[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 février 1791. ] gRo croient pas acheter trop cher la conservation de leurs biens par des meurtres et des ravages. Vous seuls, Messieurs, pouvez en arrêter le cours et ramener l’ordre dans notre patrie; il tient essentiellement à l’exercice du pouvoir municipal dans le moment même - il tient au séjour du régiment de Guyenne, qu’à force de manœuvres et d’impostures on voudrait éloigner de nous. Nous avons l’honneur de vous envoyer lu proclamation du corps municipal, datée du 29 avril, et publiée le 4 mai. Vous y verrez, dans la réunion de plusieurs objets étrangers, le peu d’importance qu’il attache à ceux qui font le malheur de notre ville. Nous ne ferons qu’une observation sur tous ces faits; c’est qu’ils se sont passés à la veille de nos assemblées primaires des corps administratifs et des départements. Signé : Yigier Sarrasin, président, et plus de deux cents signatures. TROISIÈME ANNEXE. Adresse a l’assemblée nationale faite au nom de MM. Du Roure, Razoux, Ferrand-Demissol, Pontier, Former et Grelleau, officier s municipaux, et Royer, substitut de la commune de Nîmes. Messieurs, les soussignés officiers municipaux de Nîmes, douloureusement affecté' des malheurs qui ont affligé leur patrie et des bruits calom-nieuxqti’on u répandus sur leur compte, supplient l'Assemblée nationale de vouloir bien écouter leurs jusies réclamations. Toujours religieux observateurs de leurs serments, toujours inviulablement attachés à la Constitution, avec quelle inquiétude n’ont-ils pas dû voir qu’on cherchait à les rendre odieux à la France entière! Cependant leur conduite patriotique semblait les mettre à l’abri de touie imputation injurieuse; mais que ne peuvent pas l’intrigue, la vengeance et l'ambition déçue! Vainement ils ont fait observer avec u e scrupuleuse exactitude, et dès l’instant qu’ils ont paru, tous les décrets de l’Assemblée nationale; vainement ils ont offert une forte contribution patriotique; ils ont fait une soumission de 3 millions (1) pour l’acquisition des biens nationaux; vainement ils ont voulu favoriser par un nouvel établissement (2) la circulation des assignats; vainement ils sont parvenus à exécuter sans aucun trouble, malgré les efforts de quelques malveillants, l’inventaire des maisons religieuses en grand nombre à Nîmes (3). Rien n’a pu fermer la bouche à leurs détracteurs, qui, bravant jusqu’à la honte que doit faire naître un démenti fondé sur des faits et des pièces authentiques, n’ont pas craint de publier que des sentiments antipatriotiques animaient la municipalité de Nîmes, tandis qu’elle donnait les plus fortes preuves du patriotisme le plus pur. A peine celte municipalité fut-elle installée, qu’on vit s’établir une société dont les chefs (1) Voyez l’extrait de la délibération prise le 22 mai 1790. (2) Voyez l’extrait de la délibération prise le 24 mai suivant. (3 j Voyez les inventaires déposés au comité ecclésiastique. irrités de n’avoir pu parvenir, malgré leurs intrigues, aux charges municipales, publiaient de tuus côtés que le but de leur institution était non seulement de surveiller, mais encore de contrarier les op rations des représentants de la commune : en effet ils n’uublient rien pour les inquiéter. Ils faisaient pétitions sur pétitions; ils tenaient en sentinelle, depuis le matin jusqu’au soir, deux commissaires, dans le greffe de la commune, lesquels s’emparant des registres ou pour les compulser ou pour en faire des extraits, mettaient souvent les officiers municipaux dans le cas de les attendre. Ce n’est pas tout encore; on les décriait, mais inutilement, auprès du peuple dont on ne faisait par là qu’accroîire la confiance; on lescalomaiait auprès des soldats; on suscitait contre eux des cabales et des émeutes: et lorsque dans celle du mois de mai, certams malveillants excitaient les soldats à verser le sang de leurs concitoyens, un autre c<iait près de l’hôtel de ville : « C'est le moment de couper la tête à M. le baron de Marguerittes, maire (1) » ; ils répandaient en province, et surioutà Paris, des libelles incendiaires contre ta municipalité (2); ils disaient, ils publiaient qu’ils ne seraient