[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 août n91.] 3 verbaux des séances du mardi 23 août et du vendredi 26 août courant , qui sont adoptés. Un membre , au nom du comité des contributions publiques , observe que, dans la loi du 3 juin 1791, rendue sur le décret de l'Assemblée nationale du 29 mai précédent et relative à l'abolition des procès pour droits ci-devant perçus par la régie générale, on a omis d’insérer dans l’article premier les mots « la ferme générale » ; il en demande le rétablissement. (L’ Assemblée, après quelque discussion, décrète que les mots « la ferme générale » doivent être compris dans l’article premier du décret et de la loi précités et elle en ordonne le rétablissement). Ba conséquence, l’article modifié est ainsi conçu : Art. 1er. « Les procès pendants avec contestation en cause, et ceux suivis de jugements sujets à l’appel, et non passés en force de chose jugée, pour fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie et la ferme générale, et les fermes et régies particulières des ci-devant pays d’Etats et villes qui levaient des impôts à leur profit, sont annulés, sans que les parties Missent rien répéter les unes contre les autres. v « Seront seulement restituées les amendes consignées depuis le 1er mai 1790, et les effets saisis depuis la même époque, ou le prix qu’ils auront été vendus, pourvu que les réclamations en soient faites avant le lor janvier 1792. » M. de Vismes , au nom du comité central de liquidation , présente un projet de décret relatif au remboursement des fonds d'avance des 1 4 prin-eipaux employés de la régie générale. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, décrète que les fonds d’avance appartenant à 14 principaux employés de la régie générale, à raison du sol d’intérêt qui leur était attribué, seront remboursés à chacun d’eux, sans délai, en un seul payement, et sans qu’ils soient assujettis à d'autres formes ou obligations que les autres créanciers de l’Etat; comme aussi, sans que, sous prétexte de la présente disposition, les remboursements à faire aux régisseurs généraux puissent éprouver aucune réduction. » (Ce décret est adopté.) M. de Cernon, au nom des comités des rapports et des finances. Messieurs, le comité des rapports, réuni au comité des finances, vous demande votre autorisation pour les dépenses indispensables à l’exercice de ses fonctions. Ces dépenses consistent principalement dans les récompenses qu’il est obligé de donner pour exciter le zèle de ceux qu’il occupe à la poursuite des faussaires d'assignats et aux autres objets de surveillance dont vous l’avez particulièrement chargé. Cette dépense a été faite jusqu’ici sur un fonds de 50,000 livres qui avait été fourni lorsque l’Assemblée siégeait encore à Versailles, par M. Laborde. Ce fonds étant épuisé, les comités vous proposent le projet de décret suivant : . « L’Assemblée nationale décrète que les commissaires de la trésorerie feront payer, sur les demandes du comité des rapports, ordonnancées du ministre de l’intérieur, jusqu’à la concurrence d’une somme de 30,000 livres. » (Ce décret est adopté.) M. de Cernon. Messieurs, j’ai l’honneur de présenter à l’Assemblée nationale plusieurs tableaux qui m’ont coûté 8 mois de travaux et de recherches ; ils sont divisés en colonne et présentent Y aperçu général des dépenses de justice , d'administration et autres , des divers départements par districts et cantons. Je me suis livré, Messieurs, avec d’autant plus d’ardeur à ce travail immense, que je l’ai cru très nécessaire à éclairer, sur ces objets, tous les citoyens du royaume et propre à donner à vos successeurs, le moyen le plus sûr d’embrasser tout l’ensemble de cette grande partie de vos travaux et de les suivre plus facilement ; j’ai considéré de plus qu’il était de nature à permettre aux législateurs de fixer des bornes aux dépenses des départements et de s’occuper toujours des économies réalisables. Il ressort de ces tableaux que les dépenses des différents cantons du royaume sont en raison de leur population; la dépense totale des départements s’élève à 20 millions par année, tous frais de juges de paix, de tribunaux de district, de tribunaux criminels, de cours de cassation, enfin tous frais de justice et d’administration compris; il est à remarquer toutefois que cette dépense est susceptible de réduction par la diminution du nombre des districts. Voici, Messieurs, un