136 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juin 1790.] La discussion sur la seconde partie de l’ancien article 9 est ajournée ainsi que colle qui concerne l’ancien article 10, qui deviendra le 8« du décret. M. Martineau fait lecture de l’ancien article 11 qui deviendra le 9e et qui est ainsi conçu : « 11 ne sera conservé qu’un seul séminaire dans chaque diocèse ; tous les autres seront éteints et supprimés. » M. Carat l’aîné. Il serait très imprudent de •supprimer ainsi des maisons absolument utiles à certaines provinces : la mienne surtout le verrait avec déplaisir. Je demande donc que cette question soit renvoyée au département. M. Goupil de Préfeln. Vous ne pouvez pas dire précisément qu’il n’y aura qu’un séminaire dans chaque diocèse. Je demande que l’article soit ainsi rédigé : « Il y aura dans chaque diocèse un séminaire : l’assemblée administrative de département réglera s’il est expédient d’en établir ou d’en conserver plusieurs. » Après une discussion assez longue, l’article est décrété comme il suit : «Art.9. Il sera conservé ou établi dans chaque diocèse un seul séminaire pour la préparation aux ordres, sans entendre rien préjuger quant à présent sur les autres maisons d’instruction et d’éducation. » M. le Président fait lecture d’une lettre de M. de La Tour-du-Pin. Ce ministre ayant examiné le marché fait pour l’entretien de 300 chevaux des trains d’artillerie, a reconnu qu’il était possible de faire sur cette dépense une économie très considérable. Il a proposé la résiliation de ce marché aux entrepreneurs, qui, loin d’y consentir, demandent une indemnité qui s’élèverait à la valeur de trois années du prix du bail, pour l’exécuter pendant toute sa durée. M. de La Tour-du-Pin prie l’Assemblée de s’occuper de cet objet. On ordonne le renvoi au comité militaire et au comité des finances. M. le Président donne lecture du nom des membres élus pour faire partie du comité des rapports ; ce sont : MM. Brevet de Beaujour. Alquier. Leleu de la Ville-au-Bois. Bouchet de Touraine. Morin. Grenot. Regnier. Baillot. Le prince de Broglie. Merle. De Chastenay de Lenti. Poulain de Beauchêne. Ma lès. Muguet de Nanthou. De Neuville. M. l’évêque d’Autun, membre du comité de Constitution, demande la parole pour proposer, au nom du comité, divers articles concernant la fédération générale des gardes nationales et des troupes de ligne. M. de Talleyrand, évêque d’Autun. Messieurs, l’Assemblée a ordonné à sou comité de Constitution de lui présenter un projet de décret relatif à la fédération dont l’époque est fixée au 14 juillet. Le comité a pensé que cette fête vraiment nationale ne pourrait se faire avec trop de solennité; qu’une telle fête, en réveillant des souvenirs glorieux, en resserrant les liens de la fraternité entre tous les citoyens, en rendant sensible à tous les yeux le patriotisme qui anime tous les Français, achèvera de persuader aux ennemis de la Révolution, s’il en existe encore, combien seraient vains les efforts qu’ils pourraient faire pour la détruire. Le comité pense en même temps que l’Assemblée, juge éclairé et sévère de la véritable grandeur, ne consentira pas à une magnificence ruineuse pour les peuples, et voudra sûrement présenter aux districts des idées d’économie dont ils seraient coupables de s’écarter. Il pense que l’Assemblée voudra consacrer en même temps des principes constitutionnels sur la garde nationale, afin que, dans cette ivresse patriotique, l’opinion publique ne puisse s’égarer un seul instant. — M. l’évêque d’Autun lit divers articles : Art. lor. Le directoire de chaque district du royaume, et dans le cas où le directoire ne serait point encore en activité, le corps municipal du chef-lieu de district, sera commis par t’ Assemblée nationale à l’effet de requérir les commandants de la garde nationale d’assembler les-dites gardes nationales de leur ressort. Lesdites gardes ainsi rassemblées choisiront six personnes sur cent, qui se réuniront au chef-lieu