SÉANCE DU 28 MESSIDOR AN II (16 JUILLET 1794) Nos 48-49 213 Le directoire considérant que cette commune par ses genereux et multipliés sacriffices et par ses offrandes pour la construction d’un vaisseau et pour avoir monté 6 cavaliers jacobins a bien mérité de la patrie. Considérant que la fete décrétée par la Convention Nationale ne peut être célébrée sans occasionner des dépenses asséz considérables pour y donner de la célébrité afin d’anéantir les principes d’atheisme propagés par Hébert et ses semblables. Considérant que cette fete sera celle du triomphe de la raison et de la liberté ! Arrêtte que la municipalité d’Alais sera autorisée a comprendre dans ses charges locales la somme de 1 000 liv. pour fournir aux frais de la fete qui doit se celebrer décadi prochain a l’honneur de l’etre suprême, a la charge par la municipalité de justiffier l’emploi de cette somme. P.c.c. : DUMAS (présid.), DAUMONT (adjoint au secrét. g3'), PONTANEL (off. mun.), CHABRAUD (secret.) [et 1 signature illisible.] Vû par le directoire du District d’Alais qui atteste la sincérité des signatures ci-contre à Alais le 15 Messidor II LeiriÉ (vice-présid.), Fa vaut, Chaber fils, Détienne, Cabanel (secrét .) [et 2 signatures illisibles.] [P.v. de la séance du 27 vent. II] Présents les Citoyens DUMAS président, BRESSON, Bonicel, Chauvard, Guisques membres du Directoire, et POULON adjoint. Un membre fait lecture d’une délibération de la Société Populaire d’Alais, dans laquelle il est rendu compte d’une séance très intéressante qui avoit été convoquée sur la demande du citoyen Chateau-neuf-randon, représentant du peuple, dans les départements méridionaux. Jamais séance plus patriotique, plus fraternelle, plus philosophique; la presence, les discours aussi énergiques que républicains du représentant du peuple, electrisent toutes les âmes, toutes renoncent aux préjugés religieux pour ne suivre que le culte de la nature, toutes soupirent après le moment de voir s’établir dans la Commune le régné de la raison et de la vérité. L’Assemblée arrête à l’unanimité des suffrages, sur la motion d’un membre, que les décades seront célébrées à l’avenir avec solemnité, et que ces jours chers au patriotisme seront consacrés a la propagation des principes des droits de l’homme et des vertus républicaines. Sur la proposition du Représentant du peuple une commission est nommée pour se rendre auprès de la municipalité a l’effet de l’inviter à designer un lieu propre a célébrer la fête de la Liberté, de l’égalité et de la patrie : soudain l’Eglise ou le mensonge rendait ses oracles est convertie en temple de la raison; Le peuple vient y chanter des hymnes a la Liberté, et la Société populaire y tient ses séances civiques. Le Représentant du peuple propose encore d’anéantir tous les signes du fanatisme et de la féodalité qui existent dans la commune et a l’instant toutes les croix sont abatues et l’arbre de la Liberté s’élève sur leurs débris. Les femmes et filles qui employent encore a leurs parure des emblèmes de la féodalité ou du fanatisme, sont invitées, pour accélérer les progrès de notre régénération politique, de les apporter au comité d’exemption de la Société Populaire, qui en payera la valleur à celles dont les facultés ne leur permettent pas d’en faire offrande a la patrie. Le Directoire applaudit avec enthousiasme aux progrès de la raison dans toutes les parties du Gard, aux sentimens vraiment civiques que viennent de manifester les citoyens d’Alais, et à leur dévoilement a la chose publique. Mention honorable. Arrette qu’extrait du présent procès-verbal sera envoyé a la Société populaire d’Alais. P.c.c. : Elie Dumas (présid.), Régal (secrét. gal) Pour copie conforme à l’original et certiffiée véritable par nous maire et officiers municipaux de la commune d’Alais. FONTANEL (off. mun.), CHABRAND (secrét.) [et 2 signatures illisibles.] Vû par le Dre du District d’Alais, qui atteste la sincérité des signatures ci-contre, à Alais le 15 Messidor II. Chaber fils, Favaut, Détienne, Leirié (vice-présid. ), [et 2 signatures illisibles.], CABANEL (secrét.) 