692 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 juillet 1790.] conséquence, il doit être procédé, dans la forme ordinaire, à l’élection d’un nouveau membre de ce département; « 2°. Que le corps de milice nationale qui s’est illégalement formé en dernier lieu dans la villede Haguenau, demeurera dissous à compter du jour de la publication du présent décret; sauf aux citoyens qui le composent, à remplir les formalités prescrites pour être admis dans le corps de milice nationale formé d’après les principes établis parla Constitution; « 3°. Qu’elle approuve le refus que la municipalité de Haguenau a fait d’accepter la démission des seize officiers de la milice nationale, légalement formée; lesquels officiers doivent continuer leurs fonctions. » M. de Digoine (ci-devant marquis). Je demande la parole pour un malheureux citoyen opprimé par les pouvoirs judiciaire et ministériel. M. Morizot, en faveur duquel je viens réclamer ici votre justice, a donné trois mémoires en plaintes, pour recevoir le payement de douze années consacrées au service de l’administration, sans avoir été payé, et pour se plaindre du ministre des finances, qui lui a enlevé son état sans motif. (On demande l’ordre du jour, et on observe que M. Digoine n’est rapporteur d’aucun comité.) Votre comité des rapports a été saisi de l’affaire de M. Morizot; et comme il a pensé que cette affaire n’était point de son ressort, ce citoyen a été renvoyé et ballotté de comité en comité, il a fait plusieurs démarches auprès de M. Beaumetz, lors de sa présidence; enfin M. Ricard a été chargé de son affaire, mais il a jeté les pièces au feu; et c’est encore contre cette prévarication que je viens réclamer. M. de Beaumetz. Ayant entendu prononcer mon nom, je dois instruire l’Assemblée des faits qui sont à ma connaissance. Parmi le grand nombre de personnes qui sont veuues chez moi, à l’époque de ma présidence, s’est trouvé M. Morizot, qui prétend que l’administrateur de la loterie lui devait des sommes très considérables ; il s'est plaint des abus des pouvoirs judiciaire et ministériel. Cette affaire m’a paru de nature à être renvoyée au comité des rapports. Vous savez que ce comité se renouvelle presque tous les mois, et qu’une affaire qui n’intéresse qu’un seul individu a pu, par conséquent, se trouver arriérée. Il est bon de vous observer que M. Morizot est un des solliciteurs les moins agréables à recevoir chez soi : heureusement qu’on ne se laisse pas intimider aisément. Quant à moi, j’ai fini par lui fermer ma porte. M. Ricard, rapporteur de l’affaire, en a fait l’extrait très circonstancié, et il a eu la loyauté de le communiquer à M. Morizot, qui ne l’a point trouvé de son goût, et qui lui en a envoyé un de sa façon, en disant que c’était ainsi qu’il fallait rapporter l’affaire. C’est ce rapport projeté que M. Morizot appelle une pièce. Ayant désiré que son mémoire lui fût rendu, je m’adressai à M. Ricard pour le ravoir, et je lui dis : « Je vous le demande moi-même, parce que vous avez pris sur M. Morizot un ton si supérieur que vous lui en avez imposé. » M. Ricard m’a répondu : « J’avais bien prévu que vous me le demanderiez, et que votre influence me déterminerait à manquer à la parole que j’avais donnée à M. Morizot, de ne pas le lui rendre; en conséquence, je me suis mis dans l’impossibilité de le faire, et j’ai brûlé la pièce. » Cependant j’appuie la proposition de M. de Di* goine. Il faut renvoyer cette affaire à un comité, et je demande que ce soit celui des recherches, car il est important qu’on fasse justice à M. Morizot, et que l’Assemblée nationale connaisse aussi ses mémoires, que je regarde comme d’in-fâmes libelles. M. Long. M. Morizot est un homme très violent, qui plusieurs fois a fait entendre les menaces de brûler la cervelle à M. Neckeretà M. Lambert, parce que, disait-il, étant parent de l’ancien contrôleur général, il n’était pas fait pour un emploi de 1,800 livres : on n’a pu garder un homme qui paraissait aussi dangereux; son emploi lui a été ôté, en lui conservant toutefois une pension de 900 livres; il s’est rendu chez M. l’évêque de Châlons, président du comité, en disant que si on ne lui rendait pas justice, il se la rendrait lui-même : en conséquence, il lui a mis un pistolet sur la gorge. Pour rendre justice à M. Morizot, il est bon d’observer qu’il a présenté ce pistolet du côté de la crosse. La société ne doit point avoir dans son sein des hommes de ce genre. M. de Digoine. Sans convenir des faits, j’appuie le renvoi au comité des recherches. Si M. Morizot est coupable, qu’il soit puni; s’il y en a d’autres, qu’ils le soient aussi. (L’Assemblée ordonne le renvoi au comité des recherches.) M. le Président. J’ai reçu de la municipalité du Havre une lettre annonçant que la flotte Anglaise a pris la mer. Voici la déclaration d’un capitaine hollandais qui est jointe à cette lettre : c Le lar juillet 1790, a comparu devant les maire et officiers municipaux du Havre, au bureau de la municipalité, le capitaine Thomas Stugner, du sloop l 'Elisabeth, parti de Soutam-pton le 28 juin dernier, dix heures du matin, et de la rade de Portsmouth, où il a mouillé le même jour vers minuit. « Lequel capitaine arrivé présentement en ce port, nous a déclaré, en l’énonçant par l’interprétation du sieur Vier, son interprète, qu’il a eu connaissance, étant sur la rade de Portsmouth, qu’une partie de la flotte anglaise, composée de vingt-cinq vaisseaux de ligne, avait appareillé de Portsmouth et pris la mer ledit jour 28 juin et qu’il a appris que l’autre partie avait appareillé le lendemain. « La partie qu’il a vu prendre la mer, était de douze vaisseaux et quatorze frégates ; une autre, douze à treize vaisseaux, devait sortir le lendemain, déclarant qu’il a appris à Portsmouth que la flotte� espagnole était en mer ; et avec le sieur interprète, signé sa présente déclaration, une marque autour de laquelle est écrit Thomas Stugner. Signé: Vier, avec paraphe. « Pour copie conforme à la déclaration étant au greffe de la munipalité. « Signé : Pierre Duval, maire. » L’Assemblée charge son président de se retirer par devers le roi pour l’informer de la lettre et de la déclaration. La séance est levée à dix heures du soir.