658 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [9 septembre 1790-' roents nommeront des commissaires pour régler, tant les dépenses relatives auxdiies assemblées de bailliages, que de ceUes de députations pour Paris, Versailles et autres lieux, et généralement toutes les dépendes extraordinaires qui auraient rapport à cet objet. Lesdits commissaires régleront aussi dans quelle proportion les dépenses allouées devront être supposées tar chaque département. « Au surplus, les directoires se conformeront à tout ce que l'équité exigera d’eux, d’après les circonstances et les localités-» M. Chantaire. J’observe qu’il n’est aucunement question des électeurs dans le décret. M. Weraïer. Le comité a cru devoir mettre cet objet de côté, parce qu’il se fait une sorte de compensation et ce qu'aujourd’hui c’est votre tour et demain ce sera le mien. Il est vrai que quelques électeurs ont reçu un traitement, mais le comité n'en prend point connaissance; c’est aux communautés à agir à cet égard selon leurs convictions. M. de Saint-Martin. Les suppléants et les députés extraordinaires sont également oubliés. M. Vernier. Les députés suppléants n’ont droit d’étre payés que lorsqu’ils ont reçu la mission expre&se de suivre l’Assemblée nationale : les directoires feront cette vérification. Quant aux députés extraordinaires, les villes qui les ont envoyés out dû se charger de leur traitement. Plusieurs membres demandent à aller aux voix. (Le projet de décret et l’instrution sont adoptés sans changement.) M. le Président. L’ordre du jour est la discussion sur l' organisation de l'armée. (Aucun meuibredu (omitémilitairen’estprésent. Enfin M. de Bouthillier entre dans la salle et monte à la tribune.) M. de Itouihiiüer (1). Messieurs, le rapport que je viens faire aujourd’hui à l’Assemblée nationale porte sur l'artillerie et te génie. Lorsque le comité militaire a eu l’honneur de vous faire le rapport du plan d’organisation de l’armée, présenté par le ministre de la guerre, il vous a rendu compte des dilficultés qui s’étaient élevées relativement aux deux corps de l’artillerie et du génie. L’opinion de votre comité à ce sujet n'était pas fixée alorg ; il n’a pas cru pouvoir se permettre de vous en présenter aucune ; et en se bornant à vous as-urer que leur dépense (quelque parti que vous puissiez prendre à leur sujet) n’excéderait pas la somme de 5,204,564 liv. pour laquelle ils étaient portés dans Je plan du ministre, il vous a demandé l’ajournement de celte partie du plan, qu’il n’était pas alors en état de soumettre à votre discussion. Vous l’avez ordonné, Messieurs. Vous en rendre compte de nouveau et vous mettre à même de prononcer sur les difficultés qu’elie présente, est l’objet de ce. rapport. -, Réunira-t-on les mineurs au corps du génie, en les enlevant à celui de l’artillerie, dont ils font partie en ce moment, conformément au plan du ministre de la guerre? (1) Nous publions ce rapport d’aprcS l’iuiprefssion ordonnée par l’ Assemblée natio finale, Celté version est plus oomplète «m» du Moniteur. Réunira-t-on les deux corps de l’artillerie et du génie, totalement séparés aujourd’hui, pour n’en faire plus qu’un seul à l’avenir, ainsi qu'il a été proposé par plusieurs officiers de ces deux corps? Telles sont les deux questions importantes qu'il est indispensable de soumettre préliminairement à votre discussion. Le génie, affligé de l’espèce d’oisiveté à laquelle ses talents se trouvent souvent condamnés, avait réclamé une troupe directement attachée à sa suite et dont les bras, secondant son zèle, puissent le mettre à portée d’entreprendre davantage et avec plus de certitude de succès, en réunissant pins de moyens inhérents à lui pour exécuter. Le ministre, en conséquence, dans son plan, avait proposé de lui réunir le corps des mineurs, faisant aujourd’hui partie de l’artillerie. Le corps de l’artillerie, de son côté, avait réclamé contre cette disposition. Pour appuyer ses réclamations, il invoque la nature du service des mineurs, qui a pour but les mêmes effets destructeurs que le tir des bouches à feu ; les rapports nécessaires qu’ils ont ensemble par leurs moyens de détruire, et en outre la possession longue et assurée dans laquelle il est de