contents que quand elle serait destituée, et ils employaient contre elle des intrigues, des machinations affreuses. Ainsi on la calomniait sourdement dans une correspondance avec les clubs du royaume; ainsi on faisait arracher la cocarde blanche à des gens qui n’en avaient jamais porté d’autres, parce que cette cocarde avait été dès le principe, eu novembre 1788, le signal du p triotisme et de la liberté (fait attesté par 60 officiers de la légion); ainsi un membre du club inventait et fabait fabriquer des cocardes noires surmontées d’une croix blanche (3), pour avoir lieu d’accuser les catholiques de vouloir renouveler les croisades; ainsi on déclamait avec fureur contre un capitaine de la légion qui avait donné quelques fourches aux soldats de sa compagnie dépourvus d’armes, tandis que, d’un autre côté, on en commandait par centaines, de même que de longues cartouches de fer-blanc au bout desquelles étaient soudées des halles meurtrières (4) ; ainsi, lors de l’assemblée électorale, on circonvint les électeurs, on calomnia auprès d’eux les représentants de la commune, parce qu’ils avaient prévu et prévenu de funestes complots, et on poussa l’animosité jusqu’au point de les insulter en pleine assemblée ; aiœ i on engagea le district de Sommières à former un camp lors de la (1) Voyez, pour la preuve de ce fait, les déclarations des témoins 17, 18, 19 et 20 de la suite du procès-verbal, concernant les événements du 2 mai et jours suivants. (2) Telles sont les différentes adresses du elub, des prétendus amis de la Constitution: «r Le nouveau complot découvert; le précis historique sur les ordres arrivés à Nîmes ; la victoire remportée par les patriotes de Nîmes sur les soi-disant catholiques; le détail exact des assassinats et des cruautés commis par les soi-disant catholiques de la ville de Nimes envers les amis de la Constitution; le récit des événements arrivés à Nîmes les 13, 14, 15, 16 et 17 juin 1790; les vérités historiques sur les événements arrivés à Nîmes le 13 juiu et les jours suivants, publiées par le club des prétendus amis de la Constitution. » (3) Voyez l’extrait du procès-verbal du 14 mai 1790, et la pétition du club des prétendus amis de la Constitution, qui est imprimée à la suite. (4) Voyez les déclarations des témoins 7, 8 et 9 du procès-verbal du 2 mai, et l’aveu de Larnac, volontaire de la compagnie n® 10. 336 (Assemblée nationale. J tenue de cette assemblée (1); ainsi les dragons de la garde nationale, piesque tous membres du club, répondirent à quelques propos inconsidérés par une décharge, et c’est par laque commencèrent les scèues de sang, de carnage et d’horreur du mois de juin dernier. Cet acharnement, ces excès réitérés avaient fait naître depuis longtemps les plaintes des amis de la paix; ils voyai nt avec douleur qu’on cherchait à la troubler. Un grand nombre de citoyens actifs (2) s’étaieot assemblés le 20 avril, selon la forme prescrite par les décrets; ils avaient mis sous les yeux de la municipalité une pétition dans laquelle les membres du club étaient dénoncés comme des hommes qui , n'ayant que V hypocrisie du patriotisme, ne tendaient à rien moins qu’à allumer le flambeau de la discorde et peut-être même celui de la GUERRE CIVILE. Des cris d'indignation se firent alors entendre de toute part contre une association si fatale pour la tranquillité publique. On demandait instamment la suppression au moins provisoire de ce club perturbateur, et le peuple indigné se serait porté en foule pour empêcher ses assemblées, sans la vigilance continuelle des officiers municipaux qui préservèrent cette société de désagréments auxquels fut exposée dans la capitale et presque à la mêrm époque une assemblée de citoyens, quoiqu’elle eût eu la précaution de se munir de l’approbation de la municipalité de Paris. Si le club n’avait fait que calomnier le corps municipal, les magistrats intègres qui le composent auraient fermé les yeux sur des excès aussi impuissants que répréhensibles; mais la conduite de plusieurs(3) membres du ciub,lorsdes émeutes des premiers jours de mai, des couire-patrouil es faites de nuit avec des armes chargées, des coups de pbtolel (4) tirés sur des groupes