doit' être adopté par elle, et je désirerais qu’il le fût, que ce soit d’une manière grande, noble et généreuse. ( Murmures et applaudissements.) M. Fan julnais. Gomme la liste civile ! M. Fréteau-Saïnt-Just. Je voudrais éviter tonte discussion sur un point dont peut-être dépend, je ne dis pas la paix de l’Empire, mais peut-être, j’ose le dire, la paix de l’Europe, le bien de l’humanité, le bonheur de tous les peuples qui auront le noble courage de nous imiter et de sentir leur dignité. Je demande donc que l’on aille aux voix sur le projet des comités, sans entendre aucune (Murmures et applaudissements.) M. Fanjninais. La grande et belle manière pour une A-semblée comme la vôtre, dans toutes les circonstances, est de délibéier froidement. (Applaudissements.) Je m’arrête; l’Assemblée m’entend ; je demande que celui qui a la parole la prenne. (Applaudissements.) 138 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er septembre 1791.] M. Robespierre. Messieurs, l’acte constitutionnel est terminé ; nous sommes arrivés par conséquent à la fin de notre longue et pénible carrière ; mais il nous reste encore un devoir à remplir envers notre pays, c’est de lui garantir la stabilité de la Constitution que nous lui présentons ; il faut que le terme de nos travaux soit le terme de nos alarmes, de nos agitations. Pouf que la Constitution existe, il ne faut qu’une seule condition : c’est que la nation le veuille ; nul homme, nulle puissance n’a le droit d’arrêter ni de contredire sa volonté suprême ; le sort de la Constitution est donc indépendant de la volonté de Louis XVI. Ce principe a déjà été reconnu hautement dans cette Assemblée ; ce n’est pas assez : il faut y croire sincèrement et encore l’observer surtout avec fidélité. Je ne doute pas, s’il faut que je dise personnellement mon opinion sur cet objet, que Louis XVI n’accepte avec transport la Constitution. Le pouvoir exécutif tout entier assuré comme un patrimoine à lui et à sa race ; le droit d’arrêter les opérations de plusieurs assemblées nationales consécutives ; la faculté de les diriger par la proposition des lois qu’il peut suspendre encore lorsqu’elles sont faites par l’influence de ses ministres admis au sein du Corps législatif ; le pouvoir dérégler les intérêts et les rapports de la nation avec les nations étrangères; un Empire immense sur tous les corps administratifs devenus ses agents ; des armées innombrables dont il dispose ; le Trésor public grossi de tous les domaines nationaux réunis en ses mains ; 40 millions destinés à son entretien et à ses plaisirs personnels. (Murmures.) Sous ces immenses avantages, dont rénonciation ne peut être regardée comme une calomnie par on homme de bon sens, puisque c’est la Constitution même; tous ces avantages qui prouvent que nous n’avons rien négligé pour la rendre agréable à ses yeux, me paraissent autant de garants de l’empressement avec lequel il acceptera la Constitution qui les lui assure. Cependant, Messieurs, comme ee n’est pas l’enthousiasme, mais la prudence et la sagesse qui doivent diriger les fondateurs dé la Constitution française dans le moment le plus critique de la Révolution ; comme il est possible que la volonté qu’aurait eue Louis XVI abandonné à lui-même puisse être ébranlée par des insinuations étrangères ; comme il est quelquefois dans le caractère des monarques d’être moins sensibles aux avantages qu’ils ont acquis qu’à ceux qu’ils croient avoir perdus; enfin, comme le passé peut nous inspirer quelques moyens de prévoyance pour l’avenir, ce n’est peut-être pas sans raison que nous nous occupons sérieusement de la manière dont nous lui présenterons la Constitution ; c’est là sans doute le motif qui a déterminé les comités à nous présenter comme le sujet d’un problème une chose simple au premier abord. Pour moi, je la résous facilement par les premières notions de la prudence et du