[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j eVovSrel 793" 471 rioateurs seront par lui frappés d’anathème. C’est là le comité de censure auquel nul n’échap¬ pera, et le seul qui puisse et qui doive exister dans un pays libre. ( On applaudit.) L’ordre du jour motivé est adopté. Suit le texte de la motion faite par Eaffron, d’après un document imprimé (1) : MOTION FAITE A LA CONVENTION NATIONALE PAR RAFFRON, DÉPUTÉ DU DÉPARTEMENT DE PARIS, LE 16 BRUMAIRE DE L’AN II (VIEUX STYLE, LE 6 NOVEMBRE 1793) (2). « Citoyens, « L’importance du sujet dont je vais vous entretenir, étant démontrée dans la suite de mon discours, je commence. « Si le grand acte de sévérité que le tribunal révolutionnaire vient d’exécuter sur plusieurs membres de la Convention nationale convaincus de conspiration, a sauvé et pouvait seul sauver la République, il est évident que le système de l’inviolabilité des députés aux assemblées natio¬ nales ne pouvait être que funeste à la patrie. « Je vous invite à jeter ici un coup d’ceil ra¬ pide sur le passé. « Les députés pervers, couverts de cette égide respectée, ont manifesté effrontément les senti¬ ments les plus contraires au bien public, se sont coalisés et laissé corrompre, ont ensuite formé les intrigues les plus criminelles, et tous ont joui de la plus parfaite impunité. Nulle re¬ cherche ne fut faite contre aucun d’eux, ni pen¬ dant ni après les deux premières assemblées nationales; et tandis que ces députés (la posté¬ rité aura peine à le croire), transformés en vils gladiateurs, se provoquaient et violaient eux-mêmes leurs propres privilèges, le peuple les respectait, et honora de la vénération la plus religieuse un de ses indignes représentants ( Jou-veneau), qui se trouvait renfermé à l’Abbaye lors du massacre des prisons. « Mais le mal allant croissant, la Convention nationale a eu la douleur de voir d’abord un de ses membres, puis un autre, tous deux zélés défenseurs de la liberté, tomber sous les poi¬ gnards des assassins ennemis de la patrie, ainsi le crime enlevait à la vertu sa sauvegarde, dont la jouissance usurpée par les méchants les ren¬ dait si audacieux et si pervers. « Des orages épouvantables étaient excités dans la Convention par les scélérats coalisés qu’elle renfermait dans son sein : ils tournaient contre le salut public, la force dont ils avaient été investis pour établir la liberté, et déchiraient impitoyablement les entrailles de la patrie; tandis que ceux qui étaient restés fidèles à leur devoir, combattaient courageusement, au péril de leur vie, pour sa défense. Mais leurs efforts étaient employés tout entiers à la résistance, (1) Bibliothèque nationale : 8 pages in-8° Le,s, n° 550; Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l'Oise), t. 26, n° 11. (2) L’ordre du jour fut invoqué et adopté sur ma motion. Après y avoir mûrement réfléchi, j’ai pensé qu’il était utile de la donner à l’impression. C’est ce que je fais aujourd’hui 11 pluviôse de l’an II. Une note qui est à la fin contient les principales raisons qui m’y ont déterminé; j’invite è la lire avec atten¬ tion.� fiVofe de Raffron.) non seulement le grand œuvre de la Révolution n’avançait pas, non seulement le temps pré¬ cieux destiné à fonder la République sur les bases de la liberté et de l’égalité, se consumait en des altercations scandaleuses et des débats funestes; mais la contre-révolution s’opérait, la liberté périssait. « O ma patrie, quelle puissance te fit échapper à la rage de ces bêtes féroces (1)? « Ce fut alors que le peuple souverain, ayant enfin reconnu la trahison d’une partie de ses mandataires, et l’insuffisance des efforts de ceux qui défendaient généreusement sa cause, se leva majestueusement, et, foulant aux pieds ce funeste bouclier de l'inviolabilité, appela hau¬ tement le glaive de la loi sur les têtes crimi¬ nelles quelles qu’elles fussent. Il nomma 22 dé¬ putés conspirateurs condamnés par l’opinion publique, et demanda qu’ils fussent punis de mort s’ils étaient jugés coupables. « Le tribunal révolutionnaire vient de pro¬ noncer. Ces traîtres ont enfin perdu la vie sur l’échafaud. La patrie est sauvée : oui, la patrie est sauvée. « Mais