voir ce corps distingué faire partie du sien depuis longtemps. Si les deux corps de l’artillerie et du génie, dont la rivalité jusqu’ici n’a toujours consisté qu’à se surpasser, s’il était possible, l’un et l’autre, en talents, semblent annoncer dans ce moment des prétentions opposées, le zèle dont ils sont également animés en est la source commune. L’un veut conserver, afin de ne perdre aucun de ses moyens de servir avec distinction; l’autre ne veut acquérir que poür se procurer des ressources pour servir encore davantage et avec plus d’utilité. L’embarras de les accorder a fait croire que la réunion de deux corps également distingués, dont l’éducation première doit être à peu près pareille, et dont les services mêmes se trouvent si souvent en rapport à la guerre, pourrait parer à toutes ces dilficultés. Sans être retenus par le peu de succès qu'avait eu cette opération, déjà tentée en 1755, et à laquelle on avait été forcé de renoncer en 1758; san.' être arrêtés par la diversité d’opinions à ce sujet, plusieurs officiers, également distingués dans chacun de ces deux corps, ont pensé qu’en adoptant un autre mode de réunion, en ne la faisant qu’éventueilement, et en laissant toujours marcher l’artillerie et le génie sur deux lignes différentes, qui sépareraient leurs fonctions respectives, il en résulterait un avantage réel pour le service, sans aucun des inconvénients qui avaient été, en 1755, la suite d’uae reunion trop subite. C'est dans cet esprit de conciliation que ce projet vous a déjà été présenté, comme un aperçu possible* par votre comiié militaire. Pour vous mettre en état de prononcer aujourd’hui, quatre questions doivent être soumises à votre discussion. La réunion des deux corps du génie et de l'artillerie peut-elle être utile 1 Est-il nécessaire, pour le génie, d’avoir une troupe directement attachée à sa suite ? Les mineurs tienueut-ils essentiellement à l’artillerie ? Leur réunion au corps du génie seralhelle nui* sible à leur service ou à leur instruction ? J’aurai l’honneur de vous présenter, le plug succinctement qu’il me sera possible, toutes les raisons pour et contre, nécessaires au développement de chacune de ces questions. La réunion des deux corps produirait deux ré- [AsuoBbléft «feStonateJ AMHIYE8 PARLEXEl!Q&IftB$. [9 septembre 1790. J 659 sttKafcs bien précieux peur l'Etat, l’économie de finwiiee et le bien du service. L'économie de finams, fiar-ee qu’il ne faudrait plus à l’avenir, pou» l'exécution du service de l'artillerie et celui des fortilkatfoos dans les places, que moitié du nombre des officiers qui y sont employés dans l’élut de sépara lion ; le bien du service� parce que le but des principaux travaux de ces deux corps, étant presque toujours commun à la guerre, ils ont besoin de les concerter ensemble ; et que, quelque parfait que puisse être ce concert, il ne peut jamais équivaloir l’unité d’intention d’un seul chef. Cette réunion empêcherait, entre les deux corps, toute espèce de rivalité nuisible au service, et qui ne se manifeste que trop souvent entre eux, lorsque des fonctions, rapprochées à la guerre, obligent les uns à diriger des travaux, et les autres à préparer les moyens de les défendre ou de les protéger. N’existât-elle d’abord que de nom etd’uniforuae,le but serait en partie rempli. Du montent que l’opinion publique ne pourrait plus séparer les officiers du génie de ceux de l'artillerie, le succès des travaux confiés aux uns intéresserait aussi les autres : et, des deux côtés, chacun concourrait , avec le même empressement, au succès des opérations dont la gloire ou la honte seraient dans le cas de rejaillir sur le corps entier. Tous les hommes ne sont pas tous également propres aux mêmes occupations : les uns, plus actifs par caractère, se plaisent dans le mouvement; les autres, plus réfléchis par inclination, préfèrent les études du cabinet. Le corps de l’artillerie présente dans sou ensemble ces deux genres d’occupations, et donne ainsi des facilités, en distinguant le génie et le caractère des individus qui le composent, d’employer chacun d’eux à la partie qui peut leur convenir davantage. Le génie, au contraire, dans sa constitution actuelle, se trouve borné, pour ainsi dire, aux études