second travail dont je vous fais hommage ; c’est un dictionnaire général de tous les bourgs , cantons, chefs-lieux de districts et de départements du royaume , d’après la nou-velie division que vous avez décrétée. Il indique le lieu de la situation de chaque localité, le nom de l’ancienne province dans laquelle elle était comprise, la position respective de chaque ville, tant à l’égard de la capitale qu’à l’égard des villes des autres départements, ainsi que la position des différentes municipalités entre elles. A la suite de ce travail, se trouvent en outre des tableaux présentant des résultats qui, jusqu’ici, n’avaient pas été complets, tant sur la population des départements, districts et cantons que sur le nombre des électeurs et des citoyens actifs qu’ils renferment. J’y ai joint enfin plusieurs autres détails qui seraient trop longs à vous rapporter en ce moment. J’ai cru ce dictionnaire propre à rendre très faciles les communications et les rapports respectifs des corps administratifs les uns avec les autres et à éviter à l’avenir les difficultés qui se sont souvent élevées dans la correspondance nécessaire de toutes les parties du royaume; ces tableaux m’ont enfin paru nécessaires pour faciliter les opérations de vos successeurs aux travaux* desquels vous concourrez encore par ce moyen. (. Applaudissements ) J’ai présenté, Messieurs, ces deux ouvrages à votre comité des finances qui m’a fait l’honneur de les approuver; mais il n’a pas cru devoir ordonner l’impression d’un travail aussi volumineux sans avoir votre avis sur la manière dont il est traité et l’utilité qu’il peut avoir. M. licconteulx de Canteleu, au nom du comité des finances. Me-sieurs, nous avons examiné les tableaux dressés par M. de Cernon, et je puisvous assurer, au nom du comité des finances, que c’est un travail infiniment précieux. C’est une espèce de bréviaire, un résumé de toutes les bases que vous avez décrétées relative- 4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 août 1791. J ment à l’administration du royaume. Je demande que l’Assemblée veuille bien en ordonner l’impri s-sion, mais que le comité des finances soit chargé de prendre, avec l’imprimeur de l’Assemblée, des arrangements, pour que cette impression ne soit point dispendieuse. (L’Assemblée, consultée, ordonne l’impression des deux ouvrages deM. de Gernon et décrète que les noms de MM. Muzer et Campestrye, commis de l’Assemblée, qui ont concouru à ce travail, seront consignés dans le procès-verbal.) M. Chabroud, au nom du comité militaire. Messieurs, yous avez renvoyé à votre comité militaire les dénonciations que le ministre de la guerre vous a faites, de l'état d'insubordination , de révolte dans lequel se trouvent quelques-uns des corps de l’armée. Vous avez chargé votre comité de vous proposer ses vues pour le rétablissement du bon ordre et de la discipline. Je suis chargé par le comité de vous apporter le fruit de son travail. L’un des objets qui, dans un Empire, mérite le plus d’attention, est, sans contredit, l’armée. L’armée soumise, ou l’armée insubordonnée, influe extraordinairement sur le sort de l’Empire, sur le sort de la liberté. Vous aviez déjà, Messieurs, été instruits que l’insubordination s'était introduite dans l’armée. L’état de crise dans lequel avait été l’Empire, les mouvements inséparables d’une grande Révolution, les mouvements divers dans lesquels s’agitaient les différents partis qui se sont élevés dans le royaume, vous avaient paru en avoir été la cause; et, en conséquence, vous avez pensé qu’il ne fallait pas regarder comme ries délits, delà part des troupes, ceux qui avaient été commis jusqu’à l’époque du 25 mai dernier. A l’époque du 25 juillet, vous avez rendu un décret portant amnistie générale ; cette mesure qui devait, Messieurs, produire le rétablissement de la paix, n’a pas eu tout l’effet que l’Assemblée devait en attendre; plusieurs corps, soit par une suite d’insubordination déjà commencée, soit par desmouvements postérieurs, sont, depuis, dans l’état d’insubordination le plus fâcheux, dans l’état de révolte le plus dangereux pour la chose publique. Tel est d’abord le 17e régiment, ci-devant d’Auvergne; ce régiment a chassé ses officiers, s’est réuni en société particulière et ne connaît plus de lois que sa volonté. Un autre régiment, c’est le 38e, ci-devant Dauphiné, a tenu la même conduite vis-à-vis de