48 Les décrets suivans ont été adoptés : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de MALLARMÉ, au nom] du comité des finances, » Décrète que les administrations de département sont autorisées à ordonnancer jusqu’à concurrence de la somme de 800 liv. au profit des créanciers de ceux dont les biens sont mis en séquestre en exécution des lois précédentes ; et ce, sur les deniers provenans de la recette desdits biens séquestrés. » (l). 49 MERLINOT (sic), au nom des comités des secours et des finances : Citoyens, les faveurs des despotes sont toujours le prix déshonorant que le maître accorde à l’esclave, que la main du crime donne à la bassesse et à l’immoralité; c’est seulement chez les peuples libres que les grandes actions trouvent une récompense digne d’elles, parce qu’on ne sait les (l) P.V., XLI, 286. Minute de la main de Mallarmé. Décret n° 9950. Reproduit dans Mon., XXI, 242 ; Ann. patr., n° DLXII ; C. Eg., n° 697 ; Débats., n° 664 ; -J. Fr., n° 660 ; Ann. R. F., n° 228 ; J. Perlet., n° 662 ; -J. Mont., n° 81 ; Mess. Soir, n° 696 ; J. Lois, n° 657 ; -J. Sablier, n° 1440 ; C. Univ., n° 928. SÉANCE DU 28 MESSIDOR AN II (16 JUILLET 1794) Nos 48-49 213 Le directoire considérant que cette commune par ses genereux et multipliés sacriffices et par ses offrandes pour la construction d’un vaisseau et pour avoir monté 6 cavaliers jacobins a bien mérité de la patrie. Considérant que la fete décrétée par la Convention Nationale ne peut être célébrée sans occasionner des dépenses asséz considérables pour y donner de la célébrité afin d’anéantir les principes d’atheisme propagés par Hébert et ses semblables. Considérant que cette fete sera celle du triomphe de la raison et de la liberté ! Arrêtte que la municipalité d’Alais sera autorisée a comprendre dans ses charges locales la somme de 1 000 liv. pour fournir aux frais de la fete qui doit se celebrer décadi prochain a l’honneur de l’etre suprême, a la charge par la municipalité de justiffier l’emploi de cette somme. P.c.c. : DUMAS (présid.), DAUMONT (adjoint au secrét. g3'), PONTANEL (off. mun.), CHABRAUD (secret.) [et 1 signature illisible.] Vû par le directoire du District d’Alais qui atteste la sincérité des signatures ci-contre à Alais le 15 Messidor II LeiriÉ (vice-présid.), Fa vaut, Chaber fils, Détienne, Cabanel (secrét .) [et 2 signatures illisibles.] [P.v. de la séance du 27 vent. II] Présents les Citoyens DUMAS président, BRESSON, Bonicel, Chauvard, Guisques membres du Directoire, et POULON adjoint. Un membre fait lecture d’une délibération de la Société Populaire d’Alais, dans laquelle il est rendu compte d’une séance très intéressante qui avoit été convoquée sur la demande du citoyen Chateau-neuf-randon, représentant du peuple, dans les départements méridionaux. Jamais séance plus patriotique, plus fraternelle, plus philosophique; la presence, les discours aussi énergiques que républicains du représentant du peuple, electrisent toutes les âmes, toutes renoncent aux préjugés religieux pour ne suivre que le culte de la nature, toutes soupirent après le moment de voir s’établir dans la Commune le régné de la raison et de la vérité. L’Assemblée arrête à l’unanimité des suffrages, sur la motion d’un membre, que les décades seront célébrées à l’avenir avec solemnité, et que ces jours chers au patriotisme seront consacrés a la propagation des principes des droits de l’homme et des vertus républicaines. Sur la proposition du Représentant du peuple une commission est nommée pour se rendre auprès de la municipalité a l’effet de l’inviter à designer un lieu propre a célébrer la fête de la Liberté, de l’égalité