385 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] Plusieurs membres : Lesquels ? M. Regnaud (de Saint-Je an-d’Angély). Je vous nommerai, entre autres, l’ambassadeur de Portugal, qui s’est adressé au commandant de la section où il demeure. M. Graultier-Biauzat. Jamais il n’y a eu moins de raison de craindre dans Paris; personne ne peut le savoir mieux que M. de La Tour-Mau-bourg et moi, qui l’avons parcouru pendant près de 6 quarts d’heure. Autant vous déployez ici de vigueur, autant le peuple de Paris montre de sagesse. J’ai une idée que l’Assemblée adoptera peut-être: vous avez pris des précautions relativement aux papiers qui sont dans les dépôts des affaires étrangères. Je tiens beaucoup, moi, au garde-meuble ; je demande qu’il y soit placé une garde pour garantir ce dépôt précieux des dévastations qui se sont faites, même devant l’Assemblée nationale, et qu’on étende au garde-meuble les dispositions que vous avez prises ce matin, relativement aux appartements du château des Tuileries. M. Bion. Messieurs, les commissaires que vous avez chargés de l’inventaire du garde-meuble s’y sont transportés dès ce matin, pour aviser aux moyens de conserver les effets précieux qui y sont déposés : M. Thierry était absent, mais nous avons trouvé M. Chantereine. Une garde de sûreté y a été établie. M. Delattre. J’ajoute que nous avons demandé s’il avait été fait quelque enlèvement dans le garde-meuble. Non seulement on n’y a rien enlevé, mais même le roi et la reine y ont fait réintégrer ce qui en dépendait, c’est-à-dire les diamants de la couronne. M. Rabaud-Saint-Etienne. Je demande à M. Regnaud pour quel motif l’Assemblée annoncerait que le peuple parisien peut se porter à quelque insulte contre les ambassadeurs. Si l’on adoptait ceite proposition, on paraîtrait avoir des doutes sur la tranquillité du peuple de Paris, tandis que cette capitale présente un aspect tranquille, touchant et fier, qui fait présager assez quels peuvent être jamais les succès des ennemis de l’Etat. Que les ambassadeurs soient donc sans inquiétudes sous la garantie de la loyauté d’un peuple généreux, qui respectera toujours le droit des gens, et qui montre, par un calme profond, le sentiment le plus juste de sa force et de ses droits, et sous la garantie sacrée de l’Assemblée nationale. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Je borne ma proposition à demander que les ambassadeurs et ministres étrangers qui sont à Paris soient avertis qu’ils peuvent continuer leurs relations avec M. de Montmorin, auquel ils devront remettre, comme par le passé, les notes officielles de leurs cours. Je crois qu’il est urgent, qu’il est important de décréter cette disposition, à laquelle je me réduis. M. Rœderer. Je trouve un autre motif à la proposition de M. Regnaud, et il faut le dire très nettement. Il est très possible ([ue des ambassadeurs qui sont envoyés auprès du roi de France aient besoin de connaître dans ce mo-lrô Série. T. XXVII. ment-ci qui remplace le pouvoir exécutif. Que faut-il donc faire? Il faut leur faire connaître le décret que vous avez rendu ce matin, par lequel les ministres conservent la plénitude de leur ancien pouvoir; et c’est à cela que doivent se borner vos mesures. M. Fréleau-Saint-Just. Je voudrais qu’on ajoutât une autorisation spéciale à M. de Montmorin, de dépêcher des courriers vers les cours étrangères où cette mesure pourrait être utile, pour leur témoigner que Isl nation française restera fidèle à ses traités. Des motifs pressants sollicitent cette mesure; une considération particulière vient à l’appui. Il faut que l’Assemblée sa< he qu’il n’y a pas d’efforts qu’on n’ait faits, depuis 3 mois environ, pour rompre l’ancienne alliance existant depuis 3 siècles, mais notamment depuis la paix de 1512, avec les Suisses. Nous sommes informés au comité diplomatique que les efforts tendant à rompre cette bonne intelligence ont redoublé; et tandis que les lettres qui nous étaient envoyées par le ministre, il y a 2 ou 3 mois, ne contenaient que des expressions rassurantes à cet égard, nous sommes forcés de déclarer que les dernières ne sont plus sur le même ton. Il