542 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 avril 1791.1 le devinera; mais je demande que l’Assemblée nationale, ayant le plus grand intérêt dans une matière de cette nature et de celte importance, engage M. Tronchet, malgré sa qualité de Président, à lui faire part de son opinion. (Applaudissements.) M. Chabroud. Je partage certainement la confiance du préopinant dans les lumières de M. le Président. Je partage également l’approbation que l’Assemblée nationale a donnée à cette motion. Mais après ce premier mouvement, je demande à l’Assemblée à lui faire une objection. Il est, je crois, reconnu dans l’Assemblée que le Président ne doit jamais donner son opinion sur aucune matière. (Murmures.) M. Tuant de la Bouverie. Il n’y a pas un membre dans l’Assemblée qui ne s’otfre à donner lecture de l’opinion de M. le Président. M. Chabroud. Je n’ai pas besoin de développer à l’Assemblée les motifs qui l’ont déterminée à l’arrêter ainsi. Il me suffit de lui rappeler que tel a été son vœu, telle a été sa décision, et de Jui observer que, si l’opinion de M. le Président, écrite par lui, préparée par lui, était lue à la tribune, il est évident que M. le Président donnerait son opinion. D’après cela, malgré ma propre inclination, malgré ma très grande et très juste confiance, je demande que l’on passe à l’ordre du jour. M. le Président. Je ne puis qu’être très flatté de l’observation qui a été faite par les préopinants. Il est très vrai que j’avais fait pour moi, et comme tout membre de cette Assemblée doit faire, un travail particulier, pour m’instruire sur une matière aussi importante. Il est très vrai en même temps que ce travail n’était pas même totalement fini et que je l’ai interrompu au moment où vous m’avez fait l’honneur de m’appeler à la dignité que j’occupe aujourd’hui, parce que j’ai été convaincu, comme vient de vous le dire M. Chabroud, qu’il n'était pas permis à votre Président de donner son opinion ni directement ni indirectement. Ainsi je déclare formellement à l’Assemblée que je n’acquiescerai point à la proposition qui est faite, parce que ce serait violer vos règlements. M. Emmery. Je ne puis pourtant m’empêcher d'avoir l’honneur de vous observer que ce que l’on réclame pour être la règle, l’Assemblée nationale a décrété que ce ne l’était pas. J’ai l’honneur de vous observer que plusieurs fois j’avais entendu dire, dans cette Assemblée et par de très hauts esprits de l’Assemblée, notamment par M. de Mirabeau, qu’il faudrait qu’une fois un Président sût donner l’exemple de descendre de son fauteuil pour monter à la tribune dans des occasions importantes où il aurait un avis influent sur le bien, parce qu’il aurait été bien réfléchi. J’étais dans cette position remplissant le fauteuil, à une séance du soir, à la vérité, à la place du Président alors en place. Plusieurs membres : Ah ! ah ! ah I M. Emmery. Mais vous saviez que c’était un objet sur lequel j’avais annoncé, à l’avance, que j’avais une opinion faite. M. Dillon l’observa. Je répondis que je ne demandais pas mieux, mais que je n’osais prendre sur moi de monter à la tribune. Quelqu’un fît la motion pour que j’eusse la liberté de monter à la tribune. J’y montai, et l’Assemblée voulut bien m’entendre. Il semble qu’en effet il n’y a pas de motif qui puisse déterminer l’Assemblée à se priver d’une opinion, pourvu que celui qui est Président et qui a donné son opinion à la tribune, ne préside plus à la décision de l’affaire et né soit point son juge. (Applaudissements.) M. Eoys. Monsieur le Président, j’en demande pardon à votre modestie, mais il faut mettre ma motion aux voix. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angêly ): J’ai l’honneur de proposer à. l’Assemblée, et je crois que l’Assemblée ne s’y refusera pas, d’inviter son Président à quitter le fauteuil pour monter à la tribune et y donner son opinion, et à céder la présidence à l’un de ses prédécesseurs. (Applaudissements prolongés.) M. Tronchet me paraît y consentir. M. le Président. Mon premier devoirest celui d’obéir aux ordres de l’Assemblée. Je ne peux pas personnellement mettre aux voix la proposition qui m’est faite. Je prie un de mes prédécesseurs de venir prendre le fauteuil. Il mettra la proposition aux voix. M. Tronchet, président, quitte le fauteuil. M. Emmery, ex-président , le remplace et met aux voix la motion de M. Loys. (L’Assemblée décrète à l’unanimité que M. Tronchet est invité à prononcer son opinion sur les successions à la tribune.) M. Tronchet, président, reprend le fauteuil. M. le Président. Je reçois à l’instant, de MM. de La Marck et Trochot* exécuteurs testamentaires de M. de Mirabeau, une lettre dont je vais avoir l’honneur de vous faire lecture : « Monsieur le Président. « Nous avons l’honneur de vous prévenir que le convoi de M. de Mirabeau sera prêt à partir à quatre heures; nous attendons les ordres de l’Assemblée nationale. » Plusieurs membres : A cinq heures. M. le Président. Lorsque, samedi dernier, je m’acquittai de la mission pénible de vous annoncer la mort de M. de Mirabeau, plusieurs personnes annoncèrent le vœu que tout le monde allât au convoi, j’observai alors qu’il pouvait être prématuré de mettre cette proposition aux voix, attendu que je n’avais pas encore d’annonce officielle sur le jour ni sur l’heure du convoi, en sorte que les choses en sont restées dans cet état. Il est certainement dans le cœur de tous les membres de cette assemblée que tout le monde se trouve au convoi; mais vous devez sentir qu’il peut y avoir une grande différence dans la forme : les membres s’y rendront-ils comme individus, ou en corps? On m’a même à cet égard demandé des ordres que je n’ai pas pu donner. Ainsi je prie l’Assemblée de vouloir bien m’indiquer comment elle s’y rendra. Un grand nombre de membres : En corps 1 En corps! (Applaudissements.)