du district. Cette réunion choisira un homme par deux cents dans la totalité du district : elle le chargera de se rendre à Paris pour la fédération qui aura lieu dans cette capitale le 14 juillet. Art. 2. Les directoires ou corps municipaux fixeront, de ,1a manière la plus économique, la dépense qui sera allouée pour le voyage et pour le retour. Celte dépense sera supportée par chaque district. Art. 3. Le roi sera supplié de donner des ordres nécessaires pour que tous les régiments de l’armée députent chacun un officier, un bas-officier et un soldat pour se réunir à la même fédération. Une idée a été présentée au comité de Constitution parM. de Lafayette , nous l’avons adoptée; elle nous a paru contenir un principe fondamental de l’organisation des gardes nationales, que nous avons cru devoir être décrété dans un moment où toutes les gardes nationales sont invitées à se réunir. M. de Lafayette va vous exposer ses vues. Le comité a donné son assentiment au projet de décret qu’il vous présentera. M. de Lafayette. Quelque empressé que je sois de célébrer les fêtes de la liberté, et notamment les 14 et 15 juillet, j’aurais souhaité que l’époque d’une confédération générale fût moins déterminée par des souvenirs que par les progrès de nos travaux ; non que je parie ici des décrets réglementaires ou législatifs, mais de cette déclaration des droits, de cette organisation de l’ordre social, de cette distribution de l’exercice de la souveraineté qui forment essentiellement une Constitution : c’est pour elle que les Français sont armés et qu’ils se confédèrent. Paissions-nous, animés par l’idée de cette sainte réunion, nous hâter de déposer sur l’autel de la patrie un ouvrage plus complet ! l’organisation des gardes nationales en fera partie : par elle la liberté française est garantie à jamais; mais il ne faut pas qu’à cette grande idée d’une nation tranquille sous ses drapeaux civiques, puissent être mêlées un jour de ces combinaisons individuelles qui compromettraient l’ordre public, peut-être même la [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 17 juin 1790. J Constitution; je crois qu’aumomentoùi’ Assemblée nationale et le roi impriment aux confédérations un si grand caractère, où toutes vont se réunir par députés, il convient de poser un principe si incontestable, que je me contente de proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète comme principe constitutionnel que personne ne pourra avoir le commandement des gardes nationales dans plus d’un département; elle se réserve à délibérer si ce commandement ne doit pas même être renfermé dans chaque district. » M. Alexandre de Laineth. Le comité militaire s’est occupé du décret qui vous est présenté. Il a pensé que le choix des députés des régiments aurait des inconvénients si l’on n’en déterminait pas le mode. Il croit qu’il est convenable de faire élire les ofticiers par les officiers, les bas-officiers par les bas-officiers, et les soldats par les soldats : mais il lui paraît que trois personnes ne suffisent pas. Les députés des soldats pourraient être pris parmi les fusiliers; les grenadiers et les chasseurs en seraient jaloux et de là naîtrait une mésintelligence dangereuse. Le comité propose de décréter que les compagnies des régiments seront divisées par sections et par pelotons; les sections nommeront des électeurs qui choisiront par chaque régiment quatre soldats ou caporaux : les chasseurs et les grenadiers éliront un grenadier et un chasseur; Jes bas-officiers un bas-officier ; les officiers un officier. Dans la cavalerie, les électeurs des sections nommeront deux cavaliers, les bas-officiers un bas-officier, les officiers un officier. M. de Aoailles. J’ai demandé la parole ; l°pour réclamer en faveur des troupes de la marine l’avantage accordé aux troupes de terre ; 2° pour observer que la proposition faite par la garde nationale, de demander aussi des députations des communes, doit être adoptée; je ne vois pas qu'il en