peut donc être infiniment important de faire partir sur-le-champ un courrier pour M. de Vérac qui est chargé des négociations entamées avec les 13 cantons suisses. M. Démeunier. Je demande la parole. M. Fréteau - Saint -Just. Je ne demande pas que l’Assemblée intime cet ordre-là, mais qu’elle en laisse la proposition et la suite à M. de Montmorin, qui se fera autoriser par elle. M. Démennier. J’appuie la motion de M. Regnaud, réduite à l’assurance de continuer la correspondance avec les ambassadeurs étrangers ; mais je crois que l’Assemblée ne peut sans imprudence adopter la proposition du préopinanf. M. Fréteau ne fait pas attention que, dans ce moment de crise ou nous sommes, nous devons d’abord pourvoir aux précautions les plus urgentes ; vous l’avez fait ce matin. S’il reste d’autres précautions à prendre, vous h s prendrez dans le jour ou le lendemain; mais certes, la position de la nation française ne peut pas rester longtemps au point où elle est. 11 est clair qu’il faut ou que la trame du complot soit découverte, ou que le roi reconnaisse qu’entraîné et séduit par des factieux, il a abandonné son poste. Alors l’Assemblée nationale prendra les précautions nécessaires. Vous avez décrété un gouvernement monarchique : c’est alors que vous examinerez s’il faut un régent, ou si le roi reviendra à son poste. Dans ce moment-ci, des courriers envoyés par un ministre des affaires étrangères, autorisé par l’Assemblée nationale, à des puissances habituées à l’idée du despotisme, ne connaissant ni la Révolution, ni nos lois, c’est là une mesure inutile; le moment n’est pas venu; il n’est ni politique, ni prudent de le faire. L’ascendant de la justice et de la raison, et la force puissante d’une grande nation libre, qui a reconquis la liberté et qui saura la conserver, ne permettent pas de douter que nous ne triomphions de nos ennemis ; mais ne compromettons pas la dignité de la nation, en exposant à des humiliations ceux que nous enverrions vers des 25 386 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] princes dont nous ne devons pas suspecter les intentions. Encore un moment, et la souveraineté de la nation française, qui restera constamment attachée à la monarchie, sera reconnue par toutes les puissances de l’Europe. Je demande donc qu’on décrète la proposition de M. Regnaud, et qu’on ajourne celle de M. Fré-teau. ( Applaudissements .) M. Frétean-Saint-Just. Ce que vient de dire le préopinant ne m’empêche pas de croire que nous ne devons pas perdre un instant vis-à-vis des cantons suisses, vis-à-vis des membres de la diète de Ratisbonne qui devait se rassembler ces jours derniers. Il faut fixer leur opinion, et vous laver du reproche qa’on n’a cessé de répandre dans la Suisse contre l’Assemblée nationale. Il ne faut pas que l’on croie, dans ce que vous avez entrepris pour la liberté de la nation, pour le bien du peuple français et du genre humain en général, que vous avez besoin de recourir à des trames sourdes, à des menées souterraines, aux ressources libellistes, pour aller ébranler dans d’autres pays une constitution qui y subsiste, et précipiter les réformes qui peuvent y être désirées par quelques citoyens, les précipiter, dis-je, par des moyens aussi indignes de la loyauté de vos vues que de la noblesse et de la grandeur de celles que vous avez adop-tG6S Je n’ai point parlé d’envoyer de nouveaux ambassadeurs aux puissances étrangères. Je crois effectivement que cette motion serait très impolitique ; mais j’ai demandé de suivre de la manière la plus active les relations qui existent avec nos ambassadeurs dans les cours, notamment dans celles où sans cesse la calomnie travaille notre Révolution. Voilà tout ce que j’ai voulu dire. M. Alexandre de Beauharnais, président, reprend place au fauteuil. