400 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 25 Robert LINDET, au nom des trois comités de Commerce, de Législation et de Salut public, présente un nouveau mode de fixer le maximum des grains. Vos comités, dit-il, ont balancé les avantages et les inconvénients de la loi du maximum; ils ont examiné s’il convenait de fixer un maximum uniforme pour toute la République. Le tableau général de la France a bientôt résolu cette question première. La nature a divisé la République en deux parties bien distinctes quant à son sol et à ses productions. Dans l’une, la culture est aisée qt les productions abondantes; dans l’autre, la culture difficile rend cependant trois ou quatre pour un. Le maximum uniforme a donc augmenté considérablement le prix des grains dans la moitié de la République, et considérablement diminué dans l’autre moitié. Dans quarante départements, ce prix a toujours été infiniment au dessous du maximum, et dans quarante autres beaucoup au-dessus; vous aviez donc manqué votre but par un maximum uniforme : vous vous proposiez d’encourager l’agriculteur en lui fournissant dans l’augmentation du prix des grains des moyens de s’indemniser des frais de culture et de semence, et le maximum uniforme avait exactement produit le contraire. On vous avait entraînés dans cette mesure par l’avantage d’établir une balance égale ; mais la nature s’y opposait, et jamais le législateur ne doit être en opposition avec la nature. Vos trois comités ont donc pensé que la fixation du maximum devait être calquée sur la nature du sol et sur les productions de la France. Ils ont ensuite examiné s’il convenait de conserver un maximun pour la fixation du prix des grains ; grande question qu’il est temps d’aborder, que le républicain doit fixer avec un oeil sévère, puisqu’elle touche aux plus grands intérêts. Mais cette question a cessé d’en être une lorsque les grands besoins de cette année ont été calculés, lorsque les manoeuvres de l’agiotage, les spéculations de l’avarice, les fraudes de la malveillance, et peut-être même les combinaisons perfides de l’aristocratie ont été senties. La libre circulation ne pourrait subvenir à toutes les demandes. Le maximum supprimé, le prix ne pourrait être soumis à aucune mesure, l’avidité mercantile à aucune règle, le mécontentement du peuple à aucune réflexion; tous ces inconvénients seraient aggravées par l’impatience des citoyens qui se rendraient en affluence dans les marchés, conduits par la crainte de manquer, et par l’impossibilité où serait le gouvernement d’apaiser l’impatience en faisant vendre des grains achetés dans l’étranger. Ces considérations ont décidé vos comités à vous proposer de maintenir la loi du maximum, mais fixée sur une base juste. Celle qui a paru à vos comités assurer la justice et aux cultivateurs et à la classe des citoyens qui achètent des grains, c’est le prix de 1790, augmenté de moitié en sus. Le prix de cette année a paru le plus uniforme et le plus régulier. L’augmentation de moitié en sus a paru nécessaire à vos comités pour compenser l’augmentation des frais de culture. Lindet fait lecture d’un projet de décret (95). Sur la proposition d’un membre [Robert LINDET], la Convention décrète ce qui suit : La Convention nationale décrète : Article premier. - Les comités de Commerce, des Finances et de Salut public, présenteront, dans une décade, un rapport qui développe les inconvéniens actuels de la loi sur le maximum , et qui indique les moyens d’y porter remède. Art. IL - Ils présenteront aussi leurs vues sur les changemens à faire dans l’organisation de la commission de commerce et des approvisionnemens, et sur les moyens de borner les attributions qui lui sont déléguées à l’approvisionnement des objets nécessaires au gouvernement, de manière que l’exercice de ses attributions se concilie avec les opérations qui doivent être abandonnées au commerce particulier (96). On en demande l’impression et l’ajournement. [MAURE désire que la discussion se fasse très incessamment, dans la crainte de donner à la malveillance le temps et les moyens d’accaparer.] (97) TALLIEN : Il ne peut y avoir de doute sur la nécessité d’ajourner ce projet, afin que chacun de nous ait le temps de le méditer et de réfuter les nombreux sophismes qu’il renferme. Cette discussion sera utile, car elle fera approfondir la question qui n’est qu’esquissée dans le rapport. Il faut que la Convention s’occupe du prix de toutes les denrées, qu’il soit tel que le cultivateur et le consommateur y trouvent également leur intérêt. Je reviendrai aussi sur une proposition qui a déjà été faite, sur celle de faire rendre à la commission de commerce compte des fonds qui ont été mis à sa disposition. Il faut savoir ce qu’elle a fait pour pourvoir aux besoins du peuple, il faut savoir pourquoi, à l’entrée d’une saison rigoureuse, il n’y a, dans une commune aussi importante que celle de Paris, ni bois, ni charbon ( applaudissements ); du charbon surtout, qui sert à tous les usages domestiques, à tous les ateliers, à tous les arts. On me dit qu’en parlant de cela je sème des inquiétudes ; et moi je soutiens le contraire : c’est en éclairant le peuple sur les causes de cette disette [que je tiens pour factice] (98) qu’on l’empêchera de se porter à aucun mouvement. (95) Moniteur, XXII, 424. J. Mont., n° 22 ; M. U., XLV, 234-235; Ann. R. F., n° 44 et 45; Ann. Patr., n° 673; C. Eg., n° 808; J. Fr., n° 770; J. Perlet, n° 772; F. de la Républ., n° 45; Mess. Soir, n° 809; J. Univ, n° 1804; J. Paris, n° 45; Débats, n° 772, 634 ; Rép., n° 45 ; Gazette Fr., n° 1037. (96) P.-V., XL VIII, 192. (97) Débats, n° 772, 634. (98) Débats, n° 772, 634.