et de la patrie : soudain l’Eglise ou le mensonge rendait ses oracles est convertie en temple de la raison; Le peuple vient y chanter des hymnes a la Liberté, et la Société populaire y tient ses séances civiques. Le Représentant du peuple propose encore d’anéantir tous les signes du fanatisme et de la féodalité qui existent dans la commune et a l’instant toutes les croix sont abatues et l’arbre de la Liberté s’élève sur leurs débris. Les femmes et filles qui employent encore a leurs parure des emblèmes de la féodalité ou du fanatisme, sont invitées, pour accélérer les progrès de notre régénération politique, de les apporter au comité d’exemption de la Société Populaire, qui en payera la valleur à celles dont les facultés ne leur permettent pas d’en faire offrande a la patrie. Le Directoire applaudit avec enthousiasme aux progrès de la raison dans toutes les parties du Gard, aux sentimens vraiment civiques que viennent de manifester les citoyens d’Alais, et à leur dévoilement a la chose publique. Mention honorable. Arrette qu’extrait du présent procès-verbal sera envoyé a la Société populaire d’Alais. P.c.c. : Elie Dumas (présid.), Régal (secrét. gal) Pour copie conforme à l’original et certiffiée véritable par nous maire et officiers municipaux de la commune d’Alais. FONTANEL (off. mun.), CHABRAND (secrét.) [et 2 signatures illisibles.] Vû par le Dre du District d’Alais, qui atteste la sincérité des signatures ci-contre, à Alais le 15 Messidor II. Chaber fils, Favaut, Détienne, Leirié (vice-présid. ), [et 2 signatures illisibles.], CABANEL (secrét.) 48 Les décrets suivans ont été adoptés : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de MALLARMÉ, au nom] du comité des finances, » Décrète que les administrations de département sont autorisées à ordonnancer jusqu’à concurrence de la somme de 800 liv. au profit des créanciers de ceux dont les biens sont mis en séquestre en exécution des lois précédentes ; et ce, sur les deniers provenans de la recette desdits biens séquestrés. » (l). 49 MERLINOT (sic), au nom des comités des secours et des finances : Citoyens, les faveurs des despotes sont toujours le prix déshonorant que le maître accorde à l’esclave, que la main du crime donne à la bassesse et à l’immoralité; c’est seulement chez les peuples libres que les grandes actions trouvent une récompense digne d’elles, parce qu’on ne sait les (l) P.V., XLI, 286. Minute de la main de Mallarmé. Décret n° 9950. Reproduit dans Mon., XXI, 242 ; Ann. patr., n° DLXII ; C. Eg., n° 697 ; Débats., n° 664 ; -J. Fr., n° 660 ; Ann. R. F., n° 228 ; J. Perlet., n° 662 ; -J. Mont., n° 81 ; Mess. Soir, n° 696 ; J. Lois, n° 657 ; -J. Sablier, n° 1440 ; C. Univ., n° 928. 214 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE apprécier que là; aussi voit-on le républicain vertueux se contenter d’un regard de la patrie, tandis qu’il faut aux valets des tyrans des distinctions que la raison repousse, ou des monceaux d’or à sa cupidité. La France est libre aujourd’hui; qu’elle continue à se montrer telle jusque dans les actes publics de sa reconnaissance. Je viens, au nom de vos comités des secours et des finances, vous fournir une occasion que vous saisirez avec transport. Je vous parlerai de deux martyrs de la liberté, qui, placés au poste d’honneur, où tomba l’immortel Challier, furent les fidèles compagnons de ses travaux, et partagèrent son supplice et sa gloire. Ces noms, qui vont devenir chers aux patriotes, nous en rappellent d’autres qu’ils ont déjà consacrés; Lepel-letier, qui, foulant les erreurs et les vices de la caste dans laquelle il était né, mourut premier martyr de la liberté et victime de sa haine pour la tyrannie en votant le supplice du tyran; Marat, l’intrépide défenseur du peuple, et qui périt par de semblables coups; Beauvois, Bayle, Fabre, tous morts pour la liberté sous le