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèly . Gomme il importe que la correspondance des ministres soit entretenue avec toutes les nations étrangères, on pourrait retrancher de ma motion les mots : qui sont à Paris. M. Robespierre. Il me semble que les mesures partielles, proposées par les deux préopinants, sont absolument étrangères à l’objet de votre délibération actuelle. Je ne vois pas pourquoi vous rendriez un décret particulier et formel pour M. de Montmorin. Jusqu’à présent vous n’avez point renvoyé les ministres actuels ; vous avez même rendu un décret, ce matin, qui semble confirmer les ministres dans leurs fonctions. Ainsi nul besoin d’un décret particulier pour attirer sur lui, d’une manière spéciale, la confiance de la nation, et pour dire aux nations étrangères qui sont accoutumées à correspondre avec le ministre, qu’elles doivent particulièrement correspondre avec lui. Il est inutile de vous occuper actuellement, et de M. de Montmorin qui est dans la classe des autres ministres, et de ce qui peut concerner les ambassadeurs étrangers qu’aucun citoyen français n’a voulu ni ne veut attaquer. Je demande donc que vous passiez à l’ordre du jour sur une telle motion (Murmures.) et que vous vous occupiez des mesures qu’exigent de vous les circonstances actuelles. (Murmures.) M. Charles de Lameth. Plus nous garderons dans notre sein la marche des affaires, plus nous détruirons l’effet de l’évasion du roi. Je dis l’évasion ; car depuis que j’ai entendu la lecture de son manifeste, je ne me servirai plus du mot enlèvement ; ce serait trahir l’Etat. (Applaudissements). Je prie donc que la proposition qui vient d’être faite et amendée par M. Régnault, est extrêmement avantageuse. De son côté le comité diplomatique se mettra au fait de ces correspondances. Il verra si ces fédérations des despotes contre la liberté et les intérêts des peuples ..... (Murmures.) M. Martineau. Je demande que le préopinant soit rappelé à l’ordre ; car il ne lui appartient pas d’insulter les puissances étrangères. M. Charles de Cameth. Je dis que, s’il y a une fédération, elle sera bientôt connue du gouvernement. Il est impossible cependant, et j’en demande bien pardon à ceux qui m’ont interrompu, que l’on croie que la démarche si extraordinaire du roi de France ne soit pas appuyée de quelques moyens qui ne nous sont pas connus : le supposer est un acte de prudence, et ce n’est pas une injure. En conséquence, je dis que nous mettons tout de notre côté, en cherchant à traiter comme auparavant avec toutes lespuissances avec lesquelles nous sommes en relation, et dans des alliances politiques. Je crois, Monsieur le Président, qu’aller plus loin, ce serait compromettre la dignité nationale. Nous ne devons pas, ce me semble, prendre une mesure plus étendue que celle qui est proposée par M. Démeunier. M. Fréteau - Saint -Just. Voici la rédaction que je propose : « L’Assemblée nationale, le roi absent, ordonne que le ministre des affaires étrangères fera connaître aux ambassadeurs et ministres des puissances résidant actuellement à Paris, ainsi qu’aux ambassadeurs de France auprès des Etats et royaumes étrangers, la volonté de la nation française, de continuer avec lesdits Etats et royaumes la correspondance d’amitié et de bonne intelligence qui a existé jusqu’à présent, et instruire lesdits ambassadeurs et résidents pour lespuissances, qu’ils doivent remettre à M. de Montmorin les notes officielles dont ils seront chargés de la part des princes et Etats respectifs. » (Ce décret est adopté.) M. Rewbell. Messieurs, en conséquence du décret que vous avez rendu ensuite, les commissaires que vous avez nommés ce matin pour vérifier la caisse de l’extraordinaire et celle de la Trésorerie se sont rendus à ces deux caisses; ils les ont vérifiées et ont fait dresser et signé le procès-verbal de la situation de ces deux caisses. En ce qui concerne la caisse de l’extraordinaire, nous nous sommes occupés des 28 millions que vous avez ordonné de verser au Trésor public par votre décret d’hier; ces 28 millions ont été tirés de la caisse à 3 clés, parce qu’il y a une formalité à remplir. Au terme du décret que vous avez rendu le 6 décembre dernier, et qui a été sanctionné le 15, concernant l’organisation de la caisse de l’extraordinaire, il ne peut être fait aucun payement par le trésorier de l’extraordinaire, à qui que ce puisse être, qu’en vertu d’un décret sanctionné et que sur ordonnance revêtue de la signature du roi et de celle de l’administrateur de