et aux travaux modestes et paisibles du cabinet. Tous les su jets qui se destinent à ce service, n’ont point à chobir le genre d’occupation qui leur serait propre; leur activité, s’ils en ont, se trouve perdue pour eux, et ne sert souvent qu’à les détourner de IVtttde réfléchie à laquelle ils sont forcés de se livrer par état. Si les deux corps étaient réunis, tous ceux qui se destinent aujourd’hui à servir dans l’un ou dans l’autre, ayant acquis, par leur éducation première, les connaissances préliminaires nécessaires aux différentes parties de ces deux services, pourraient être employés dans celle qui conviendrait le mieux à leur caractère ; le service y gagnerait, puisque son véritable intérêt, surtout dans des corps qui dt-naaôdent la réunion des connaissances et des talents, exige que chacun soit employé suivant la nature de sou génie et conformément à ses moyens. Su adoptant le mode de réunion, sang confusion des services des deux corps (le seul praticable dans le moment d’un bouleversement général, pendant lequel il serait peut être imprudent d’accroître le chaos, en rapprochant, de force, des éléments dont l'affinité n’est pas encore Suffisamment démontrée), on n’exigerait d’aucun de ces deux corps de nouvelles éludes, puisque chacun resterait toujours chargé des mêmes détails dans la ligne sur laquelle il serait placé. Celle réunion, en ne présentant pas les mêmes inconvénients et le* mêmes causes de désordre que la réunion trop subite essayée eu 1755, donnerait, pour le présent, la facilité de pouvoir placer soit sur une ligïie, soit sur l'autre, suivant leur aptitude, les nouveaux sujets, en sortant des écoles et pour l’avenir, la possibilité des réductions que cette réunion pourrait occasionner, en simplifiant ou en réunissant plusieurs fouettons aujourd’hui séparées, dont les détails sont les mêmes. Un conseil composé d’officiers dos deux corps, et chargé de leur administration, sous les ordre? du ministre, pourrait en préparer les détails, l’exécuter successivement sans secousse et sans commotion, suivant le plan dont on pourrait convenir dans un comité composé d’officiers instruits et expérimentés, comité que vous pourrie* demander au roi d'assembler à cet effet. Tels sont les avantages que produirait co'te réunion ; tels pourraient être les moyens à employer pour y parvenir. Les rivalités que 'pourraient exciter des services confondus, quoique souvent distincts par leur nature ; le choc des opinions existantes à présent dans chacun de ces corps-* et qui sont loin d’être un a-n ira s sur le point de la réunion; les combats des intérêts particuliers contre l’utilité générale ; les divisions qui pourraient être la suite des prétentions opposées ; la confusion que pourrait peut-être occasionner entré ces deux corps leur réunion, dans un moment où la situation de l’Europe peut rendre chaque jour leurs services de plus eu plus utiles: tels sont les inconvénients principaux à y opposer. Enfin, Messieurs, quelque avantageuse que puisse vous paraître cette réunion, l’économie qu’elle pourrait produire ne serait qu’éventuelle : d’ailleurs, ne nous le dissimulons p is, en l’opérant ainsi, sans confondre les services, elle ne remplit pas tout à fait le but qui eu a fait naître d’abord le projet. Le génie désire avoir une troupe à ses ordres, et demande en conséquence les mineurs. L'artillerie s’oppose à les abandonner. Chacun de ces deux corps, malgré leur réunion projetée, dans le cas même où elle s’opérerait, demande à les conserver, ou à les attirer sur la ligne qui lui sera propre. La difficulté existante entre eux n’est donc pas encore décidée. Quel que soit le parti qu’on puisse prendre à ce sujet, les deux questions de savoir s'il est nécessaire pour le génie d’avoir une troupe à ses ordres, et et si tes mineurs peuvent, sans inconvénients, être démembrés de l’artillerie, pour être attachés à la suite du génie, subsistent en leur entier; leur discussion, peut-être, pourra servir à fixer votre opinion. Le corps du génie, par la nature de son service, est destiné à fortifier nos places, à les mettre* à l’abri des efforts de nos ennemis; il doit veiller à leur entretien et à leur conservation pendant la .paix; il est chargé de toutes les constructions des bâtiments militaires; enfin, c’est à lui, pendant la guerre, à diriger les travaux d’attaque et de défense dans les s.