poignard de l’Angleterre et de l’Espagne. Parmi tant de héros dont la France s’honore, vous n’êtes pas oublié, jeune et brave soldat de la Vendée, et vous jeune héros de la Durance; l’un terrassa les brigands, et l’autre sauva le Midi des attentats des fédéralistes; tous deux vous sûtes combattre et mourir en hommes libres dans un âge où l’on vit encore enfant. La patrie ne vous oublie pas, et bientôt une fête solennelle honorera la mémoire de Viala et de Barra. Charles-Joseph Marque, horloger à Lyon, et Jean Basson, natif de Larajasse, administrateur et membre du district de la campagne de Lyon, se montrèrent constamment dans cette commune les plus fermes appuis de la liberté et de l’égalité; ils s’en déclarent les apôtres et républicains avant même qu’on pût parler de république; c’est à leurs efforts réunis que l’on dut dans cette commune le développement et la propagation des principales bases de tout Etat libre. Les grandes âmes s’oublient elles-mêmes pour ne voir que la patrie; le danger les électrise, les agrandit davantage. Pendant que les armes de la république pressaient la cité rebelle de Lyon, que Marque et Basson habitaient, tous les deux redoublèrent leurs travaux et leur courage ; presque seuls ils osèrent lutter contre tous; ils démasquaient les scélérats, ils dévoilaient leurs mesures, et arrachaient au peuple abusé le bandeau dont il était couvert; on les vit, mettant à prix la tête de l’infâme Précy, provoquer une sainte insurrection en faveur de l’armée républicaine. La vertu, que la tyrannie même respecta quelquefois, fut alors un crime aux yeux des féroces dominateurs de Lyon. Par eux un tribunal de sang est créé, et les deux patriotes tombent sous la hache du crime; ils périssent avec le calme de l’innocence et l’énergie de la liberté. Entre ces deux martyrs si chers à la patrie vous distinguerez sans doute le courageux, le modeste Marque; il aima la vertu pour la vertu même, et il sauva son nom de l’éclat dont le commun des hommes est si jaloux; il laisse à la nation une femme sensible et vertueuse, avec 4 enfants, pour lesquels son exemple ne sera pas perdu; pendant qu’il vécut, le produit de son travail suffisait à l’entretien de ces êtres intéressants et une sage administration de ses affaires l’avait mis dans le cas de leur laisser, quand il ne serait plus, les moyens d’exister; mais l’expo-liation de ses effets, qui suivit de près son suplice, a détruit cette ressource, et cette famille malheureuse n’a plus d’espoir que dans les bienfaits de la nation. Votre justice, législateurs, ne souffrira pas qu’il soit trompé; déjà même les représentants du peuple à Commune-Affranchie ont prévenu vos intentions, en lui faisant donner, sur un état constaté de ses pertes, un à-compte provisoire de 8,000 1. sur l’indemnité qu’elle a lieu d’attendre. Votre comité a pris sur cet objet toutes les instructions nécessaires; il a pensé que cette somme était insuffisante, et que la nation devait à cette famille l’indemnité entière de la propriété que les rebelles Lyonnais lui ont pillé; l’état se monte à 12,335 liv. Cependant, si par là vous dédommagez la femme du patriote Marque du pillage de ses effets, vous ne l’élevez pas au-dessus des premiers besoins; elle est mère de 4 enfants; son mari fut, au milieu des gibets, constamment dévoué à la cause du peuple que nous défendons, et ses efforts pour la servir doivent le faire ranger dans la classe des véritables défenseurs de la patrie. Votre comité croit donc qu’ils sont dans le cas des veuves et orphelins que la loi gratifie d’une pension. Par cet acte particulier de justice, la famille d’un patriote sera arrachée à l’indigence; mais, législateurs du premier peuple du monde, vous n’aurez pas assez fait pour le dévouement généreux des deux compagnons de Challier; une récompense plus glorieuse doit leur être décernée; il faut qu’un