qui est-ce qui peut considérer sans effroi les dangers auxquels elle a été exposée pendant le cours de cette affreuse lutte, de cette longue et atroce conspiration, dont les suites sont encore si désastreuses? Qui est-ce qui ne voit pas que ce danger, qui pouvait être fatal à la République, et qui peut renaître, a été con¬ sidérablement augmenté par la lenteur qu’on a mise à y apporter un remède nécessaire? (Elle existe encore.) « En effet, il y avait bien longtemps que les Sociétés populaires des départements, que celles de Paris, que les assemblées de sections de Paris appelaient la vengeance des lois sur les têtes coupables. Inutilement leur sollicitude, leurs plaintes vous étaient-elles présentées à la barre; ces méchants, qui se croyaient inviolables, cons¬ piraient en secret, même ouvertement : ils mar¬ chaient la tête levée, et bravaient tout, même Vopinion publique, qui ne s'établit qu'a/près le crime, et dont la crainte, quoi qu’on en dise, n'imposa, jamais aux pervers. Il a fallu, pour nous sauver, les journées à jamais mémorables des 31 mai, 1er et 2-juin, c’est-à-dire des se¬ cousses, des crises qui pouvaient, il faut le dire, être fatales à la République. « Grâce à la vertu et au courage des bons dé¬ putés de la Montagne, grâce à la vigueur, à la fermeté, à la prudence, à la sagesse du peuple, nous avons échappé à une perte qui paraissait inévitable ! Mais l’œil ne peut mesurer qu’avec effroi la profondeur de l’abîme où nous étions près d’être engloutis. Éloignons ces dangers et de pareils, pour jamais, de la République. Nous le pouvons; il est encore temps. L’intérêt de son salut nous faisant un devoir de rester encore à notre poste; profitons de ces moments précieux pour prévenir de pareils maux. « J’avais proposé (2) ce préservatif heureux à la Convention, dans le temps où elle allait sou-(1) Un mauvais député qui ne connaît point de frein est une bête féroce qui veut et qui peut égor¬ ger la patrie. ( Note de Raffron.) (2) Le 24 juin 1793, jour de la dernière relute de la Constitution. Mon discours aura pu être inséré dans le Moniteur. Je le fis imprimer, et le distribuai dans la Convention, aux Jacobins, aux électeurs, à ma section. (Note de Raffron.) 472 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 06nJ™“bre ireà” mettre à la sanction du peuple notre immortelle ’ Constitution. Sans doute, le besoin pressant du peuple, son impatience, et votre empressement à le satisfaire, ne vous permirent pas de donner attention à ce que je proposais. Je le reproduis aujourd’hui avec confiance, y étant autorisé par les événements. « La Convention a tous les moyens de salut public qu’elle a eus depuis le commencement de sa session. Si l'on veut arrêter le 'progrès du mal, il faut s'opposer à son commencement. Le gou¬ vernement qui rendrait le crime impossible serait sans contredit le meilleur. Notre expérience doit nous avoir prouvé combien il est dangereux d’attendre qu’une conspiration soit formée, exécutée même en partie, qu’elle ait éclaté, pour prendre des mesures salutaires. « Le conseil de censure tel que je l’avais pro¬ posé alors (ou un moyen meilleur, si on le con¬ naît), sauvera la République par l 'inquiétude républicaine et maintiendra les membres des Assemblées nationales dans la pureté de mœurs et de patriotisme qui doit caractériser les repré¬ sentants du peuple. « Je demande que les comités de législation et de Salut public s’occupent de cet objet im¬ portant, et qu’il en soit fait un rapport à la Convention, qui peut proposer à la sanction des premières assemblées primaires cet article sup¬ plémentaire de la Constitution. « Il importe que la République ne reste pas désormais exposée aux dangers qu’elle a courus, et qui pouvaient la perdre. Il faut que, si la nation se trompe dans le choix de ses représen¬ tants, son erreur ne puisse jamais l’exposer à perdre sa liberté. Il faut que la conduite et les sentiments des députés aux Assemblées natio¬ nales puissent être surveillés et scrutés sévère¬ ment, dès qu’ils auront donné lieu à des soup¬ çons fondés, et avant qu’ils aient pu consommer leurs crimes. « Raffron. « Note. Il y a actuellement un grand