226 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE grand que parcequ’il s’étoit roulé dans le manteau de la vertu, et qu’il avoit emprunté l’éloquence et les dehors du sage. Vos regards l’ont enfin pénétré; l’enveloppe s’est déchirée; et le héros a disparu. Il s’est évanoui, et il n’a resté qu’un conspirateur audacieux, que l’hippocrite le plus effronté, qu’un tyran. Quelques heures plus tard, c’en étoit fait de la représentation nationale, c’en étoit fait de la liberté, c’en étoit fait de la patrie ! la tyrannie aux pieds d’airain, s’avançoit à pas de géant, suivie de ses satellites et de ses bourreaux. Seule, mais armée de toute la sublimité du courage, vous vous êtes levés, et le tyran tout couvert d’opprobre, est descendu dans le tombeau des scélérats. Illustres monuments ! héros des temps passés ! disparroissés et cachés vous : vous ne sauriez plus nous servir de modèles. Et toi, riche trésor, charte du peuple ! ferme désormais tes pages. Sans toi nous avons apris à ne plus nous fier à la vertu des hommes; sans toi nous saurons les compter pour rien devant la Liberté. Ou si tu veux être encore utile à l’univers parle lui de la gloire des français, et du courage de ses représentans. Vive la République ! Vive la Convention ! Vivent les parisiens ! périssent les traitres et les tyrans. Percin (maire), Fim (agent national) et dix autres signatures. c [Les membres de la société populaire de Fleu-rance à la Convention nationale, le 19 thermidor an II] (4) Représentans, Qui s’y fut attendu !... quoi ? Ce Robespierre que la France révéroit comme l’arche de toutes les vertus, ce Robespierre que l’opinion publique avoit placé vivant au sanctuaire de l’immortalité, n’étoit en effet que l’accapareur occulte de toutes les factions, qu’un conspirateur atroce et permanent, qu’un lâche altéré de sang, affamé de tyrannie ?... C’est au pied des autels qu’il avoit élevés à la probité, que l’hippocrite cultivoit le crime, qu’il méditoit ses attentats ?... 0 surprise ! 0 indignation ! Oui, c’en étoit fait de la Patrie, sans la stoïque énergie que vous avez déployée, et sans la fidélité des Parisiens. C’en étoit fait pour toujours... que disons nous pour toujours ? Ses maux auroient été grands sans doute, multipliés, immenses; le vaisseau de la Liberté eut disparu sous les flots, un homme eut pris la place des loix; mais la Liberté est impérissable : le triomphe du tyran eut été de courte durée, nous le jurons par les vertus du peuple, par les vainqueurs de Fleurus et de Fontarabie, par le chêne immortel qui couronne vos fronts. Mais il n’appartenoit qu’à vous seuls, d’opposer à la plus violente de toutes les tempêtes, la sublimité d’un courage qui ne peut être comparé (4) C 320, pl. 1 315, p. 6. qu’à lui-même; il n’appartenoit qu’à vous de l’arrêter dans sa marche effrayante et terrible, de surmonter tous ses efforts, debout au sommet de la Montagne, vous avez saisi le Trident de la Liberté, et la tête hideuse des tyrans, déjà glacée à votre aspect, a roulé sur l’échaffaut, et la conjuration s’est dissipée comme une vapeur, et la surface de la France n’en a pas été ébranlée. Vive la République !... Vive la Convention ! Vivent les Parisiens !... périssent à jamais les traîtres, et tous ceux qui tenteraient encore de marcher sur les traces de l’usurpateur ! Représentans ! quelle époque brillante pour la République ! Quelles pages pour l’histoire ! quelle gloire, quelle jouissance pour vous ! que vous étiez grands dans ces moments de péril et de calamité !... Ah ! nous eussions acheté de la moitié de notre vie, l’honneur de perdre l’autre en vous déffendant. Mais ce n’est pas tout que de nous livrer avec transport à la joye d’une pareille victoire, à la volupté d’un pareil sentiment. Il faut encore que cette leçon terrible ne soit pas perdue pour la liberté. Assez l’expériance nous a enseigné à connoître les hommes : leurs grandes qualités ne sont presque toujours que le faux visage de leurs passions. Apprenons donc enfin à ne plus croire aux miracles d’une vertu qui court après la puissance et la renommée. Mettons au pied de l’arbre de la Liberté le dragon de la méfiance; et surtout, n’oublions jamais que chez un peuple libre, la louange est un encens perfide, qui commence par faire une idole, qui finit par faire un tyran. Bigourdeau (président), Lamy, Cartaride (secrétaires). d [La société populaire du Blanc, département de l’Indre, à la Convention nationale, le 19 thermidor an II] (5) Citoyens Représentans, Au récit du complot affreux du Néron moderne et des scélérats qu’il s’était associés, nos cœurs ont été glacés d’effroy; nos yeux un instant ouverts sur les dangers de la patrie se sont fixés sur vous. Remplis de cette confiance, qu’inspirent la vertu et la justice, nous nous sommes écriés : la Convention est à son poste; la patrie est sauvée. Représentants fidels vous tenez les renes du gouvernement; ne laissez plus conduire son char par des hipocrites ambitieux. La Convention devra désormais marcher toute entière; celui qui voudrait s’élever au-dessus d’elle, pour l’influencer ou la maîtriser, celui qui tenterait de se distinguer du peuple et blesser les principes de la sainte égalité, ne sera à nos yeux qu’un tiran, un despote, que le glaive national doit frapper. (5) C 320, pl. 1 315, p. 8. SÉANCE DU 18 FRUCTIDOR AN