150 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il janvier 1790.] femme et leurs six enfants, le titre de citoyen français . M. Bouche. Il serait à craindre que les 6,000 livres joints à la demande ne parussent le prix du consentement à accorder. Je propose de naturaliser ce généreux étranger et de refuser son argent. M. Bontteville-Dumet*. Je propose de naturaliser sur-le-champ cet étranger par un décret, sans qu’il soit besoin d’observer les anciennes formalités. Je ne vois pas au surplus d'inconvénient à accepter le don patriotique qu’il propose. M. Démeunier. Le comité de constitution prépare un projet de décret pour fixer les règles a’après lesquelles les étrangers pourront être naturalisés français. Je propose donc de donner acte de sa demande au citoyen de Vélav et de le naturaliser le premier dès que l’Assemblée nationale aura décrété les règles de la naturalisation. M. Mougins de Roquefort. L’offre d’un don patriotique de 6,000 livres et la demande de naturalisation sont deux choses distinctes. Vous pouvez accepter l’une sans l’autre ouïes accorder toutes les deux, et pour plus de liberté je demande que vous prononciez séparément. L’Assemblée, consultée, donne d’abord acte de la demande en naturalisation, et par un deuxième vote, accepte le don patriotique de 6,000 livres. M. le Président. L’Assemblée va reprendre maintenant la suite de la discussion sur l'affaire de la Chambre des vacations du Parlement de Bretagne. M. Renaud, député d'Agen. Par motion d’ordre, je propose que, sans désemparer, cette grande cause soit jugée dans la séance de ce jour. M. Guillou. Il n’est pas séant d’adopter une pareille proposition , parce que l’Assemblée ne peut jamais décider à quelle époque elle sera assez instruite ; parce que, quand bien même elle le déciderait, nous ne pouvons pas savoir si nos forces physiques tiendront jusqu’au moment où les personnes qui voudront parler pour l’un ou l’autre parti auront exposé toutes leurs raisons. Nous serons toujours libres de déclarer que la discussion est terminée, et que nous sommes assez instruits; mais, avant d’être instruits, nous ne pouvons pas dire que nous sommes assez instruits; car, pour être assez instruits, il faut d’abord s’instruire. Je pense qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. le Président met aux voix la proposition de M. Renaud. Elle est adoptée. La discussion est ouverte. M. de Cazalès.Jene réponds ni aux diatribes, ni aux violentes déclamations que s’est permises M. le comte de Mirabeau. Je n’oublie pas que je discute les intérêts d’un grand peuple en présence des législateurs d’une grande nation. Je prendrai le seul ton digne d’un honnête homme, (il se fait Îf uelques murmures, et l’opinant est rappelé à /ordre.) Il est impossible de contester que le ton de la modération et de la justice convient uniquement quand on délibère sur le sort de ses concitoyens, et qu’on est leur juge. Qu’il me soit permis de relever trois faits que M. de Mirabeau a altérés. 11 a dit qu’il reste toujours, après la levée de la chambre des vacations, un nombre de magistrats devant lesquels on juge un référé, tandis qu’ilest certain qu’aprèsi’expirationdela chambre des vacations il s’écoule, jusqu’à la rentrée, huit jourspendant lesquelsaucun magistrat n’est revêtu de fonctions publiques. M. de Mirabeau a nié que les membres de la chambre des vacations eussent offert le sacrifice de leur état; cependant cette offre est consignée dans deux lettres au Roi, et a été rappelée par M. de La Houssaye en présence de l’Assemblée. M. de Mirabeau a dit que ces magistrats ont avancé, dans leur discours, que la noblesse et le clergé forment les deux tiers de la Bretagne ; ce discours ne renferme rien de semblable. Je ne me permettrai pas d’exposer mes réflexions sur cette conduite; l’Assemblée jugera le degré de confiance qu’elle doit à un orateur qui emploie ainsi son éloquence. Je n’examine qu’un seul principe. Cet opinant prétend qu’il s’agit ici d’un fait de police; que l’Assemblée a sa police, et que, sans contredit, elle peut juger ce fait, c’est-à-dire que l’Assemblée ne peut juger que quand elle est juge et partie ..... J’examine ensuite le fond de cette affaire. Le Parlement de Rennes a reçu en dépôt des franchises : il a juré de les conserver; il croyait qu’elles étaient attaquées, il a voulu remplir son serment. Vos décrets n’ont obtenu que des adhésions isolées. Les députés bretons n’ont renoncé aux franchises de leur province que sous la réserve d’une adhésion; cette adhésion n’existe pas, les franchises existent donc encore..,.. La Bretagne a toujours été indépendante de l’empire français. Ses droits sont établis sur des traités solennels; l’Assemblée n’a donc pu les détruire sans le consentement du peuple breton. Elle a été emportée au-delà de ses droits, au-delà de ses devoirs par des circonstances extraordinaires. Ses décrets ne seront véritablement obligatoires pour la nation que lorsqu’ils auront été consentis par une adhésion formelle ou tacite des peuples. Alors on ne pourra, sans crime, désobéir à ces décrets. Il est donc certain que les magistrats de Rennes ont pu croire de bonne foi que les franchises de la Bretagne ne pouvaient être abolies qu’au milieu d’une assemblée du peuple breton: c’en est assez pour que cette erreur ne soit pas considérée comme un crime. Si cependant l’Assemblée croyait qn’il est important à ses décrets que des magistrats, qui n’ont pas obéi, ne remplissent plus leurs fonctions, il serait généreux et juste d’accepter leur démission. Je proposerais en conséquence un décret en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la justification des magistrats composant la chambre des vacations du Parlement de Rennes, décrète qu’ils seront envoyés au pouvoir exécutif pour que l’offre qu’ils ont faite du sacrifice de leur état soit réalisée. » Quel que soit le jugement que vous allez prononcer, permettez-moi d’observer que dans des temps d’effervescence, où des hommes présumés innocents, puisqu’ils n’étaient pas déclarés coupables, ont été livrés à la fureur du peuple, condamner les magistrats bretons, ce serait les priver de la sauvegarde de la loi; qu’il me soit permis de représenter que c’est sur les membres d’un Parlement, d’un Parlement noble que vous allez statuer; c’e.-d-à-dire sur des citoyens qui, dans les divisions dont le royaume est travaillé, sont