èges que l’on aurait à entreprendre ou à 'soutenir. Uniquement composé d’officiers faits pour commander, il manque de bras pour exécuter. Pour ses constructions, pour ses plus petites réparations pendant la paix, il est obligé de recourir à des entrepreneurs dont le bénéfice nécessaire augmente toujours les dépenses; et lorsque ces officiers, par l’importance des travaux qui leur sont confiés, ne peuvent pas en surveiller eux-mêmes la totalité, ils sont forcés d’employer des piqueurs, des conducteurs d’ateliers, soldés et fournis par les entrepreneurs mêmes ; par conséquent, peu propres à assurer L’économie ou la solidité des ouvrages, contre la négligence ou la cupidité des hommes qui les «00 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [9 septembre 1790.] ont désignés et qui les payent. S’ils sont chargés à l’armée de conduire les sapes ou de diriger les travaux des tranchées, ils se voient contraints d’emprunter les sapeurs à l’artillerie, et de demander à l’infanterie les travailleurs nécessaires à cet effet. Dirigeant ainsi des hommes qui ne sont pas habitués à leur commandement, et qui n’y sont soumis que momentanément, ils ne peuvent avoir sur eux la même prépondérance. Les hommes les plus sûrs et les plus intelligents pour conduire les travaux ne leur sont pas toujours envoyés par l’infanterie, qui, s’en voyant privée avec peine, ne met pas une grande exactitude dans le choix de ceux qu’elle a à fournir. Enfin, quelque bons qu’ils puissent être, ils ne sont que passagèrement avec eux; ils arrivent neufs à ces fonctions, et les abandonnent souvent à d’autres qu’il faut encore former, dans le moment où ils pourraient, instruits par l’expérience, s’en acquitter avec le plus d’utilité. L’économie des travaux pendant la paix demanderait donc que les ingénieurs eussent à leur suite une troupe capable de leur fournir des bras our exécuter ou surveiller leurs travaux. Le ien du service à la guerre exigerait qu’ils eussent une troupe directement à leurs ordres, et avec laquelle ils puissent, non seulement diriger d'une manière plus certaine, les sapes, les tranchées, et autres travaux de ce genre confiés à leur exécution, mais encore fortifier les camps, les postes et les positions accessoires, fouiller des localités compliquées pour eu découvrir les accès, ouvrir des communications, intercepter des passages, former des abattis, rompre des chemins, procurer des inondations et les gouverner à volonté; ouvrages utiles et intéressants pour l’exécution desquels ils n’ont jamais que des ressources d’emprunts , toujours fatigantes pour ceux qui les fournissent, et pour lesquelles ils sont souvent réduits à l’inutile faculté de les concevoir, sans pouvoir les entreprendre faute de moyens. M. de Vauban,ce général célèbre, et dont l’opinion doit être si prépondérante sur tout ce qui peut intéresser le service du génie, avait si bien senti tous les inconvénients résultant de ce défaut de moyens inhérents à son corps, qu’il écrivait à M. de Louvois, le 2 novembre 1688, après le siège de Philisbourg; « J’ai encore plus de peine à trouver des sapeurs dans les fusiliers, dont je puisse m’accommoder. « Il serait à propos, ajoute-t-il, de former une compagnie de sapeurs de deux cents hommes, dans lesquels j’introduirai tous ceux qui me sont nécessaires pour servir à la tranchée, soit pour la sape, soit pour poser à découvert et faire les passages des fossés, régler les gabions, fascines, et mille autres minuties qui sont absolument nécessaires à la conduite des sièges, que je ne saurais réduire en sa perfection, faute d’un corps dépendant de moi, dont je puisse disposer, etc. « Pour conclusion, si vous voyez de grandes apparences de paix, ne formez pas cette compagnie, parce que ce ne seraitqu’un surcroît depeine pour moi, dont je me passerai bien ; mais si vous croyez que la guerre puisse continuer, ne perdez pas un moment de temps à prendre les résolutions nécessaires à la mettre sur pied, du moins si vous voulez que je puisse continuer à servir dans des sièges de la nature de celui de Phi lis-bourg, qui