jour la colonne du Panthéon offre aux yeux de nos descendants, parmi les noms que la patrie consacre, ceux de ces intrépides amis de la liberté ; de pareilles récompenses ne manquent jamais leur but; dans Rome on les décerna aux Régulus, aux Fabricius, aux Scipion, et ces grands hommes eurent des successeurs; chez nous elles auront le même avantage. En conséquence, vos comités vous proposent le projet de décret suivant : [adopté] (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MERLINO, au nom de] ses comités des secours publics et des finances, sur la pétition de la citoyenne Marie Machon, veuve de Charles-Joseph Marque, mère de 4 enfans, dont le mari, patriote entièrement dévoué, a été assassiné le 17 septembre dernier (vieux style), ainsi que Jean Basson, son digne émule, par jugement du conseil militaire établi par les rebelles de Lyon, pour avoir fait, pendant le siège de cette ville liberticide, tous leurs efforts pour en faire ouvrir les portes à l’armée de la République, décrié leur monnoie de siège, mis à prix la tête du scélérat Précy, leur chef, et dont toutes les propriétés et facultés du premier ont été pillées, dilapidées pendant l’intervalle de 15 jours, que l’on a affecté de l’époque de sa mort à celle de l’apposition des scellés par Bigot, prétendu juge-de-paix de la section de la Raison. (l) Mon., XXI, 257. 214 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE apprécier que là; aussi voit-on le républicain vertueux se contenter d’un regard de la patrie, tandis qu’il faut aux valets des tyrans des distinctions que la raison repousse, ou des monceaux d’or à sa cupidité. La France est libre aujourd’hui; qu’elle continue à se montrer telle jusque dans les actes publics de sa reconnaissance. Je viens, au nom de vos comités des secours et des finances, vous fournir une occasion que vous saisirez avec transport. Je vous parlerai de deux martyrs de la liberté, qui, placés au poste d’honneur, où tomba l’immortel Challier, furent les fidèles compagnons de ses travaux, et partagèrent son supplice et sa gloire. Ces noms, qui vont devenir chers aux patriotes, nous en rappellent d’autres qu’ils ont déjà consacrés; Lepel-letier, qui, foulant les erreurs et les vices de la caste dans laquelle il était né, mourut premier martyr de la liberté et victime de sa haine pour la tyrannie en votant le supplice du tyran; Marat, l’intrépide défenseur du peuple, et qui périt par de semblables coups; Beauvois, Bayle, Fabre, tous morts pour la liberté sous le poignard de l’Angleterre et de l’Espagne. Parmi tant de héros dont la France s’honore, vous n’êtes pas oublié, jeune et brave soldat de la Vendée, et vous jeune héros de la Durance; l’un terrassa les brigands, et l’autre sauva le Midi des attentats des fédéralistes; tous deux vous sûtes combattre et mourir en hommes libres dans un âge où l’on vit encore enfant. La patrie ne vous oublie pas, et bientôt une fête solennelle honorera la mémoire de Viala et de Barra. Charles-Joseph Marque, horloger à Lyon, et Jean Basson, natif de Larajasse, administrateur et membre du district de la campagne de Lyon, se montrèrent constamment dans cette commune les plus fermes appuis de la liberté et de l’égalité; ils s’en déclarent les apôtres et républicains avant même qu’on pût parler de république; c’est à leurs efforts réunis que l’on dut dans cette commune le développement et la propagation des principales bases de tout Etat libre. Les grandes âmes s’oublient elles-mêmes pour ne voir que la patrie; le danger les électrise, les agrandit davantage. Pendant que les armes de la république pressaient la cité rebelle de Lyon, que Marque et Basson habitaient, tous les deux redoublèrent leurs travaux et leur courage ; presque seuls ils osèrent lutter contre tous; ils démasquaient les scélérats, ils dévoilaient leurs mesures, et arrachaient au peuple abusé