ses officiers; après cet acte scandaleux d’insubordination, il a, dans la suite, franchi toutes les bornes. Enfin le 2e bataillon du 68e régiment, ci-devant Beauce, après avoir donné, dans une traversée aux colonies, des preuves d’une insubordination déjà ouverte, de retour en France, l’a portée aux derniers excès. Ailleurs, la révolte n’a pas été portée au même point, mais on ne peut pas se dissimuler que, dans quelques corps, il en existe au moins le principe et que l’exemple des trois corps dont je viens de vous parler pourrait être contagieux. C’est dans cet état que votre comité a examiné ce qu’il convenait de faire. Le comité a pensé qu’il ne devait pas être quesiion de prendre des mesures particulières relativement à chacun de ces corps ; votre comité a cru qu’il convenait à la dignité de l’Assemblée de marcher toujours avec des mesures générales, avec des lois, et que c’était par l’application de ces lois qu’on devait s'appliquer à produire le bon ordre, lorsqu’on s’en était écarté. Il est un premier terme d’insubordination, d’indiscipline, auquel on peut apporter différents degrés de remède, à mesure que le degré d’indiscipline et d’insubordination s’augmente. Votre comité n’a pas cru devoir donner son attention à ce premier degré d’insubordination. Il vous sera rapporté bientôt une loi générale sur les délits militaires, où ces dispositions trouveront leur place; mais votre comité a cru qu’il était important de devancer la marche de cette loi, relativement aux derniers degrés d’indiscipline et de révolte, et c’est à ce point que votre comité s’est attaché. Il a pensé que, lorsque la révolte est parvenue à ce dernier degré, il n’y avait plus d’autre remède que l’emploi de la force. Cependant votre comité a pensé qu’avant de déployer cette force et avant d’en faire l’emploi, il fallait la faire précéder d’un appareil salutaire, propre à rappeler le patriotisme, et le remords, et l’obéissance. D’anrès ces considérations, voici le projet de décret que votre comité militaire m’a chargé de vous présenter : « Art. 1er. Lorqu’une troupe sera en état de révolte, les moyens donnés par la loi seront incessamment mis "en usage pour la faire cesser et parvenir au jugement des coupables. « Art. 2. Il sera tiré, par l’ordre du commandant en chef, un coup de canon, pour avertir que l’ordre est troublé; et si, dans le lieu, il n’y a pas de canon, il sera fait une salve de mousqueterie, et ce signal sera répété de quart d’heure en quart d’heure, jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli. « Art. 3. Les troupes réglées qui se trouveront dans le lieu où la révolte est déclarée seront mises sous les armes, et, en cas d’insuffisance, les commandants des divisions feront marcher de proche en proche d’autres troupes réglées. « Art. 4. Les officiers municipaux du lieu seront incontinent avertis, et ils seront tenus aussitôt, à peine de forfaiture, de requérir la gendarmerie et les gardes nationales, lesquelles, de même, seront réunies et armées ; et, en cas d’insuffisance, d’appeler en aide les municipalités voisines. » Arl. 5. La force suffisante étant rassemblée, il sera fait au-devant des casernes, s’il y en a, ou devant l’hôtel commun de ville, et" sur la place d’armes, une proclamation en ces termes : « Avis est donné que la force publique va être « déployée pour le soutien de la loi miiitairé ; « il est enjoint aux soldats révoltés de déposer « leurs armes, et de rentrer dans l’obéissance, à « peine d’être traités comme ennemis publics. ;> « Et le lieu où ils doivent se rendre sans armes, s’ils rentrent par la proclamation dans l’obéissance, leur sera indiqué. « Art. 6. Cette proclamation sera annoncée au bruit des tambours et autres instruments militaires; elle sera faite par un commissaire des guerres, s’il y en a dans le lieu, ou par un officier que le commandant en chef commettra; elle aura lieu trois fois de quart d’heure en quart d’heure sur la place d’armes. « Art. 7. Si la troupe révoltée était réunie en pleine campagne, la proclamation serait faite, seulement en présence, trois fois de quart d’heure en quart d’heure; si elle était renfermée dans une ville ou dans une citadelle, et en possession des portes, la proclamation serait faite à chaque porte, et trois fois de quart d’heure en quart d’heure à la dernière porte; et elle contiendrait l’invitation aux citoyens de se retirer dans leurs maisons.