m’a donné tant de peines, que je renoncerais plutôt à toutes les fortunes du monde que de me commettre dans un semblable, sans secours, n’étant pas possible d’y pouvoir tenir autrement; et dès à présent je m’excuse par avance de tous ceux qui pourraient lui ressembler, si vous ne mettez pas cette compagnie sur pied ». Une autorité si respectable doit sans doute être d’un grand poids pour appuyer la demande que fait le corps du génie d’une troupe directement à ses ordres. Pour l’avoir bonne à la guerre, peut-il dire encore, il faut pouvoir la former pendant la paix; en créer une nouvelle à cet effet serait une augmentation de dépense inutile, lorsqu’il existe un corps de mineurs, qui, par la nature de son service même, semble appartenir plus particulièrement au service du génie qu’à celui de l’artillerie : examiner cette assertion, et les moyens employés pour la combattre, c’est l’objet de la troisième question. Si les mineurs tiennent à l’artillerie par les résultats destructeurs de leurs travaux , disent les défenseurs du génie, ils tiennent pareillement aux fonctions des ingénieurs, par les effets conservateurs des contre-mines. S’agit-il de préparer ce moyen de défense, si nécessaire dans la majeure partie de nos places? C’est aux ingénieurs, chargés de leurs fortifications, à le proposer. Gomment pouraient-iis le faire, tant que la volonté de ces deux corps pourra se rencontrer en opposition? Les mineurs, sans cette réunion, se trouveront donc toujours bornés aux instructions stériles d’un polygone, sans pouvoir jamais les mettre en pratique, pour augmenter les moyens de défense de nos places en les contre-minant. S’agit-il d’attaquer et de détruire des remparts ennemis?G’est aux ingénieurs à pousser les sapes, à ouvrir les tranchées, à diriger l’attaque. Comment, d’après l’avis même du fameux Vauban, pourraient-ils le faire avec succès, tant que les moyens d’exécution ne seront pas réellement entre leurs mains? Les mineurs et les sapeurs doivent coopérera leurs travaux; sous ce double point de vue de la paix et de la guerre, ils doivent donc appartenir essentiellement au génie. Les mineurs pourraient être en même temps sapeurs, et le génie, en les réunissant à lui, après en avoir profilé pendant la paix pour la conduite, direciionou exécution des travaux qui lui sont confiés, après s’être servi d’eux pendant ce temps pour contre-miner les places auxquelles ce moyen de défense serait jugé nécessaire, pourrait à la guerre jouir par eux de cet avantage que M. de Vauban regardait comme si indispensable pour le succès de ses opérations. Les mineurs sont liés essentiellement à l’artillerie, répondent les défenseurs de ce corps; leurs fonctions sont les mêmes, l’emploi de la poudre pour les destructions leur appartient pareillement; ils doivent également en connaître les propriétés, en calculer les forces; les études préliminaires de l’artillerie les conduisent à cette connaissance que celles du géuie ne seraient pas autant dans le cas de leur donner, puisque l’emploi de la poudre n’est pas de sa compétence, et si les mineurs en font usage médiatement, tandis que les canonniers ne s’en servent qu'immédiate-ment, et avec le secours des corps lancés par leurs armes de jet, il n’en résulte aucune différence qui puisse faire préjuger contre l’analogie de leurs fonctions. Les mineurs ont toujours fait partie de l’artillerie; ce n’est enfin que dans ses parcs qu’ils peuvent trouver tous les ustensiles nécessaires à leur service; il leur faut des poudres qui y sont uniquement en dépôt, il leur faut des outils par- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1790.) 