II (4 SEPTEMBRE 1794) — N°* 1 227 Continuez vos travaux; montres-vous toujours avec le courage et l’énergie que vous venez de développer, nous serons toujours près de vous ou avec vous, et au premier signal du danger nous irons vous entourer et nous vous ferons un rempart de nos corps. Braud (président), Bassinet (secrétaire). e [La société populaire et montagnarde de Ver-dun-sur-Garonne à la Convention nationale, le 23 thermidor an II\ (6) Liberté Egalité République ou la mort Citoyens représentans, Nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire de cette époque à jamais mémorable dans les fastes des peuples libres, de ce jour qui éclaira la chute du trône d’airain, et vit briser le sceptre de fer, sous lequel la France gémissoit depuis tant de siècles, de ce 10 août devenu immortel par la glorieuse insurrection qui rappelera à la postérité reconnaissante le triomphe de la Liberté sur le despotisme. Ils n’en seront pas moins consacrés dans l’histoire, les sentiments de haine et d’exécration dont le peuple français ne cesse d’être animé contre les tyrans et les conspirateurs, qui voudroient attenter à sa liberté. Eh ! c’est à un tel peuple, à une nation de républicains, que des traîtres ont osé former l’odieux projet de présenter un maître ! Couthon, Saint Just, et toy surtout le Cathi-lina de la conjuration républicide tramée avec autant de scélératesse que d’hypocrisie jusque dans le sanctuaire de la liberté, perfide Robespierre ! armé d’une confiance usurpée, couvert des bienfaits de la patrie, vous aviez conspiré sa perte, mais le génie de la Liberté, qui ne fut jamais le vôtre, l’énergie de la Convention nationale premier objet de votre tyrannie, les vertus et le courage du peuple français lâchement trahi par vous, ont déjoué vos infâmes complots. Vils et atroces conjurés, c’est par des flots de sang républicain que vous vouliez nous ramener sous le despotisme; et ne savez-vous pas que si nous méprisons et détestons les tyrans nous excécrons encore plus la tyrannie ? C’est sur les cadavres sanglants de vos incorruptibles collègues, de nos vertueux représentans, que vous vouliez relever un trône abhorré; mais si le crime avoit effacé de vos cœurs corrompus le souvenir des généreux efforts dont s’immortalisa un peuple fier et indépendant pour l’anéantissement de la royauté, la glorieuse époque du 10 août ne devoit-elle pas vous les rappeler ? La République entière applaudit à votre juste supplice, et l’excécration nationale vous poursuit jusque dans le fond de vos tombeaux. Illustre aéropage des français ! Représentans fidèles et courageux défenseurs de la cause du peuple, vous avez encore une fois sauvé la (6) C 320, pl. 1 315, p. 9. patrie, cimenté son triomphe par l’anéantissement de tous les traitres; que le glaive de la loi arrache les masques dont se couvrent les conspirateurs pour égarer le peuple, et la révolution déblayée par vous des scélérats qui entravent sa marche, parviendra avec rapidité au terme heureux vers lequel la dirigent vos lois régénératrices. Le salut de la République vous ordonne de rester au poste où les suffrages de vos concitoyens vous ont appelés; le vaisseau de l’Etat vous est confié, vous en répondés, et il ne vous suffit pas de l’avoir sauvé de la tempette, vous devez le conduire dans le port. Comptez sur le zèle et le courage de tous les républicains, ils vous sont entièrement dévoués; ordonnez et nous volons tous à l’instant vous faire un rempart de nos corps. Vive la République une et indivisible ! Vive la Convention nationale ! Les citoyens composant la société populaire et montagnarde de Verdun-sur-Garonne. Lamagdeleine (juge de paix, président), Jauglas fils (vice-président), Pujol, Pilon, Cerandouble (secrétaires). P.S. L’adresse cy dessus a été signée sur le registre de la société par tous les membres de cette dernière. f [Le maire et les officiers municipaux de la commune de Montflanquin, département du Lot-et-Garonne, à la Convention nationale, le 23 thermidor an II\ (7) Représentans du peuple, Des nouvelles perfidies, des nouvelles trahisons viennent d’éclater jusques dans le sein de la Convention. La liberté a été menacée. Les jours de la Représentation nationale ont encore couru de nouveaux dangers. Le scélérat Robespierre et ses infâmes complices avoient projetté la destruction de la République et formé l’ex-cécrable dessein de charger les français de nouvelles chaines, de les replonger dans les horreurs de la tirannie, et de convertir nos jours de triomphe en des jours de deuil et de désolation. Une commune perfide, secondant leurs coupables projets, avoit déjà creusé le précipice ou dévoient s’engloutir les droits sacrés de l’homme et du citoyen. Mais votre sagesse a découvert leurs trames criminelles et votre énergie les a heureusement déjouées. La foudre a été lancée du haut de la sainte Montagne et les têtes conspiratrices sont tombées sous le glaive de la loy. Restés à votre poste, Représentans du peuple, veillés sur le dépôt sacré qui vous a été confié. Continués à nous donner des lois sages qui assurent notre bonheur sur les bazes de la liberté et de l’égalité, et tandis que nos armées victorieuses se couvrent de lauriers et multiplient nos conquêtes, continués à déffendre nos droits, et le peuple toujours reconnaissant et (7) C 319, pl. 1 305, p. 10.