bon sens. Et d’abord, ce décret, tel qu’il est, ne serait bon qu’à prolonger de fausses agitations, à nourrir de coupables espérances; à seconder de fatales intrigues: je crois donc qu’il faut fixer, dans lepluscourt délai possible, lemomentoùLouis XVI pourra faire la déclaration que nous lui demandons ; je crois également que c’est à Paris qu’il faut lui présenter la Constitution et je ne vois aucune raison, même spécieuse, qui puisse justifier la proposition de le faire partir pour la lui présenter ailleurs et de changer l’état actuel des choses à son égard. Je déclare même que je ne comprends pas les mots de liberté et de contrainte appliqués à une telle circonstance ; je ne conçois même pas comment, dans aucun cas, la volonté de Louis XVI pourrait être supposée avoir été forcée, car la présentation de la Constitution pourrait être traduite en ces mots : « La nation vous offre le trône le plus puissant de l’univers ; voici le titre qui vous y appelle ; voulez-vous l’accepter?» Et la réponse ne peut-être que celle-ci : » Je le veux » ; ou : « Je ne le veux pas». Or qui pourrait imaginer que Louis XVI ne serait pas libre de dire : « Je veux être roi », ou bien : « Je ne veux pas être roi des Français ? » ( Rires au centre; applaudissements dans les tribunes.) Quelle raison de supposer que le peuple ferait violence à un homme pour le forcer à être roi ou pour le punir de ne pas vouloir l’être? Ce n’est pas la Constitution que nous présentons à examiner à Louis XVI, mais cette question : < Voulez-vous être roi des Français? » Or, je soutiens que, pour faire Sa réponse, le roi sera toujours libre, dans quelque lieu qu’il se trouve. Je ne veux adopter aucune des calomnies et des absurdités répétées sur ce point depuis l’origine de laRévolution. Ehl dansquellieu de l’Empire peut-il être plus en sûreté qu’au milieu de la garde nombreuse et fidèle des citoyens qui l’environnent? Le serait -il plus dans une autre partie de la France, sur nos frontières ou dans un royaume étranger? Ou plutôt si, ailleurs, il se trouvait entouré d’hommes ennemis de la Révolution, n’est-ce pas alors que l’on pourrait feindre avec plus de vraisemblance, que sa résolution n’aurait pas été libre? Mais que signifient ces bizarres scrupules sur la liberté de l’acceptation d’une couronne ? Quel peuple s’est avisé, quand il avait une couronne à donner, de dire au citoyen sur la tête duquel il voulait la poser : Séparez-vous dé nous ; nous vous donnons la liberté d’allèr sur les extrémités de l’Empire, où vous voudrez, afin que nous puissions correspondre plus librement avec vous! » Quand les Francs, nos aïeux, donnaient la couronne, ils ne reléguaient pas à l’extrémité des frontières celui à qui ils faisaient ce don. (Murmures.) Cependant, aux yeux de tout homme de bonne foi, le projet de décret des comités présente ce sens et ce but. C’est le salut, c’est la sûreté même de la nation qui doivent seuls être ici consultés; or, je vous le demande, la nation vous permet-elle de désirer que les mêmes insinuations, dont ellë a déjà été la victime, puissent engager une seconde fois Louis XVI à s’éloigner dans ce moment? Avez-vous des garanties plus certaines de ses dispositions personnelles, de celles des hommes qui l’entourent, qu’avant le 21 juin dernier? Ne peut-on pas, sans être accusé de folie, appeler ici l’expérience du passé en témoignage de ce que vous devez faire pour l’avenir? Ces rassemblements suspects, pour ceux qui en sont les témoins; ce plau qui vous est dénoncé par tout l’Empire, de laisser vos frontières sans défense, de désarmer les citoyens, de semer partout le trouble et la division ; les menaces insolentes de vos ennemis extérieurs qüi sont encouragés par les ennemis du dedans; les manœuvres de ceux-ci; leur coalition avec les faux amis de la Constitution, qui lèvent ouvertement le masque; tout cela vous invite-t-il à vous tenir dans la profonde sécurité où vous avez paru plongés jusqu’à ce moment?;;. (MiïrmufèS.) Et que mes paroles excitent des murmures ou [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l«r septembre 1791.] 