nombre de députés en état d’arrestation, 60 ou 70 peut-être. Cet état de choses, devenu nécessaire est cependant préjudiciable au bien public, puis¬ qu’il affaiblit considérablement la représen¬ tation nationale. L’insuffisance et la lenteur des moyens qui ont été employés jusqu’à présent pour purifier la Convention, ont causé ce vrai malheur. Les pervers ont eu tout le temps d’in triguer, de conspirer. Il faut aujourd’hui suivre ces trames, éclairer et découvrir des complots formés. On ignore quand toutes ces recherches seront terminées ; elles aboutiront à un jugement pour plusieurs d’entre eux; cela ne peut man¬ quer d’entraîner des longueurs. « Tandis que, sur une ou plusieurs dénoncia¬ tions appuyées de preuves suffisantes, le conseil de censure que j’ai proposé, déclare que le dé¬ noncé a perdu, ou n’a pas perdu la confiance du peuple. C'est là précisément où se borne toute sa juridiction. En conséquence, le député dé¬ noncé rentre dans ses fonctions ou en est exclu. Dans le dernier cas, l’arrondissement qui l’a nommé en nomme un autre, et la représentation nationale est presque toujours complète. « L’organisation du conseil de censure que j’ai proposé en tient les membres dans une mobilité de situation continuelle, et capable de bannir toute inquiétude sur leur coalition. « Les membres nommés pour la former vivent séparés les uns des autres à de grandes distances sur toute la surface de la République; ils restent chacun chez eux, et ne se réunissent qu’au mo¬ ment où le sort les a appelés à l’exercice de leurs fonctions, qui» ne doivent jamais durer plus de trois mois. Dans les quatre tirages qui se font pour chaque trimestre de l’année, plusieurs peuvent n’être pas appelés par le sort. « Les 21 élus par le sort pour composer le con¬ seil de chaque trimestre subissent un nouveau tirage pour le terme de chacune de ses assem¬ blées, et aucun d’enx n’est sûr d’en être membre. « Mon sentiment ne peut être combattu que par des méchants, qui veulent voir perpétuer les intrigues au sein de la représentation natio¬ nale, pour la ruine de la République, ou de faux raisonneurs, qui confondent la licence avec la liberté, et l’impunité la plus odieuse avec la dignité de représentant du peuple. « Mon plan ne touche point à la représenta¬ tion nationale, qui conserve en masse toute sa majesté : mole sua stat. Les individus seulement en sont scrutés, comme les pierres d’un vaste et solide édifice sont taillées, nivelées, soumises à l’aplomb et remplacées au besoin. « Signé : Raffron. « Je place ici, sans préambule, une courte addition à mes réflexions sur le culte. « Le temps amène tout. Il amènera la raison ; déjà elle s’avance. Le temps use tout. Il a usé la superstition; elle s’efface... De la patience, et surtout point de violence. La violence ne produit le calme que par la destruction. Autre sur les sourds-muets. « La parole étant l’imitation des sons qui ont frappé l’ouïe, les muets sont muets parce qu’ils sont nés sourds. (Note de Raffron.) » Un membre [Grégoire (1)] prononce un dis¬ cours sur les moyens d’améliorer l’agriculture : la Convention nationale en ordonne l’impression et ajourne la discussion du plan qu’il propose (2). Compte rende du Journal des Débats et des Décrets (3). Grégoire prononce un discours sur les moyens de perfectionner l’agriculture. Il pense que des maisons où l’on enseignerait l’économie rurale et où l’on ferait des expériences, rempliraient parfaitement cet objet. Le système de Grégoire est développé dans son discours avec beaucoup d’érudition et des connaissances trop peu ré¬ pandues. (1) D’après les divers journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 23. (3) Journal des Débats el des Décrets (brumaire an II, n° 414, p. 225). D’autre part, V Auditeur natio-ual [n° 411 du 17 brumaire an II (jeudi 7 no¬ vembre 1793), p. 6] rend compte du discours de Gré¬ goire dans les termes suivants : « Grégoire a prononcé un discours et proposé un projet de décret sur l’établissement, dans chaque département, d’une maison d’économie rurale, dont l’objet principal serait l’amélioration de l’agricul¬ ture. R Ce travail, souvent applaudi, sera imprimé. »