710 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dans les articles ci-dessus, ou ceux que la situation actuelle des finances de la nation a permis» ou permettrait de faire à l’Assemblée, pour améliorer à d’autres égards le sort des soldats et des officiers attachés a son service. L’Assemblée nationale jugera de la confiance que le corps de l’artillerie a en sa sagesse et du prix qu’il attache pour l’intérêt de l’Etat à l’ordonnance de 1776, d’après une des lettres que j’ai reçues des officiers d’artillerie qui se trouvent en garnison à la Fère, dont je joins ici copie. « De La Fère, le 3 avril 1790. « Monsieur le marquis, « Justement alarmés des changements que l’on veut faire dans le corps royal de l’artillerie, c’est dans les mains du premier de nos chefs que nous devons déposer nos craintes et nos vœux. Vos lumières et votre patriotisme nous sont des garants sûrs que vous ferez tous vos efforts, Monsieur, pour maintenir l’ouvrage du général célèbre, à qui le corps doit une constitution, dont les avantages ont été consacrés par le temps, l'expérience et les succès. « C’est cependant cette constitution qu’on veut détruire. Si les officiers d’artillerie n’avaient à redouter que des pertes personnelles, il n’est pas de sacrifices auxquels notre patriotisme ne souscrivît avec courage. Contents devoir le bien public s’opérer dans tous les genres, nous applaudirions aux réformes qui porteraient sur nous; mais, persuadés que la constitution que notre corps a reçue d’une main célèbre et savante, est la meilleure qu’il puisse avoir, convaincus que le maintien de cette constitution est de la plus haute importance pour la patrie, nous osons réclamer contre tout changement dans la force ou l’organisation de l’armée. « Nous ignorons encore quels sont les changements que l’on projette, et sur quelle partie du corps ils doivent frapper; mais, quel que soit le parti que prendra l’Assemblée nationale sur le nombre de troupes que doit avoir la France, l’artillerie n’est pas trop nombreuse. C’est une vérité qui doit être sentie par tous les militaires éclairés, s’ils observent surtout que, vu le temps nécessaire pour former un artilleur, il faut en avoir, dans tous les temps, le nombre nécessaire dans tous les cas. Trouverait-on le corps d’officiers trop nombreux? Qu’on réfléchisse alors que la nature et l’étendue du service de l'artillerie sont tels, que ce corps ne sert à la guerre que par de très petites subdivisions, à chacune desquelles il faut cependant des officiers; qu’outre cela, il faut, dans tous les temps, surveiller une infinité d’établissements, de dépôts et de fabrications. Serait-ce la quantité de nos officiers supérieurs que l’on envierait? C’est encore la nature et l’étendue de notre service qui en ont déterminé le nombre. « Si toutefois on décidait une diminution dans l’artillerie, nous croyons qu’il est encore de notre devoir de demander la conservation des bases de notre constitution actuelle, qui, par leur bonté et leur solidité, doivent être inattaquables. « Nous demandons enfin le maintien de l’ouvrage du célèbre général, dont nous sentirions aujourd’hui plus vivement que jamais la perte, si nous n’étions sûrs de trouver en vous, Monsieur, un défenseur ardent et éclairé de l’édifice superbe qu’il avait élevé pour le bien de l’Etat. « Si vous croyez que nos réclamations dussent tdier jusqu'à l'Assemblée nationale, noqs osons [13 avril 1790. J espérer que vous daignerez, Monsieur, être notre interprète auprès d’elle. Pénétrés de l’équité de cette auguste Assemblée qui, de concert avec un roi citoyen, l’amour des Français, donne à la patrie des lois qui seront à jamais son bonheur et sa gloire, nous nous flattons qu’elle pèserait dans sa sagesse ces réclamations qui ne nous sont dictées que par le plus pur amour du bien public. » Nous sommés avec un respectueux attachement, Monsieur le Marquis, Vos très humbles et très obéissants serviteurs. Signé : DàBOVILLE, maréchal de camp , directeur de l'Arsenal. Bellegarde, maréchal de eampy colonel du régiment de Toul , artillerie. Chevalier de Lance, maréchal de camp , colonel du régiment de la Fève. Monestier; Garbonel; Vereli; Chevalier De Malavillers ; Cheva-§ lier Dandiran; Le-- | o 1ER ; le Chevalier J> De Carbonël ; le Che-s valier De Mendre; 1 Chevalier De Dixier; le Chevalier Foucher ; Marsilly ; Martin ; Le Vicomte ; le Chevalier De Belleville; Bom-pières; Fonton; DE Presle. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. le marquis de bonnay. Séance du 13 avril 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Poule, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente dans lequel il est fait mention des diverses opinions qui ont été prononcées. M. Bouche observe qu’il y a un décret portant qu’il ne sera fait, dans les procès-verbaux, aucune mention des différentes opinions. L’Assemblée décide que le décret sera exécuté. M. le Président donne ensuite connaissance d’une note à lui dressée par M. le garde des sceaux, conleoant le détail des différentes expéditions en parchemin, envoyées pour être remises dans les archives de l’Assemblée nationale. Suit la teneur de cette note : Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de l’Assemblée nationale : 1° De lettres patentes sur le décret du 15 du mois dernier concernant les droits féodaux ; (1) C«qe séance est incomplète an Mçmtewr. (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES (13 avril 1790.J 711 2° De lettres patentes sur le décret du 18 du même mois, contenant des dispositions pour prévenir et arrêter les abus relatifs aux bois et forêts domaniaux et dépendant d’établissements ecclésiastiques ; 3° De lettres patentes sur le décret du 22, concernant l’abonnement général des droits sur les huiles à la fabrication, et sur les huiles et savons au passage d’une province dans une autre du royaume, provisoirement, et pour la présente année 1790 seulement ; 4° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant les formes à observer pour l’acquit de la contribution que les villes auront à fournir dans le remplacement de la gabelle, des droits de traite sur les sels, de ceux de marque des fers, et des droits de fabrication sur les huiles et les amidons ; 5* Enfin, de lettres patentes sur le décret du 23, portant établissement d’une commission provisoire dans la province de Languedoc, afin d’y assurer la perception et le recouvrement des impositions. M. le marquis de Paroy, député du bailliage de Provins, demande par lettre la permission de s’absenter pendant quinze jours. Cette permission est accordée. M. de Vismes, député de Laon, propose un décret concernant l’assemblée prochaine du département de l’Aisne. Cette affaire est renvoyée au comité de constitution pour y être examinée. M. Cigongne, député de Saumur , demande la parole pour dénoncer un libelle répandu dans cette ville tendant à faire révolter l’armée. Ce libelle est renvoyé au comité des recherches. M. le comte de Rochegude, dont les pouvoirs ont été vérifiés et reconnus en bonne forme, est admis à remplacer M. le marquis Dupac de Badens, député deGarcassonne dont la démission a été acceptée. M. le Président dit qu’il vient de recevoir une adresse de la ville de Strasbourg relative à la demande des juifs d’Alsace, réclamant la plénitude de l’état civil et les droits de citoyens actifs. ( Voy . la pétition des juifs, annexée à la séance de ce jour, p. 720.) L’Assemblée pressée d’arriver à son ordre du jour, ajourne cette affaire à une séance du soir. L’adresse de la ville de Strasbourg est ainsi conçue : « 'Nosseigneurs, la commune delà ville de Strasbourg ne vous a encore adressé que les expressions de sa gratitude. Remplis d’admiration pour vos travaux, pénétrés de reconnaissance pour le grand bienfait de la liberté que vous avez rendue à tout l’empire français, attachés de cœur et d’esprit à cette sublime Constitution qui repose sur la plus parfaite