0gl ticuliers selon les circonstances, des trépans, becs de canne, aiguilles, pistolets, qui ne peuvent être forgés et réparés que dans les forges ambulantes du parc de l’artillerie; il leur faut des paniers, des chandelles, des lanternes, des toiles, et mille autres choses que l’artillerie seule peut comprendre dans ses approvisionnements; il leur faut des planches, des bois d’équarissage pour le coffrage de leurs conduits souterrains; il leur faut le secours des ouvriers en bois comme de ceux en fer, des compagnies d’ouvriers de l’artillerie pour leurs châssis, leurs augets, leurs planchettes, etc., enfin tous leurs besoins indispensables tiendraient les mineurs attachés à l’artillerie, quand bien même ils n’en feraient pas aussi essentiellement une partie intégrante. Les mineurs, par l’emploi de la poudre qu’ils font comme l’artillerie, peuvent avoir quelque analogie avec elle, pourraient répondre encore à cela les défenseurs du génie : mais si leurs fonctions ont quelques rapports pareils, leur existence est totalement séparée du corps auquel ils n’appartiennent que de nom. Jadis réunis aux régiments dont ils faisaient autrefois partie; on a senti que leur instruction et la nature même de leur service les en devait séparer. Ce fut le premier soin de M. de Gribeauval en 1764; il les réunit dans la même école, les exerça séparément à un art pour ainsi dire différent. L’ordonnance du 3 décembre 1776, ouvrage de ce général célèbre par ses talents, a confirmé ces dispositions. Depuis ce moment, l’avancement dans ces compagnies, devenues un corps séparé tant pour son école que pour son administration et son service, se fait, pour la majeure partie (tit. I, art. 48, 49), dans leur intérieur même; et si elles roulent à ce sujet avec l’artillerie, ce n’est uniquement que pour faire participer leurs officiers, avec ce corps, aux grades et aux traitements que les droits de l’ancienneté pourraient leur donner, mais dont ils peuvent jouir sans quitter l’espèce de service auquel ils sont attachés. Tels sont les moyens employés respectivement par les deux corps, ou qu’ils pourraient mettre en usage pour appuyer leurs prétentions rivales. Examinons à présent si la réunion des mineurs au corps du génie pourrait être nuisible à leur service et à leur instruction; c’est la quatrième et dernière question qui me reste à soumettre à votre discussion. L’art des mineurs demande une instruction longue et suivie, un exercice constant du travail, une étude approfondie de toutes les parties dépendantes de leurs opérations. L’habitude seule peut les former, leur réunion seule peut leur donner l’ensemble de théorie et de pratique nécessaire pour porter cet art au point de perfection dont il est susceptible, et dont il commence à approcher si fort. Si, par la réunion de ce corps à celui du génie, les compagnies de mineurs doivent être toujours séparées dans les différentes villes où leurs travaux pourraient être nécessaires aux contre-mines à entreprendre, si elles ne doivent plus avoir de point de réunion pour des écoles de théorie communes à toutes, il est certain que l’art du mineur ne se perfectionnera plus, n’aura plus d’unité de principes, et que ce corps sera trop heureux s’il ne fait que cesser d’acquérir du côté de son instruction. Si les mineurs destinés à exécuter, par leurs mains et par économie, sous les ordres des officiers du génie, _ toutes les parties de réparations à faire âux fortifications des villes, qui seraient susceptibles d’êtres ainsi entreprises, ou à diriger et à conduire, sous leur inspection, en qualité de piqueurs, conducteurs ou chefs d’ateliers, tous les travaux dont ils sont chargés, doivent, en raison de ces fonctions que le corps du génie parait leur destiner, être répartis et divisés dans toutes les villes où il y aurait des travaux à faire ou à conduire; il est certain encore que l’art du mineur serait bientôt perdu pour eux; ils pourraient devenir d’excellents piqueurs, de bons conducteurs d’ouvrages, de bons appareil leurs, de bons ouvriers ; mais, perdant de vue leur étude première, et cessant de s’occuper de leur art dans ses différents détails, ou ne s’en occupant que momentanément, s’ils ne font le service de conducteurs d’ateliers que par détachement, ils cesseraient bientôt tout à fait d’être mineurs. Si, au contraire, toujours réunis dans une même école, pour y conserver l’unité de principes, ils n’étaient jamais dans le cas d’en être détachés, que pour aller dans les places mettre en pratique, en les contre-mi nant, les instructions acquises par leur théorie; si le génie, en les réunissant à lui, renonçait au projet de les employer à ses travaux ordinaires, comme piqueurs ou conducteurs d’ouvrages, ce qui, sans rien ajouter à leur instruction réelle, comme mineurs, ne pourrait que les détourner