au milieu desquels les officiers municipaux s'efforcaient de mettre la paix, et tant u’autres démarches (5) insubordonnées, dont on trouve les preuves dans les procès-verbaux dressés à cette époque, et depuis longtemps déposés au comité des recherches, forcèrent entin, le 27 mai, le corps municipal à dénoncer ces perturbateurs du repos public à P Assemblée nationale. Depuis longtemps iis avaient intéressé à leur cause le procureur du roi au présidial de Nîmes. Celui-ci s’etaiu m presse de porter plainte, d’après la simple dénonciation de certaines personnes avec lesquelles il a des liaisons intimes, sur de prétendus délits commis dans le mois d’avril. 11 en ht autant sur une autre dénonciation récri-miuaioire, relative aux troubles du mois de mai; et lorsque la municipalité lui indiqua, par l’en-(1) Vovez la proclamation du corps municipal du 31 mai liyO. (2) On a affecté de reprocher aux officiers municipaux d’avoir sauf ert une assemblée de catholiques, tandis que dans l’avis donné à la municipalité, ces citoyens n’ont pris que le litre de citoyens actifs, conformément à l’article 62 du décret concernant l’organisation des municipalités. l3) Voyez dans le procès-verbal du 2 mai les déclarations des témoins, 20 et 23, officiers de la légion, et 41, du sieur de Salignac, lieutenant au régiment de Guyenne. (4) Voyez les déclarations des 7* et 15* témoins, ld. (5) Quelque temps après, ils mirent le comble à cette insubordination, en faisant charger les fusils de certaines compagnies, en presence de la légion assemblée sur l’esplanade le jour de la Fête-Dieu, ce qui fut sur le point d’exciter an incendie général. U9 février 1791.] tremise du procureur de la commune, une foule de faits plus graves les uns que les autres ; lorsque celui-ci lui communiqua uu extrait de la délibération (1) prise à ce sujet par le conseil général de la commune, il n’y eut aucun égard. Ce conseil craignant que si l’on négligeait de poursuivre cette procédure, les auteurs des émeutes du mois de mai ne demeurassent impunis, et qu’il u’en résubât de grands malheurs, chargea le procureur de la commune de faire un acte (2) au procureur du roi, pour le sommer de recevoir la dénonciation et lui indiquer les premiers témoins à entendre. Le croirait-on ? Cet acte signifié le quinze mai (3) ne produisit aucuu effet. Quel parti prendre en des circonstances si critiques? Réclamer la justice et l’autorité du roi, et c’est ce que lirent h s représentants de la commune. M. le garde des sceaux, après avoir mis cette affaire sous les yeux du conseil (4), enjoignit au procureur du roi de recevoir la dénonciation, et maDda au corps municipal : « Vous m'avez envoyé la déii-« bérution du 17 de ce muis, qni a pour objet de « vous plaindre du refus que vous fait le procu-« reur du roi d’instruire une procédure sur la « dénonciaiion du corps municipal. Je crois en « effet que ses motifs de résistance ne sont ptfs « très solides. Il ne me semble pas qu’il puisse « demander l’autorisation formelle du commis-« saire départi dans la province, ni insister dans « les circonstances présentes, sur l'application « d’un règlement purement fiscal. » Nouvelle réclamation de la municipalilé au commencement du mois de juin. Le procureur du roi feint d’obéir : mais sur 100 témoins, il n’en fait entendre que deux, et retire sa plainte. Le motif secret de cette conduite se trouve peut-être expliqué par Je procès-verbal, où plusieurs témoins déclarent que ce fut dans un jarüin (5), que le procureur du roi garde pour son amusement, que s’assemblèrent en partie ceux qui causèrent les émeutes du mois de mai. On sait qu’à cette époque la vigilance active du maire et de3 ofliciers municipaux rendit inutiles les efforts des malveillants , et parti) Celte délibération contient les faits les plus graves, et cependant le procureur du roi n’y a point fait attention, quoique le décret qui renvoie au présidial de Nîmes ordonne d’informer sur les circonstances et dépendances. (2) Il est essentiel que cet acte soit lu en entier à l’Assemblée, parce qu’il a été signifié dés le 15 mai, et qu’il contient l’indication de certains témoins à faire entendre ; le refus constant du