Séance du 5 brumaire an III (dimanche 26 octobre 1794) Présidence de PRIEUR (de la Marne) (1) La séance s’ouvre à 11 heures. Un secrétaire fait lecture de la correspondance (2). La correspondance ordinaire du jour roule entièrement sur l’accueil que l’Adresse aux Français a reçu dans les départemens. Partout sa lecture a été interrompue et suivie par les cris de Vive la République, vive la Convention nationale! et tous les citoyens ont juré de ne jamais s’écarter des principes consolateurs qu’elle contient (3). 1 Les sociétés populaires de Beaune [Côte-d’Or]0, du Veurdre [Allier]6, de Pontoise [Seine-et-Oise]c, de Creil [Oise]d, de Villefranche[-de-Rouergue, Aveyron]e, d’Ormont ci-devant Saint-Dié [Vosges]/, et celle de Jean-Jacques Rousseau [ParisF, félicitent la Convention sur son Adresse au peuple et de ce qu’elle a fait succéder la justice à la terreur. Mention honorable, insertion au bulletin (4). a [La société populaire régénérée de la commune de Beaune à la Convention nationale, s.d.] (5) (1) P.-V., XL VIII, 59. (2) P.-V., XL VIII, 59. (3) Gazette Fr., n° 1028. F. de la Républ., n° 36. (4) P.-V., XL VIII, 59. (5) C 325, pl. 1404, p. 26. Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort. Citoyens Représentans, L’adresse au peuple français nous est parvenue : trois fois la lecture en a été faitte à la tribune, trois fois elle a été accompagnée et suivie des plus vifs et des plus nombreux applaudissements. Les principes qu’elle renferme ont la vérité pour baze; les sentimens qu’elle exprime sont fondés sur l’humanité et la justice : ils sont les nôtres, ils le seront dans tous les tems. Malheur a ceux qui la liront sans en être attendris ; malheurs a ceux dont l’ame feroce et corrompue aime a se repaitre des larmes et du sang de l’innocence ! ils sont a coup sur des continuateurs ou les complices des triumvirs, c’est a eux, a eux seuls que le régné de la terreur peut convenir; des républicains ne chérissent que celui de la probité et de la vertu. Continués, citoyens Représentans, a vous rendre dignes de l’honorable mission qui vous a été confiée par un grand peuple : Frappés, sans relâche les ennemis de la patrie, soyés sans pitié pour les agitateurs, les anarchistes et les fripons ! mais les amis de la chose publique, mais les citoyens qui dès l’aurore de la révolution n’ont cessé de servir la cause de la liberté et d’en propager les principes qu’ils trouvent auprès de vous, Sûreté et protection. Vive la République! Vive la Convention. Masson, président et 150 autres signatures. b [La société populaire du Veurdre à la Convention nationale, le 28 vendémiaire an 1 IL] (6) (6) C 325, pl. 1404, p. 29. 80 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Citoyens Représentants, Enfin ils sont terrassés ces monstres féroces qui se nourrissoient de sang et s’abreuvoient de larmes, nous devons le bienfait de leur chûte à votre salutaire énergie. Nous ne nous rappelions pas sans frémir, l’état d’avilissement où nous avons été réduits, le despotisme le plus arbitraire pesoit sur tous les citoyens, la terreur abandonnant pour quelques instants les gouvernements asiatiques étoit venue empoisonner le sol de la liberté. L’ardeur des proscriptions et la soif du pillage avoient étouffé [mot illisible ] les vertus républicaines, une froide stupeur s’étoit emparée des esprits et la liberté étoit prête à s’envoler pour jamais. La glorieuse révolution du 10 thermidor a mis fin à tant d’excès, vous avez abattu une idole qui ne vouloit ne sacrifier que des victimes humaines, vous avez appelé d’une voix ferme la justice et la liberté, et ces deux compagnes du bonheur des hommes vont nous consoler des maux que nous avons soufferts. Sauveurs du peuple, tout notre espoir est en vous, toute notre reconnoissance est à vous, tout notre sang est prêt à couler pour vous. Vous avez reconquis la République, vous avez rendu aux français une patrie, vous les avez restitués à la liberté