du but principal qu’ils doivent se proposer; enfin, si, sans changer leur méthode habituelle de travail, leur réunion consistait uniquement à faire partie du génie, comme ils le font aujourd’hui de l’artillerie, c’est-à-dire seulement pour leur avancement dans ce corps, il est certain alors que leur réunion au génie ne serait pas nuisible à leur instruction. Mais, dans ce cas, de quelle utilité les mineurs seraient-ils aux ingénieurs pendant la paix ? Le but de leur réunion serait manqué pour leurs travaux ordinaires, s’ils ne peuvent les employer comme conducteurs d’ateliers, et ils n’en retireraient, pour leurs autres fonctions, que le frivole avantage de commander directement, pendant la paix, pour l’exécution des contre-minesdes places, et pendant la guerre, pour la conduite des sapes et tranchées, une troupe qui, quoique n’étant pas essentiellement attachée à eux, n’en doit pas être moins sous leurs ordres et à leur disposition, lorsqu’ils en auraient besoin pour l’exécution des ouvrages dont ils pourraient être chargés. Voilà ce que pourraient objecter, avec raison, ceux qui voudraient s’opposer à la réunion des mineurs au corps du génie. Telles sont toutes les raisons principales à alléguer, pour et contre, dans la discussion des quatre questions que j’ai cru devoir vous soumettre. Eu les comparant et en les résumant toutes, votre comité militaire a pensé : 1° Que la réunion des deux corps de l’artillerie et du génie peut être désirable, peut être même facile à exécuter suivant le mode proposé, dans le commencement d’une paix, pendant laquelle elle pourrait se consolider sans inconvénients, pourrait en avoir dans ce moment-ci, où les circonstances relatives à la position de l’Europe semblent faire impérieusement la loi de n’apporter aucune confusion dans deux corps qui, dans leur état actuel, ont si bien servi jusqu’ici, et dont les services pourraient devenir nécessaires d’un instant à l’autre; et qu’en conséquence il y faut d’autant moins songer aujourd’hui, que cette réunion des deux corps, exécutée comme on le propose, et comme elle serait seule praticable, n’occasionnerait aucune économie réelle pour le moment, et ne terminerait 002 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 4796.} même pas la difficulté subsistante entre eux, relative Tient aux mineurs ; 2° Que si les besoins du service, appuyés de l’autoi ité respectabledu maréchal de Vauban, semblent demander, d’une part, que le génie ait une troupe direotementà ses ordres, pendant ta guerre, pour la conduite des sièges, rien ne paraît motiver cette nécessité pendant la paix, pas même l’opinion de ce général célèbre, puisque, dans sa lettre à M. de Louvois, il ne demande cette Iroupe que dans le cas où la guerre se prolongerait, et qu’il le prie de ne la pas former, s’il voit de grandes apparences de paix ; et qu’en conséquence, il est inutile d’attacher une troupe directement au génie pendant la paix, puisque pendant la guerre, moment seul pendant lequel il est intéressant qu’il ait des bras à ses ordres, il pourrait avoir à sa disposition tous les travailleurs de l’armée, ainsi que les avait M. de Vauban, mais avec moins d’inconvénients que lui, pui-qu’il y aurait de plus, en même temps à sa disposition, les troupes instruites des sapeurs et des mineurs qui n’existaient pas alors; 3° Que pour remédier aux inconvénients de l’oisiveté à laquelle le génie se trouve trop souvent condamné, il serait possible et même plus avantageux de lui restituer différentes fonctions qui lui ont été enlevées ou qui lui conviendraient parfaitement, telles que celles des ingénieurs géographes, des travaux maritimes, etc., que de lui ad, oindre le corps des mineurs, qui, quoique ne devenant pas inutile entre les mains des ingénieurs, ne pourrait qu’être au moins détourné par eux du principal but d’instruction qu’il doit se proposer; 4° Que si les mineurs réunis au génie doivent être employés à ses travaux ordinaires, et êire en conséquence séparés, leur instruction comme mineurs serait bientôt anéantie ; que si, au contraire, ils doivent continuera se liyrer au même genre de travail, leur réunion au génie devien-- drait sans effet pour ce eorps; et qu’ainsi, pour le léger avantage