procureur du roi ne sera pas exécuté sans doute par son allégation, qu’aux termes de la déclaration du roi du 2 octobre 1703, les officiers municipaux ne peuvent intenter aucune action, ni commencer aucun procès sans une autorisation du commissaire départi dans la province, et que la dénonce du procureur de la commune n’étant pas revêtue de la sanction de M. l’intendant, elle est illégale et ne peut produire aucun effet. i3) 11 est résulté de ce refus que plusieurs témoins très essentiels ont péri dans les fatales journées du mois de juin, et que plusieurs autres proscrits ont été contraints de s’expatrier. Est-il maintenant en la puissance du procureur du roi de réparer le tort qu’il a fait aux accusés ? (4) Appert la copie de la lettre de M. le garde des sceaux. (3) Ce fait est prouvé par les déclarations des témoins 8e et 43°. Procès-verbal du 3 mai. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 337 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1791.] vint à rapprocher par une heureuse réconciliation les partis opposés (1). Les seuls membres du club ne purent (2) dissimuler le mécontentement que leur ■ ausa cette réunion subite. Ins ruits du procès-verbal dressé par les officiers municipaux, et des déclarations multipliées qui mettaient leur complot à découvert, ils s’assemblèrent, et résolurent de dénoncer à l’Assemblée nationale la conduite des magistrats dont la prévoyante fermeté avait fait avorter leur dessein favori, de dominer par la terreur dans les assemblées primâmes qui devaient avoir lieu peu de jours après (3). Les témoignages éclatants de l’allégresse publique et do la reconnaissance des citoyens envers les officiers municipaux, ne tirent qu’accroître les ressentiments des prétendus amis de la Gonstitutio î. Ils préparèrent dans le silence des moyens de maîtriser l’assemblée électorale et leur unique espoir fut de se dédommager, dans la formation du département et du district, de la prépondérance qu’ils n’avaient pu obtenir lors de l’élection des officiers municipaux. Pour parvenir à ces fins, ils conçurent le projet de les fatiguer chaque jour par de nouvelles pétitions ; de les distraire de leurs importants travaux par des entreprises répréhensibles ; de les désunir s’il était possible et de les éloigner de la maison commune. Les cruels événements du mois de juin, combinés d’avance, servirent parfaitement leur haine contre une municipalité dont l’aspect les importunait et qu’ils avaient fait vœu d’anéantir par toute sorte de moyens. Eu effet, dès le 13 au soir, c’est-à-dire dès le commencement de la rixe survenue entre quelques légionnaires, les officiers municipaux furent proscrits et poursuivis : ils n’échappèrent à la mort que par des hasards miraculeux. On les empêcha de se réunir pour concerter leurs opérations ; on fit éprouver les plus affreux traitements à ceux qui, après la sortie de leurs collègues, étaient demeurés dans la maison commune pour la vérification des comptes. L’un (4) d’entre eux, ministre des autels, fut contraint, par une foule de volontaires, de publier seul la loi martiale. Le drapeau fatal est mis entre ses mains; on le force de le porter lui-même; on l’insulte, on le frappe, on l’excède de coups, au point de lui faire vomir le sang. L’autre (5), traîné dans les rues comme un criminel, est meuacé, maltraité ; un des gardes nationaux, touché de son sort, pare, heureusement pour lui, plusieurs coups de sabre et de baïonnette qui lui sont portés. Celui-ci (6) doit la vie à la maréchaussée qui vient à son secours. Celui-là (7) reçoit sur la main un coup de sabre dont il sera peut-être estropié toute sa vie. Un autre (8) est sur le point de subir le dernier supplice dans l hôtel de ville. Le procureur de la commune (9) échappe à mille dangers et voit plusieurs fois le (1) Voyez l’exposé sommaire des événements arrivés les 2, 3 et 4 mai, joint à la présente adresse. On remarqua que leurs maisons ne furent pas illuminées, malgré la proclamation faite à la demande de tous les citoyens. (3) Voyez la lin de l’adresse du club du 4 mai. (4) L’abbé de Belmont, vicaire général et chanoine de Nîmes. (3) M. Ferrand-Demissol, ancien magistrat. (6) M. Pontier. (7) M. Laurens, avocat. (8) M. Aigon, négociant. (9) M. Vidal. 