le bandeau dont il était couvert; on les vit, mettant à prix la tête de l’infâme Précy, provoquer une sainte insurrection en faveur de l’armée républicaine. La vertu, que la tyrannie même respecta quelquefois, fut alors un crime aux yeux des féroces dominateurs de Lyon. Par eux un tribunal de sang est créé, et les deux patriotes tombent sous la hache du crime; ils périssent avec le calme de l’innocence et l’énergie de la liberté. Entre ces deux martyrs si chers à la patrie vous distinguerez sans doute le courageux, le modeste Marque; il aima la vertu pour la vertu même, et il sauva son nom de l’éclat dont le commun des hommes est si jaloux; il laisse à la nation une femme sensible et vertueuse, avec 4 enfants, pour lesquels son exemple ne sera pas perdu; pendant qu’il vécut, le produit de son travail suffisait à l’entretien de ces êtres intéressants et une sage administration de ses affaires l’avait mis dans le cas de leur laisser, quand il ne serait plus, les moyens d’exister; mais l’expo-liation de ses effets, qui suivit de près son suplice, a détruit cette ressource, et cette famille malheureuse n’a plus d’espoir que dans les bienfaits de la nation. Votre justice, législateurs, ne souffrira pas qu’il soit trompé; déjà même les représentants du peuple à Commune-Affranchie ont prévenu vos intentions, en lui faisant donner, sur un état constaté de ses pertes, un à-compte provisoire de 8,000 1. sur l’indemnité qu’elle a lieu d’attendre. Votre comité a pris sur cet objet toutes les instructions nécessaires; il a pensé que cette somme était insuffisante, et que la nation devait à cette famille l’indemnité entière de la propriété que les rebelles Lyonnais lui ont pillé; l’état se monte à 12,335 liv. Cependant, si par là vous dédommagez la femme du patriote Marque du pillage de ses effets, vous ne l’élevez pas au-dessus des premiers besoins; elle est mère de 4 enfants; son mari fut, au milieu des gibets, constamment dévoué à la cause du peuple que nous défendons, et ses efforts pour la servir doivent le faire ranger dans la classe des véritables défenseurs de la patrie. Votre comité croit donc qu’ils sont dans le cas des veuves et orphelins que la loi gratifie d’une pension. Par cet acte particulier de justice, la famille d’un patriote sera arrachée à l’indigence; mais, législateurs du premier peuple du monde, vous n’aurez pas assez fait pour le dévouement généreux des deux compagnons de Challier; une récompense plus glorieuse doit leur être décernée; il faut qu’un jour la colonne du Panthéon offre aux yeux de nos descendants, parmi les noms que la patrie consacre, ceux de ces intrépides amis de la liberté ; de pareilles récompenses ne manquent jamais leur but; dans Rome on les décerna aux Régulus, aux Fabricius, aux Scipion, et ces grands hommes eurent des successeurs; chez nous elles auront le même avantage. En conséquence, vos comités vous proposent le projet de décret suivant : [adopté] (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MERLINO, au nom de] ses comités des secours publics et des finances, sur la pétition de la citoyenne Marie Machon, veuve de Charles-Joseph Marque, mère de 4 enfans, dont le mari, patriote entièrement dévoué, a été assassiné le 17 septembre dernier (vieux style), ainsi que Jean Basson, son digne émule, par jugement du conseil militaire établi par les rebelles de Lyon, pour avoir fait, pendant le siège de cette ville liberticide, tous leurs efforts pour en faire ouvrir les portes à l’armée de la République, décrié leur monnoie de siège, mis à prix la tête du scélérat Précy, leur chef, et dont toutes les propriétés et facultés du premier ont été pillées, dilapidées pendant l’intervalle de 15 jours, que l’on a affecté de l’époque de sa mort à celle de l’apposition des scellés par Bigot, prétendu juge-de-paix de la section de la Raison. (l) Mon., XXI, 257.