de remédier à quelques diffi� cultes sur le commandement dans les travaux communs, inconvénients qu’une ordonnance sagement faite peut lever aisément, il est inutile d’apporter aucun changement dont le succès pourrait être très probtématique dans l’organisation du corps des mineurs, lorsque ie degré d’instruction, auquel il est parvenu par ses moyens actuels, doit être un sûr garant de la bonté de sa formation. Tel est, Messieurs, l’avis de votre comité militaire sur le fond de cotte question importante qu’il a cru devoir vous présenter d’abord. Il vous reste encore à examiner le plan du ministre dans les détails particuliers de la formation intérieure de l’aFtilli rie, des ouvriers, des mineurs, ainsi que de celle du génie : ce sera le sujet de deux rapports qui vous seront faits lorsque vous l’ordonnerez. En attendant, et sur le fond de la question des réunions seulement, nous avons l’hon-neuF de vous proposer le projet de décret suivant : PÇCRET, L’Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité militaire sur l’organisation de l’artillerie et du génie, décrète : Art. 1". Que les deux corps de l’artillerie et du génie continueront, comme par le passé, à rester distincts et séparés. Art. 2. Que le corps des mineurs ainsi que fa» sapeurs continueront de même, comme par le passé, à faire partie de celui de Fartièleiûe. Art. 3. Qu’il lui sera fait in cessas* ruent ]« rapport sur l’organisation intérieure à donner à chacun de ces deux corps, afin qu’elle pnisge prononcer sur le nombre et le traitement des individus de chaque grade, dont ehaeua d’eux devra être composé. M. Martineau. Les trois quarts des mera* bres de l’Assemblée ae peuvent entendre cette question. M. Fréteau. Il est vrai que nous ne eop-r naissons point la tactique militaire; mais nous saurons fort bien régler ie mode d’avancement et les règles de la discipline. le demande donc que lundi prochain le comité nous présente sou tra-r yail sur cet objet-Nous n’avong pas un moment à perdre. Des nouvelles dont j’ai déjà donné connaissance à rAssemblée deviennent de jour en jour plus certaines, H est instant que l’Assemblée s’explique. Qrj nq peut se refuser à la certitude des avis qui me sont parvenus. Je demande qu’on aille aux voix sur ma propogi* tion. M. de RostqiQfg. Quelque empressement que le comité militaire ait à satisfaire l’Assembléé nationale, j’an nonce que le rapport sur je mode d’avancement ne pourra lui être présenté que jeudi prochain. Quant à celui sur la discipline militaire, il est plus avancé; mais le comité na pu encore avoir avec les autres comités les pon* férençes nécessaires. Je crois d’ailleurs qUC l'Assemblée doit bien s’en rapporter an patrie tisme du comité militaire, M. Fréteiiii, Gomme je suis du comité di� plomalique, je pe dois pas laisser ignorer à l’Assemblée qu’il n’y a pas un moment à perdre.- Dans la plupart des provinces frontières lès troupes p’onj, point la confiance du peuple-Plqr sieurs villes d’Alsace, par exemple* désirent être débarrassées (Jes régiments qui, par lems relations avec l’étranger , donnent de justes alarmes. Je ne soupçonne point les intention? du comité militaire, mai? je suis attaché an succès de la chose publique, que jé déclare être dans un péril certain. M. Ktegnand (de Saint-Jean-d' Angêly.) On a déjà observé que les comités n’exécutaient point les ordres de l’Assemblée nationale. M. de Rostaing vous dit que le comité ne pourra faire son rapport que jeudi. Les intrigues et les cabales attendront-elles cette époque? Dans Ja crise où nous nous trouvons, il n’èst personne qui ne doive se prêter. Nous travaillerons avec les membres du comité militaire, s'il le faut; nous copierons sous la dictée-(On avplçiudit.) (L’Assemblée décide que spn comité militaire lui fera, mardi prochain t pn rapport sur la discipline militaire.) On fait lecture d'une lettre de M. La Tour-du-Pin. Ce ministre annonce que les ordres envoyés au régiment de Languedoc pour soHir de Mon-tauban, ont été exécutés avec la plus grande exactitude, et que ce corps a été remplacé par le régiment de Touraine. Le régiment lie Noail-les, qui était destiné pour Montauban, a refusé d’exécuter les ordres du roi. Le comité militaire en q ôté instruit. ‘