1“ SÉRIE. T. XXIII. poignard levé sur son sein. Son substitut (1), jaloux de le remplacer, est poursuivi pendant plusieurs jours, il essuie huit coups de fusil à diverses reprises ; il tombe au milieu des cadavres et il ne doit son salut qu’à cette heureuse chute. M. de La Baulme, portant des paroles de paix aux étrangers arrivés en foule à l’esplanade, est chargé d’imprécations, les sabres et les baïonnettes sont tournés contre lui, et il ne neut se sauver qu’en rejoignant un collègue (2) qu’on s’efforçait de séparer de lui. M. Du Roure, voulant s’opposer au pillage du collège et protéger les jours du recteur , est sur le point d’être assassiné; il ne cesse d’essuyer les menaces d’un légionnaire qui lui vante la beauté et la bonté de son sabre bien propre à faire sauter des têtes. On massacre sous ses yeux six infortunés, et ses instantes sollicitations' ne peuvent leur épargner la mort. En un mot, toute la municipalité court les plus grands risques pendant cinq jours (3). Plusieurs de ses membres ne trouvent point d’asile. On va les chercher jusque dans leurs propres foyers, et l’on menace du pillage ceux qui pourraient vouloir les soustraire à la fureur de leurs ennemis. Ainsi s’exécuta le projet depuis longtemps arrêlé de disperser le corps municipal pour s’emparer de son autorité et des rênes de l’administration. On force les officiers municipaux à faire des réquisitions à chaque instant; ou les consigne dans la maison commune; on leur promet que s’il survient de nouveaux troubles, ils seront mis en avant et seront les premières victimes; on assassine leurs concitoyens sous les plus légers prétextes; on en immole jusque dans les salles où ils se sont assemblés; on en désarme à leurs noms ; on en précipite un grand nombre dans des cachots. La raison a beau crier qu’il n’y a point de criminels; la vengeance veut des victimes. Que de massacres! que de pillages, que d’atrocités (4) ils virent commettre sans pouvoir les empêcher ! Des églises, des couvents, des maisons sont livrés au pillage, saccagés, détruits, et les maisons pillées n’appartiennent qu’à des catholiques I Cette remarque ne fait point ouvrir les yeux. On avait eu la perfide précaution de publier que les citoyens proscrits étaient des antipatriotes contre lequels les amis de la liberté ne pouvaient trop rigoureusement sévir. Les brigands qui avaient suivi les troupes nationales commirent vraisemblablement tous ces désordres , et furent dirigés par des hommes qui n’échapperont pas sans doute à la rigueur des lois. La plupart des gardes nationaux étrangers, maintenant détrompés, voient avec une profonde douleur que leur préférence a pu autoriser des crimes prémédités, et ils s’aperçoivent, mais trop tard, que la proscription n’a enveloppé que ceux dont le sacrifice était réservé pour cos jours de vengeance; que ceux qui avaient déposé sur les émeutes du mois de mai; que ceux qu’on avait intérêt de détruire pour faire perdre la trace d’un procès trop fameux; que ceux qu’il (1) M. Boyer. (2) M. Vincent Vais. (3) Tous ces faits sont consignés dans les procès-verbaux adressés à l’Assemblée nationale... Voilà pourtant les officiers municipaux qu’on a taxés de faiblesse et de pusillanimité ! (4) Ces atrocités seront détaillées dans le tableau imprimé à la suite du mémoire justificatif pour la municipalité de Nîmes. 22 338 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. allait éloigner pour s’arroger tous les pouvoirs ; que ceux enfin qu’on devait disperser pour maîtriser les élections du département et du district. Telles sont les causes uniques du massacre du mois de juin. L’anti patriotisme en fui le prétexte (1) ; le désir de dominer, le motif, et la calomnie et le crime, les moyens dont on se servit pour parvenir à ces lins détestables. Ainsi donc, d’après le refus du procureur du roi de faire entendre les témoins indiqués par les représentants de la commune; d’après la partialité qu’il a montrée dans celte procédure; d’après les assassinats et les proscriptions qui ont eu lieu contre ceux qui avaient fait connaître les auteurs des troubles du mois de