714 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 octobre 1790.1 (L’Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Defermon.) M. Ic Président. Le rapporteur de V affaire de Brest demande la parole. M. de Menou, au nom des comités diplomatique, colonial, militaire et de la marine, fait le rapport de l’insubordination de l’escadre et des troubles qui se sont manifestés à Brest. Il présente le tableau des faits contenus dans les lettres et autres pièces dont on a donné lecture dans diverses séances. Après avoir exposé séparément ceux qui concernent l’escadre et la municipalité de Brest, il passe à la troisième partie du rapport. Je dois vous rendre compte, dit-il, des motifs du projet de décret que je suis chargé de vous présenter. Il est divisé en trois parties. La première est relative à l’insubordination de l’escadre. L’insouciance des agents du pouvoir exécutif, une longue oppression, l’exaltation des esprits, les erreurs de quelques gens ignorants qui prennent la licence pour la liberté, peut-être même les intrigues et l’argent de quelques puissances étrangères, et l’arrivée du Léopard, ont produit les désordres qui vous affligent; ils sont immenses, eu égard à notre situation politique, mais ils ne sont pas sans remède. Espérons que les mesures que nous allons prendre ramèneront l’ordre et l’obéissance. Si notre espoir était trompé, nous trouverions des milliers de citoyens pour remplacer ceux qui, sourds à la voix de la patrie, à celle du devoir, se refuseraient à la subordination qu’exigent la force et la félicité publiques. On s’est occupé, dans le comité, de savoir s’il fallait changer quelques articles du code pénal de la marine. Nous avons pensé que si l’inconstance des lois était l’attribut du despotis ne, leur immutabilité est celui d’une Constitution libre. C’est à des chefs, qui auraient la confiance des marins, à user avec sagesse, peut-être avec clémence, des lois que vous avez portées. Les comités proposent aussi d’ajouter deux commissaires à ceux qui ont été nommés par le roi. Il serait nécessaire que ces commissaires fussent choisis à Paris. Leur choix est important ; les matelots croient qu’on les trompe, et c'est surtout de la confiance qu’il faut leur inspirer. Il faudrait donner à ces commissaires tout droit pour faire arrêter et punir les coupables, et que le commandant de l’escadre fût autorisé à congédier les maielots indisciplinés ou n’étant pas propres au service de mer. Je dois remarquer qu’on a reçu sur la flotte des gens sans aveu, et qui n'étaient pas classés. Le comité regarde aussi comme une mesure efficace de publier incessamment les règles de l’avancement et de changer le pavillon blanc en pavillon aux couleurs nationales ; mais il pense que cette grâce ne doit ê.re accordée qu’au moment où l’insubordination aura entièrement cessé. La seconde partie du projet de décret est relative à la municipalité de Brest et au procureur de la commune. Sans doute, cette municipalité a été trompée par son zèle même et son patriotisme ; sans doute, elle n’a vu dans l’assemblée coloniale que des victimes du despotisme, et dans l’équipage du Léopard et les troupes coloniales que des défenseurs de la liberté; mais la municipalité s’est emparée du pouvoir exécutif en essayant de retenir le vaisseau le Ferme, elle aaiDsi compromis le sort de nos colonies. Que deviendrait l’unité politique, si les corps administratifs s’attribuaient tous les pouvoirs ? De quel droit cette municipalité a-t-elle fait comparaître devant elle MM. d'Albert, d’Hector, et exigé la représentation des minutes de leurs lettres? Elle a cru bien faire peut-être; mais quand il s'agit d’hommes revêtus de fonctions publiques, on ne juge que par les actions et non les sentiments. On doit donc un exemple qui apprenne aux municipalités à se renfermer dans les pouvoirs qui leur ont été confiés. Il paraît convenable de prendre une disposition séparée pour le procureur de la commune, qui a fait un discours véhément, propre à augmenter le désordre. Les faits noua ont conduits naturellement à examiner la position politique du royaume. Nous avons vu la régénération de l’Etat s’avancer rapidement vers son terme, nous avons vu qu’elle n’avait plus besoin que du concours actif et réel des agents du pouvoir exécutif; mais ce concours n’est pas tel que nous devions l’attendre. Quelle que soit la cause de leur inertie, soit que la méfiance qu’ils ont inspirée au peuple leur ait opposé des obstacles, soit qu’ils ne connaissent encore la Constitution que de nom, et qu’ils n’en aient pas adopté les principes, la force publique est ralentie dans leurs mains ; toutes leurs démarches, le retard dans l’envoi des décrets, des lenteurs continuelles en arrêtent l’organisation. Ils s’occupent bien de tous les désordres locaux, ils viennent chaque jour nous en entretenir, chaque jour ils nous annoncent la défiance qui suit leurs démarches et qui empêche de donner au pouvoir exécutif l’énergie et la puissance qu’il doit avoir. Cependant la situation de nos colonies, la crise qu’occasionnent les débats politiques de l’Europe exigent qu’on restitue toute cette puissance, toute cette énergie. Vos comités n’ont point oublié qu’il n’appartient qu’au roi de nommer les ministres; mais ils savent qu’il est de votre devoir de faire connaître la vérité, que c’est la plus sacrée peut-être des fonctions qui vous ont été confiées. Ils ont cru que vous compromettiez le salut de l’Etat, si vous craigniez de dire la vérité à un roi digne de l’entendre. Un décret exclut du ministère les membres de cette Assemblée ; il doit être maintenu; c’est le palladium de la liberté. Les sentiments personnels du roi ne permettent pas de douter que s’il se détermine à choisir de nouveaux ministres, il les prendra parmi les amis de la Constitution. La nouvelle organisation s’achèvera promptement, la force publique reprendra toute son énergie, s’il règne un concours d’intelligence et de zèle entre l’Assemblée nationale, le pouvoir exécutif et ses agents. Voici le projet de décret que vos comités vous proposent ; « L’Assemblée nationale, ouï le rapport, etc., décrète que le roi sera prié de nommer deux nouveaux commissaires civils revêtus des pouvoirs nécessaires, pour, en se concertant avec le commandant de l’escadre , employer tous les moyens propres à rétablir l’ordre et la subordination, et requérir à cet effet les gardes nationales et les troupes de ligne ; qu’attendu qu’il s’est introduit dans les équipages des hommes qni ne sont ni marins ni classés, le commandant sera autorisé à congédier ceux qui ne seront pas propres au service de la mer; que le pavillon blanc sera remplacé par le pavillon aux couleurs nationales, lorsque la subordination sera entièrement rétablie. « L’Assemblée nationale, considérant que le salut public et le maintien de la Constitution exigent que les corps administratifs et les municipalités se renferment exactement dans les bornes