et à l’égalité. Vous saurez consolider votre ouvrage. Eh quoi! des intriguants concevaient encore le fol espoir de balancer vos augustes destinées et de rivaliser le pouvoir national confié en vos mains ! Représentants, vous n’avez qu’à vouloir, ces nouveaux titans seront renversés et ensevelis sous la masse de leurs forfaits. Pour nous, Pères de la Patrie, nous regardons votre sagesse et votre fermeté comme les garants d’un bonheur certain. Nous nous pénétrons avec attendrissement des conseils bien-faisans présentés dans le raport du comitté de Salut public ainsy que dans votre Adresse aux français et lorsque quelques sociétés nous envoient des adresses qui nous paroissent ambiguës nous leur jurons pour toute réponse de vous être fermement unies. Les citoyens composant la société populaire du Veurdre, département de l’Ailier. Urchie le jeune, Douyel, président, Berrier, secrétaire. c [La société populaire de Pontoise à la Convention nationale, le 23 vendémiaire an IIP (7) (7) C 325, pl. 1404, p. 12. Voir ci-dessous Arch. Parlement., 5 brum., n° 2. Liberté, Égalité. Citoyens représentans, Le peuple français a déposé entre vos mains le soin de ses destinées. Vous lui avez promis la gloire et le bonheur. Il attend l’un et l’autre de votre energie et de votre sagesse. Sa confiance ne sera pas ruiné. Il en a pour garant l’attitude sublime que vous avez prise le 9 thermidor, jour immortel, où, en brisant le sceptre de fer des triumvirs, vous avez arrêté le cours des calamités de la patrie et relevé la statue de l’antique liberté qu’ils avaient renversée et roulée sous leurs pieds sacrilèges. Ces monstres ne sont plus ; vous avez appellé le glaive , sur leurs têtes criminelles, le glaive les a dévorés. Ainsi périssent tous leurs complices, tous ceux qui voudraient rétablir le système de terreur et de sang, de proscriptions et de massacres qu’ils avaient organisé. Tous ceux qui prétendaient multiplier les Bastilles et les cachots, comprimer les sentimens les plus doux de la nature, captiver la pensée, etouffer la pitié au fond des coeurs et rejetter la République sous une tyrannie antropophage. La révolution est le passage du mal au bien, de l’anarchie au gouvernement, de l’arbitraire aux loix; la révolution n’est pas le crime, elle est la vertu; La liberté, ce premier bien de l’homme social, n’est pas le domaine exclusif de quelques intrigans hypocrites, de quelques scélérats audacieux, de quelques vociférateurs insolens ; elle est la propriété inviolable et sacrée de tous les bons citoyens. La justice n’est pas la compression des coeurs, elle en est la consolation, elle est la sauvegarde de l’innocent et l’effroi du coupable. Tels sont, Citoyens représentans, les principes éternels des vrais républicains, des amis sincères de la liberté et de l’égalité, de tous ceux à qui leur coeur dit sans cesse qu’ils ont des concitoyens, des frères, une patrie. C’est sur ces principes impénétrables aux traits du sophisme que la société populaire de Pontoise règle et réglera toujours ses discussions et ses travaux. Ardente à poursuivre les aristocrates, à démasquer les traîtres, à dénoncer les fripons, elle ne le sera pas moins à répandre les maximes, et étendre les progrès de la morale républicaine, et à faire respecter les loix que vous inspire votre sagesse. Elle dit anathème, à tout individu, à toute aggrégation qui voudrait s’élever contre la souveraineté indivisible du peuple, dont il n’a confié qu’à vous seuls le suprême exercice. Représentans, la massue d’hercule est dans vos mains; soulevez là seulement et tous les pygmés vont rentrer dans le néant! frappez les factions, c’est la nation qui doit regner. Dépositaires de sa volonté, c’est à vous de la rendre triomphante des ennemis de l’intérieur par la force des loix, comme elle triomphe au dehors de la ligue des tyrans, par la force des armes. Vous venez de montrer aux français, dans une adresse que nous avons accueillie avec