139 non, en sont-elles moins de terribles vérités? (Applaudissements à l’extrême gauche.) Voulez-vous vous exposer au reproche d’avoir contribué, par trop de confiance, au malheur de votre pays? Le danger fût-il moins réel, au moins la nation le craint; les avis, les adresses qui vous sont envoyés de toutes les parties du royaume vous le prouvent. Or, ce n’est pas assez {tour vous de ne pas compromettre évidemment e salut de la nation ; vous devez respecter jusqu’à ses alarmes. Il faut nous rassurer nous-mêmes contre un autre danger; il faut nous prémunir contre tous les pièges qui peuvent être tendus, contre toutes les intrigues qui peuvent nous obséder dans ce moment décisif; il faut les déconcerter toutes ; il faut élever, dès ce moment, entre elles et nous, une barrière insurmontable, en ôtant aux ennemis de la liberté toute espérance d’entamer encore une fois notre Constitution. On doit être content, sans doute, de tous les changements essentiels que l’on a obtenus de nous ; que l’on nous assure du moins la possession des débris qui nous restent de nos premiers décrets. Si on peut attaquer encore notre Constitution après qu’elle a été arrêtée deux fois : que nous reste-t-il à faire, que reprendre ou nos fers ou nos armes?... (Applaudissements à l’extrême gauche ; murmures dans les autres parties de la salle.) Au centre : Ail 1 c’est un peu fort ! M. Robespierre. Je prie l’Assemblée de faire quelque attention à ce que j’ai l’honneur de lui dire dans ce moment ; les murmures que j’entends autour de moi... Un membre : Allons donc î M. Robespierre. Monsieur le Président, je vous prie d’ordonner à M. Duport de ne pas m’insulter, s’il veut rester auprès de moi... (Applaudissements à l'extrême gaiiche et dans les tribunes.) M. Duport. C’est un mensonge! M. La vie. C’est une méchanceté, une calomnie; je suis à côté et je jure que M. Duport n’a pas dit un seul mot à M. Robespierre. MM. Goupil-Préfeln et l’abbé Julien. C’est une fausseté; c’est un mensonge de M. Robespierre. M. Robespierre. Je ne présume pas qu’il existe dans cette Assemblée un homme assez lâche pour transiger avec la cour sur aucun article de notre code constitutionnel ; assez perfide pour faire proposer par elle, ou assez audacieux pour proposer des changements nouveaux que la pudeur ne permettrait pas au roi de proposer lui-même ; assez ennemi de la patrie pour chercher àdécréditerlaConstitution,àen entraver l’exécution, parce qu’elle mettrait quelque borne à son ambition ou à sa cupidité ; assez impudent pour oser manifester aux yeux de la nation qu’il n’a cherché dans la Révolution qu’un moyen de s’agrandir et de s’élever, car je ne veux regarder certain écrit et certain discours qui pourrait présenter ce sens qüe comme l’explosion passagère du dépit déjà expié par le repentir ; mais nous, du moins, nous ne serons ni assez stupides, ni assez indifférents à la chose publique pour consentir à être les jouets éternels de l’intrigue, pour renverser successivement les différentes parties de notre ouvrage au gré de quelques ambitieux, jusqu’à ce qu’ils nous aient dit : le voilà tel qu’il nous convient. Nous avons été envoyés pour défendre les droits de la nation, et non pour élever la fortune de quelques individus, pour renverser la dernière digue qui reste encore à la corruption, et non pour favoriser la coalition des intrigants avec la cour, et leur assurer nous-mêmes le prix de leur complaisance et de leur trahison. (Murmures et applaudissements.) Messieurs, on vous a rappelé la plus glorieuse des actions qui ont signalé votre carrière ; c’est une invitation a donner encore la même preuve de courage et de magnanimité ? ce que