mai; d’après les excès récemment commis contre MM. Descombiès et Vigne, détenus prisonniers; d’après l’inquisition exercée à Nîmes contre tout ce qui n’est pas dévoué au club, il est bien évident qu’il est impossible de rien statuer sur l’information faite dans cette ville. D’ailleurs l’esprit de parti qui a désigné les témoins, l’esprit de prévention ou de crainte qui a dirigé les magistrats, et surtout la nécessité que tout témoin puisse déposer avec sûreté pour sa personne, exigent que l’information soit recommencée dans une ville, si l’on veut peu éloignée de Nîmes, mais hors de son département, et dont les habitants et les gardes nationales aient donné l’exemple de la plus parfaite impartialité. Amis de l’innocence opprimée et de la vérité, les représentants de la nation française rendront à nos infortunés concitoyens une justice éclatante. Iis daigneront accorder une puissante protection à ceux à qui la terreur ferme encore la bouche. Livrés depuis plusieurs mois à la merci d’un parti puissant, ils sont trop effrayés pour oser faire entendre leurs voix tre nblantes et leurs iéclamaiions. En vain ils se représentent que lôt ou tard la vérité triomphera, que tôt ou tard ils obtiendront justice, rien ne les rassure. L’opprimé, contraint de courber son front humilié sous le sceptre de fer de l’oppresseur, attend avec autant de droit que d’impatience qu’on lui présente enfin une main secourable. L’Assemblée nationale sera leur appui, nous osons le leur prédire; iis touchent au terme de leurs malheurs, et b.enlôt elle daignera déclarer que les informations commencées devaut les juges de Nîmes, concernant les troubles des mois de mai et de juin, demeureront comme non avenues. Eh! comment peut-on avoir fait et pourrait-on continuer ces informations dans une ville où un parti s’est rendu redoutable en usurpant toute l’autorité, en s’emparant de toutes les armes, de toutes les munitions; dans une ville où le procureur du roi refuse de faire entendre des témoins, malgré les démarchés réitérées et les ordres de M. le garde des sceaux; dans une ville (1) Les capitaines ,des compagnies catholiques qu’on g, représentes dans toute la France comme des anti-patriotes s’étaient empressés, dés le 14 avril, de venir consigner dans les registres de l’hôtel de ville « qu’ils « adhéraient de cœur et d’âme à toutes les fédérations « qui auraient pour objet de maintenir la Constitution « sanctionnée par Sa Majesté ; de faire exécuter les a décrets des représentants de la nation ; d’assurer la « perception des impôts ; de réprimer les perlurba-« teurs du repos public ; et, pour tout dire en un « mot, de donner, dans toutes les circonstances, des » preuves non équivoques du patriotisme le plus pur « et de leur amour inaltérable pour le meilleur des « rois. » [19 février 1791.) où le procureur du roi rejette les plqifites de la plupart des veuves (1) dont on a massacré les maris; dans une ville où l’on force les portes des prisons, ces asiles sacrés du malheur pour maltraiter un infortuné prévenu qu’on est sur le point de sacrifier; dans une ville où l’avocat de ce prévenu est menacé de la fatale lanterne s’il continue à le défendre; dans une vide où un malheureux est durement frappé par un fanatique pour avoir dit que ce prévenu est un honnête homme, et où ce préiendu crime le fait mettre en prison sans autre forme de p ocès, ainsi qu’v ont été mis avant lui 150 citoyens; dans une ville où l’on dicte des lois aux juges, et où leurs jours sont menacés pour avoir accordé l’élargissement d’un prisonnier légèrement accusé; dans une ville où cet accusé est obligé de se travestir pour échapper à la rage de ceux qui l’avaient lait priver de sa liberté ; dans une ville, enfin, où le pouvoir arbitraire et la tyrannie, devancés parla terreur et cachés sous le masque du patriotisme, vont, le crime à la main, frapper tous ceux qu’ils croient contraires à leurs desseins pernicieux? Dans ces circonstances, et d’après ces considérations, les soussignés supplient l’Assemblée nationale de mettre un terme à ces excès ; ils la supplient d’ordonner, conformément aux décrets rendus pour Muntauban le 26 juillet et Sclielcs-tadt le 14 août, que