égalité sociale entre les citoyens, sur cet amour universel des hommes, qui ne voit que des frèreg dans une aggrégation de 24 millions d’individus, nous avons fait le sacrifice de tous nos droits particuliers, de toutes les conventions que nos pères nous avaient transmises, de toutes nos convenances locales, de toutes nos habitudes les plus chères, pour n’être plus que Français ; et nous le serons jusqu’à la mort. « C’est à ce titre de Français, qui ne voient dans les représentants de la nation que des pères constamment Gccupésdii bonheur 4’unê seule et même famille, que nous venons avec confiance déposer dans leur sein les vives inquiétudes qui nous agitent dans ce moment-ci, et les supplier avec instance de les faire cesser. « Nous n’avions point été alarmés des disposition s du décret par lequel vous avez maintenu les juifs Portugais, Espagnols et Avignonais, dans les droits dont-ils avaient joui précédemment. Nous n’y avons vu qu’un grand acte de justice, et certes il aurait été étonnant que les législateurs, dont le respect pour la propriété est la première règle, n’eussent pas conservé la propriété la plus précieuse, celle des droits de citoyen français, à des individus qui, ayant mérité sans doute une exceptionsousl’empiredu despotisme, ne devaient pas la perdre sous celui de la liberté. Nous n’avons vu là qu’une conservation et non une création nous nous sommes reposés sur la différence qui existe entre les j uifs auxquels il faudrait en donner une nouvelle. Nous avons pensé que la position n’étant pas la même, la conséquence devait nécessairement être différente. « Les juifs d’Alsace n’en ont pas pensé ainsi. Ils ont pensé que, quoiqu’ils n’eussent de commun avec les juifs Portugais qu’une origine commune et le même nom, ce nom seul de juifs allait les rendre citoyens français dans toutes les parties de l’empire ; déjà, Nosseigneurs, ils vous avaient présenté une pétition dans laquelle leur prétention n’était pas douteuse ; déjà, ils avaient trouvé des défenseurs zélés dans une société particulière qui s’est formée parmi nous ; déjà des mémoires imprimés pour eux annonçaient leur intention de se répandre dans notre ville avec d’autant plus d’empressement, qu’ils en avaient été plus fortement repoussés. « Pour parer à cette invasion, plusieurs de nos concitoyens ont suivi la marche qui leur était dictée par la loi. Réunis au nombre déterminé par le décret qui constitue les municipalités, ils ont demandé que la commune fût assemblée pour constater son vœu sur la question relative à l’admission des juifs aux droits des citoyens actifs ; le conseil général de la commune s’est empressé de la convoquer; et dans quinze assemblées pàrtiaires, composées de personnes de tous les états, l’unanimité la plus entière a été contre cette admission. « Un vœu aussi général est sans doute un ter rible argument contre les juifs ; il est impossible d’imaginer que ce vœu ne soit fondé que sur des préjugés populaires ; et si les législateurs eux-mêmes ont pensé que la loi n’est bonne qu’autant qu’elle se met au niveau de l’opinion publique, jamais cette opinion publique n’a été plus fortement prononcée. « Nous ne craignons pas davantage que les représentants de la nation veuillent nous faire un crime de chercher à nous prémunir contre les effets funestes d’un décret dont nous étions menacés, que les protecteurs des juifs vantaient d’avance comme une conséquence nécessaire de la déclaration des droits de l’homme, que des députés même de l’Assemblée nationale nous annonçaient comme devant être incessamment rendu. Nous reconnaissons que la loi, ayant une fois les caractères que lui donne ce titre sacré, il ne reste plus d’autre parti à prendre que celui de la soumission et de l’obéissance ; mais il n’y a qu’un peuple esclave qui puisse être condamné à attendre en silence la loi qui lui sera dictée, et il est de l’essence d’un peuple libre d’éclairer ses législateurs sur les lois qui ne spnî que pré-