vous avez fait pour établir la Constitution, vous devez le faire encore pour la maintenir. Le seul moyen d’en imposer à tous les ennemis de la Constitution, quels qu’ils soient, c’est de leur prouver d’avance qu’il est absolument impossible de vous entamer, j’ose le dire ainsi ; et c’est pour cela que je demande, pour article additionnel, que chacun de nous jure qu’il ne consentira jamais à composer sous aucun prétexte avec le pouvoir exécutif ou avec aucune puissance étrangère sur aucun article de la Constitution... (Rires au centre ; applaudissements à l’extrême gauche et dans les tribunes.) Je demande que quiconque osera faire une pareille motion ou proposer encore à l’Assemblée la révocation d’un décret constitutionnel, soit déclaré traître à la patrie. (Applaudissements dans diverses parties de la salle.) M. Rœderer. Je demande à dire un fait qu’il est nécessaire de faire connaître au moment où l’on propose à l’Assemblée nationale de changer l’état du roi. (Murmures.) Un officier municipal de Thionville, ville dont on connaît le patriotisme, me mande que la municipalité a adressé au ministre et au comité militaire des pièces dont il m’envoie des copies, pour prouver que les états de fournitures de diverses espèces, de munitions de tout genre, présentés à l’Assemblée par le ministre .de la guerre et par M. Emmery, au nom du comité militaire, sont absolument inexacts. Je demande qu’il me soit permis de déposer demain la lettre et les pièces que j’ai reçues, sur le [bureau de l’Assemblée. (Murmures et applaudissements.) Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. Le Chapelier. Je demande la parole sur cet objet. Je demande à M. Rœderer pourquoi, à l’occasion d’une délibération tout à fait étrangère,... M. Rœderer. Non, monsieur ! (Murmures.) Plusieurs membres : Laissez donc ! M. Le Chapelier. J’insiste sur la parole : ce que j’ai à dire fera connaître l’intention de M. Rœderer. Je ne suis pas instruit des faits ; mais je demande à M. Rœderer pourquoi il vient troubler une délibération par un incident qui y est étranger. Si, comme je le crois, il parle ici d’une lettre qu’il m’a montrée, il l’a reçue il y a plus de 3 semaines. ( Vifs applaudissements.) 440 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l,r septembre 1191.] Plusieurs membres : Eh bien ! Monsieur Rœde-rer. M. Ee Chapelier. Gomme je ne veux rien hasarder, je viéclar *. que je n’ai pas vu la date : la seule chose que j’atteste, et M. Rœderer ne me démentira pas, c’est qu’il m’a montré, sans me la donner à lire, une lettre, il y a 3 semaines, contenant le même fait qu’il annonce, c’est-à-dire renfermant des états venant d’une ville de frontière, de Thionville, je crois, par laquelle on lui mandait que les états présentés par le comité militaire et par le ministre de la guerre n’étaient pas exacts ; il me demanda i e qu’il y avait à faire à cet égard: je lui répondis que j’en conférerais avec le comité militaire et je lui conseillai de vérifl r les faits pour en rendre compte ensuite à l’Assemblée si l’inculpation était vraie. Voilà ce que j’atteste. ( Applaudissements .) J’ajoute que nous avions bien prévu qu’à l’époque où nous délibérerions si nous devions loyalement, franchement, comme une grande nation doit le faire, donner le plus grand appareil et la plus grande solennité à la liberté et à l’acceptation du roi, on chercherait à aliéner les esprits Je vois bien que, dans le discours et dans le fait absulummt étranger par lequel on vient d’interrompre la discussion, on cherche à répandre des alarmes dans le peuple. Je demande, Monsieur le Président, qui-, sans s’arrêter à cet incident, qui n’est fait que pour jeter l’alarme dans l’esprit du peuple. ( Applaudissements ), que pour troubler la tranquillité publique, on passe à Tordre du jour. (App laudissemen ts .) M. Emmery. Je ne sais si, dans la profondeur des desseins de M. Rœderer, il m’a inculpé nommément. . . M. Rœderer. Non, Monsieur ! M. Emmery. ...Je le prie de me dire à quelle époque j’ai fait un rapport sur la situation des frontières. Je crois que personne dans l’Assemblée ne se le rappellera. ( Mouvement .) M. Rœderer. Je demande à répondre. Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. Rœderer. Ce n’est pas pour répandre des alarmes dans le peuple, c’est pour épancher mes alarmes dans le sein de l’Assemblée, si elles sont fondées, c’est pour mettre le ministre et le comité militaire à même de les calmer, que j’ai dit un fait très exact, et qui, par le peu de détails que je vais donner, aplanira toutes les difficultés. Plusieurs membres : C’est un incident! L’ordre du jour ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Rœderer. C’est une injustice ! ( Murmures à l’extrême gauche.) M. de La Rochefoucauld. Je demande qu’é-cartant pour h-moment cetiucident, vous réserviez à MM. Rœderer et Emmery, au comité militaire et au ministre qui ont été inculpés, le droit d’être entendus sur cette question. (L’Assemblée, consultée, renvoie à demain, 2 heures, les explications sur cet objet ) M. Routteville-Dumetz. Messieurs, la discussion ne peut qu’affaibir la majesté de cette Assemblée; si la majorité partage l’opinion qui a été présentée par M. Je rapporteur, quMle ne tarde pas. Je demande que le projet de décret des comités soit mis aux voix sur-le-champ. ( Applaudissements .) M. de Montlosier. Je demande la question préalable. (Murmures.) M. l’abbé Gouttes. La discussion fermée! (Murmures.) (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) Les deux premiers articles du projet des comités sont mis aux voix, sans modification, dans les termi s suivants : Art. 1er. « Il sera nommé une députation pour offrir l’acte constitutionnel à l’acceptation du ioi. » (Adopté.) Art. 2. « Le roi sera prié de donner tous les ordres qu’il jugera convenables pour sa garde et pour la dignité de sa personne. » (Adopté.) M. Briois-Beaumetz, rapporteur , soumet à la délibération l’article 3, ainsi conçu : « Si le roi se rend au vœu des Français en adoptant l’acte constitutionnel, il sera prié d’indiquer le jour et de régler les formes dans lesquelles il prononcera solennellement, en présence de l’Assemblée nationale, l’ucceptutio i de la royauté constitutionnelle et l’engagement d’en remplir les fonctions. » M. Ganltier-Biauzat. J’observe, sur cet article, que les fermes e l’acceptation peuvent être intéressantes au pointqu’il convienne que l’Assemblée nationale les examine et non pas qu’elle s’en réfère au roi pour les régler. Je demande donc que le roi soit invité à proposer et non à légler ces formes ; sans doute, il en proposera de bonnes ; mais ce sera à nous à voir si elles le sont. M. Prieur. La Constitution a réglé elle-même les formes de l’acceptation du roi. M. Briois-Beaumetz, rapporteur. Je substitue au mot : formes, !e mot : cérémonial. M. Muguet de üanthou. La Constitution a tout prévu. Quand le roi veut accepter, il vient prêter le serment à l’Assemblée ; quand il vient à l’Assemblée, il y vient accompagné de ses ministres : voilà le cérémonial détermine par la Constitution. Il n’y a qu’à le suivre en cette occasion, comme dans toute autre, et il n’est pas besoin de plus de cérémonie pour celte fois-ci que pour les autres. M. Briois-Beaumetz, rapporteur J’observe que ce q ,e les comités appellent ici cérémonial n’est pas à proprement parler une pure cérémonie ; par exemple, un serment, la présence, de l’Assemblée nationale, ce ne sont pas là de pures cérémonies ; ce sont des choses que la Constitution a réglées et qui doivent êt;e inviolablement observée ; mais l’Assemblée sentira aussi que, dans une circonstance aussi solennelle, il se peut et même il convient qu’il y ail un cérémonial extérieur qui donne à cette circonstance plus d’éclat, plus de dignité.