soit question dans le projet de décret du comité de constitution. Passant à celui du comité militaire, je remarque que si les élections s’étaient faites par régiment, le rassemblement d’un régiment aurait pu donner beaucoup d’inquiétudes. Nous avons cru devoir faire faire les élections par pelotons de 30 hommes: nous avons cru nécessaire d’établir un second degré d’élection. Le nombre des députés de i’armée ne s’élèvera pas au-dessus.de 1,000 à 1,200 hommes. J’appuie donc le projet du comité militaire dans son entier. M. Dureaux de Pusy. Il faut que le décret comprenne tous les corps militaires; le corps du génie, par exemple, ainsi que le corps de la marine, est divisé. Je demande que pour tous les corps militaires divisés le ministre appelle un officier de chaque grade. M. d’Aubergeon de ASurinais. Ces fêtes peuvent être une source d’insubordination si les troupes se rassemblent pour faire des élections. ! Les corps militaires ne doivent pas être des corps j délibérants et envoyer des députés. Je propose, ! pour éviter cet inconvénient, que la députation de chaque régiment soit formée du plus ancien capitaine, du plus ancien bas-olficier, du plus ancien soldat. 11 faut décréter que, dans aucun cas, les soldats ne pourront se rassembler. Vous savez ce qu’ont produit les comités permanents qui ont été formés. Toutes les fois que l’armée se portera ia7 à ces extrémités, il n’y aura plus de royaume-plus d’ Assemblée nationale, plus d’armée. Je fai: de ces réflexions une motion expresse, et je demande, pour le salut de l’armée, qu’il en soit délibéré. M. Goupil de Préfeln. J’appuie la motion très sage et très intéressante qui vient d’être faite. J’ai une autre considération à ajouter. Il existe un corps très important dans l’ordre public et qui ne peut être distrait de ses fonctions. Cependant, ce corps serait mortifié s’il ne participait pas à une fête civique aussi solennelle. Je propose de décréter que, vu le petit nombre d’individus qui composent la maréchaussée et la nécessité de leur service journalier, ce corps sera autorisé à adresser des pouvoirs à la maréchaussée de Paris pour le représenter. M. Bouron. Il me semble que lorsqu’il s’agit d’un devoir que tous sont propres à remplir, la voie du sort est plus convenable que celle de l’élection: elle a d’ailleurs l’avantage de prévenir la jalousie, les cabales et les intrigues. M. 3e eo as te de Alrieu. J’appuie la proposition de M. le chevalier de Marinais; elle réunit l’avantage de la facilité, de la sûreté et d’une prompte expédition. Les registres font foi quand il s’agit de faire marcher le plus ancien. Le préopinant a proposé de faire l’élection par la voie du sort; mais la vieillesse n’est-elle pas un sort de la nature ? Le respect pour la vieillesse n’a-t-il pas toujours distingué les peuples libres? (On ferme la discussion.) On lit l’article 1er du décret du comité de constitution. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angely). Je crois qu’il faut mettre l'étendue de la municipalité au lieu du mot ressort. Dan3 beaucoup de municipalités il ne se trouvera pas cent gardes nationaux. Je demande qu’on dise si ces municipalités seront tenues de se réunir. M. Gouptileau. L’article porte un homme sur 200; il me semblerait plus convenable de déterminer les députations à six hommes par district. M. de Talleyrand, évêque d'Autun. Je réponds à cette proposition que les districts sont très inégaux. M. de Ricliier. Dix hommes par district seraient un nombre suffisant. Je demande encore, pour éviter les désordres qui pourraient se commettre à Paris, que le roi soit supplié d’ordonner qu’aucune députation ne pourra entrer dans Paris avant le 10. M. le Président observe que l’heure est très avancée; qu’il serait à propos de se retirer dans les bureaux pour procéder au troisième scrutin pour l’élection d’un président, qui doit se faire entre M. l’abhé Sieyès et M. Le Pelletier de Saint-Fargeau. (La séance est levée à 4 heures moins un quart.)