l'information commencée devant les juges de Nimes, relativement aux troubles gui ont eu lieu dans cette ville pendant les mois de mai et de juin, demeure comme non avenue , et qu'il sera informé devant les juges de Montpellier ou autres, étrangers au départem ni du Gard, et à la diligence de la partie publique, de tous les évènements arrivés à Nîmes les 2, 3, 4 mai, 13, 14, 15, 16, 17 juin, ainsi que de tous ceux qui y sont relatifs , tant antérieurs que postérieurs aux-dites époques, circonstances et dépendances ; à l’effet de quoi les pièces déposées au comité des recherches seront incessamment adressées à ladite partie publique. Signé : BOYER, substitut du procureur de la commune, tant pour moi que pour mes collègues qui ont signe le pouvoir ci-après dont l’orjgmai est entre mes mains. Nous soussignés, officiers municipaux de Nîmes, instruits que la calomnie ne cesse de nous déchirer auprès de l’Assemblée nationale ; qu’on n’a pas craint de noircir nos démarches les plus innocentes et même les plus louables ; qu’on a été jusqu’à supposer que nous adhérons aux délibérations prises par des catholiques assemblés dans les églises des Pénitents et des Jacobins, tandis que nous n’y avons eu aucune part, que nous les avons blâmées et que le silence que nous avons gardé à ce sujet n’a eu pour cause que la crainte bien fondée d’exciter des troubles dans une ville où régnait déjà une grande désu-(1) Voyez la requête présentée à l’Assemblée nationale le 23 août par Jeanne Bousauquet, yeuve A' Antoine Guiraud, voyageur d’une maison de commerce, dans laquelle requête elle demande justice de l’assassinat de son mari, que les nommés l’Enfer , 1 ’Aguillat père et fils, Batifort , Rebufat , Saussines de Sommicres, firent lever de son lit le mardi 15 juin, à 11 heures du matin, et massacrèrent à coups de fusil et de baïonnette. La veuve ayant porté plainte au ministère public, celui-ci n’a point voulu accueillir sa plainte, et on a menacé de la lanterne quiconque voudrait présenter requête à son nom. Il est essentiel que oeUe adresse soit lue eu entier. 339 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1791.1 nion entre différentes compagnies de la garde nationale. Intéressés à connaître toutes les inculpations clandestinement dirigées contre nous ; à nous justifier aux yeux de la nation et de st s augustes représentants, à dénoncer la pureté de nos principes, la lovauté de notre conduite, et à prouver que, fidèles à nos serments, nous nous sommes empressés d’exécuter et de faire exécuter les décrets de l’Assemhhe constituante, sanctionnés ou acceptés par le roi, nous officiers municipaux, nommons et dépuions M. Boyer, notre collègue, substitut du procure r de la commune, à l’effet de se rendre de suite à Paris, de nous y soutenir et défendre en corps ou en particulier auprès des députés de Nîmes à l’Assemblée nationale, de rendre compte de notre franche adhesion à tous les décrets de celte auguste diète; tics dangers que nous avons courus dans leur exécution, de ceux auxquels nous somuv s exposas dans l’exercice continuel de nos pénibles fu idious pour lesquelles nous avons saciifié jusqu’à nos plus chers intérêts, et en conséquence de faire ions manifestes, mémoires, adresses et tous autres écrits que M. Boyer jugera convenables et nécessaires pour mette en évidence nos vrais principes, notre attach ment inviolable à la Constitution, nos vœux et notre patriotisme; enfin, de p'ésenter un tabbau exact des (roubles qui ont agité notre ville, en remontant à leurs véritables causes. Fait à Nîmes, le 31 juillet 1790. Signé: Du Roure, Razoux, D. M. Former, Fer-rand-Demissul, Pontier, Grelleau, officiers municipaux. Extrait de l'acte signifié le 15 mai 17Q0 à la requête du procureur de la commune de Mmes à M. Brunei de La Bruyère , procureur du roi , en la sénéchaussée et présidial de Mmes. A été exposé à M. le procureur du roi, qu’il ne peut ignorer que le sieur Vidal se présenta chez lui, h er 14 mai, à environ 9 heures du soir, pour lui remettre un extrait en forme de la délibération prise par le conseil général de la commune de Nîmes le 13 du même mois, et que sur son refus et l’insistance du procureur de la commune, ce dernier lui dit qu’il voyait avec douleur que, dans une affaire aussi majeure, des actes d’huissier fussent provoqués, qu’il priait de nouveau M. le procureur du roi de dresser procès-verbal de ce qui venait de se passer, sous son offre de le signer et de rapporter le tout au conseil général de la commune: que M. le procureur du roi a insisté en ajoutant que ledit sieur procureur de la commune pouvait faire ce rapport verbalement; que ce dernier est sorti dans cet état à environ midi et demi ; et comme il désire de constater toos les faits ci-dessus rappelés, et de remplir ses fonctions avec autant d’exactitude qüe de zèle, à là requête dudit sieur procureur de la commune, j’ai offert à M. le procureur du roi un extrait en forme de la susdite dénonciation, avec déclaration qu’il luidénouceles faits contenus en icelle, qui sont : « Que des factieux projetèrent vers la fin du mois dernier d’exciter une querelle entre des citoyens, des bas-officiers et soldats du régiment de Guyenne, sous prétexte d’arracher à des volontaires des cocardes 'blanches qu’ils avaient toujours portées depuis la création de la légion. « Que quelques bas-officiers et soldats de ce régiment," malheureusement séduits, furent disposes par des liqueurs fortes à se livrer, le sabre à la main, à cette violence, ce qui eut lieu le dimanche, deuxième mai, sur le grand cours, vers les six heures du soir. a « Qu’au moment où l’action fut engagée, on tâcha d’attirer le régiment dans la querelle, en invitant les soldats à sortir des casernes et de la citadelle pour voler au secours de leurs camarades, et de les rendre ainsi complices, à leur insu, du massacre projeté. « Que des conspirateurs, postés dans les environs et armés, attendaient l’instant favorable pour se mêler parmi eux, et envelopper dans le massacre tous ceux dont ils voulaient se défaire. « Que comptant sur des secours étrangers, sollicités et promis, ils auraient sans doute porté leur s excès plus loin, si la vigilance des officiers municipaux, la fermeté et la prudence de MM. les olficiers du régiment de Guyenne n’avaient pas arrêté les progrès de l’insurrecti m, et si le cor ps du régiment, loin de se laisser entraîner, n’avait témoigné son indignation, et n’avait promis avec serment de livrer les coupables. « Que le 3 mai courant, une nouvelle émeute éclata sur la place des Récollets, alarma de nouveau les citoyens, et que les officiers municipaux s’y étant transportés pour faire cesser le désordre, un particulier tira deux coups de pistolet sur le groupe où ils étaient. « Qu’enfm pendant ces deux jours, des particuliers criaient dans les rue� que c’éiait le moment de couper la tête au maire, et de la promener par la ville au bo .t d’une baïonnette. » Sommant M. le procureur du roi de remplir les devoirs de sa charge, et à cet effet de faire administrer en témoins MM. Lacoste père, négociant ; Henri Lacoste; de Gueydon, capitaine de vabseau; Vumpère, greffier au bureau des hypothèques;' Turin, commis au greffe de la sénéchaussée; Chubaud, commis au contrôle ; le sieur Gastan, officier de la légion nîmoise; les sieurs Melquiqnd l’aîné, négociant; Gelse, négociant; Charles, le fils, négociant; offrant de faire administrer d’autres témoins lorsque ceux-là auront été entendus; offrant encore de se transporter chez M. le procureur du roi po m signer lu susdite dénonciation, à telle heure qui lui si ra indiquée; et eu refus ou défaut, par M. le procureur du roi, de faire le devoir de sa charge, il lui est protesté de tout ce que de droit, et lui ai baillé copie de cet exploit tout au long en lui offrant extrait en forme de la susdite délibération ; ledit Me Vidal ayant signé avec nous l’original et la copie, en parlant à la personne de M. de Brunei, trouvé dans son hôtel audit Nîtqes. Eu foi de ce, etc. QUATRIÈME ANNEXE. VÉRITÉS HISTORIQUES SUR LES ÉVÉNEMENTS ARRI-’ vés a Nîmes le 13 de juin et les jours suivants, publiées par le club des amis de la Constitution. Les événements qui ont affligé la ville de Nîmes le 2 de mai ont pour époque la publication du décret qui met dans les mains du district l’administration des biens ecclésiastiques. Les mal-